samedi 11 octobre 2025

Israël Gaza - Un ou Deux Etats ?

 

Israël, le Moyen-Orient...., il n'est pas de conflit qui suscite plus de réactions émotionnelles et outrées. 

Au point que c'est un sujet quasi impossible à aborder avec des proches et même des amis. Le meilleur moyen de se fâcher définitivement avec eux.

Mais aujourd'hui, il y a quasi-unanimité à défendre le fantastique, le merveilleux Plan Trump de retour à la Paix au Moyen-Orient. Ce Plan qui aurait dû lui valoir le Prix Nobel de la Paix. 


Nul ne s'avise de ce que l'Histoire se répète étrangement. Cette idée d'un mandat international, confié de plus aux Britanniques (en la personne d'un candidat auto-proclamé Tony Blair), elle a déjà été imposée et mise en œuvre en...1922, avec le succès que l'on sait.

Et comme en 1922, on se garde, bien sûr, de consulter les populations concernées. On s'en remet à un seul Grand Chef cuisinier, amateur d'immangeables burgers, Donald Trump. Pourtant, reconnaître, a priori, un Etat de Palestine, c'est peut-être s'acheter une vertu, se dédouaner de son inertie passée, mais ça ne le fera pas exister.

On s'embarque, plutôt, dans un manège que l'on a déjà fait tourner longtemps: celui de négociations sans fin dans les quelles personne n'est disposé au moindre compromis. C'est devenu d'autant plus difficile que chaque peuple est désormais enfermé dans la mémoire du 7 octobre d'une part et dans celle du "génocide" de Gaza d'autre part.

Et le bétonnage des esprits est tel que personne ne voit d'autre solution que celle de deux Etats géographiquement délimités : un Etat Juif d'une part, un Etat musulman d'autre part.

Il est vrai que c'était, en grande partie, celle prônée par les accords d'Oslo en 1993. Cette feuille de route repose, malgré tout, sur une vision manichéenne, celle d'un conflit de territoire et de religion. Il s'agirait des "racines" mêmes, géographiques et spirituelles, de deux civilisations.

On se plaît à radoter, ressasser, les fables de l'Histoire parce que l'Histoire, c'est bien connu, est faite pour être falsifiée. A défaut de la guerre sur le terrain, le Hamas est ainsi en train de gagner la guerre idéologique. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'Espagne est la première à dénoncer le génocide, comme si l'ombre sinistre de 1492 continuait de planer sur elle.

Et il ne faut pas, à ce sujet, tourner autour du pot: l'antisémitisme est un et indivisible et il n'a qu'un objectif: la destruction des Juifs.

La Palestine serait une terre islamique et les Juifs auraient envahi et occupé, au 20ème siècle, les terres ancestrales des Arabes. Il s'agit maintenant de mettre fin à l'invasion sioniste, de restituer la Palestine aux Palestiniens. 

On oublie que les premiers et vrais Palestiniens, ce sont, historiquement, ...les Juifs. C'est du moins sous ce nom que les désignait l'Empereur Hadrien au 2ème siècle (les Philistins). Et il n'y a ensuite jamais eu d'Etat Palestinien ni d'identité palestinienne. Simplement des populations arabes relevant de l'Empire Ottoman. 


Cet Empire que Français et Britanniques se sont attachés à dépecer au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale pour y éradiquer l'influence germanique qui y était très forte. Dans le découpage opéré (accords Sykes-Picot), la région Palestine a alors été placée sous mandat britannique avec pour objectif la mise en place d'un "foyer d'accueil" pour le peuple juif.

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Mais qu'importe ! Avec ces arguties identitaires, ces bagarres pour un bout de territoire, on ne s'en sortira jamais.

Parce que l'Histoire compte tout de même. Vouloir imposer deux Etats, tracer une ligne, une séparation, entre Palestiniens et Israéliens, ça n'aboutira jamais à la Paix.

