samedi 13 juillet 2019

Dette, Boom, Krach: la Bourse, la vie


1 ère Partie: 

Au Moyen-Age, l'un des pires péchés condamnés par l’Église était l'"usure", le prêt d'argent avec intérêt. Les usuriers étaient voués à l'Enfer aux côtés des voleurs et des assassins. Ce type de punition n'impressionne pas beaucoup aujourd'hui mais, à l'époque, on croyait vraiment à l'Enfer et ses descriptions en étaient terrorisantes; ça faisait  donc hésiter. Ça explique que les chrétiens ont longtemps abandonné aux Juifs toutes les activités de prêt.


Gagner de l'argent avec de l'argent était jugé entièrement immoral. L'intérêt, c'était le poids de la faute, du péché, sur celui qui avait été contraint d'emprunter (en allemand, le mot dette, "schuld" signifie également "la faute"). Et puis, ça revenait à rémunérer le Temps, lui donner un prix, alors que, pour un chrétien, l'horizon de la vie n'est pas la finitude mais l'éternité.



De même, on trouve dans de nombreuses villes européennes des "Rue des Lombards". Elles évoquent ces marchands et prêteurs italiens qui ont inventé la comptabilité en partie double, mis en place les premiers établissements de crédits et les premières banques et initié ainsi, à la fin du 15 ème siècle, rien de moins que le capitalisme. Mais les rues des Lombards ont longtemps été associées, dans l'imaginaire populaire, à des endroits mal famés, des lieux peu recommandables de débauche et de crime.


Je suis ainsi convaincue que l'aversion presque générale des Européens (et spécialement des Français), envers la Finance, les activités bancaires et le capitalisme en général, a des racines profondément religieuses. Beaucoup se croient révolutionnaires mais ne sont finalement que des curés.


Je vais même jusqu'à penser que les actuelles politiques monétaires de la BCE et de la FED, extrêmement accommodantes mais ô combien dangereuses, sont presque une résurgence de l'esprit religieux vis-à-vis de l'argent. C'est le retour au Moyen-Age: on peut emprunter à taux zéro, voire même avec un taux négatif.


L'argent gratuit, c'est un vieux fantasme universellement partagé. On croit pouvoir s'affranchir de la servitude de la Dette, échapper au Temps, se livrer aux délices instantanés de la consommation. Ces banquiers rapaces et voleurs qui nous tenaient dans leurs griffes, on n'en a quasiment plus besoin. On peut maintenant s'offrir à profusion de la camelote chinoise ou des berlines allemandes. Tant pis si dans le même temps, on ponctionne et assèche systématiquement l'économie réelle. Il faudrait d'ailleurs exterminer d'urgence deux groupes sociaux: les épargnants et les détenteurs de capital. Il suffit de piquer leur fric pour procurer du pouvoir d'achat aux classes populaires, c'est ce qu'ont bien expliqué les gilets jaunes et Thomas Piketty.



Vertige de l'immédiateté. Privilège de l'instant et de la consommation au détriment du long terme, de l'investissement. Après nous le Déluge ! Et d'ailleurs, "à long terme, nous serons tous morts", rappelait Keynes.

On préfère vivre dans l'illusion du court terme, du tout, tout de suite, sauf que la réalité se venge bien vite. Ouvrir les robinets de l'argent gratuit, c'est aussi déchaîner les démons de la spéculation. C'est l'"exubérance irrationnelle" des marchés. C'est la multiplication des investissements dans le n'importe quoi: les tulipes en 1637 aux Pays-Bas, les sociétés informatiques et internet à la fin des années 90, l'immobilier, les actions, les obligations aujourd'hui.



Parce que vis-à-vis de l'argent, on n'est pas seulement des "curés", on est aussi des "moutons": on suit la tendance générale, on croit que les arbres peuvent monter jusqu'au ciel. Si ça a marché jusqu'à aujourd'hui, ça va continuer à marcher demain, c'est ce dont on essaie sans cesse de se persuader. C'est comme ça que se forment de magnifiques bulles qui, lorsqu'elles éclatent, nous laissent sur la paille.

2 ème Partie :

Qu'est-ce qui te prend aujourd'hui ? Pourquoi tu viens nous ennuyer avec ce fatras indigeste ? D'ailleurs, on s'en fout !

Je le comprends mais c'est aussi mon histoire personnelle. Les "idées reçues",  les curés, les moutons, j'ai toujours détesté ça, c'est mon tempérament rebelle. C'est à cause de ça que je me suis intéressée à l'économie et à la finance.

