samedi 28 mars 2020

De l'optimisme : "Le meilleur des mondes possibles"


Et si, malgré tout, nous vivions bien dans "le meilleur des mondes possibles".

Se poser cette question, c'est se voir tout de suite accorder un brevet même pas de naïveté mais de stupidité profonde, de bêtise cyclopéenne.

Et puis quel tollé, quelle indignation ! Comment peut-on être à ce point aveugle à la misère et la souffrance du monde, à ses injustices, à sa violence  ?


La formule, on le sait, a été développée par le philosophe-mathématicien Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) puis raillée, ridiculisée, par Voltaire dans "Candide". Ça explique qu'on ait aujourd'hui, en France, une vision généralement négative de Leibniz.


Pourtant, quitte à passer pour une idiote complète, j'ai tendance à me ranger du côté de Leibniz, à adhérer à son inébranlable optimisme. Surtout en ces temps lugubres où un peu d'air vif, de motifs d'espoir, ne sauraient nuire. Il faut ainsi rappeler que Leibniz a développé sa pensée au lendemain d'une époque effroyable qui a ravagé et ruiné l'Europe et bouleversé les mentalités : la guerre de 30 ans (1618-1648).

Et puis, j'en ai tellement marre de tous ces "déclinistes", de ces "collapsologues", de tous ces prophètes de malheur, de tous ces écolos bêtas et intolérants, qui nous empoisonnent la vie. Il est plus que jamais temps de l'affirmer : l'humanité progresse à grands pas et tout porte aujourd'hui à l'optimisme.


Leibniz, je ne veux bien sûr pas me faire passer pour une spécialiste de sa pensée. Ses écrits philosophiques ("la Monadologie", "Les Essais de Théodicée") m'ont plutôt refroidie. Mais il était surtout un génie universel (polyglotte, grand voyageur, ingénieur) et notamment un mathématicien révolutionnaire : la numération binaire et le calcul infinitésimal (différentiel et intégral), c'est lui. Ça me parle davantage et j'ai tendance à penser que ceux qui se sont contentés de lire ses œuvres philosophiques ne l'ont sans doute pas entièrement compris.


J'ai personnellement découvert Leibniz à l'occasion d'un bref séjour, il y a quelques années, à Hannover (Hanovre) en Allemagne du Nord, une région que j'aime particulièrement. Il a été, pendant 40 ans, bibliothécaire et Conseiller à la Cour du Duc de Brunswick. A Hannover, il faut absolument visiter  les magnifiques "Jardins de Herrenhausen". C'est là, qu'en m'y promenant, j'ai appris que Leibniz les arpentait régulièrement, il y a près de trois siècles, en compagnie de la jeune duchesse Sophie-Charlotte de Hanovre, une jeune femme elle-même remarquable avec la quelle il a sans doute entretenu un amour platonique.


Trois siècles, ça semble nous renvoyer à des temps préhistoriques, à une pensée balbutiante. Pourtant, sans qu'on s'en rende généralement compte, le monde est devenu brusquement, depuis une cinquantaine d'années, leibnizien. On est tous ses héritiers à chaque fois qu'on allume son ordinateur ou son smartphone ou qu'on échange en ligne. Leibniz est le précurseur de l'informatique, d'Internet, des réseaux sociaux, de la mondialisation (il avait plus de 1 300 correspondants dans le monde entier).


Les algorithmes, les supercalculateurs quantiques, la modélisation des phénomènes naturels, les "cartographeurs" de Google, c'est également lui. Pour Leibniz, la planète, le monde, est un vaste système, un immense réseau, dont tous les éléments sont connectés. Tout est interconnecté (un grand Internet avant l'heure), c'est son message essentiel.


Principal instrument de la révolution leibnizienne, la numération binaire utilisant la base 2 et reposant uniquement sur le 0 et le 1. Leibniz aurait été inspiré par la pensée chinoise, à la quelle il s'intéressait beaucoup, et la philosophie dualiste du Yin-Yang. C'est très bizarre, on ne commence à comprendre Leibniz qu'aujourd'hui : quand il a développé cette nouvelle méthode de calcul binaire, personne n'en a vu l'intérêt et lui-même a renoncé à la mettre en pratique. Il faut dire qu'à l'époque, la plupart des gens avaient déjà bien du mal à se débrouiller avec la numération décimale et que nombre de grands esprits, tel Goethe, savaient à peine effectuer de simples calculs.


