samedi 12 septembre 2020

De la modernité : le pays des "bougres"


On parle un peu de la Biélorussie en ce moment mais quasiment pas de la Bulgarie où se déroulent pourtant des événements similaires avec des manifestations anti-gouvernementales importantes et répétées.

Il est  vrai que c'est une autre "Terra Incognita" de l'Europe évoquant tout juste en France le yaourt et des vacances au soleil bon marché sur des plages bordées d'affreuses barres d'immeubles à la soviétique.


Que savons-nous des anciens Royaumes bulgares disparus depuis si longtemps ? Ils ont pourtant englobé (au 10 ème siècle sous Samuel 1er) la totalité des territoires que l'on regroupe aujourd'hui sous le nom de Balkans, depuis Belgrade à l'Olympe et des bouches du Danube à celles de Kotor.  Il est vrai que l'Empire ottoman leur est tombé dessus très tôt (un siècle avant la prise de Constantinople en 1453) et que la Bulgarie ne s'est délivrée de son joug qu'en 1878 grâce au "Tsar libérateur" (Alexandre II de Russie).
 

On se préoccupe d'autant moins de la Bulgarie que le pays est en plein effondrement démographique. Sa population était de 9 millions d'habitants en 1989; elle n'est plus que de 7 millions aujourd'hui et ne devrait pas dépasser 5 millions en 2050. C'est un record du monde de déclin sous les effets d'un très faible taux de natalité et d'une émigration massive.  Un étonnant "suicide collectif". C'est comme si la France ne comptait aujourd'hui que 45 millions d'habitants au lieu des 67 millions actuels.



Pourtant, on doit beaucoup de choses à la Bulgarie et on en est les héritiers sans le savoir.

Sait-on d'abord que le mot "bulgare" a donné en français le mot "bougre" désignant un hérétique, un débauché, un homosexuel ? Voilà comment on considérait les Bulgares au Moyen-Age, comme des sodomites et des impies. Des gens qu'on ne connaissait pas et dont il fallait donc se méfier. Il est vrai qu'aujourd'hui, les "déviants", on n'aime pas trop, on retrouve en fait, un peu, l'Esprit du Moyen-Age : on est de plus en plus moraux, on chante de moins en moins les délices de la transgression, on ouvre de nouveaux Enfers dans les Bibliothèques. Mais tout de même : est-ce que de tels mécréants ne suscitent pas un certain intérêt, voire sympathie ?


Personnellement, ce que j'aime bien dans la Bulgarie, c'est un étonnant mélange-croisement d'Orient et d'Occident.

Ce sont d'abord les paysages : lorsque j'ai atterri, pour la première fois, à Sofia, j'ai été émerveillée par son environnement montagneux et le Mont Vitosha qui la surplombait. Des rues étroites qui explosaient subitement en s'ouvrant sur l'espace immense d'un sommet étincelant, quelquefois neigeux : je me suis crue revenue à Téhéran.

Il est vrai qu'après j'ai un mauvais souvenir du début de mon séjour. Compte tenu de la proximité des langues, je me suis déclarée Russe. J'ai alors eu droit à une longue soupe à la grimace, à des visages renfrognés, à des mots désagréables quand on daignait me répondre, à des attentes infinies dans les restaurants et cafés puis à une pitance infecte servie dans un coin près des toilettes. Et il est vrai que, dans l'espace public, les Bulgares sont à peu près aussi sombres et aussi peu souriants que les Russes. Mais je ne leur en veux pas et ça m'a servi de leçon. Je sais bien que ce n'est pas pour rien que les Russes se sentent, à peu près partout, mal aimés. Tout a magiquement changé quand j'ai déclaré que j'étais Française et que je me suis mise à parler anglais.

Et puis la Bulgarie c'est un véritable point de passage entre les cultures.Le meilleur exemple, c'est le Manichéisme. C'est via la Bulgarie et en provenance d'Iran qu'il a été introduit, à la fin du 10 ème siècle par le Pope Bogomile qui allait fonder une véritable secte, celle des Bogomiles. Le Manichéisme bulgare, étroitement issu du Zoroastrisme, allait ensuite essaimer en Europe, durant tout le Moyen-Age, jusqu'au Languedoc, en pays cathare. Ça n'a rien d'une petite anecdote, d'une jolie histoire entièrement effacée. C'est même complétement d'actualité. Il faut en effet le reconnaître : le Manichéisme devient la hantise du monde moderne, c'est notre héritage bulgare. On est de plus en plus manichéens, binaires, on aime les oppositions franches et exclusives : les riches et les pauvres, les oppresseurs et les victimes, les hommes et les femmes, les criminels et les braves gens, les fous et les gens sains. De plus en plus, on revendique son appartenance au camp du Bien, on fait partie des "Purs", on déplore l'effondrement de l'Europe.