Ce qui est terrifiant, c'est que, dans ce conflit, on ait totalement évacué l'Esprit des Lumières et son Universalisme. Il est vrai que c'est immédiatement assimilé à la pensée occidentale, notamment européenne, et que l'Occident, aujourd'hui, on ne cesse de le vilipender, de l'accuser de tous les maux: le colonialisme, la décadence, la dépravation. Etre occidental, c'est désormais vivre sous "la tyrannie de la culpabilité".  

Mais tout n'est pas perdu ! Il y a un espoir de sortie du conflit et des oppositions tranchées. Et cet espoir, c'est Israël qui le porte parce que c'est un pays qui est, tout de même, une grande démocratie et une incarnation de l'esprit européen. 

Quand je m'y suis rendue en 2018, j'ai été émerveillée par la modernité de ce pays absolument cosmopolite. Modernité pas seulement technologique mais mentale, culturelle. L'audace et la créativité, matérielle, spirituelle, ce sont les moteurs d'Israël, même s'il faut reconnaître que la menace intégriste, celle des Hassidims, se fait croissante. 

Et puis, il faut bien considérer une réalité: il existe une forte proportion de Palestiniens qui ont acquis la nationalité d'Israël. Ils sont peut-être discriminés mais ils coexistent, tout de même, infiniment mieux avec leurs concitoyens juifs que s'ils vivaient sur le territoire de Gaza.

Ce qui est urgent aujourd'hui, c'est de désarmer les haines. Et pour cela, il ne suffira pas de se débarrasser de Nétanyahou et du Hamas et de prôner une solution à deux Etats.

Comment répondre aux exigences profondes de deux peuples ? L'idée d'un seul Etat est-elle absolument inconcevable ? Un Etat qui pourrait être binational, ou une Fédération ou une Confédération.

Je n'en sais rien, bien sûr. Mais au printemps dernier, j'ai passé quelques jours dans une petite ville bretonne (Tréguier) et j'y ai découvert un de ses enfants, Ernest Renan (1823-1892). On le considère, généralement et injustement, comme une vieille barbe mais il a tout de même écrit un bouquin, "Qu'est-ce qu'une Nation ?" qui m'apparaît vraiment d'actualité et pourrait s'appliquer au conflit actuel Israël/Palestine. A l'époque, Renan critiquait vivement la conception allemande de la Nation.

Et contre l'Allemagne, sa Kultur, son sang, il soulignait :

Une Nation, ça n'est surtout pas une religion, ni, non plus, une langue ou une culture et encore moins un territoire ou une race. C'est plutôt un principe spirituel reposant à la fois sur un héritage passé (un legs de souvenirs), qu'il s'agit d'honorer, et sur la volonté présente de la perpétuer (le désir de vivre ensemble). Une nation, c'est donc un contrat reposant sur la volonté de continuer à faire valoir l'héritage historique qu'on a reçu.


Images de quelques peintres juifs: Marc Chagall, Natan Altman, Felix Nüssbaum, Jules Pascin, David Olère, Chaïm Soutine, Jules Adler.

Je recommande:

- Parmi les nombreux écrivains d'Israël contemporains, j'apprécie particulièrement Zeruyah Shalev et Eskhol Nevo.

- Sur l'histoire du Moyen-Orient, je recommande le bouquin passionnant, paru l'an dernier, d'Olivier Guez: "Mesopotamia"

- Et enfin un livre d'Histoire, à nul autre pareil, de Simon Sebag Montefiore: "Le Monde - Une histoire familiale de l'humanité". Ca vient de sortir et on ne dispose que du 1er tome. C'est étonnant: tous les événements du monde sont interconnectés à travers les vies de familles, les intrigues de palais, les guerres, les épidémies, les migrations, les religions.



