dimanche 15 mai 2011

L’être suprême et le libertin


Lorsque je me rends en Russie ou en Ukraine, je visite beaucoup les églises et assiste à des offices religieux.

Pourtant, je suis athée mais il faut dire que ce sont des endroits très vivants avec des cérémonies magnifiques. Surtout, il y a beaucoup de jeunes et il est vraiment troublant de voir des filles splendides et sexy en diable, probablement pas innocentes, perdues dans des rêveries et prières insondables.


Les églises sont pleines à craquer; ce sont des lieux de rencontre privilégiés, éventuellement amoureux. Il faut d’ailleurs rappeler que l’un des symboles de la nouvelle Russie, ça a été la reconstruction, à Moscou, de la cathédrale du Christ-Sauveur (Храм Христа Спасителя) que Staline avait dynamitée et remplacée par une absurde piscine à ciel ouvert.

Dans le monde slave, la religion, c’est une expérience humaine et esthétique qui permet de s’affranchir, pour un temps, d’une vie entièrement asservie aux préoccupations du quotidien.

Rien à voir donc avec la France où les églises ne sont plus que de tristes musées fréquentés par de rares bigotes.


D’ailleurs, je trouve qu’on est en France d’une goguenardise un peu bêtasse vis-à-vis de la religion, comme si la laïcité était un stade supérieur de la civilisation.

J’ai plutôt l’impression, moi, que la laïcité, c’est un simple stade du capitalisme et de l’asservissement à la marchandise. C’est d’ailleurs ce qu’avait reconnu Marx lui-même dans « le Manifeste » en évoquant la puissance démoralisante, et même révolutionnaire, du capitalisme et de la bourgeoisie.


« La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire…

Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité dans les eaux glacées du calcul égoïste ».


C’est intéressant, n’est-ce pas? L’affranchissement, c’est toujours quelque chose de très relatif et on endosse souvent de nouvelles chaînes en croyant se libérer.


Plus simplement, ce qui m’afflige, moi, c’est le niveau consternant des critiques adressées à la religion. Sommairement, on conteste dans le christianisme :


- sa vérité historique ; ce ne serait qu’une fable, un récit mythologique, tout juste bon à impressionner les simplets. A vrai dire, ce n’est vraiment pas le problème. La question centrale est d’ordre éthique, dans ce commandement d’aimer son prochain comme soi-même. Une exigence exorbitante, intenable, comme l’a souligné Freud. L’impossible même qui transcende et rend vaine la justice des hommes. J’ai ainsi beaucoup apprécié, cette semaine, que l’Eglise ait été la seule instance qui n’ait pas hurlé avec les loups à propos de la libération possible de Madame Dutroux.


- son pouvoir répressif et son puritanisme. Le christianisme, ce serait le monde des interdits et des tabous, surtout en matière sexuelle. La seule chose qu’on retienne du Pape, c’est qu’il serait contre l’avortement et les préservatifs.


En bref, le christianisme serait responsable de la misère sexuelle. C’est assez amusant. On ressasse toujours cette idée idiote qu’il y aurait une répression de la sexualité venue de la société et plus particulièrement de la religion.

On le sait bien, il n’y a pas d’un côté un désir sauvage et de l’autre un pouvoir répressif. C’est une vision simple, naturaliste, moderne, à la Michel Onfray.


Le désir se creuse plutôt d’emblée de ce qui l’aspire, de la limite qui lui fait appel. Singulièrement, ce qui m’attire, c’est rarement le beau et le bien mais c’est le plus souvent le mal et l’abject.

Le péché est bien originel et nous sommes d'emblée coupables; en ce sens, le christianisme dit bien la vérité de la condition humaine. Et ça n’a rien à voir avec une position puritaine.


A cet égard, j’ai été très intéressée par les articles consacrés il y a 15 jours, par le journal « Libération », à Alina Reyes et Amanda Lear. L’une et l’autre confessent leur profonde foi catholique. Alina Reyes reconnaît qu’auprès de sa famille, elle passe pour un peu folle. Quant à Amanda Lear, elle souligne que dire qu’on est catho, c’est le comble de la provoc.

Je les adore l’une et l’autre et ce n’est certainement pas elles que l’on peut soupçonner de pruderie. Alina Reyes, ses textes érotiques ont pour moi été un choc, par leur caractère positif et leur originalité. Je lis maintenant parfois son blog avec interrogation. Amanda Lear, elle ne se prend vraiment pas au sérieux et elle est multiculturelle. Surtout, elle a été une icône sulfureuse des années 70, aux côtés de David Bowie et Salvador Dali.


L’immoralisme ne serait-il pas, finalement, la vérité du christianisme. Relire Jouhandeau : « Le propre du christianisme et plus proprement du catholicisme, c’est qu’à l’homme tout est permis, même le pire, du moment que la miséricorde de Dieu est infinie, excepté d’en désespérer…Le péché, l’amour du péché, une certaine vocation, s’ils atteignent un certain degré d’ardeur, une violence irrésistible, sont le seul digne pendant de la sainteté ».

La proximité du criminel avec Dieu, Dostoïevsky l’a magnifiquement mise en évidence. Mais aussi Georges Bataille et le marquis de Sade.


Félicien ROPS

Je vous conseille vivement de vous rendre un week-end à Namur en Belgique pour y visiter l’admirable musée Félicien ROPS, peintre des troubles du péché.

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