Surtout, la Bulgarie, c'est le pays des Lettres, de l'écriture. Les Bulgares s'enorgueillissent  ainsi de la création (étroitement liée à l'adoption du christianisme) de l'alphabet cyrillique à la fin du 9 ème siècle (par les moines Cyrille et Méthode). L'alphabet cyrillique, il n'est donc pas russe à l'origine mais bulgare. Je ne peux pas dire que je trouve ça une invention prodigieuse tellement je trouve ça simple et facile mais je suis peut-être mal placée pour juger. Disons que je trouve peut-être l'alphabet cyrillique plus joli, plus esthétique, plus énigmatique que l'alphabet latin. Quoi qu'il en soit, ce qui est important c'est qu'il y a tous les ans en Bulgarie, le 24 mai, une "Fête des Lettres" dont les participants brandissent chacun une lettre de l'alphabet. Je trouve ça merveilleux : un antidote à la confusion actuelle des valeurs.


Dernier "apport", si je puis dire, de la Bulgarie au monde moderne, c'est l'invention du terrorisme. Il faut dire qu'au lendemain de sa "libération", l'histoire politique et géographique de la Bulgarie a été mouvementée, faite de conflits incessants avec ses voisins (Serbes, Roumains, Grecs, Turcs). Alors, pour régler les problèmes, notamment dans la décennie 1925-1935, on s'assassinait tranquillement dans les rues, les cafés, les salles de spectacle. A Sofia, il y aurait ainsi eu de 20 000 à 30 000 morts. L'arme favorite, c'était le pistolet. Si un ministre déplaisait, on ne prenait pas la peine d'un débat parlementaire, on l'assassinait simplement. Inutile de dire que ça pouvait donner lieu à des soirées entre "amis" particulièrement animées. Quand on arpente aujourd'hui les rues tellement paisibles de Sofia, on ne peut pas s'empêcher de penser à ces "criminels de grand style", ces meurtriers élégants arborant une tenue de soirée.

Images de l'artiste bulgare le plus connu au monde : CHRISTO (1935-2020). C'est révolutionnaire et merveilleux. Une transfiguration de l'objet d'art qui rencontre, étonamment, une véritable adhésion populaire.

Deux autres célèbres Bulgares : Julia Kristeva (1941) et Tsvetan Todorov (1939-2017).

Julia Kristeva, c'est très fort, éblouissant d'érudition mais elle écrit avec du plomb et chacun de ses livres est un abominable pensum. Bizarre pour une psychanalyste d'avoir une écriture à ce point défensive, blindée. Ses deux livres autobiographiques, "Les Samouraïs" et "Je me voyage", sortent heureusement du lot et sont même très recommandables.

Todorov, en revanche, j'aime beaucoup notamment : "La littérature en péril", "La peur des barbares-au delà du choc des civilisations", "Les ennemis intimes de la démocratie", "La tentation du Bien est beaucoup plus dangereuse que celle du Mal".

Sur le terrorisme en Bulgarie, on peut se reporter au livre d'Albert Londres : "Les Comitadjis"

Le grand écrivain bulgare, c'est par ailleurs Ivan Vazov (1850-1921). A ma grande honte, je n'ai pas lu.
J'ai quand même lu récemment deux écrivains bulgares contemporains à l'humour féroce que je recommande, à nouveau, vivement :

- Sibylle Lewitscharoff : "Apostoloff"
- Elitza Gueorguieva : "Les cosmonautes ne font que passer"

On peut mentionner enfin Elias Canetti (1905-1994), prix Nobel de littérature 1981. L'auteur de "Masse et Puissance" est né à Ruse, ville-frontière bulgare (avec la Roumanie) sur le Danube. Il évoque son enfance bulgare (jusqu'en 1911) dans "La langue sauvée - Histoire d'une jeunesse". 

