dimanche 30 septembre 2018

Crna Gora

 
"Crna Gora", la "montagne noire", le Monténégro, ça m'a toujours fait rêver.
Un pays perdu, presque inconnu, situé aux confins. Connaissez-vous une seule personnalité politique, artistique, littéraire, sportive du Monténégro ?



L'un des plus petits pays d'Europe: tout juste 600 000 habitants et à peine plus grand que la région Ile-de-France.

  

Une géographie peu propice: rien que de hautes montagnes qui surplombent verticalement la mer. On se déplace donc toujours sur des chemins périlleux, sinueux et étroits, qui serpentent à flanc de précipice. Quant aux plages, il n'y en a évidemment pas beaucoup et il faut, le plus souvent, se contenter du promontoire de rochers.


Bref, un pays qui est une anomalie, voire une aberration.


Et puis une histoire de dingue. Une première apparition entre 1878 et 1918 durant la quelle le pays, après s'être affranchi de l'Empire ottoman, devient un royaume. Un royaume d'opérette, dirigé par le bon roi Nikola 1er, seul et unique roi à ce jour du Monténégro. Ses principales réalisations: avoir marié ses filles aux familles royales européennes (Serbie, Russie, Italie, Allemagne), fait construire une capitale (Cetinje, prononcer "tsétigné") presque inaccessible à 1 300 mètres d'altitude, et déclaré la guerre à l'Empire ottoman en 1912 (ce qui aboutit à la création de l'Albanie). Après la 1ère guerre mondiale, le Monténégro disparaît, absorbé par la Yougoslavie sous la pression des Serbes. Il ne renaît qu'en 2006, à la suite d'un référendum se prononçant sur une séparation d'avec la Serbie. Mais il s'agit, cette fois, d'une République avec une nouvelle capitale (Podgorica, "sous la montagne", ancienne Titograd).


Aujourd'hui, le pays souhaite adhérer à l'Union Européenne et a déjà adopté l'euro sans rien demander à personne. Ça n'a pas forcément été une bonne initiative parce que le coût de la vie y est  le même qu'en France, que le quart de la population active est au chômage et que la seule activité économique est maintenant le tourisme. Bizarrement toutefois, les Monténégrins s'enorgueillissent, et c'est plutôt sympathique, d'être paresseux et d'abhorrer le travail. On les croit quand on considère les multiples cafés, pleins à craquer, fréquentés par des hommes qui y passent leurs journées entières.


D'après les statistiques, le Monténégro est l'un des pays les plus pauvres d'Europe. Sensiblement plus pauvre que la Bulgarie ou la Roumanie par exemple mais si on se réfère au seul aspect des villes, à la profusion des commerces et au parc automobile, ça n'est pas du tout évident. On comprend mieux quand on remarque le nombre considérable de Russes, d'Ukrainiens, d'Albanais qui fréquentent le pays. En fait, le Monténégro est une plaque tournante de trafics en tous genres (cigarettes, drogue, prostituées), une vaste lessiveuse à argent sale.


C'est donc là-bas que je suis partie, il y a 15 jours, dans un avion tout pourri (un vieux Fokker hollandais) des Monténégro Airlines. A l'aéroport de Tivat, m'attendait une petite voiture.


J'ai ainsi sillonné le pays en automobile mais ça n'était pas de tout repos tant les routes sont encombrées et étroites. On échappe à dix accidents par jour et on perd des heures dans les embouteillages et à chercher un stationnement.


J'ai d'abord beaucoup aimé les Monténégrins, charmants et accueillants (ce qui n'est pas toujours le cas dans les pays de l'ancienne Yougoslavie). Et puis, j'aime bien frimer dans les pays de langue slave. Je fais une compote de russe, de polonais et d'ukrainien, je lis tout ce que je vois et écoute tout ce qu'on dit et ça y est, c'est facile comme tout, en 2 ou 3 jours je suis opérationnelle, je parle et comprends le serbe ! C'est incroyable ce que vous êtes douée pour les langues, qu'on me dit. D'ordinaire, les Français, ils ne sont pas fichus de dire bonjour et au revoir au bout d'un mois de séjour. Quant à composer une phrase, avoir une conversation, on n'a jamais vu ça. Personne ne semble soupçonner que je triche.


