samedi 8 septembre 2018

Nudité radicale

* Parfois, vous m'écrivez: "C'est quand même souvent glauque, ce que tu racontes. C'est un peu bizarre".

* "C'est exagéré et c'est relatif . Tout change, tout évolue. Ce qui était subversif a vite fait de se banaliser, normaliser. Regardez par exemple l’œuvre d'Egon Schiele dont j'illustre aujourd'hui mon post. Il paraît qu'il y a encore seulement 20 ans, ses tableaux étaient jugés unanimement horribles. Aujourd'hui, sa peinture ne fait plus scandale.

Et puis, c'est vrai que je suis comme ça: je parle souvent cash.  Je n'aime pas la mièvrerie du langage et des sentiments.

Enfin, j'annonce clairement la couleur sur ma page d'accueil: un "blog érotico-philosophique", même si ça peut apparaître un peu ridicule".

* "Est-ce que ça n'est pas lié à ton ascendance, aux pays où tu as vécu ?"

* "Ah non ! Pas du tout et je dirais même au contraire. En Russie, en  Iran, les femmes sont ultra apprêtées, hyper-sexy. Mais elles se contentent de parader entre elles. Le désir, l'amour, on n'en parle pas du tout, tout simplement parce que ça n'existe pas: c'est le grand silence, le non-dit complet ce qui n'exclut pas des conduites parfois audacieuses. Je lis quelquefois les blogs de jeunes filles russes: c'est d'une nunucherie consternante. Mais ça vaut aussi dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Grande-Bretagne, où on se veut des gens sains, où on a une vision hygiénique de la sexualité. En plus, les femmes y ont renoncé à toute séduction. 


Parce que c'est ça que j'ai découvert en France: l'exaltation charnelle, l'ambiance sensuelle, la séduction permanente. Même s'il est vrai que ça s'estompe fortement aujourd'hui sous la pression des ligues de vertu et de l'idéologie écolo-hygiéniste.


Découvrir son corps, c'est important. Pour moi, c'est d'abord passé par le sport, notamment la course à pied que j'ai pratiquée sous une forme presque extrême (mais c'est justement ça qui est intéressant). Je m'essaie maintenant à la natation mais avec, évidemment, moins d'ambitions.


Et puis, il y a eu la découverte de la littérature érotique, ce météore de la culture française: le 18 ème siècle, quelle merveille ! "Thérèse philosophe", Justine et Juliette (du divin Marquis), La Merteuil ("Les liaisons dangereuses"), Suson (du "Portier des Chartreux"), Angélique et Agnès ("Vénus dans le cloître"), Laure (de Mirabeau), tous ces personnages féminins m'ont bouleversée. Aux auteurs du 18 ème siècle, j'ajouterais les œuvres plus récentes de Pierre Louÿs et celles de Georges Bataille ("Le bleu du ciel", "Madame Edwarda"). Quant à aujourd'hui, je me retrouve pleinement dans les bouquins d'Elisabeth Barillé et Claire Castillon. La bisexualité, le masochisme, l'esprit retors, le transport mystique, l'attirance de l'interdit, ça me fait frémir.

On n'a rien lu si on n'a pas lu tout ça !


J'y ai découvert un monde merveilleux où les hommes et les femmes y étaient à égalité. Des femmes qui osaient s'affirmer, qui n'étaient ni victimes, ni saintes. Pour qui le refus de la procréation renversait tous les préjugés en vigueur.

Ouvrir son esprit, c'est ce que m'a appris la littérature libertine. Ça m'a transportée, enlevée. La littérature libertine, c'est la communion de l'esprit et du corps et ça s'effectue dans une pure allégresse, celle éprouvée face à l'abolition des interdits.


Mais la France, ça n'est évidemment pas que sa littérature, ses peintres ou ses cinéastes ("Les valseuses" de Bertrand Blier comme modèle de parcours érotique allègre et décomplexé).

C'est cette omniprésence du désir et du sexe, rencontrés à chaque instant dans la rue, dans un regard, dans un vêtement. C'est, à partir de là, la possibilité de la rencontre fortuite, brutale. La possibilité de l'aventure, des matins blêmes dans une chambre inconnue.


On souffre souvent, dans les sociétés occidentales, d'un trop plein d'idéal et de grandes idées. On s'engage, on a des convictions, on est politisés. Mais ça conduit d'abord à l'intolérance, à ce qu'on se batte entre nous et surtout ça nous empêche de tomber amoureux. Heureusement la force du désir est souvent telle qu'elle balaie rapidement toutes ces barrières.

Dessins d'Egon SCHIELE (1890-1918). Les expositions le concernant se multiplient en Europe en ce moment: à la Fondation Louis Vuitton à compter d'octobre. Ça a sans doute une signification. Il n'est plus un peintre maudit mais je ne suis pas sûre que dans ses tableaux (de même que chez Lucian Freud) la chair exulte.

Si vous vous intéressez beaucoup à Egon Schiele, je vous conseille vivement de vous rendre dans sa ville, à Cesky Krumlov en République Tchèque. C'est à 100 kms au nord de Linz. La ville est magnifique, elle a été restaurée et est inscrite au patrimoine de l'Unesco. C'est aussi un bon point de départ pour la visite des merveilleuses petites villes de Bohême du Sud.