15 commentaires:

Richard a dit…

« Je trouve simplement que ce n'est pas le moment d'avoir un enfant. Ce n'est pas un monde sûr dans lequel on peut inviter un enfant. »
Kim Leine
L'abîme
Page -222-

Bonsoir Carmilla !

Pour un étonnant suicide collectif faut avoir de bonnes raisons, ou peut-être pas de raison du tout. Si on ne veut plus donner la vie dans un pays, c'est que celui-ci est invivable. Ce qui ne semble pas être seulement le cas des bulgares. Les russes présentement en sont où avec leur démographie ? Eux aussi ont eu un recul de population. Avec tous les événements qui surgissent dans les pays de l'Europe de l'Est, on dirait que ces sociétés baignent dans un certain cynisme. Est-ce que cette Europe de l'Est, dont vous nous parlez si souvent a encore un avenir ? C'est une question bien légitime que je me pose lorsque je vous lis. Cela n'a pas l'air beaucoup mieux en Roumanie au nord. C'est quoi cette stagnation ? Comment l'expliquez-vous ? On dirait que ces nations ne sont jamais parvenues à sortir de leur marasme. Lorsque les conditions économiques sont difficiles, ce que nous avons connus en Amérique entre 1929 et 1939, le nombre de naissances a chuté. Il n'était plus question de mettre des enfants au monde dans la misère.

Je ne suis pas sûr que nous soyons plus moraux ; nous sommes peut-être encore plus hypocrites. Ce n'est plus de la transgression, mais du vice.

Il faut sans doute être élevé dans cet alphabet cyrillique pour trouver cela simple et facile. Lorsque je regarde un texte en cyrillique, même si j'y trouve un certain caractère artistique, je me sens très loin pour ne pas dire complètement perdu.

Tant qu'au meurtre, ça je connais, j'ai lu sur cette période, ça reste une terre de violence, et souvent devant une paix fictive, le feu couvre en dessous. Nous sommes bien placés présentement en Amérique, lorsqu'on observent nos voisins qui se tirent à qui mieux mieux dans les rues sur un fond de démocratie crasseuse, où la violence prend le dessus sur la crise sanitaire comme si cette dernière n'existait pas. Bien sûr le tout sans les criminels de grand style.

Aujourd'hui, on reconnaît le Danemark comme le meilleure pays au monde, le pays où l'on vit le plus heureux. Pourtant, il n'en n'a pas été toujours ainsi et Kim Leine en témoigne dans ses livres. Tant qu'à L'abîme que je suis en train de lire, il me rappelle une autre lecture : La fabrique des salauds par Chris Kraus. On dirait une certaine parenté entre ces deux romans.

J'ai commencé avec un citation de Leine et je vais terminer par une autre du même auteur.

