samedi 29 décembre 2018

Du solstice d'hiver et de la Liberté

 
Noël et le solstice d'hiver, une période ultra sombre, ultra grise. La nuit envahit le monde: une espèce de purée de pois continuelle qui excite la mélancolie. Et puis, les corbeaux et les corneilles se font plus audacieux et envahissants dans les villes. Je les observe avec attention: comment nous perçoivent-ils, nous sont-ils hostiles ? J'adore ces moments mais ça me rend triste également :  c'est trop fugace, déjà les jours recommencent à croître.

Noël, c'est terminé aussi. C'est sans doute le seul jour de l'année où s'efface, pour tous, l'amertume de la vie. Le seul jour où s'abolissent les haines et les rancœurs, où on n'a plus envie de tuer son voisin. Noël, c'est la démonstration, à rebours, que la vie est un état de guerre permanent.



Noël, ce sont aussi les rites alimentaires propres à chaque communauté. C'est particulièrement important ce jour là.  A Noël, je ne mange normalement pas les mêmes choses que les Français (dinde, bûche, foie gras). Pour moi, c'est plutôt carpe, anguille fumée, écrevisses, harengs et gâteau au fromage (on ne mange normalement pas de viande). Mais c'est devenu quasi introuvable à Paris (ou alors, c'est très mauvais). L'Europe Centrale, ça n'intéresse vraiment pas beaucoup. Alors, je me suis rabattue sur les couteaux, les ormeaux, les bulots, les tourteaux et les huîtres.



Et puis on se fait des cadeaux. C'est là encore, paraît-il, un vrai rite propitiatoire, une espèce de rite primitif destiné à s'attirer, par médiation, la bienveillance des morts et des puissances maléfiques. Pour ma part, je me suis fait offrir une nouvelle montre (une de mes passions), une NOMOS de Glashütte.
















Mais en cette période, je dispose, surtout, d'un peu plus de temps libre. C'est propice à la détente. Alors, je me rends tous les matins, dès 7 heures, à la piscine Montherlant, boulevard Lannes. Le 16 ème, c'est un peu différent du 8 ème et puis c'est la piscine des Russes (en raison de la proximité immédiate de l'ambassade). Je ne suis pas sûre qu'ils goûtent beaucoup ma présence parce que je prends plaisir à me moquer d'eux (vous vous faites remarquer avec vos maillots kitsch) et à leur raconter des histoires affreuses (du genre les centaines de touristes russes agressés et molestés dans toute l'Europe parce qu'on ne les aime pas; ils sont tout à fait disposés à me croire). Ou alors, je m'amuse à rejouer les escarmouches de la Mer d'Azov en leur fonçant dessus comme un hors-bord.

















Ce moment de l'année, c'est aussi propice à la méditation. Je remarque comme ça que mon blog va entamer sa 12 ème année. Ça m'étonne moi-même. Je me demande quelquefois si je ne devrais pas arrêter: je radote, j'ennuie sûrement, je devrais changer de registre mais ça n'est pas facile.

Je poursuis tout de même d'abord parce que ce n'est pas très contraignant de tenir ce blog : juste un petit peu de temps durant le week-end et je ne suis jamais à sec d'inspiration.


Ensuite, la régularité, la systématicité de ce blog correspondent bien à ma personnalité. Si j'ai au moins une qualité, c'est celle de la persévérance: je ne lâche jamais, je ne dévie pas. J'aime bien me fixer des règles, des objectifs; ma vie est très organisée, très disciplinée. Ce n'est pas par amour de l'ordre mais j'ai tendance à penser que s'astreindre à certaines prescriptions permet, paradoxalement, de se sentir plus libre.

On n'est pas toujours écrasés par les obligations, elles vous transfigurent aussi.

Les lois, au fond, elles existent surtout pour être surmontées. Rien ne serait plus ennuyeux, en effet, qu'un monde sans interdit.

















On dit souvent ainsi que la liberté, ce serait de pouvoir faire tout ce qui nous plaît.

On peut aussi penser que la liberté, c'est d'être capable de faire ce qui ne nous plaît pas. Jusqu'à éventuellement en retirer une certaine satisfaction.

