samedi 21 décembre 2019

Iran-Ukraine : Diplomatie munichoise


Un silence assourdissant a suivi les récents événements en Iran.

Seul "le Grand Blond" s'est fendu d'un tweet triomphant.


Pourtant, il y aurait eu plusieurs centaines de morts (entre 400 et 1 000 selon les estimations).
Les Gardiens de la Révolution et les Bassidjis ne se sont pas privés de tirer à balles réelles dans la foule.
C'est leur tactique habituelle et il faut reconnaître qu'elle est très efficace. Il s'agit d'abord de terroriser la population.


C'est le grand bémol qu'il faut mettre à tous les reportages plus ou moins complaisants qui ont pu être diffusés, ces dernières années, sur une évolution positive de l'Iran et de son régime politique. Certes, les choses changent, il y a une occidentalisation certaine de la population (grâce à Internet notamment) et la répression des mœurs est moins féroce. Cela, c'est le regard touristique porté sur des villes à l'architecture splendide, de magnifiques paysages, des gens avenants, un artisanat de grande qualité.


Mais jamais sans doute, le contraste n'a été si grand entre le peuple iranien, sans doute l'un des plus doux du monde, et ses dirigeants, d'une férocité et d'une cruauté sans égales. C'est à bon compte qu'on peut vanter la relative libéralisation du pays ces dernières années parce qu'en réalité la main de fer dans le gant de velours n'a jamais été aussi implacable.


Il faut le souligner, il faut vraiment être très courageux pour se lancer dans la contestation politique en Iran. Dans le meilleur des cas, on s'en tire avec quelques décennies de prison mais, plus souvent, on disparaît ou on est froidement assassinés dans une rue. De quoi vous faire sérieusement réfléchir.


Heureusement, le régime des mollahs s'est tellement disqualifié qu'il est aujourd'hui appelé à s'écrouler dans un avenir plus ou moins proche. Et puis, il y a aujourd'hui un effondrement économique complet du pays, le rial ne vaut plus rien et le salaire moyen est aujourd'hui inférieur à 100 euros. Le pays est, en outre, confronté à une pénurie d'eau dramatique. Pour ne rien arranger, l'"influence" extérieure de l'Iran s'étiole avec un rejet du Hezbollah au Liban et des milices chiites en Irak.  Toute la question est donc aujourd'hui de savoir jusqu'où les religieux sont prêts à aller pour défendre leur peau, combien de morts sont-ils encore prêts à faire pour se maintenir au pouvoir ?


Dans ce contexte, il aurait tout de même été important que l'Europe, et la France en particulier, exprime sa condamnation des tueries perpétuées en Iran. Bien sûr, ça n'aurait guère impressionné Rohani et Khamenei mais ça aurait été perçu très positivement par le peuple iranien qui continue tout de même de percevoir la France comme le pays des Droits de l'Homme. Mais la lâcheté porte aujourd'hui le masque de la non-ingérence : il va aussi bien sûr de soi que l'Union Européenne ne dira surtout jamais rien concernant Hong-Kong.


A force de chercher à ne se fâcher avec personne, on se condamne à l'impuissance et à l'humiliation. Surtout quand on a pour interlocuteurs des chefs d’État qui se moquent bien de la diplomatie courtoise et policée et ne connaissent que le langage de la force.


On en a eu une nouvelle démonstration avec la réunion sous format Normandie, à Paris le 9 décembre,  consacrée au conflit du Donbass. Par une étrange coïncidence, j'étais Place des Ternes quand l'a traversée le monstrueux convoi conduisant Poutine à Élysée.  Une véritable démonstration de force, on comprend tout de suite ! Je me suis néanmoins réjouie que le nouveau Président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, n'ait pas cédé en acceptant que soient organisées des élections dans le Donbass sans retrait préalable des forces russes et récupération du contrôle de ses frontières.


Mais j'ai été étonnée des commentaires des médias français qui jugeaient presque que l'Ukraine faisait preuve de mauvaise volonté dans l'application des accords de Minsk tandis que la Russie était presque coopérante. Personne ne s'avise de ce que les conditions dictées à l'Ukraine sont inacceptables et exorbitantes : autant céder tout de suite à la Russie le Donbass.


Ces réunions format Normandie sont absolument surréalistes. On convie d'abord comme "médiateur" et "pacificateur" l'agresseur du Donbass, Vladimir Poutine. On fait comme s'il était un partenaire bienveillant, soucieux d'un accord, et on passe sous silence toutes ses turpitudes récentes (distribution de passeports russes,  non reconnaissance, contre toute évidence, de la responsabilité de la Russie dans la destruction de l'appareil du vol MH 17 de la Malaysia Airlines, et de la présence de troupes russes dans le Donbass, blocage de la mer d'Azov). On lui adjoint deux "idiots utiles", Macron et Merkel choisis par Poutine lui-même, tellement timorés et ayant peur de froisser la Russie, que le Président de l'Ukraine n'a finalement aucun ami au sein de ce groupe.