Et puis, il y avait le souvenir, transmis par mes parents, d'une humiliation: celle d'avoir vécu dans un pays communiste. Le communisme, ça peut en effet être résumé comme ça: l'humiliation permanente d'une société où tout était lamentable, grotesque, absurde.



J'ai donc pris le contrepied de tout ça: l'argent ne m'a jamais fait peur, sans doute parce que je suis résolument athée ou peut-être simplement immorale. Ce n'est pas facile de confesser ça en France, dans un pays où la quasi-totalité des hommes politiques se vante de ne posséder aucun portefeuille boursier. Personnellement, ça me conduit surtout à les soupçonner d'incompétence.

Je l'avoue donc aujourd'hui: ma première passion, ça a été la Bourse et ça ne m'a pas quitté. Je me souviens de la tête de mon conseiller financier, lorsqu'à moins de 20 ans je suis venue ouvrir un compte-titres. "Vous être sûre de pouvoir l'alimenter et le couvrir ? Vous connaissez un peu les mécanismes financiers ?" qu'il m'a dit. Mon look, mon nom, devaient l'inquiéter:  une fille de l'Est qui vient blanchir du fric, se disait-il sans doute.


Et puis, la grande rigolade, ça a été avec mes amants gauchistes  (il y en avait bien sûr d'autres possibles dans les grandes écoles, mais ils étaient bêtes à manger du foin, archi-conservateurs, le degré zéro du glamour). Quand ils découvraient que je consultais frénétiquement la cote, que je dévorais les publications financières, c'était l'accablement et la honte. Ils auraient préféré que je les trompe avec leur frère, voire même leur sœur. "J'aurais jamais cru ça de toi, je te croyais progressiste" qu'ils me disaient."Je serais incapable de donner un centime à ces crapules, à Arnaud, à Bolloré, à Pinault". "Pauv' patate !" que je répondais, "en mettant mon fric en Bourse, je fais plus pour la classe ouvrière que tes ridicules manifestations altermondialistes".


Évidemment, ces relations loufoques, ça se terminait très vite à grands fracas. Mais moi, je continuais, imperturbable, de me laisser emporter. Il faut dire que jouer en Bourse, ça apporte d'abord un piment et une coloration nouvelle à votre vie. Tout devient plus intense, on est parcourus sans cesse des frissons de l'inquiétude et de l'exaltation. Mais les émotions, ça devient vite dangereux, ça vous conduit à faire des bêtises, il faut apprendre à les maîtriser, de manière à acquérir une espèce d'impassibilité. On doit être capables d'avoir un rapport absolument neutre et dépassionné à l'argent, on doit être capables d'accepter indifféremment de perdre ou de gagner. C'est une formidable leçon de vie, on en sort transformés. J'ai bien sûr gagné de l'argent mais j'ai aussi perdu, parfois, des sommes effroyables : parfois plus que les revenus annuels de mon travail. Ça vous aide, du moins, à surmonter cette universelle "aversion à la perte" qui caractérise l'esprit humain.



Et puis la Bourse, c'est l'occasion de rencontrer des gens singuliers, extraordinaires, des "lone wolfs", des braconniers, dont la vie se situe à cent lieux de celle des gens du commun. Les spéculateurs effrénés, ce sont surtout ou bien des gens âgés ( plus de 50 ans) ou bien des gens jeunes (moins de 30 ans). Leur ambition: consacrer leur vie à la Bourse et en vivre. Leur fierté: découvrir le titre que tout le monde avait oublié, la martingale ou la botte secrète qui va permettre de passer à l'abordage. Quand on se rencontre, on bavarde à l'infini, on se refile nos tuyaux, on  échafaude des stratégies délirantes: par exemple attaquer Google et Facebook en les vendant à découvert. On n'a malheureusement toujours pas trouvé l'opportunité.



Pour ce qui me concerne, je me suis pas mal rangée depuis quelque temps, je suis devenue plus prudente. Mais la fièvre ne m'a pas quittée. J'ai toujours toute la cote dans la tête et je suis toujours prête à intervenir. Je guette sans cesse mes proies, parfois pendant des mois, j'attends simplement le bon moment pour leur tomber dessus.