Et même aujourd'hui, qui perçoit toutes les implications du "tout binaire" et de la révolution dont la formule est porteuse ? Qui s'intéresse d'ailleurs vraiment aux chiffres et aux nombres, qui les aime, leur voue une passion ? La numération binaire apporte pourtant une simplification radicale qui permet non seulement de concevoir des calculateurs très puissants mais surtout de traduire l'homme et le monde en formules mathématiques. Et à partir de là, d'algorithmiser la pensée elle-même, ce qui inquiète bien sûr mais ouvre également des horizons vertigineux.



Pour Leibniz, au commencement, si l'on peut dire, était le nombre, le zéro et le un. Il faut ainsi avoir la vision d'un Dieu calculateur.

Le monde se fait quand Dieu commence à calculer à partir du néant, à partir du zéro, quand Dieu crée le 1. La création toute entière est à partir de là calculée, structurée par des nombres et des formules. Mais quand on fait marche arrière, quand on la décompose, il ne reste toujours que soit le 1 soit le 0.

On se situe évidemment bien loin de la simple conception chrétienne. Peu importe en fait, la question de l'origine, divine ou profane, du monde : il s'agit avant tout, avec le langage mathématique, d'en comprendre les lois et les principes. Il s'agit d'éradiquer les erreurs et la confusion, de calculer avant d'argumenter.



 Le réel est mathématique et le monde, l'ensemble du vivant, se donne comme un grand livre ouvert qui peut être transcrit en chiffres et en symboles. On peut même légitimement envisager de l'analyser pour le comprendre dans sa totalité et pouvoir le rendre meilleur..

Je trouve absolument fascinante cette théorie du tout binaire. D'abord parce qu'elle est confirmée aujourd'hui par la science et l'étude des lois de fonctionnement de l'esprit humain, du langage, des échanges sociaux : tout repose sur des différences, des couples d'oppositions. Et surtout parce qu'elle marche, qu'elle fait chaque jour la preuve de son extraordinaire efficacité avec la révolution informatique.

 
Cela est généralement mal perçu mais nous sommes engagés, depuis quelques décennies, dans un bouleversement majeur qui est porteur d'espoir et d'optimisme : le monde va devenir transparent ! Il est en effet possible de découper notre monde en données binaires, en de minuscules détails tous reliés entre eux. On peut ainsi procéder à un inventaire infini. Le monde devient une somme d'adresses, un méga-fichier I.P., dont chaque détail, chaque événement, devient localisable, identifiable.


Un monde transparent, sans flou ni approximations. C'est vraiment le matin des mathématiciens !

C'est pour cette raison que l'on peut affirmer que l'on vit bien dans "le meilleur des mondes possibles". Notre monde a été préféré à une infinité d'autres mondes possibles et c'est Dieu qui, dans sa sagesse, en a décidé ainsi en le dotant et l'agençant de lois et de principes rigoureux.


Il nous appartient, à nous Humains, de découvrir et d'analyser ces Lois et ces principes pour rendre le monde meilleur.

"Le meilleur des mondes possibles", ça signifie donc que le monde existant n'est pas le meilleur dans l'absolu mais le moins mauvais.


Tout n'est évidemment pas parfait, au mieux, quand on regarde dans le détail : les injustices, la souffrance, la violence font, il faut le constater, le lit de la condition humaine.

Mais si on considère la totalité des choses, le monde vivant, passé et à venir, dans son ensemble, on ne peut que conclure à leur harmonie.


Certes le Mal fait partie des possibles, le monde ne peut jamais être parfait, l'homme peut prendre de mauvaises décisions. Mais il est aussi un être rationnel qui dispose d'une faculté inaliénable : la vertigineuse liberté de choisir.

Mais si le Mal fait partie du monde, c'est parce que sans souffrance, il n'y aurait pas de joie, sans guerre, il n'y aurait pas de paix, sans être, il n'y aurait pas de devenir.

Internet, c'est vrai que c'est la surveillance généralisée et la haine déversée sur les réseaux sociaux, mais c'est aussi un accès universel à la connaissance. Et c'est cela le plus important : Internet contribue malgré tout à améliorer nos vies, à nous rendre plus éduqués, plus moraux.