Il suffirait pourtant que Macron ou Merkel se réveillent un peu et aient le courage de demander que l'on mette fin à cette mascarade, à ce Grand-Guignol; exiger, surtout, que la Russie cesse de mentir et que l'on arrête de négocier sur une fiction et des éléments entièrement falsifiés. La Russie mène une guerre contre l'Ukraine, c'est la seule réalité incontournable mais l'Europe préfère faire semblant de croire à une fable récitée par Poutine. C'est vraiment le retour de l'esprit munichois quand les alliés, par lâcheté, considéraient que Hitler était animé de bonnes intentions.


A quoi sert l'Europe finalement aujourd'hui si elle n'est pas capable d'avoir une politique étrangère commune à ses membres et surtout si elle ne défend pas ses valeurs et les brade, au contraire, au profit d'intérêts commerciaux à court terme ?


Protéger l'Ukraine, c'est pourtant également défendre l'Europe. Mais l'Europe préfère afficher sa faiblesse et sa servilité. C'est de mauvais augure parce qu'en ce moment même est en train de se monter le projet "Eurasie" élaboré par Poutine et associant principalement la Chine et la Russie. La Chine à 2 000 kilomètres de Paris,  je ne suis pas sûre qu'on ait déjà bien intégré ça en France. Ce n'est bien sûr peut-être pas un risque militaire mais c'est surtout un risque démocratique.

Tableaux de Max Ernst (1891-1976), Pablo Picasso (1891-1973), Marc Chagall (1887-1985), Berthold Von Kamptz (artiste contemporain).

En ces période de fêtes, je vous recommande tout particulièrement d'aller au cinéma. Je vous conseille les films suivants :

- "Une vie cachée" de Terrence Mallick. Long et contemplatif mais une splendeur esthétique.
- "It must be Heaven" de Elia Suleiman. Un film à nul autre pareil par un espèce de M. Hulot Palestinien. Un Paris inattendu et magnifique.
- "Chanson douce" de Lucie Borleteau. Peut-être pas à la hauteur du livre de Leïla Slimani mais intéressant quand même.

24 commentaires:

Richard a dit…

A force de chercher à ne se fâcher avec personne, on se condamne à l'impuissance et à l'humiliation.

Bonsoir Carmilla.

Le courage d'une politique.
Les politiciens, il faut le reconnaître à regret, n'ont pas toujours le courage qu'il faut pour défendre leurs politiques. Piketty le souligne dans son dernier ouvrage, lorsqu'il critique l'UE et se pose même la question si quelqu'un aura le courage d'entreprendre seulement des débats sur ses réflexions. Comme vous le mentionner, nous nous enfonçons dans le court terme, nous souscrivons à la facilité pour ne pas dire à une certaine paresse.

Ici, nous avons très peu entendu parlé des événements en Iran, et si je ne me connectais pas avec les médias français, je n'aurais rien su de ce sommet en France entre Poutine et Zelnsky. On passe sous silence, on s'occupe des ses petits problèmes intérieurs, on dort au gaz, parce qu'au fond on n'a pas de politique, alors comment on peut avoir le courage de sa politique. (Sourire à la caméra et petite courbette).

Tout ce que j'espère c'est que vous n'avez pas perdu d'amis en Iran, et que tous sont en sécurités.

Je me demande comment il se fait que dans cette guerre entre La Russie et l'Ukraine, Poutine ne passe pas à l'offensive et n'envahit pas cette dernière complètement ? On ne se le cachera pas, l'armée Russe doit être beaucoup plus forte que les forces Ukrainiennes. J'aimerais lire vos explications à ce sujet. Qu'est-ce qui retient Poutine ?

Voilà, c'est terminé cette lecture du Capital et idéologie de Piketty. Je dois vous avouer que ce fut tout un voyage, ce qui m'a pris 19 jours de mon temps, quinze pages de notes, de nombreux calculs, et tout est en train de décanter. Je vais avoir d'autres commentaires à faire, mais pas ce soir, parce que mes réflexions sont loin d'être arrêtées.

Au plaisir de vous lire et bonne nuit pour ce qui en reste.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Si ça peut vous rassurer, je ne crois pas que les Français eux-mêmes soient bien au courant de ce qui s'est passé en Iran et de ce qui concerne le conflit Russie-Ukraine.

