dimanche 17 janvier 2016

La femme parfaite


Le désir, le désir de l'autre, chez une femme, c'est compliqué. Peut-être même que ça ne surgit que secondairement.


On dit que les femmes sont narcissiques mais je crois que c'est plus compliqué que ça. Ce n'est pas tellement elles-mêmes mais une autre femme, rêvée, qu'elles aiment. Chaque femme est, en effet, d'abord hantée par un idéal, une autre femme, une femme parfaite, par rapport à laquelle elle se sent en décalage et qu'elle aimerait personnifier. Avant même de nous intéresser aux autres, c'est ce qui nous aspire et nous fait principalement carburer. On est sans cesse emportée au-delà de soi-même. C'est terrifiant parce qu'être sans défaut, c'est destructeur, ça peut être mortel. L'affinité des femmes et de la mort, c'est bien réel.


Cet idéal, c'est d'abord moral, on voudrait maîtriser complètement les contingences de l'existence, être irréprochables, sans tâche. C'est pour ça qu'on se veut, si souvent, vertueuses et exemplaires et, finalement, abominablement chiantes.



On voudrait aussi un corps parfait, libéré de toute pesanteur, affranchi de toutes les horreurs liées à nos imperfections et excrétions; mais ce corps parfait, probablement, il n'existe pas. La sexualité, en particulier, c'est très perturbant, ça nous renvoie à notre animalité.


C'est pour ça que tant de femmes sont anorexiques. On voudrait être débarrassées de la sexualité: redevenir pré-pubères, une petite fille; ou alors des garçons, ce que justement on ne peut pas être; mais le plus souvent, on cherche à ressembler à des cadavres, on vit au bord du précipice de la mort.


C'est pour ça aussi que la maternité fait de plus en plus horreur. Le corps fatigué, avachi, des mères, ça a quelque chose d'obscène.



On vit donc généralement blindées, encagées, dans un idéal. C'est pour ça qu'on est terribles, insupportables, redoutables. C'est pour ça qu'on est souvent incapables d'amour. Même l'amour fou qui vous torture, toujours à la mode aujourd'hui, ça n'est souvent que la recherche d'un surcroît d'assurance de soi et de puissance narcissique.

Photographies de Guy BOURDIN. J'adore Guy Bourdin (1928-1991). Les féministes l'ont, longtemps, détesté mais on le redécouvre aujourd'hui. Il en dit beaucoup plus, à mes yeux, qu' Helmut Newton. Sa biographie, effroyable, est intéressante.


Ce post m'a été inspiré par le livre récent d'Anne Berest: "Recherche femme parfaite".

3 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

C'est agréable de votre part d'avoir opté pour la couleur dans ce post, car notre monde n'est pas très comique en ce moment, chaque jour qui passe n'est pas non plus un joyeux picnic, et ces photos de Guy BOURDIN viennent nous émoustiller les sens dans le rêve et l'irréel, qui sont pourtant deux forces de l'existence.

Cela nous fait oublier un instant que nous devons trimer à l'extérieur pour oublier un instant nos conflits intérieurs et la fausse image de nous-même.

"En réalité faut-il n'avoir plus besoin d'être aimé pour aimer?".
Arnaud DESJARDINS

Bien à vous.

Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Mais ces couleurs vives, ça n'est pas seulement pour égayer notre vie.

C'est aussi pour exprimer le trouble existentiel des femmes.

Bien à vous

Carmilla

KOGAN a dit…

Le trouble existentiel....

Les conflits spirituels et l'illimité du désir ne proviendraient-ils pas de l'excès et de la démesure...

Ne faudrait-il pas désirer avec mesure? cela est difficile bien sûr, car le désir est beaucoup plus exigeant que le besoin...

"DIEU a déposé en l'homme un désir infini que le fini ne pourra jamais combler." Grégoire de NYSSE

Bien à vous.
Jeff