Chacun a sa petite idée en matière de stratégie boursière. La grande mode aujourd'hui, c'est le gain à court terme avec les systèmes de simulation par ordinateur ou les modèles mathématiques qui jouent sur les écarts quotidiens de cours. Ça ne m'intéresse pas du tout et je n'y crois même pas. Ça revient, in fine, à faire comme tout le monde, à adopter les mêmes recettes et c'est ça qui conduit aux blocages et au krachs.


A rebours de ces techniques sophistiquées et stériles, je suis une "contrarienne" et "longtermiste" résolue. Un principe simple me guide: on ne peut gagner sur les marchés financiers qu'en allant à contre-courant des tendances générales, qu'en achetant ce que tout le monde vend et en vendant ce que tout le monde achète. Ce qui est plus que tout décisif, c'est le moment où on entre ou sort d'un marché. C'est pour ça qu'il faut savoir ne pas se précipiter et bien repérer les sociétés massacrées ou gonflées pour intervenir.

Je me vis donc comme une chasseresse: les situations de retournement (les "recovery") ou les baudruches, c'est ça qui m'excite et que je traque. Le danger, c'est l'esprit de troupeau, l'instinct moutonnier. Pour gagner, il ne faut être ni un curé, ni un mouton, il faut être un rebelle ! Ça peut paraître du nietzschéisme à deux balles, mais je suis convaincue que c'est valable aussi bien à l'échelle d'un individu que d'une société. Il y a bien les pays moisis et les pays dynamiques, ouverts à la diversité et la contradiction.


Tableaux de Jacques MONORY (1924-2018)

J'imagine que ce post déconcertera, irritera beaucoup, creusera, peut-être, mon image détestable. Mais comment ne pas parler, quelquefois, de ce qui fait une part importante de mes préoccupations ? Mon blog n'est qu'une petite fraction de ma vie et on est tous un mélange d'odieux et d'attirant. L'important, c'est
de savoir le reconnaître.

Il n'y a quasiment pas de bonne littérature ou de bons films consacrés à la Bourse. Ce ne sont généralement que des trucs boursoufflés, des catalogues de clichés et de stéréotypes dont les auteurs ignorent tout des marchés financiers et de ses acteurs. Je fais exception pour le livre "L'argent" d'Emile Zola que j'ai lu l'an dernier. Il décrit très bien les passions qui agitent les joueurs en Bourse. Surtout, j'ai été étonnée par les prodigieuses connaissances qu'avait Zola des techniques financières. Rien n'est faux, il sait même comment truquer un bilan ou une comptabilité: impressionnant !

Si vous souhaitez enfin vous initier à l'économie mais que vous ne savez pas par quoi commencer, je vous recommande un bouquin remarquable qui vient de sortir:

- Niall KISHTAINY: "Une petite histoire de l'économie- De l'Antiquité à nos jours". Un bouquin très clair, jamais ennuyeux, passionnant même. Un panorama complet de la pensé économique. Un véritable tour de force.

Je rappelle aussi deux bons bouquins que j'ai déjà recommandés:
- Fabrice Houzé: "La facture des idées reçues";
- Tim Harford: "L'économie mondiale en 50 inventions"

Enfin, même si ça n'a absolument rien à voir avec ce qui précède, je recommande très vivement le film de Chanya BUTTON: "Vita et Virginia". Un coup de foudre littéraire fait de beauté et de sensualité. Incontestablement, l'un des grands films de ces derniers mois, à mes yeux.

9 commentaires:

Michael a dit…

Chère Carmilla,

"J'imagine que ce post déconcertera, irritera beaucoup, creusera, peut-être, mon image détestable."
J'ai bien ri ! Merci, et bonne semaine.





CAP a dit…

Bonjour Carmilla,

je ne connais pas grand chose à la finance et au boursicotage mais cela me fascine, ayant eu un père qui a tout perdu et qui en fut fort honteux.

De ce que j'entends ici et là, cela me fait l'écho d'une grammaire de la peur. Pour le petit porteur (les autres, je ne les connais pas), on place des positions et on a peur de perdre en espérant gagner gros. Trump s'écharpe avec les Chinois, les Européens ne répondent plus, l'Iran se tend, tout le monde s'affole et les indices perdent beaucoup car il manque de ''confiance'' (mais de confiance en quoi? en des mots?). On annonce le CAC à 4800 mi juin, et il rayonne à 5600 moins de 10 jours plus tard. C'est hilarant et extravagant cette rhétorique de la confiance et de la peur à court terme. On dirait des mouvements émotionnels collectifs, une hystérie régulée. Et c'est vrai, je ne lis qu'une presse pour pigeons en lecture accélérée.