« Chaque homme est son plus grand mystère. »
L'abîme
Page -309-

Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.
Après un été particulièrement torride, dans la dernière semaine du mois d'août, la chaleur a disparu et le froid s'est installé. Nous avons même connu des températures qui avoisinaient le point de congélation, (0,8 degrés dans la nuit de vendredi à samedi dernier). Je souhaitais encore un peu de chaleur afin de prolonger les jardins. Ce qui nous rappelle que la tomate c'est une plante subtropicale, et que pour les Québécois, c'est un genre de pieds-de-nez à notre court été et à notre hiver si long. Cette année, pour cette plante de fut un été grandiose. Ce fut la même situation pour les concombres. La production a été tellement bonne que nous nous sommes écœurés d'en manger. Par contre nous avons assistés à des phénomènes jamais vus, ce fut très mauvais au niveau des haricots, habituellement ça vient tout seul. J'ignore si c'est la chaleur ou encore les périodes de sécheresses intenses que nous avons vécues. Les poivrons non plus n'ont pas été un succès. Par contre la maïs qui était parti en retard s'est rudement bien rattrapé au cours de la saison. J'ai récolté mes premières pommes de terre hier, pour m'apercevoir, que certains variétés de rouges n'avaient pas produit comme d'habitude ; mais pour les (russets) blanches, la récolte est excellente. C'est étrange, dans la même surface cultivée, deux variétés différentes, qui donnent un rendement différent. Ce qui me laisse penser, que j'ai hâte de voir les rendements en céréales dans les grandes cultures, comme le soya, l'orge, le maïs grain, je crains que la longue période de sécheresse du printemps dernier affectera les rendements à l'acre. (2.5 acres pour un hectare). Un matin, je me suis levé, et j'ai constaté quelques feuilles jaunes dans les érables, puis, jour après jour, les feuilles vertes ont tournées au jaune, au rouge, à l'orange. Ce n'est qu'un début, parce que c'est encore verts à 80 %, mais, cette année, il me semble que le changement est tôt et rapide, sans doute que le temps m'échappe, et que mon esprit est resté collé dans les chaleurs du mois d'août dernier. L'équinoxe d'automne c'est juste le 22 septembre prochain ! Personnellement, je suis entré dans le ravissement, ma saison favorite vient de débuter. Je vais commencer cette semaine à faire des randonnées ne forêt. L'ouvrage ne manquera pas avec tous les arbres renversés ou bien secs morts debout. Il faudra que ma jambe suive. Je me souhaite un automne long avec de belles lumières obliques entre les nuages, du temps frais, et des pommes fraîches en quantité. Loin des élucubrations du monde entre la crise sanitaire et les feux de forêt sur la côte ouest américaine dans le maelström d'une campagne électorale américaine déjantée, où bien des électeurs Républicains seront obligés de se boucher le nez pour aller voter, je profite de ma paix. Je vais m'en rappeler de cette année 2020, assis sur ma bûche, et dire qu'il nous reste encore des zones de turbulences à traverser. Le tout par un dimanche matin couvert à 17 degrés, ce qui devrait être le maximum aujourd'hui.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Les prévisions démographiques sont en effet assez sombres pour l'ensemble des pays de l'ancienne Union Soviétique et de ses satellites. Mais la tendance est ancienne, antérieure à la chute du communisme.

Je suis un peu étonnée par votre appréciation concernant ces pays : "invivable". C'était peut-être le cas autrefois, du temps de l'URSS, mais je vous assure que la vie y est devenue, pour l'immense majorité, agréable et beaucoup plus facile. Y vivre ne m'y poserait personnellement aucun problème.

Je ne dirais vraiment pas que la vie en Europe Centrale, et même en Russie, est aujourd'hui beaucoup plus difficile qu'à l'Ouest. On y trouve en outre une convivialité et chaleur humaine inexistantes dans le reste de l'Europe. Simplement, les règles du jeu ne sont pas tout à fait les mêmes.

Certes, il existe encore un écart de niveau de vie mais celui-ci est en passe d'être comblé dans de nombreux pays: Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Etats Baltes. Même en Roumanie, Bulgarie, la croissance économique est forte. Quant à la Russie, Moscou et Saint-Pétersbourg n'ont rien à envier aux grandes villes occidentales.

Alors pourquoi la démographie est-elle, là-bas, en berne ? Contrairement à l'idée reçue, ça n'a rien à voir avec des craintes pour l'avenir ( d'ailleurs plutôt positif pour ces pays). Les démographes ont mis cela en relation avec le statut des femmes et leur éducation. Les femmes sont, là-bas, plus autonomes, plus indépendantes, plus diplômées et davantage insérées dans le monde professionnel (toutes ont un emploi). Ce sont un peu des sociétés matriarcales et les femmes, là-bas, souhaitent vivre leur vie et n'ont donc guère envie de s'encombrer de plusieurs gosses. Cette explication m'apparaît plus juste et pertinente. Les femmes des pays de l'Est ont simplement quelques années d'avance sur celles de l'Ouest (où la démographie commence aussi à s'effondrer).

C'est vrai que "L'abîme" rappelle furieusement "La fabrique des salauds". C'est la même structure (centrée autour de 2 frères héros et monstres) et la même temporalité (les deux guerres mondiales). L'un des auteurs s'est évidemment inspiré de l'autre. Le quel ? Il est à noter que Kim Leine a publié son livre avant Chris Kraus.