2 commentaires:

Paul a dit…

Bonjour Carmilla, il existe des états sans nation, et des nations sans états, et on peut voir les choses de façon ensembliste. On remarque aussi parfois que les solutions du passé sont les problèmes d'aujourd'hui et inversement, à plus forte raison à petite échelle - territoriale ('territorial' en France signifie commune et ses projections budgétaires jusqu'en région, la plus petite entité atomique). Et donc, je vais encore me payer l'Ernest. Les Tibétains ou les Kurdes sont des exemples de nations sans état, et ; les empires sont les états sans nation, ou fédéraux un peu comme la Belgique. À l'époque de son écriture, Renan est certes visionnaire, comme anti-colonialiste (car anti-empire mais en réalité non du fait de son invention : l'universalisme), et c'est édifiant. C'est vraiment la solution du passé/problème d'aujourd'hui, ça, l'universalisme. L'histoire jamais ne se répète. Se vouloir dans un présent immanent ou perpétuel (présentisme) dans du concept immuable : c'est définitif. Chacun a fini par se méfier du nationalisme puisque l'état est seul tangible car institutionnel (pour instituer), la nation, clairement romantique, est passionnée et indomptable. Vos propos qui semblent douter d'une réussite un jour, me font penser à la droite qui feint de réfléchir par le biais d'identité nationale, à la destitution de nationalité, ce vide intégral à toute pensée (à part chez les imbéciles, la production d'apatrides est une inhumanité) : créer intelligiblement, systémiquement, impérialement l'échec. Je suis optimiste et ça marchera. Dés que le Nobel n'a pas été donné à Trump, il paraît que Zelensky lui a promis une citation contre entre encore plus de moyens de défense !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Paul,

Je n'ai, personnellement, aucune certitude mais seulement des interrogations. Est-il rationnel de n'envisager, presque unanimement, qu'une solution à 2 Etats ?

Les haines sont à ce point figées aujourd'hui que je crains, en effet, qu'une solution à 2 Etats (implicitement un Musulman d'une part, un Juif d'autre part), ne conduise, plus ou moins rapidement, à un nouvel embrasement.

Contrairement à ce que l'on pense généralement, l'Israël d'aujourd'hui n'est pas un Etat religieux et le Sionisme a été élaboré par des militants généralement athées. Israël se proclame, bien sûr, Etat juif mais laïc et démocratique dont les valeurs sont tout autant inspirées de la tradition juive que des valeurs de liberté, d'égalité et de justice de la philosophie des Lumières.

Et ça se constate vraiment sur le terrain. Le pays est un extraordinaire patchwork cosmopolite avec une liberté totale de religion et de croyance et les mentalités des jeunes et la condition des femmes n'apparaissent pas vraiment différentes de l'Europe. Ce qui ne veut pas dire que tout y est merveilleux, bien sûr.

Dans le contexte actuel, il faut d'abord essayer d'apprendre à vivre ensemble et Israël, du moins une part appréciable de sa population, me semble disposée à faire, aujourd'hui des concessions. L'universalisme, c'est, en effet, la clé. On brocarde aujourd'hui les Empires mais ont-ils été des échecs absolus ? Personnellement, je pense plutôt aux Fédérations-Confédérations.

Réfléchir à un projet commun, à un nouvel Etat agrandi (portant probablement un nouveau nom) n'est pas forcément une absurdité et je comprends mal en quoi cette vision me rapproche de la droite, voire de l'extrême droite. Tout dépend de la nouvelle Constitution qui serait rédigée et du respect des droits de chaque peuple.

La solution à 2 Etats, ça fait des décennies qu'on l'évoque et c'est celle-ci qui, me semble-t-il, conduit systémiquement à l'échec.

Je pense que Juifs et Arabes ont en commun, malgré tout, de nombreux points de rencontre: historiques et culturels. Comment les partager, c'est la question.

Quant à Zelensky, je ne saurais le condamner. Comme tous les Ukrainiens, il n'en pense pas moins de ce salopard. Mais il n'a pas le choix, c'est la vie de milliers de gens qui est en jeu. Le drame, c'est qu'il n'y ait pas eu de front commun contre Trump et que tout le monde se soit couché, humilié.

Bien à vous,

Carmilla