samedi 1 septembre 2018

"Cet obscur objet du désir"


"Les hommes préfèrent les blondes" dit-on couramment. C'est vrai qu'il y en a aussi qui préfèrent les brunes mais il est très rare que certains préfèrent les moches ou les vieilles. En règle générale, les hommes savent ce qu'"ils veulent", l'objet de leur désir est bien identifié. Il n'y a pas de regard plus normalisé que celui du dragueur qui intègre tous les stéréotypes de la féminité. Le dragueur est le garant de l'ordre social.


On pourrait croire, à partir de là, qu'en matière d'attirance entre les sexes,  il y aurait une parfaite symétrie entre l'homme et la femme et que les blondes préfèrent les blonds ou les bruns. C'est bien sûr le cas pour certaines mais je crois plutôt que les blondes, et les femmes en général, ne savent pas ce qu'elles veulent ou ce qu'elles préfèrent et elles épuisent leur vie à le rechercher jusqu'à ce qu'elles comprennent qu'elles ne le trouveront jamais. Souvent, femme varie...


L'objet du désir, il est toujours obscur pour une femme. Un homme beau, ça ne fait pas rêver plus que ça (c'est souvent un crétin) et d'ailleurs on s'accommode très bien d'un moche ou d'un vieux pourvu qu'il suscite en nous quelque trouble. Finalement, tout homme a une chance auprès d'une belle femme tandis qu'une fille vieille ou moche est systématiquement et cruellement rejetée.


En fait, les femmes ne s'intéressent pas tant que ça aux hommes: ce n'est pas leur apparence physique qui les séduit. Ce n'est pas la beauté d'un corps qui les émeut en premier.


Leur désir ne porte pas sur un objet. Leur désir n'est pas un désir d'avoir mais un désir d'être: de voir sa personnalité transfigurée dans le cadre d'une rencontre, d'éprouver le trouble d'un bouleversement de son identité. C'est une véritable initiation qui peut aller très loin, et même jusqu'à l'avilissement.


Le désir féminin a, en fait, partie étroitement liée avec la transgression. On connaît tous les histoires de ces visiteuses de prison qui tombent amoureuses de grands criminels ou de terroristes. Il y a aussi, quand on est adolescente, le plaisir qu'on prend à embêter ses parents en sortant avec des mauvais garçons, des Blacks ou des Arabes. C'est le sceau de l'infamie qui  les rend attirants même si c'est un fantasme trouble teinté de racisme.


Et puis il faut bien reconnaître que, même si on la condamne avec énergie, on porte un intérêt trouble à la prostitution. Peut-être pas l'industrielle mais la mondaine. On aimerait être comme les hommes: se sentir suffisamment libres pour oser, en toute indifférence, avoir de multiples partenaires. Qu'est-ce qu'on peut éprouver à être délivrée des embarras de la séduction et de l'amour ?


Il y a en fait chez toute femme le désir que sa belle identité se craquelle et se fissure. Être délivrée de la gangue des interdits sociaux, mise à bas du piédestal où la confine sa beauté obligatoire.


C'est le renversement de son apparence, le dévoilement de sa part obscène. On en retire une joie pure faite aussi, il faut le reconnaître, d'un sentiment d'humiliation. Le plaisir de la honte et de l'avilissement, c'est très fort. Comme quoi, le masochisme, ça excite, en effet, les gonzesses, comme le pensent les machos.

Tableaux de Martial RAYSSE ("Le bain turc" 1965) et de Gonzalo Bilbao Martinez ("L'esclave" 1904), photo de Gilles BERQUET ("La bête" 2003), images extraites de films de Patrice Leconte ("Rue des Plaisirs"), Bertrand Bonello ("L'Apollonide"), Claude Chabrol ("Les biches"), Luis Bunuel ("Belle de jour"), Walerian Borowczyk ("Histoire d'un péché") et Andrzej Zulawski.

6 commentaires:

KOGAN a dit…

"Un bouleversement d'identité"...surtout pas non merci.

Le naturel revient toujours et c'est la rupture rapide sans préavis.