A Paris, l'été a été abominablement chaud et, malheureusement, ça se poursuit cette semaine. Le climat parisien commence à me poser problème: pas d'hiver et des étés caniculaires.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !
Il appert, que vous avez raison. Lorsque les femmes sont diplômées, elles n'ont pas envie de se retrouver avec de nombreux enfants et c'est universel, c'est la même situation pour toutes les femmes qui font des études. Par contre, lorsque vous avez une chute démographique, c'est beaucoup plus que seulement le refus de faire des enfants afin de profiter d'un certain essor économique. Vous le mentionnez, la tendance est ancienne et antérieure à la chute du communisme. Ce qui signifie peut-être, que ce n'était pas très prometteur de naître femme, que se soit sous le régime des tsars autant que sous celui des communismes. Qui plus est, les hommes semblent avoir de sérieux problèmes d'alcoolismes. Quelle femme a envie de se retrouver avec un homme qui est ivre continuellement et irresponsable ? Faut-il rappeler que l'espérance de vie des hommes en Russie a diminuée ? Ce qui n'est pas garant pour l'avenir. Qui sait, les femmes russes sont peut-être en train de prouver qu'on n'a pas besoin d'un homme pour vivre, qu'elles peuvent s'épanouir seules. Oui le matriarcat, pourquoi s'encombrer des hommes ? En Biélorussie, je l'ai constaté, se sont les femmes qui prennent les devants, qui semblent provoquer les événements, elles m'apparaissent très nombreuses dans les manifestations. Je pense que cette situation n'est pas unique, mais prévaut autant en Europe Centrale qu'en Russie. C'est du moins, avec les informations qui nous parviennent, qu'on essaie de se faire une idée des événements à l'est. J'avoue que c'est bien maigre comme information. Nous avons toujours l'impression en Amérique que les Russes nous cachent quelque chose, qu'ils mentent, sans oublier que pendant des décennies ont les a fait passer pour nos ennemis mortels. Ce qui ne m'empêche pas d'essayer de comprendre ces sociétés qui m'apparaissent pleines de mystères. On dirait qu'il y a quelque chose d'inaccessibles chez eux. Il ne semble pas que les Russes soient les inventeurs du sourire. Que se soit lorsque je regarde des photos comme celles de, Svetlana Tikhanovskaïa ou encore celle de Svetlana Alexievitch, ou encore d'Anna Politkovskaya, même état pour Olga Tokarczuk, je sais je ratisse large, mais ces femmes ne semblent pas avoir le désir de sourire. Voilà pour les figures emblématiques. Étrange, même absence de sourire pour des photos anonymes. Comment dois-je interpréter la chose ? Pour en rajouté, je n'ai pas vu de photo où Soljénitsyne et Tolstoï affichaient un large sourie. Et que dire, du champion toute catégorie de l'absence de sourire, Vladimir Poutine ! C'est à se demander si pour tous ces peuples à l'est, et surtout pour les russes, s'il existe un sens de l'humour pour eux ? Voilà une bonne raison de correspondre avec vous Carmilla, parce que ce n'est pas tous les jours que j'ai la chance de rencontrer une personne qui connaît ces pays et qui parle le français.
Bonne fin de nuit

Richard St-Laurent

Richard a dit…

« Objectivement, l'existence humaine est foncièrement absurde. Nous ne sommes jamais qu'une sorte de mildiou à la surface de la terre qui a prospéré pendant des millénaires grâce à des conditions favorables pour notre forme de vie particulière. Lorsque ces conditions cesseront, nous cesserons d'exister. Certes, en tant qu'individus, nous pouvons établir du sens, fondé sur l'amour, les enfants, les plaisirs naturels, les succès, les excès, la réussite économique, le dépassement des difficultés, les joies de l'art, tout un assortiments de perversions sexuelles, et ainsi de suite. Mais lorsqu'il arrive que ces choses disparaissent, soit parce qu'elles nous sont ôtées – par des guerres, des famines, ou des cataclysmes naturels -, soit parce que nous avons perdu la capacité de les apprécier suite à une dégradation de la vie affective, quelle que soit la cause de celle-ci, nous gagnons en revanche en lucidité. Et c'est un gain terrible : nous voyons l'absurdité objective de l'existence. »

Kim Leine

L'abîme

Page -374-

Kim Leine est d'une lucidité sidérante.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

« Coup de théâtre : alors que le gouvernement Trudeau s’apprêtait à dévoiler ses contre-mesures aux tarifs douaniers « injustes » de 10 % sur les exportations canadiennes d’aluminium, l’administration Trump annonce leur suspension. Une volte-face qui permet aux libéraux de pousser un grand soupir de soulagement. » Journal La Presse 15 septembre 2020.