Au cinéma, je vous recommande:

- "Burning" de Lee Chang-don. De loin, le meilleur film de ces derniers mois. Surtout, ne partez pas 5 minutes avant la fin de la séance.

- "Le monde est à toi" de Romain Gavras

6 commentaires:

Nuages a dit…

Dans le fil de votre billet, je pense que cet article de Libération vous intéressera :
http://sexes.blogs.liberation.fr/2018/09/12/culture-du-viol-dire-non-pour-exciter-le-male/

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

J'avoue que depuis quelques mois, je ne lis plus que très épisodiquement "Libération".

Je trouve que c'est globalement moins bien et son idéologie pro-Mélenchon m'insupporte.

Néanmoins, il y a encore souvent des journalistes remarquables, notamment sur toutes les questions de société. Ils sont même plus modernes, plus "en phase", que "Le Monde". Cet article est justement très intéressant et met bien en évidence les différences structurelles entre l'homme et la femme.

Ce que j'avais justement aimé dans la littérature française du 18 ème siècle, c'est que cette différence structurelle était abolie et qu'hommes et femmes y étaient sur un pied de stricte égalité.

Bien à vous

Carmilla

Richard a dit…



Bonjour Dame Carmilla

À juste titre vous avez écrit un billet rafraîchissant .

Votre dernier paragraphe est juste, sauf peut-être pour l'intolérance.

« On souffre souvent, dans les sociétés occidentales, d'un trop plein d'idéal et de grandes idées. On s'engage, on a des convictions, on est politisés. Mais ça conduit d'abord à l'intolérance, à ce qu'on se batte entre nous et surtout ça nous empêche de tomber amoureux. Heureusement la force du désir est souvent telle qu'elle balaie rapidement toutes ces barrières. »
Carmilla

C'est vrai que la politique ou l'engagement nous détourne de l'amour ou du sexe ou encore des sentiments, peut importe le vocable qu'on emploi.

En cela la politique peut devenir plus passionnante que l'amour et la force du désir n'y pourra rien.

Concilier devoir et désir n'est pas tâche facile. Le devoir efface souvent le désir surtout lorsqu'on joue sa peau comme présentement dans des négociations sur l'Aléna.

Nous avons l'impression que les Américains veulent nous faire la peau. Impossible de reculer sur la gestion de l'offre dans l'industrie laitière, pas plus que sur l'article 19 sur les contentieux, ou encore sur la politique culturelle.

Monsieur Trudeau et madame Freeland se battent le dos au mur, ils ont affirmés haut et fort, qu'il ne reculeraient pas. Vaut mieux pas d'entente qu'une mauvaise  entente.

J'espère qu'il ne faibliront pas !

Vous comprendrez que je n'ai pas l'esprit à la bagatelle, alors des fois, quelqu'un qui évoque la nudité intégrale, c'est rafraîchissant.

Merci Dame Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ce que j'écris à propos des grands idéaux est peut-être, en effet, excessif.

Mais j'avoue avoir du mal à comprendre la passion politique ou militante.

Je n'ai d'ailleurs eu que de mauvaises expériences avec des amis-amants qui prétendaient refaire le monde. Quels gens ennuyeux et quelles difficultés à avoir un dialogue. Et puis on est priés d'avoir un avis conforme et de respecter les dogmes.

La passion militante détruit souvent toute attention à l'autre, toute capacité d'amour.

J'ai également noté qu'adhérer à un parti, à un mouvement, était surtout un moyen de rencontrer et de retrouver des gens comme soi, de la même classe et des mêmes idées.
Pourquoi pas mais ça n'est pas comme ça qu'on parvient à sortir de sa bulle.

Cela étant, j'admire les grands politiques capables d'avoir des projets au-delà de toute idéologie. Les négociations sur l'Alena sont effectivement redoutables. Mais il y a quand même un sens de l'histoire et les Etats-Unis se méprennent en croyant qu'on peut l'inverser. Tôt ou tard, le Canada sortira donc vainqueur.

Enfin, je précise que mon blog n'est qu'accessoirement consacré à la bagatelle. L'essentiel, c'est de combattre les préjugés et idées reçues.

Bien à vous

Carmilla

Nuages a dit…

C'est amusant que vous trouviez que "Libération" est pro-Mélenchon ! Celui-ci a d'ailleurs des relations très tendues avec ce journal, qu'il qualifie volontiers de "social-libéral", voire de libéral-libertaire. Une jeune femme croisée à Avioth récemment, altermondialiste et tout, pensait aussi que c'était un journal libéral.
Enfin, selon l'endroit d'où on parle, on est toujours le "populiste de gauche" ou au contraire le "néo-libéral" de quelqu'un.

Pour ma part, je pense que Libération est un quotidien social-démocrate. C'est très clair quand on lit les articles de Laurent Joffrin. Sur le plan sociétal, des valeurs, il est clairement libertaire.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Attention, j'ai longtemps lu avec assiduité "Libération" et j'aime bien leurs analyses des évolutions sociales.

Je dirais qu'ils sont effectivement libertaires concernant les mœurs et je partage ce point de vue.

En matière économique, en revanche, ils ne sont certainement pas libéraux. D'une manière générale, ils prônent l'étatisme à outrance.

Quant à Mélenchon, il joue à être fâché avec tous les médias mais ceux-ci ne lui en tiennent pas rigueur.

Bien à vous

Carmilla