samedi 14 avril 2018

Mes voisins


On prend plaisir à afficher ses nombreux amis, ses relations professionnelles innombrables, ses liens multiples dans les réseaux sociaux, ses fréquentations dans les milieux associatifs, culturels, artistiques. On est tellement ouverts, curieux, sociables, attentifs et ouverts aux autres.


Mais ceux dont on ne parle presque jamais, même s'ils sont tout proches de nous et quotidiennement présents, ce sont nos voisins..., nos voisins d'immeuble ou de quartier.


Si on le fait, c'est plutôt pour en dire des horreurs. Le voisin, c'est souvent celui qui pose problème: il fait du bruit, on a les odeurs de sa cuisine, il  jette partout des papiers et mégots, il occupe deux places de parking, il est impoli. Le voisin, c'est souvent l'ennemi. Le voisin, c'est celui qui trace les limites de ma convivialité.


Habiter quelque part, trouver un logement, c'est aujourd'hui un grand problème; c'est presque angoissant car il y va de notre identité. C'est d'abord un lieu. En France, on me demande tout de suite où je vis. Ça permet de me situer, paraît-il: tu vis à Paris mais où à Paris ? Mais c'est vraiment difficile de trouver un lieu avec lequel on se sente en totale harmonie, un lieu qui nous corresponde, dans lequel on se sente protégé. On élit un quartier, une ville, principalement sur des critères sociaux pour retrouver des semblables. Mais la grande inconnue, même quand on est entre soi, ce sont les voisins. L'idéal, c'est une maison à l'écart sans voisins.


Les voisins, on les côtoie corps à corps mais ça n'est pas facile. On se méfie d'eux, on est suspicieux à leur égard. On colporte volontiers des ragots, des rumeurs à leur sujet. On craint qu'ils ne nous observent sans cesse, ne nous épient. Avoir un voisin qui soit un voyeur, c'est une hantise très répandue. Et puis, on a toujours un peu honte avec un voisin parce qu'il en connaît toujours un peu plus sur notre intimité que la plupart de nos amis et collègues. Au mieux, on vit avec ses voisins dans une relation de froide politesse, d'indifférence, mais ça peut mal tourner, devenir brutalement violent.


Tout ça n'est, bien sûr, pas très joli et j'exagère sans doute. Mais les haines les plus féroces, les querelles les plus violentes, puériles et innombrables, sont bien celles qui se tissent entre voisins. C'est devenu la forme moderne du conflit guerrier. Le voisin, c'est, vraiment, celui qui démontre qu'à rebours des apparences, je ne suis peut-être pas si sociable que ça.


Pour terminer, je préciserai tout de même que, pour ce qui me concerne, je ne rencontre pas de  problèmes avec mes voisins. Bien sûr, ce n'est pas comme dans un pays slave où les voisins viennent sans cesse en visite pour les motifs les plus futiles. Bien sûr aussi, je tais complètement mes origines de peur d'éveiller les soupçons (trafiquante, call-girl).
Mais au total, j'ai la chance de vivre en un lieu qui me convient, tout près du Parc Monceau à Paris. Mais j'ai aussi conscience que c'est un espace cloisonné, peut-être privilégié, en tout cas pas représentatif de la société française. Et puis, comme dans la plupart des immeubles aujourd'hui, c'est une espèce de bulle ultra-sécurisée (gardien, vidéo-surveillance, multiples codes d'accès, portes et fenêtres anti-effraction) et ça aussi, c'est angoissant. On se protège de plus en plus de tout contact avec l'extérieur, l'autre.


Tableaux de Paula REGO, artiste plasticienne portugaise née en 1935.

Ce post m'a été inspiré par l'excellent livre de la philosophe Hélène L'Heuillet "Du voisinage" paru en septembre 2016.

6 commentaires:

Nuages a dit…

Je n'ai pas eu de problèmes avec mes voisins, en général, sauf un étudiant, qui, pendant un an, recevait beaucoup de copains et ça faisait beaucoup de bruits, de coups, de chocs sur mon plafond ! Après quelques interventions énergiques et courtoises, et le soutien de ma propriétaire, il a fini par se calmer. L'actuel voisin, qui est là depuis quelques années, est à la fois presque silencieux et très courtois.

Mais j'évite d'avoir des relations trop chaleureuses ou proches avec mes voisins. Ils sont trop proches physiquement, tout simplement, par définition même, et j'ai besoin d'avoir une bulle personnelle, sans interférences extérieures.

Par ailleurs, vous avez vu que je peux publier de grandes images sur mon nouveau blog. Il suffit de choisir "taille originale" dans les options et ça marche très bien. Préalablement, je redimensionne toutes mes images à la taille voulue (par exemple 790 pixels de large pour les images rectangulaires, 650 pour les images carrées).

Anonyme a dit…

Ainsi faut être présents aux assemblées de la copropriété...
Briser la glace pour s'y abreuver!
Toute la différence entre les citadins et la campagne. On va draguer loin ... Alors qu'à portée de pas un cœur brûlant vous attend !
N'oubliez pas la fête des voisins :
https://www.sortiraparis.com/loisirs/articles/41080-la-fete-des-voisins-2018

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je n'ai moi-même pas de problèmes avec mes voisins mais il est vrai que je suis assez distante et que j'ai des horaires particuliers qui font que je ne les rencontre pas beaucoup.

Mais nous savons tous que c'est souvent très compliqué et que les relations de voisinage tournent souvent au vinaigre. Le voisin devient souvent un ennemi implacable et ça remet en cause nos belles convictions: on n'est pas si sociables, si ouverts aux autres que ça.

J'ai vu votre nouveau blog. En effet, vous avez réussi à recréer l'environnement skynet, y compris en ce qui concerne le dimensionnement de vos photos (ce que je ne sais pas faire). Félicitations !

Carmilla



Carmilla Le Golem a dit…

Merci Anonyme,

Je participe bien sûr, quand je le peux, aux réunions de copropriétaires. Mais je n'aime pas ces discussions infinies sur des broutilles. Et puis, les copropriétaires sont souvent d'une avarice sordide.

C'est ou très morne ou très conflictuel.

Quant à trouver l'âme sœur dans son voisinage immédiat, peut-être... mais je suis sceptique. Dans mon immeuble, il n'y a personne dans ma catégorie d'âge.

Quant à la fête des voisins, je ne suis pas contre mais ça relève quand même de l'injonction contemporaine à être heureux décrite par Philippe Murray.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

En effet on vit mieux avec ses voisins dans une relation de stricte politesse, d'indifférence à épiloguer sur la couleur du ciel, et d'éviter de bavarder de façon stérile bien souvent.

Chacun est différent et c'est à respecter...inutile que le voisin sache que j'aime le POMEROL et la citronnade glacée sans sucre l'été...et que je peigne des tableaux la nuit...

Mais pour ma part, ça ne peut pas mal tourner, il faut obligatoirement poser des barrières avec des voisins récalcitrants au "savoir vivre ensemble" formule qui ne tient que sur le papier...ou les réseaux sociaux.

Et puis mon meilleur voisin ...c'est moi.

Humour.

Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Vous auriez du mal à vivre dans un pays slave parce que là-bas, même si les choses changent un peu, vos voisins s'invitent continuellement chez vous.

C'est pour ça que je vais généralement à l'hôtel.

Bien à vous,

Carmilla