Les victoires sont rares. Indéniablement, c'est une victoire. L'administration américaine a reculé. Ça vaut la peine de se ternir debout, d'afficher sa volonté, de ne jamais baisser les bras. Tout est toujours possible. Il ne faut jamais l'oublier. Ce qui me plaît le plus, c'est que le gouvernement fédéral canadien a le triomphe modeste. Vive la détermination !

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le lien entre le taux de fécondité et le niveau d'éducation et d'insertion professionnelle des femmes a été établi par des démographes, notamment canadiens. C'est une hypothèse qui m'apparaît plus convaincante.

Le Danemark pays le plus heureux du monde, ça m'apparaît une fumisterie. Ça témoigne plutôt d'une certaine candeur et naïveté d'une partie de la population. Et il est vrai que les Scandinaves sont souvent d'un prosaïsme déconcertant. Mais on sait bien qu'il ne s'agit que d'un voile. Leur littérature contemporaine, très riche et très noire, en témoigne.

L'espérance de vie très basse des Russes est principalement la conséquence d'une hygiène de vie et d'une alimentation catastrophiques de l'ancienne génération. L'"homme rouge", dont certains essaient de raviver la nostalgie, ne "bouffait" que d'épouvantables cochonneries. Pour oublier, il fumait et buvait sans aucune mesure. La nouvelle génération a heureusement une meilleure hygiène de vie. Combinée avec la disparition, en ce moment, de la génération soviétique, l'espérance de vie russe devrait rapidement remonter.

Il est vrai que les Russes ne sont pas souriants. C'est moins marqué dans les autres pays de l'ancien bloc communiste. Mais chez les Russes, c'est culturel. Je crois que moi-même, je suis plutôt économe en la matière même si j'ai beaucoup de mal à supporter la tête des gens à Moscou ou Saint-Pétersbourg. Trop sourire (surtout à l'américaine), c'est vite passer, en Russie, pour un benêt, un simple d'esprit et même un hypocrite. Quant à l'humour,ce n'est pas non plus leur première qualité, surtout à leurs dépens (tant ils sont convaincus que tout le monde leur en veut).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !


« Ce n'est pas la victoire qui rend l'homme beau, c'est le combat. »

Madeleine Ferron


J'aime cette phrase.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Revenant d'Avioth, je constate que la nouvelle interface de Blogger est en vigueur, sans choix possible désormais. Cela a le don de m'énerver : par exemple, je n'ai pas compris comment je peux poster des images assez larges (790 pixels de large), "alignées à gauche" pour qu'elles ne débordent pas sur la droite. On dirait que cette option d'alignement, à gauche, au centre, à droite, a disparu.

Je comprends mal à quoi riment ces modifications ; en plus, une partie du "menu" est cachée, il faut cliquer sur "..." pour l'activer. Bref, c'est moins convivial qu'avant... Et pour votre blog, ça va ? Vous n'avez pas de problèmes d'adaptation ?

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

C'était hélas prévisible. On dirait que la nouvelle interface a été conçue pour des analphabètes : plus de texte, rien que des icônes pas toujours compréhensibles. Et une simplification outrancière des options.

J'avoue être franchement paumée et j'ai beaucoup de problèmes notamment avec les insertions d'images. Quant à ajuster la largeur des images, j'avoue que je n'ai jamais su le faire sur l'ancienne version.

C'est hélas à nous de nous adapter,

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'avoue qu'on parle bien peu de l'actualité canadienne en France. C'est évidemment très regrettable et ça en dit long sur le cosmopolitisme, ou plutôt son absence, d'un pays.

Mais il s'agit bien sûr d'une belle victoire canadienne, surtout à une époque où on remet de plus en plus en cause la liberté des échanges.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Bon, j'ai réussi à comprendre le truc pour l'insertion d'images. Quand on clique sur l'image, un petit menu apparaît, avec les options de taille, y compris la taille d'origine, que je choisis. Ensuite, pour aligner l'image à gauche, j'ai compris qu'il fallait cliquer sur les options texte ("alignement à gauche") et ça marche.

Mais tout ça est agaçant et quand même moins convivial, moins évident que l'ancienne version. A quoi bon ? Pourquoi ne pas laisser le choix entre les deux versions, au moins, comme c'était le cas jusqu'à une date récente ?

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

On y arrivera !