C'est ma dernière petite réflexion  pour 2018. Bonne année 2019 à vous tous ! Je vous aime.

Images de: Adolf BOHM, JR WITZEL, Hans CHRISTIANSEN, Henri GUERARD, Gustav Adolf MOSSA, Konon Bariei, Rudolph BACHER.

Au cinéma, je conseille "MAYA" de Mia Hansen-Love. Ça donne envie d'aller en Inde. 

17 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Dame Carmilla !
Du Solstice et de la liberté, voilà un jolie titre qui m'interpelle. J'aime particulièrement cette époque que je situe entre deux années, entre deux fêtes, Noël et le Jour de l'An, une espèce de désert silencieux entre ce qui a été et ce qui n'est pas encore. Le temps de donner du lustre à sa liberté, de se dire que nous choisirons encore, que nous accepterons, ou bien, que nous refuserons. Que cette liberté appelle le pouvoir comme la responsabilité, que peut-être il faudra défendre même au prix de la souffrance. Cette liberté, personnellement, c'est la stimulation ultime, le fondement de ma vie, la possibilité d'ouvrir de nouveaux territoires, d'explorer de nouvelles idées dont nous ne savons rien présentement, de saisir des occasions, d'observer la lumière qui revient comme un vieux Viking assis sur une pierre qui pense que tous les débats ne sont pas clos, que la fin de l'histoire c'est une aberration et que nous devrons encore une fois affronter le hasard et la surprise. La liberté, ce n'est pas la facilité, c'est un chemin difficile qui met souvent à rude épreuve notre jugement, notre libre arbitre, et surtout nos valeurs que nous pensions immuables. Mais, c'est aussi une navigation exaltante comme une descente de rivière en canot. Les prochains remous cachent peut-être une pierre traîtresse ? Il faudra faire avec. La liberté c'est souvent l'improvisation, le temps déréglé, l'anarchie, l'imprévision, l'imagination, comment ne pas évoquer ma vie dissolue ? Le glissement d'une improvisation de Jazz dans une pièce de musique classique. Une longue marche sous la lune comme mardi dernier. Lorsque j'entends le mot liberté, je dresse l'oreille et le frisson n'est jamais loin parce que cela évoque l'espace, la vastitude, là où le regard porte au loin. Alors mon regard peut se perdre pendant des heures sur la ligne d'horizon et j'ai souvent du mal à le rapatrier.
Bon vent Dame Carmilla en vous laissant sur ce petit bout de texte de Gilles Vigneault

« Après avoir flotté
Jour et nuit
Jusqu'ici
Une saison entière
Nous voici plus salés
Qu'un vieux mât,
Sans même un beau naufrage
À raconter aux pierres
L'histoire de ce qui poussait
Aux alentours. »

Gilles Vigneault
Le Chemin Montant
Page -85-

Bonne année Carmilla
Richard St-Laurent

Anonyme a dit…

Ne changez rien surtout.
Vous lire en silence depuis des années représente un pur plaisir de lecture et de réflexions. C'est un cadeau que vous me faites chaque semaine et que je goûte sans aucune modération.
Bonne année Carmilla.
Alban Plessys

Ariane a dit…

с новым годом Carmilla, et merci pour tout !

Ariane.

Carmilla Le Golem a dit…

Oui Richard,

Cette période de l'année est en effet propice à la réflexion. On fait des projets, on s'interroge sur son avenir.

Et se projeter dans le temps, c'est aussi s'interroger sur sa liberté.

On peut bien sûr rêver de choses agréables mais on peut également établir des règles de vie éventuellement contraignantes (se lever tôt, faire du sport etc...) mais qui nous procureront plaisir après-coup. Je ne crois pas en ce sens que la liberté, ce soit l'improvisation ou la vie dissolue. A mes yeux, c'est plutôt la maîtrise.

Merci pour ce texte de Gilles Vigneault qu'à ma grande honte, je ne connaissais pas.

Très bonne année à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban pour votre fidélité et l'attention que vous portez à mes petits textes.

J'écris aussi souvent beaucoup de bêtises mais il ne faut pas m'en tenir rigueur. L'important, c'est que ça interroge.

