dimanche 8 mai 2011

« Draculand »


C’est curieux, je n’ai encore pratiquement jamais parlé de la Roumanie dans mon blog. Pour une vampire, c’est un comble !

C’était la réflexion que je me faisais en voyant le très intéressant film-documentaire : « L’autobiographie de Nicolae Ceausescu » d’Andrei UJICA.



Pourtant, la Roumanie, je connais. J’y ai séjourné à deux reprises et même, la première fois, toute jeune, venant de Bulgarie, encore au temps de Ceausescu. C’était tendu et fantomatique à la fois.

Je dirai d’abord que je déteste la présentation médiatique qui est faite, à l’Ouest, de la Roumanie. Pas un reportage qui ne soit fait d’horreur, de misère et de désespoir.


Sans provocation, je dirai que la Roumanie est au contraire un pays magnifique. Ce qui est affreux, c’est le littoral, la côte de la Mer Noire. C’est évidemment là que vont la plupart des touristes. C’est bien fait pour eux.

Mais la campagne y est une des plus belles en Europe, surtout dans les Carpates, parsemée de magnifiques villages aux maisons de bois peintes en couleurs vives.


Ah ! Les arbres hirsutes, les cimes noires, les forteresses médiévales qui déchirent le ciel. Emprunter la haute vallée de la Dambovita, puis les villes de Campulung et de Rucar, puis le col de Bran. S’arrêter au village de Cetateni-din-Vale. Rejoindre la citadelle de Brasov.

Ou bien prendre la vallée de l’Ollul, traverser la cité de Ramnicul-Valcea, franchir le col de Turnu Rosu.


Surtout, séjourner absolument dans la cité médiévale, accrochée sur une colline, de Sighisoara, ma ville préférée, un dédale gothique de ruelles, de tunnels, d’escaliers, de portes. On y parle roumain, hongrois, allemand. Aller à Sighisoara par une journée d’hiver, passer sous la tour de l’horloge, franchir une poterne, grimper jusqu’à l’église et au cimetière. Un calme absolu seulement rompu par l’aboiement des chiens, le croassement des corbeaux. Se réfugier dans une sombre taverne ocre. C’est vraiment la ville horrifique de l’empaleur,Vlad Tepes, Dracula.

Et puis évidemment, non loin de Bucarest, le monastère de Snagov et, sur une île, la tombe supposée de Dracula. Les impressions y sont vraiment très fortes.


En plus, en Roumanie, je trouve une nourriture à ma convenance : de la carpe et surtout du silure ou du poisson-chat. Ca me manque tellement en France.

Certes, à la décharge des journalistes occidentaux, ignares et falsificateurs, il faut quand même reconnaître que la Roumanie revêt encore un aspect un peu lamentable.

Il y a toujours un côté sombre, déprimant.


C’est le poids de l’histoire, l’empreinte laissée par la dictature de Nicolae Ceausescu.et son épouse Elena.

A certains égards, le cordonnier et sa compagne prêtaient à rire. Leurs voyages, discours, réceptions étaient une suite de gags hilarants. Ils étaient comiques, guignolesques, d’une médiocrité effarante, presque analphabètes.


Sauf que le comique se doublait chez eux de la cruauté du Père Ubu. Bêtes et méchants. Sans même évoquer la Securitate omniprésente, on peut rappeler qu’ils étaient obsédés par la question de la natalité et rêvaient d’une Roumanie fortement peuplée. L’avortement était donc férocement réprimé et la contraception inexistante. Ils rêvaient aussi d’un homme nouveau aux besoins alimentaires réduits au niveau de la ration de subsistance. Et puis leur monstrueux palais, terrorisant et funèbre, au cœur d’un Bucarest ravagé.

En fait, l’ère Ceausescu a été vécue comme une longue période d’humiliation par les Roumains.


Ce sentiment d’humiliation et la honte qui lui est liée persistent aujourd’hui encore.


Voilà mes impressions roumaines. Je terminerai par une anecdote qui me passionne mais je suis peut-être la seule. Alors que la révolution venait d’éclater à Timisoara, en décembre 1989, Nicolae Ceausescu est parti en voyage officiel à Téhéran. Ce fut son dernier voyage. Quelques jours après son retour d’Iran, il était exécuté. Que diable Ceausescu est-il allé faire, à cette époque, à Téhéran ? Cette absurdité est bien à la mesure du personnage. Il est vrai que la Roumanie entretenait des relations privilégiées avec le Shah puis avec Khomeiny. De ce voyage mystérieux, il n’est malheureusement possible de trouver aucune photo ni aucun document.




George MAZILU – peintre contemporain roumain; troublant et angoissant

A propos de la Roumanie, j’ai bien aimé les livres récents suivants : « Pourquoi nous aimons les femmes » de Mircea Cartarescu, «La bascule du souffle » d’Herta Mûller et « Un brillant avenir » de Catherine Cusset

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