Ensuite, j'ai adoré l'ancienne capitale, Cetinje, une ville fantôme, avec ses ambassades désertées, perchée dans les montagnes. Elle a été construite, pour l'essentiel au début du 20 ème siècle et beaucoup de ses bâtiments ont une architecture Art Nouveau, Art Déco.


Et puis, il y a la route menant à Cetinje, "la route serpentine". Sa réalisation, à la fin du 19 ème siècle, a été un exploit d'ingénierie. C'est un enchaînement vertigineux de lacets surplombant les bouches de Kotor. On n'est pas sûrs d'en ressortir vivants mais c'est sûrement l'une des plus belles et des plus impressionnantes routes que j'ai jamais faites.


Il y a enfin, évidemment, les Bouches de Kotor. D'abord, c'est immense, près de 100 kilomètres d'une pointe à l'autre. C'est parsemé de villages de pêcheurs, de cités vénitiennes, d'allées de palmiers abritant des terrasses. Curieusement, la Méditerranée y a perdu sa couleur bleue, elle y est presque noire du reflet des montagnes.


Alors, faut-il se précipiter pour aller visiter le Monténégro ?
Je surprendrais peut-être un peu en répondant : "Non".


J'ai malgré tout été un peu déçue. Le pays est, en effet, envahi, submergé de touristes.

Sur les sites répertoriés, il y a bien plus de touristes que de Monténégrins et on croise sans cesse les cars de Tours Operators déversant partout leur cargaison de personnes âgées. Le pire, ce sont les grands paquebots de croisière qui font le tour de la Méditerranée. Ils libèrent tout d'un coup, dans de petites villes, 5 000 touristes et 2 500 hommes d'équipage. C'est un vrai cataclysme, une nuée de sauterelles.


C'est déprimant ! D'aventure, de découverte, d'imprévu, il n'y a plus.
La Méditerranée est devenue infréquentable en été.


Le monde se transforme, petit à petit, en immense parc d'attractions, en super-Dysneland pour adultes. Quelle drôle d'époque ! C'est sûr qu'on ne peut plus dire que les voyages forment la jeunesse. Ils distraient plutôt aujourd'hui les vieux et toux ceux qui adorent être pris en charge
.
Alors, quel conseil pour le Monténégro ?

Et bien y aller à l'automne et en hiver, de novembre à mars, pour pouvoir respirer un peu plus d'authenticité. Mais est-ce que ça a un sens à cette époque de l'année où il y a de la neige dans les montagnes et où on ne peut pas se baigner dans la mer ?

















Mes petites photos de touriste du Monténégro. J'en ai sans doute beaucoup trop posté mais c'est toujours difficile, au début, d'opérer une sélection.

Je signale, enfin, pour faire suite à mon interrogation, qu'il y a, au moins deux personnalités monténégrines mondialement connues: le peintre Dado Djuric (1933-2010) et l'écrivain Danilo Kis (1935-1989).

2 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla

A votre tour de ne pas être très enthousiaste ...cela peut arriver quelquefois, par contre vous l'avez été généreusement sur vos photos.

Bien souvent chacun interprète l'image à sa façon, comme les paroles, ce qui fait notre différence...quoique les images soient plus fiables de véracité.

Bien à vous

Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Entendons-nous bien: le pays est très beau ! Les Bouches de Kotor, c'est vraiment magnifique; ou alors la route vers l'ancienne capitale, c'est époustouflant ! On y mange même très bien(du moins si l'on aime les produits de la mer)et les Monténégrins sont sympathiques.

Mais il est vrai que j'ai été déçue. Le pays est en effet envahi, submergé, de touristes et on a le sentiment constant d'un environnement complétement artificiel. Ça ne me convient pas du tout.

Mais bon ! Si mon blog permet à certains de mes lecteurs de faire l'économie de certaines destinations (le Monténégro, l'Ouzbekistan), il a, au moins une petite utilité.

Bien à vous,

Carmilla