Très bonne année à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

счастливого Нового Года ! Ariane !

Un blog a ceci de troublant que l'on ne connaît pas ses lecteurs et on se dit souvent qu'ils doivent avoir une drôle d'image de vous. On arrive cependant à percevoir sympathies et affinités dans les messages échangés et c'est très réconfortant.

Bonne année à vous,

Carmilla

Anonyme a dit…

Bonne Année Carmilla!

Carmilla Le Golem a dit…

Bonne année à vous aussi Anonyme !

et merci de faire l'effort de me lire,

Carmilla

Nuages a dit…

Oui, bien sûr, continuez votre blog ! Je suis un peu impatient chaque semaine de découvrir votre nouveau billet, même si certains thèmes reviennent, bien sûr (la honte, le désir, la séduction, le pouvoir, l'Europe centrale, les écrivains, ...), souvent à contre-courant de la pensée mainstream, parfois choquants, jamais ennuyeux !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Votre message me fait très plaisir, venant de la part de quelqu'un qui me dépasse largement en matière de lutte contre la pensée mainstream.

J'ai aussi des aspects qui peuvent être très conventionnels et j'assume le fait que je puisse choquer.

Quant à la répétition de certains thèmes, je précise que je m'attache à ne parler que de questions pour les quelles j'estime avoir quelques lueurs ou une petite compétence: l'Europe Centrale (autour d'une ligne qui va, en gros, d'Helsinki à Sofia), la psychanalyse (selon mon point de vue propre), les questions financières. Cependant je ne suis vraiment spécialiste de rien (sauf, tout de même, en finances)et je n'ai pas d'autre objectif que de déplacer quelques lignes.

Et puis je crois beaucoup aux vertus de la persévérance. J'entends donc poursuivre mais j'espère qu'il en est de même pour vous. Notre époque a besoin de gens aux regards décalés.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla

Je pense aussi que la liberté c'est d'avoir la maîtrise de soi et des éléments, mais l'humanité toute entière est une formidable aventure, et nous n'en connaissons pas la fin,à l'image de cette sonde spaciale qui vient d'atteindre la ceinture de Kuiper au bout de 12 années de voyage et qui va bientôt nous en transmettre des images...fantastique!!!.

Bonne année Carmilla
et bonne continuation.

Bien à vous...fidèlement.

Et merci pour le "Je vous aime".

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Bonne année à vous aussi et tous vos proches.

Malheureusement, de moins en moins de gens partagent aujourd'hui votre enthousiasme qui est pourtant pleinement justifié. C'est plutôt l'ère du catastrophisme et de la déprime. En sortira-t-on un jour ?

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

“L'enthousiasme a toujours engendré la certitude.”
Alfred Espinas

Chacun se conforte dans sa certitude...mais il est possible que tout le monde ait tort.

dominique a dit…

Bonne année Carmilla! J'aime beaucoup vous lire, et, la plupart du temps, je suis d'accord avec vous! Continuez !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Dominique,

Bonne année à vous également !

Mais j'espère aussi qu'on peut me lire quand on n'est pas d'accord, voire pas du tout d'accord, avec moi.

Bien à vous,

Carmilla

Thierry Mattart a dit…

Kamilia ... Et son côté Françoise Sagan: " Les lois, au fond, elles existent surtout pour être surmontées. Rien ne serait plus ennuyeux, en effet, qu'un monde sans interdit."
Plus un état d'esprit qu'une influence... Un vrai plaisir la réflexion d'une nouvelle parution.
Et Richard... La touche sucrée du sirop d'Erable.
Nuage contemplant Avioth d'une de ces gargouilles...
Mes meilleurs vœux pour votre bonheur et celui de vos proches.
Thierry

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Thierry,

Je vous sais un lecteur belge fidèle et sympathique !

Effectivement, j'essaie plutôt de créer une ambiance, une atmosphère, et je ne prétends pas du tout influencer. Si mes propos permettent de sortir un peu des rengaines du quotidien, c'est bien et ça suffit.

Meilleurs vœux à vous aussi et tous vos proches,

Carmilla