Si Dieu avait exclu le Mal, nous serions déjà parfaits, nous aurions déjà atteint le but ultime. Mais nous vivrions alors dans un monde à l'arrêt, immobile, sans doute sinistre, sans saveur et probablement terrifiant. Avec le Mal, nous sommes dans l'obligation de nous renouveler sans cesse, d'être en perpétuel mouvement pour essayer d'améliorer le monde. Avec le Mal, nous disposons d'une continuelle liberté de choix.

Le Mal est, en quelque sorte, moteur du monde. C'est pour cela qu'il est aussi porteur d'espoir. Le Mal incite finalement à l'optimisme.

Images (sauf la 1ère et la 7 ème) du célèbre dessinateur de BD Jean GIRAUD (1938-2012) alias MOEBIUS.

J'imagine que ce post pourra être jugé fumeux, prétentieux, hors de propos. Parler de Leibniz en quelques lignes, à une époque aussi déprimante... Tant pis ! J'ai surtout voulu exprimer mon indécrottable optimisme et mon amour des chiffres.

11 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.

Félicitation et merci pour ce texte.

« Il faut avoir une image de soi extrêmement forte pour tenir dans un monde qui n'aspire qu'à vous faire taire. »

Sylvie Simmons

Qui est Sylvie Simmons ? C'est la biographe, celle qui a écrit : La vie de Leornard Cohen, ce grand poète canadien, qui n'a pas toujours été compris. On conviendra qu'il n'est pas le seul à n'avoir pas été compris. Il faut dépasser les frasques de l'homme, parce que sa manière de penser et surtout de réfléchir devient séduisante. Vous allez sans doute m'objecter : que vient faire Leornard Cohen dans le jardin de Siegfried Wilhen Leibniz ? Pourquoi se serait seulement le jardin de Leibniz ; n'avons-nous pas là, deux jardiniers différents dans le même jardin ?

Je pourrais mettre dans la bouche de Cohen les paroles de Leibniz :

Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ?

Personnellement cette phrase me fascine.

En même temps que je lis la biographie de Cohen, je lis sa poésie, le tout complété par le livre de Harvey Kubernik sur Cohen qui serait un genre de biographie photographique.

Je profite de la situation présente pour plonger dans l'univers déstabilisant de Cohen, et vous, vous arrivez avec Leibniz. Franchement, le monde est plein de surprises, ce que j'aime bien.

« Tu a été conquis par ceux qui savent conquérir sans se montrer. »
Leornard Cohen

Le livre des désirs

Page -17-

Ceci n'est que le début du commencement

Bonne fin de journée

et comme le disait le poète Richard Desjardins

« On va se reparler. »

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ce rapprochement avec Léonard Cohen n'aurait sans doute pas déplu à Leibniz pour qui tout est interconnecté.

Léonard Cohen, je connais bien sûr et j'aime assez mais je ne peux pas dire non plus que je m'y retrouve complétement. Ses pendants à l'Est, c'est pour moi Vladimir Vissotsky et Ewa Demarczyk.

Quant à Leibniz, je précise à nouveau que je n'en suis pas du tout spécialiste mais je me suis intéressée à la numération binaire et au calcul infinitésimal (sans non plus être une spécialiste). Peut-on réduire le monde au 1 et au 0 ? Le monde est-il mathématique ? On a chaque jour une confirmation de ces hypothèses. Jusqu'où ira-t-on ?

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Le meilleur des mondes possible...Vraiment ?

Bonjour madame Carmilla.

Je me suis levé vers 4 heures ce matin avec une irrésistible envie d'aller marcher. Félix Leclerc a écrit un petit livre très inspirant qui s'intitule : Pieds nus dans l'aube. Je ne suis pas allé marcher pieds nus dans l'aube par tout juste deux degrés. Botte au pieds, veste doublé, je suis aller jouer le funambule sur la ligne jaune. Personne, pas une voiture, pas un être humaine, la solitude intégrale, la joie d'une plénitude sans limite. Rien de plus inspirant. Le Chemin De La Rivière, pour moi tout seul.

Le meilleur des mondes possibles...Vraiment ? Si ce monde était le meilleur des mondes possibles, nous les humains, on ne s'acharneraient pas à l'améliorer. Ça c'est la réponse baveuse. Nous sommes probablement dans le meilleur des mondes possibles pour évoluer, voilà qui est plus difficile, mais aussi, beaucoup intéressant et stimulant. J'ai hâte de connaître toutes les découvertes que nous ferons sur ce virus. La chose n'est pas si simple. Tabler sur un vaccin va prendre des mois, à moins de prendre des risques de tourner les coins ronds.