La séduction est un passage obligé, innée ou "travaillée", je n'ai ni l'une ni l'autre, même pas le charme :-) et puis je suis vieux...

En principe, je crois que tout est dans les yeux et le silence des regards qui se croisent , augmentant le mystère et l'envie davantage prononcée chez l'homme.

Mais je regarde de moins en moins , ma vue baisse, je ne veux pas de gêner, et surtout pas découvrir des colonies de tatouages...

Bien à vous.
Jeff

Anonyme a dit…

Et moi je suis vieille (et pas très séduisante pour le moment).
Finalement, les hommes qui me plaisaient (et dont le portrait peut encore me plaire encore, quand il se rapproche de ce plaisant idéal - qu'aujourd'hui je qualifie de fantasme) avaient le type franchement méditerranéen. Noir de cheveux, yeux foncés, teint basané. Je ne sais même pas comment c'est venu (tard en tout cas, pas dans mon adolescence où je n'avais pas d'idée bien précise).
Et quand ne me sentant pas attirée, mais croyant rencontrer quelqu'un de "potable" (et me basant sur d'autres critères) je disais en moi-même, "pourquoi pas?" c'était un flop.

Je ne sais pas si j'aimerais être un homme. Evidemment, en tant que femme, quand un homme me plaisait et que j'avais quand même envie qu'il le sente, je devais passer par de savants détours (dans tous les sens du terme), je ne me voyais pas leur disant "vous me plaisez". Si, je l'ai peut-être un jour dit et ça a été un flop... (Aussi).

Je crois quand même que les hommes (jeunes du moins) ont parfois peur du "râteau", même quand ils sont beaux. Ca change peut-être plus tard ...............

Mais c'est vrai qu'il y a la tentation "d'exister" à travers une rencontre, et c'est vrai que la vie prend une autre tournure, mais aïe quand on retombe sur terre !

Pivoine (qui viens de chez Nuages).

KOGAN a dit…

Il y a de très belles "vieilles" Pivoine... et les "rateaux"....ça dure depuis "Adam & Eve"...la fusion homme femme n'est pas compatible à long terme...de là les divorces en chaîne et la répétition des erreurs des familles recomposées...tout ça pour une "nouvelle peau"....

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Mais qu'est-ce qu'une passion, qu'un amour qui ne vous arrache pas à vous-même ? C'est bien ennuyeux si on ne s'attache qu'à ses semblables.

Et puis, est-ce que "le naturel" ça existe vraiment ? Est-ce qu'on n'est pas capables de changer ?

Quant à être vieux, je ne sais pas si ça doit conduire à se mettre en retrait du monde.

Les tatouages enfin, ils sont rentrés dans les mœurs mais, moi-même, j'ai du mal à comprendre ça. Ça évoque une histoire sinistre (l'animal ou le prisonnier promis à l'abattoir)et c'est une marque définitive.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Pivoine,

Bien sûr que je vous connais ! Vous êtes tout de même une célèbre blogueuse belge. Les Belges, je l'ai déjà précisé, constituent une part très importante de mon lectorat. Il doit y avoir une raison à cela.

Vous décrivez bien dans votre message les affres du désir, de la séduction. C'est vrai que c'est souvent décevant et que les hommes, comme les femmes, se prennent plein de râteaux et tombent rapidement de haut.

Mais ça n'empêche jamais de tenter à nouveau sa chance parce que, malgré tout, on préfère toujours la déception, la souffrance et l'humiliation à l'ennui d'une vie confinée à la morne répétition du quotidien. On aspire toujours au changement de soi-même et du monde.

Bien à vous

Carmilla


KOGAN a dit…

Merci Carmilla

Capable de changer?

Difficile à mon âge, on s'adapte plutôt et je ne m'attache que très peu à quelques uns de mes "semblables"sans oublier que chacun est différent, et ceux que je ne connais, pas cela m'évite de leur répondre:-)

Je ne me mets pas non plus en retrait du monde, mon carburant c'est l'observation, écouter, sentir, manger, boire...et peindre . What else?

Bon Dimanche.
Bien à vous.
Jeff.