J'ai quand même constaté que certaines choses marchent mieux que sur l'ancienne version.

Bien à vous,

Carmilla

Les Yeux qui t'ont lue a dit…

Surprenant ! En écho à ce billet, un extrait de « Quelque part dans les Balkans » de Sevda Sevan :
« Ovsanna décida d’emmener Sourpig aux bains. Ordinairement, on allumait un feu, dans le cabanon de la cour, on arrosait d’eau les pierres brûlantes et on prenait un bain de vapeur dans le tonneau assez grand pour contenir un homme. Mais une fois tous les deux ou trois mois, Ovsanna se préparait pour «un grand hamam ». Depuis longtemps, ils allaient aux bains grecs de madame Klara. Il y avait trois autres bains mais ce dernier était le plus proche et les enfants ne risquaient pas d’attraper froid lorsqu’ils étaient petits. En outre, contrairement aux autres dames en vue, Ovsanna ne tenait pas particulièrement à traverser toute la ville avec le fiacre et la caravane d’ânes chargés de balluchons, de draps, de chemises, de petits sacs et d’huiles, de nourriture pour toute la journée : gâteaux, kadaïfs, noix et noisettes enrobées de sucre.
Les bains de Klara comportaient deux bassins et un vestibule où on passait le temps entre les baignades. Il y avait en outre vingt-deux petites pièces de repos. Klara était sévère avec les masseuses qui faisaient aussi le ménage, elle les obligeait chaque soir à brosser les murs avant de les sécher avec des chiffons de peau et à faire briller les gargouilles avec de la cendre. La lumière brûlait jusque tard dans la nuit à ses fenêtres.
Tôt le matin, avant l’aube, arrivait le chauffeur, Dinguil Banko. Il vidait les bassins et allumait les poêles. Il remplissait de nouveau les bassins, passait partout et inspectait tout de l’œil du maître, ce qu’il était devenu après de longues années au service de Klara. Les bains faisaient à ce point partie de sa vie que s’il arrivait quelque incident durant la journée, il entrait, effectuait tranquillement la réparation, sans que cela gênât les femmes et sans que lui-même n’en éprouvât la moindre émotion. Dinguil Banko était arménien mais les gens l’avaient oublié car il n’avait pas de famille. Il était le bras droit de Klara, qui était seule, elle aussi, et les gens tenaient pour certain qu’il y avait quelque chose entre eux. Mais personne ne savait quel était le lien exact qui unissait cet homme grand, un peu lourd et taciturne, et la petite femme rondelette et vieillissante, très riche, aux cheveux couleur de millet. Personne ne les avait jamais vus échanger un seul mot. Klara était pourtant une femme bavarde et obséquieuse qui aimait le confort et s’y connaissait ; elle entrait parfois elle-même pour baigner une femme âgée et corpulente. Elle savait toucher de sa main forte mais caressante. Elle savait aussi vanter le feuilleté et les sandalettes de ses clientes. Elle-même portait des sandales grecques en bois d’olivier serties de pierres de couleur et d’ivoire, avec une bride dorée.
Klara baignait Ovsanna depuis des années. Elle prenait place à sa table, caressait les fillettes, tapotait d’un air complice leurs petites fesses rondes et roses comme des pommes, leur disait de quelle huile frotter leur peau, leur montrait comment faire sur le dos droit et blanc d’Ovsanna. Habituellement, Zépur Marna venait aussi : elle distribuait les savons, lavait l’abondante chevelure des enfants, les enveloppait d’une serviette et leur chantait ses chansons monotones de vieille femme. Les bains reprenaient après la sieste et se prolongeaient jusqu’au soir, où David venait les chercher, toutes les cinq semblables à des Japonaises avec leurs cheveux mouillés et tirés en arrière.
Mais cette fois, Ovsanna surprit toute la maisonnée par son étrange décision: «Je vais aux bains avec Sourpig ». Elle ne donna aucune explication.»

Carmilla Le Golem a dit…

Merci, "les yeux qui t'ont lue", pour ce beau texte,

La Bulgarie, c'est en effet un fascinant mélange d'Orient et d'Occident. L'actuel effondrement démographique du pays est, à cet égard, inquiétant. Que restera-t-il bientôt de la culture bulgare ?

Promis, je lirai bientôt Sevda Sevan.

Bien à vous,

Carmilla