Vous émettez Carmilla à la fin de votre commentaire plusieurs questions, où l'humain est tenté de tout réduire aux mathématiques comme si c'était la solution incontournable. Nous avons évolué dans ce sens, mais qu'en aurait-il été si nous avions laissé d'autres civilisations comme les Aztèques ou les Mayas, ou encore les Indiens d'Amérique du Nord, parvenir jusqu'à nos jours ? Nous oublions souvent qu'il n'y a pas une seule et unique évolution, et que l'évolution peut prendre de multiples directions. Pour reprendre une autre de vos interrogations, est-ce que nous pouvons réduire le monde à un 1 et un 0 ? Je ne le pense pas. À ce chapitre, pourquoi avons-nous inventé le langage ? Nous pourrions inventer de multiples langages. Pourquoi, certaines civilisations ont inventé la roue pendant qu'à la même époque, sur un autre continent, les gens n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était une roue. Même chose pour l'invention du 0 dans les mathématiques, cela na pas été si simple. Comment donner une valeur à rien ?

Tout va dans des directions multiples et ce n'est jamais totalement tranché et définitif. Ce qui rend des personnages comme Cohen et Leibniz intéressants, parce qu'ils allaient dans toutes les directions. J'y reviendrai...

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Effectivement, "le meilleur des mondes possibles", ça ne signifie pas qu'on vit dans un monde parfait. Il faut chercher sans cesse à l'améliorer car le Mal en fait partie. C'est pour cela qu'on ne vit pas à l'état immobile.

Quid dans d'autres civilisations ? Il y a quand même encore une certaine pluralité. Le monde n'est pas entièrement uniformisé. Mais il y a quand même bien un substrat commun à toutes les sociétés humaines : celui de la pensée rationnelle même si celle-ci trouve des expressions diverses.

L'invention du Zéro est bien en effet à l'origine du monde moderne. Le tout mathématique, le tout binaire ? C'est en effet une grande interrogation. Jusqu'où ira-t-on ? Que n'arrive-t-on à numériser aujourd'hui ? L'image, la musique, le son, ça ne pose déjà plus de problème. Dans le domaine de la reproduction, on arrive presque au terme. C'est la création, l'Art, l'émotion qui échappent encore au Zéro et au Un.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !

Quelle est votre situation présentement ? Comment vivez vous votre isolation ? J'espère que vous êtes en sécurité, que vous ne manquez pas de provisions ? D'après les dernières nouvelles en France, la situation semble difficile. Quatre cents décès hier, il me semble que c'est beaucoup. Cela doit être étrange d'habiter un Paris désert et silencieux.

Je connais mal Leibniz, un peu mieux Cohen. J'ai été impressionné que Leibniz s'est inspiré du Yin-Yang, pour aboutir à ses réflexions mathématiques. Si nous avons tendance à tout concevoir en binaire ; est-ce que nous pourrions perdre l'inspiration ? Avec notre manière de tout prévoir de chasser le hasard de nos existences ; est-ce qu'on perdrait quelque chose ? Une espèce de sensibilité, des manières de sentir, d'imaginer, parce qu'il ne faut pas oublier que bien des découvertes scientifiques ont été les fruits du hasard. On cherchait une chose, puis par accident, on en a découverte une autre. Et dans le domaine des sentiments, c'est encore plus probant. Ne tombe-t-on pas en amour par hasard ? Vous pouvez faire des rencontres virtuelles, puis vous arranger pour rencontrer cette personne, mais rien ne dit que dans ce hasard virtuelle fruit de la technologie, que les sentiments seront présents. Vous pouvez tourner un coin de rue en pensant à autre chose et tomber dans les bras d'une personne inconnue, et c'est le cas de le dire, tomber en amour. Est-ce qu'on en arrivera au point où nous pourrions complètement supprimer le hasard ? Peut-être que se serait dommage ? Aurions-nous encore besoin des poètes comme Gilles Vigneault ou Leonard Cohen et tant d'autres. J'achève la lecture de sa biographie et je trouve qu'il s'est donné beaucoup de misère dans sa vie, mais je sais que vers la fin, quelques années avant sa mort, il a trouvé la plénitude après une vie d'errance physique et intellectuelle. Est-ce que Leibniz a trouvé la plénitude dans sa vie ? Avait-il des sentiments ? Pourriez-vous me recommander une biographie de Leibniz ? Lorsque cette crise sera terminée, je pense que cette lecture m'intéressera au plus haut point.