Je ne m'y connais pas beaucoup non plus en argent. Ayant tout fait pour ne pas sortir de la classe moyenne, je gagne suffisamment pour ne pas avoir à en parler, en dépensant ce que j'ai et en redistribuant le reste. Je n'ai donc rien en titres et rien à en dire. Mais il me semble que ce truc bizarre est un vrai sujet pour ce qui en ont beaucoup et ce qui en manque. De ce point de vue, les riches et les gilets jaunes ont un vrai point commun. Ils pourraient se mettre d'accord et cela ne me concernera pas.

J'aime bien l'histoire de l'économie. Braudel date le décollage du capitalisme occidental avant le 15ès, à la la fin du 12è, dans l'Europe du Nord, consécutivement à l'effacement provisoire du pouvoir politique et à l'émancipation des villes et des guildes de commerçants. Mais je ne suis pas un spécialiste.
Intuitivement, il me semble que le capitalisme estt inhérent à l'humanité depuis les grandes évolutions du mésolithique, lorsque la nature a prétendument été domestiquée par la culture, puis la Culture, et que les hommes se sont attelés à un souffle qui ne leur appartenait plus en se hiérarchisant dans des fonctions d'exploitation. La monnaie s'érige partout quelque siècles après l'érection des clôtures.
Il y avait beaucoup de moyens de faire de la création monétaire (de l'usure?) au Moyen-Age, celle-ci stimulée par les politiques quand ils manquaient de pognon, couverts par des bulles "spirituelles" :
- fondre l'or avec des métaux vils ;
- échanger avec l'Orient de l'argent (rare en Orient) contre de l'or (rare en Occident) et faire du poids d'argent un poids d'or malgré les interdictions d'exporter, et pourtant couvertes par des franchises de droits de douanes hypocrites consenties à des ports qui en ont fait fortune (Aigues Mortes, Montpellier, Marseille, Gênes), au beau milieu des croisades...
Oui, le fric est hilarant.

Bref, j'aime bien vos sujets.
Vous écrivez une expérience qui me permet d'ébaucher certaines réponses aux questions que je me pose et je vous en remercie vivement.

Bien à vous.

Alban

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Michael,

On a toujours des doutes sur la façon dont nos messages peuvent être compris, interprétés,

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Alban,

Sur la naissance du capitalisme, je ne connais pas non plus précisément sa date de naissance mais il me semble que c'est incontestablement lié à la création de la comptabilité en partie double (valorisant les créances et les dettes) et à la naissance des premiers établissements bancaires et de crédit établissant des liens contractuels entre les acteurs économiques (qui sont dès lors tenus de prendre un engagement à long terme).

On a, par ailleurs, en effet longtemps cru que la richesse d'un pays, c'était sa monnaie (c'est à dire la quantité d'argent et d'or dont il disposait). C'est une illusion qui perdure aujourd'hui et c'est pour ça qu'on fabriquait de la "vile monnaie". L'Espagne a ainsi cru acquérir une richesse définitive en important d'Amérique d'énormes quantités d'or. Elle s'est en fait ainsi ruinée pour plusieurs siècles en provoquant une énorme inflation. On a trop oublié cette histoire édifiante.

Sinon, je ne crois pas que la Bourse obéisse uniquement à des mouvements spéculatifs et irrationnels. On sait tout de même bien évaluer la valeur d'une société et on sait alors si elle est sur ou sous-cotée. Ça repose sur l'analyse financière avec toute une batterie de critères et d'indicateurs.

Je suis cependant d'accord avec vous: à court terme et même sur l'horizon d'un an, personne ne peut prévoir les fluctuations des cours. Mais à long terme (ce qui est mon horizon), ce sont bien les sociétés les mieux gérées qui émergent et se valorisent. Le milliardaire américain Warren Buffet s'est très justement exprimé à ce sujet. Il faut surtout avoir un peu de sang froid et de bon sens, rentrer au bon moment dans un marché et savoir garder ses titres. Dans ce cadre, un simple particulier peut lui-même être gagnant. Les gens qui perdent de l'argent, ce sont ceux qui se laissent influencer par des effets de mode et des conseils de spéculation à court terme.

Je sais enfin qu'il est à la mode de désigner les 1% les plus riches qui détiendraient un pourcentage extravagant et croissant du revenu mondial. Les 1%, ça a d'abord des connotations inquiétantes. Et puis, cette présentation est une escroquerie intellectuelle et populiste: on compare des choux et des carottes. Ce serait effectivement très simple s'il suffisait que Bernard Arnault, PDG de LVMH, transfère une partie de sa fortune aux gilets jaunes. Quelques milliards, pour lui, ça n'est effectivement pas grand chose. Le problème est que la valorisation boursière de sa société LVMH est purement virtuelle et qu'il n'a pas du tout cet argent sur son compte en banque.

Bien à vous,

Carmilla

Anonyme a dit…

Merci pour vos explications Carmilla,
elles m'en apprennent beaucoup!
Il ne faut pas non plus négliger d'autres facteurs qui font la richesse d'un pays : l'éducation, les qualifications, la sûreté générale, le système de santé, la prévisibilité des normes, la fiabilité des systèmes de régulation, etc. etc.
Vous vous méprenez si vous avez lu dans mon commentaire une critique de ceux qui ont beaucoup d'argent. Je ne les connais et, au risque de vous choquer, je ne savais pas que ce monsieur Arnault dirige LVMH. Il ne m'intéresse pas. En revanche, s'il est aussi riche que vous le dites, c'est que l'argent est sûrement pour lui une obsession, ce qui pour le coup m'intrigue fortement dans la mesure où il ne l'est pas pour moi. Il l'est aussi pour ceux qui n'en ont pas assez et qui demandent du "pouvoir d'achat", ce qui ne fait pas un point de comparaison pertinent, je suis d'accord.


Bien à vous et bon dimanche.

Alban

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Un entrepreneur a-t-il pour seul objectif de faire de l'argent ? Je ne le crois pas. Ce qui est sûr, c'est que s'il raisonne ainsi, il n'ira pas bien loin et fera rapidement faillite.

Un entrepreneur a quand même d'abord un projet et il s'attache ensuite à proposer une prestation ou un produit nouveaux. Il ne peut pas faire abstraction d'une clientèle potentielle dont il cherchera à satisfaire les goûts ou les besoins.

C'est la théorie de l'entrepreneur créateur largement développée par l'autrichien Joseph Schumpeter : "La destruction créatrice".

Ça explique que le capitalisme soit évolution et mouvement permanents. C'est la puissance révolutionnaire du capitalisme qui impressionnait Marx lui-même. Sur ce sujet, il y a un excellent livre récent de Joyce Appleby: "Capitalisme - Histoire d'une révolution permanente".

Quant à Bernard Arnault, il est devenu, ces dernières semaines, la 3ème fortune de la planète (attention, il ne s'agit que d'une capitalisation boursière, ce qui est très largement virtuel). Il est bien sûr honni des Français. Il est sans doute excessivement riche mais il a aussi contribué à la richesse de la France, en termes d'emplois notamment.

L'économie, c'est une discipline iconoclaste et a-morale (ce qui ne veut pas dire immorale): il faut savoir aller à contre-courant des idées reçues. Un exemple: Emmanuel Macron vient de distribuer une dizaine de milliards d'euros de pouvoir d'achat qui partiront probablement en fumée, produits chinois ou autres. Est-ce qu'il n'aurait pas été plus efficace d'accorder, pour le même montant, une réduction de la fiscalité des entreprises ? Mais j'imagine la stupeur et l'indignation que cela aurait provoqué.

Enfin, je n'ai pas vu dans vos propos une critique de ceux qui ont de l'argent.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

La fille de l'est, rebelle, athée, immorale et chasseresse.