En parcourant hier : The Flame par Leonard Cohen, j'ai trouvé ce bout de phrase qui est bien autre chose que du sentimentalisme :

« L'amour authentique est ce qui arrive entre deux personnes qui n'ont plus besoin de se connaître.

Leonard Cohen
The Flame

Page -300-

Bonne nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Pour le moment, moi ça va, je ne suis pas encore contaminée. Mais l'ambiance est lugubre. Je devrais en parler brièvement dans mon post de samedi matin. Je deviens même pessimiste. Avant que les choses ne reviennent à la normale, que l'on puisse circuler sans risques, il faudra attendre de longs mois, jusqu'à l'hiver prochain dit-on. Du coup, il devient impossible de faire des projets.

Leibniz, je n'en sais sans doute pas beaucoup plus que vous. Disons que je suis allée à Hannovre et que je me suis intéressée à la biographie de cet homme extraordinaire dont on commence seulement à percevoir aujourd'hui toute l'importance avec le tout binaire et la révolution informatique. Il faudrait aussi parler de l'importance du calcul infinitésimal. L'Histoire a été particulièrement injuste avec lui parce qu'à cause de Voltaire, il est souvent perçu comme un naïf. Des livres sur Leibniz, aujourd'hui je n'en vois pas trop. La plupart m'apparaissent à côté parce que trop concentré sur sa philosophie qui n'était qu'une partie de ses réflexions. Une bonne biographie avec le prolongement de sa pensée dans le monde moderne m'apparaît déjà plus instructive. Je réfléchis et je vous en reparle.

Bien à vous,

Carmilla

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,

Juste une remarque, si le monde devient transparent, comme une vitre , si tout est ainsi... n'est-ce pas les prémisses d'une dématérialisation finalement... le monde une vitrine transparente sur de la transparence...

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !
Ô ! Grande surprise au village et dans toute la région. Il y a eu un mariage discret à l'aurore, mais comme personne n'a été invité, tous étaient dans l'ignorance, qui plus est, comment savoir avec toutes ces mesures de confinent qui portent au silence et aux mensonges, que deux êtres avaient uni leur destin. Pour la saison et surtout dans les conditions actuelles qui étouffent le pays rien n'était moins prévisible. Le virus a convolé avec la neige. Naturellement la mariée était en blanc, tant qu'au virus on ne dit rien sur ses habits. Il est arrivé dans la pays dans le courant du mois de mars, on savait qu'il était arrivé parce que les gouvernements nous en avaient parlé, mais personne ne l'avait vu, on ignorait tout de sa physionomie autant que de ses intentions, on aurait dit un genre de Grand Survenant qui nous aurait pris par surprise. Il s'est installé à demeure au cœur d'une ville, certains l'aurait senti dans d'autres villages. Mais un Virus, ça sent quoi ? Même le grand Clophas, le meilleur pisteur entre les Montagnes de Stoke et le Dos Du Cheval Qui Rue, a dit à son ombre, pendant qu'il faisait bouillir son eau d'érable, qu'il n'avait rien senti dans sa dernière tournée de ses pièges à la fin du mois de mars. Nous pouvons nous fier à Clophas, parce que c'est un grand « senteux », non seulement il possède un bon nez, mais la rumeur coure qu'il perçoit les ondes autour de sa personne. Chose certaine, le virus s'est répandu, pourtant il n'y a pas eu de destruction physique, pas de bombardement spectaculaire, ni incendie, ni inondation, rien que du silence qu'on aurait pu ramasser à pleine main. Il s'est installé dans le pays, sans papier, sans passeport, la rumeur était sans visage. La neige a commencé à fondre. Les rivières ont débâclées. Finalement, la terre que nous avions cru disparu à jamais s'est insinuée entre les plaques de neige sale. Pendant que la vie renaissait, des personnes sont tombées malades, certaines décédaient, d'autres guérissaient. Des projets tombaient à l'eau, des usines fermaient, des entrepreneurs faisaient faillite, désemparé, sans projet, incapable d'errer dans nos confinements plus rien ne servait à rien. La raison avait perdu le nord. Puis, soudain, ce matin, nous nous sommes réveillés sous la neige, quelques centimètres comme une première neige toute mouillée et sans avenir qui blanchissent les champs à l'époque des laboures d'automne, qu'on s'empresse de terminer, alors que les socles des charrues fendent la terre pour la renverser dans des contrastes de blanc et de noir. C'est cette grisaille ce matin qui m'a ouvert les yeux et lorsque je me suis approché de ma fenêtre pour regarder la rivière. J'ai compris que le virus avait marié la neige. J'aurais bien aimé être invité à la noce...