Bonjour madame Carmilla.
Comme à chaque occasion où vous creusez le sujet de l'argent, je sens chez-vous une certaine fébrilité qui s'offre comme une apothéose de la transgression, d'une part la rebelle qui désir oser et d'autre part, cette extrême prudence dans vos choix d'options.
Comment penser au long terme, puisque nous serons tous mort selon Keynes ?
Présentement au Québec et sans doute ailleurs dans le monde, les personnes à la retraite dépense non seulement ce qu'elles ont accumulé, mais en plus elles empruntent, charge au maximum leurs cartes de crédit, puis meurent. Ce qui ressemble à un pied-de-nez. Comme on ne peut pas punir un mort...
Une vie d'humain, quoi qu'on en pense, biologiquement, c'est du court terme, alors pourquoi ne pas s'offrir tout ce que la vie peut offrir sans se priver.
On pousse les gens a consommer afin que la roue ne s'arrête pas. Ô esclaves soumis ! Il fallait voir le marché de New York la semaine dernière hésiter devant la FED. Personnellement ce qui m'intéresse se sont les marchés des matières premières, surtout l'énergie ; mais comment avoir confiance dans ces pseudos experts, qui ont de la difficulté à prédire semaine après semaine le nombre de barils de brut en circulation et surtout les réserves ? Je me demande où ils ont appris à compter ?
Comment un être éphémère peut penser au long terme ? Ce n'est pas seulement une question, c'est un merveilleux paradoxe. À ce chapitre nous avons l'air d'enfants gâtés en culotte courte. Exactement le genre de types que je transportais à la pêche ou à la chasse dans le nord du Québec jadis. Des gens capables de se payer ces genres de voyages onéreux parce qu'ils en avaient les moyens, parce qu'ils étaient aux affaires. Lorsqu'il m'arrivait par accident d'entendre leurs discussions je me disais se sont ces gens-là qui font l'économie ?
Dites-moi est-ce que vous avez réussi a combler vos pertes ? Malgré toute votre science de l'économie, votre grande intelligence, et votre prudence légendaire, vous avez réussi a engloutir les revenus de travail d'une année ; vraiment il faut le faire. Qui plus est, vous demeurez toujours chasseresse.
Si jamais un jour Facebook et Google sont vendus à découvert, j'aurais une pensée toute spéciale pour vous avant de me rouler sur le plancher mort de rire.
Vous avez raison d'évoquer Zola, il est toujours d'actualité. Je suis en train de relire, Le Lambeau de Philippe Lançon toujours aussi pertinent. Et, cette femme que j'admire, Carolin Emcke, avec son récit-essai : Notre Désir.
Pour le reste, c'est juste de l'argent, aussi bien en rire !
Bonne fin de journée, la fille de l'est...

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous posez une question importante: le capitalisme est-il une économie de court ou de long terme ?

La réponse semble aujourd'hui évidente: tous les gouvernements pratiquent une politique de court terme et de forçage de la consommation. Peut importe ce qui est vendu, pourvu que cela soutienne l'activité. C'est le règne de la camelote et du "cheap" soutenu par un endettement massif et un détournement de l'épargne nationale abusivement orientée sur les obligations d’État.

Mais le capitalisme, ça n'a pas toujours été ça. Quand il était financé par l'épargne et les fonds propres des entreprises, il était plutôt orienté sur l'investissement à long terme.

On peut en donner pour preuve une ville comme Paris: la quasi totalité de ses infrastructures a été réalisée au 19 ème siècle: voirie, habitat (immeubles haussmaniens), métro, alimentation en eau. Tout cela est toujours debout et demeure magnifique. A l'inverse, on ne sait pas quels monuments et quelles infrastructures du 20 ème et du 21 ème siècles seront légués à l'avenir.

Les choix actuels du court terme, de la consommation forcenée et de l'endettement sont donc effectivement inquiétants.

S'agissant de mes "pertes", elles n'en étaient pas vraiment. Il s'agissait plutôt des fluctuations de la valeur de mes placements. J'ai inévitablement subi de gros "trous d'air" et ça chiffre très vite. Mais je dois l'avouer: il n'est pas du tout dans mon caractère de calculer régulièrement ce que je gagne ou ce que je perds, de scruter sans cesse ce que j'ai sur mes comptes. J'achète une valeur, je suis sûre de moi. Après, je m'en désintéresse un peu, je regarde juste de temps en temps si elle monte ou non. Il faut savoir être détaché et ne jamais céder aux émotions pour gagner de l'argent, c'est une de mes convictions.

Les matières premières, c'est intéressant mais je ne m'y aventurerais pas. Je n'ai pas assez de connaissances (politiques, économiques) pour en comprendre les évolutions. Je vous conseille néanmoins quelques livres récents susceptible de vous passionner:

- "Histoires extraordinaires des matières premières" et "Nouvelles histoires extraordinaires des matières premières" d'Alessandro Giraudo.

- "Or, argent et folie des grandeurs" et "Quand le fer coûtait plus cher que l'or" du même Alessandro Giraudo

- "La guerre des métaux rares" de Guillaume Pitron

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

J'ai oublié de préciser que je suis prête à parier que Facebook se sera écroulé avant 5 ans. Google, ça devrait prendre plus de temps.

Évidemment, prendre des positions à découvert sur de telles durées, c'est la ruine assurée.

Bien à vous,

Carmilla