Toujours sous la neige avec un peu d'inspiration et un vieux fond d'imagination...Bonne fin de journée Carmilla

Allez, allez...on va s'en sortir

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonne fin de journée Carmilla

L'important, pour le moment, c'est que les lignes d'approvisionnements en nourriture tiennent le coup, de disposer d'énergie disponible, et que les lignes de communications ne soient pas coupées, autrement, je pense que nous savons tous que la situation pourrait dégénérer.

Ce qui nous dérange c'est l'incertitude. Nous ne savons pas. Nous supportons difficilement notre ignorance en la transformant en angoisse. Ne plus pouvoir faire ce que nous étions habitué de faire nous coupe les jambes et l'inspiration. Nous constatons effarés que nos vie imprimée comme du papier à musique ne nous est plus utile à rien. L'évidence d'une autre manière de vivre nous déplaît souverainement. S'ajoute, une fin probable : la mort. La réalité vient de prendre une teinte lugubre. En humain que nous sommes, dans cette exercice de refuser l'évidence, nous essayons de nous convaincre, que la mort c'est pour les autres. Les virus c'est pour les Chinois. Nous oublions notre condition première de vulnérabilité, et surtout, que tous, autant que nous sommes, nous faisons parti à part entière de cette humanité, même si nous cherchons l'illusion de refuser notre part.

Je me contente du point de Presse journalier de notre Premier Ministre François Legault, c'est un type pragmatique, un gars de terrain comme nous disons ici. L'administration fine il connaît et dans les conditions actuels c'est un plus. Tant qu'à Justin Trudeau au fédéral, c'est le type des grandes politiques internationales, des négociations serrées, des visions d'avenir, de la diplomatie. Nous avons deux hommes aux commandes qui sont différents et dans les circonstance c'est une chance. Ce n'est plus le temps de la petite politique partisane, pas de temps à perdre avec cela. Tout ce qui compte, c'est de prendre des décisions éclairées pour le bien et la sécurité de tous.

Patience et longueur de temps, au final c'est tout ce qui nous reste. Il faudra encore se savonner les mains pendant un bout de temps, prolonger notre confinement, éviter les foules, veiller au ravitaillement. Je suis peut-être mal fait, mais je ne me suis jamais senti aussi bien. Je ne me suis jamais senti aussi solitaire mais libre que présentement. Oui, ma devise : Solitaire, mais libre ! N'oublions pas, nous vivons une aventure à la fois terrifiante, mais très stimulante. J'espère que nous en sortirons transformés comme je l'ai mentionné dans maintes de mes commentaires.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Anonyme,

Jusqu'où ira-t-on dans la transparence ? Arrivera-t-on à effacer toute opacité ?

Je me dis parfois que certains fragments de la vie échapperont toujours à la numération : l'indicible, la poésie, l'angoisse etc.... Mais nous ne sommes qu'aux débuts de l'informatique. Le projet Google d'immortalité consiste ainsi à télécharger bientôt (?) les données de notre cerveau.

On atteindra alors la dématérialisation complète de la vie. La transparence absolue, une vitre qui donne sur une vitre comme vous dites. C'est fascinant et angoissant car tout sera prévisible.

Mais la vie n'est-elle pas aussi surgissement, débordement, continus ? Ce qui abolit sans cesse les limites qui lui sont assignées, ce que Nietzsche caractérisait par le terme de volonté de puissance.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

En France, tous les mariages civils et religieux sont reportés. Seule exception : les mariages "in-extremis" dans les hôpitaux.

Mais je comprends bien que vous évoquez le mariage funèbre de la neige et du coronavirus.

C'est hélas un mariage qui risque de durer longtemps, dont on "fêtera", peut-être, les noces plusieurs années.

On n'a pas fini d'être sur ses gardes. La convivialité, c'est suspendu. On ne mesure pas encore toutes les conséquences de ce séisme.

Bien à vous,

Carmilla