Les informations nationales sont principalement consacrées à la météo (tempêtes et inondations)et à la grève des transports (trains et métro). Chacun continue de voir midi à sa porte. La mondialisation est souvent très relative.

Une guerre directe de la Russie contre l'Ukraine ? Le risque serait immense. En 2014, les choses étaient encore assez simples puisque l'Ukraine n'avait quasiment pas d'armée, les accords passés lui assurant la protection militaire de la Russie en contrepartie d'une renonciation à la puissance nucléaire. Ça en dit long sur le respect des textes par la Russie. Mais les choses ont changé et l'Ukraine a considérablement renforcé le budget de son armée avec l'achat de matériels occidentaux. Une agression directe russe avec des armes conventionnelles serait donc extrêmement risquée d'autant que les soldats russes ont un comportement plutôt erratique. Pas sûr donc qu'aujourd'hui la Russie l'emporterait. Il est vrai qu'à l'Ouest personne ne dirait rien mais il y aurait une résistance intérieure ukrainienne continuelle qui, à terme, serait impossible à maîtriser.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla

Comme d'habitude vous êtes une bonne analyste et c'est d'une très grande tristesse que de voir l'état du monde actuel , de l'Europe en particulier et de notre France...

Comme vous le dites si bien la démocratie s'amenuise un peu partout, peu de gens voient venir les conséquences réelles qui nous pendent au nez...

Sans vouloir faire de défaitisme car étant aux 3/4 de mon chemin de vie, je n'attends plus rien de l'individu... et comme le disait si bien

Albert Camus:" Je crois en l'homme mais c'est une cause perdue "

Et que vive l'Ukraine.

Bien à vous.

Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Jeff,

Votre retour est une bonne surprise. Je craignais qu'il ne vous soit arrivé quelque chose. J'espère que vous allez bien.

C'est l'Europe qui m'attriste parce que je la vois incapable de s'unir, d'avoir un projet et des valeurs communes. Un ou une Président(e) de l'Europe, un budget commun, une politique étrangère commune, j'ai l'impression qu'on n'est pas prêts de voir ça.

Pourtant, l'Europe c'est une réalité incontournable. Il suffit de voyager un peu dans les pays qui la composent pour se rendre compte compte qu'on a tous quelque chose en commun, une culture et une histoire.

Au lieu de ça, on préfère la lâcheté,les divisions et les querelles.

Quant à votre chemin de vie, que vous jugez avancé, dites-vous bien que l'important, ce sont les jours que vous n'avez pas encore vécus (c'est une expression polonaise).

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

Bonsoir Carmilla

Merci à vous pour votre crainte qu'il me soit arrivé quelque chose...

Mes yeux ne sont pas encore éteints, bien que le remboursement des prestations optiques soit défavorables à partir de 2020...Enfin jusque là ça va.

L'Europe ne sera jamais unie, c'est mon intime conviction, ou bien je ne le verrai pas.

Quant aux valeurs communes, tout le monde veut y adhérer! et comme vous le précisez, c'est surtout la lâcheté et la haine qui dominent et "à partir du moment ou l'absurdité est reconnue, elle devient une passion, la plus pénible de toutes"(A.Camus)

Pour mon chemin de vie, tous les jours j'efface mon ardoise pour un nouvel exercice.

Bien à vous.

Jeff.


Richard a dit…

Bonjour madame Carmilla
Qui lit Piketty ? Des lecteurs qui cherchent continuellement des nouvelles pistes. On peut traiter Piketty d'idéologue, pire de démagogue, mais c'est trop facile. Si tu es un vrai démagogue, tu n'écris pas un ouvrage d'une telle ampleur sur un sujet aussi complexe, parce que les démagogues ne font pas dans ce genre d'exposée. Piketty n'évoque pas le passé dans ce qu'il a de plus exhaustif. C'est très intéressant de le suivre dans sa thèse lorsqu'il revisite l'histoire avec une rigueur exemplaire. Historiquement tout est clair, il n'a pas manipulé les faits historiques, il décrit ce qui s'est passé, comment l'impôt progressif qui avait été évoqué et surtout effleuré lors de la Révolution Française, semait des doutes dans les esprits, il en aura été de même en Angleterre vers la fin du XIXe siècle, puis soudainement le vent a tourné et tout le monde a embarqué dans cette manière de percevoir, surtout après qu'on s'est rendu compte qu'on avait une guerre sur les bras, qu'elle durerait longtemps sans savoir comment elle se terminerait. Ce qui indique à mes yeux, le courage d'une politique comme je l'évoquais hier soir dans mon précédent commentaire. Piketty insiste sur ce fait, rien n'est coulé dans le ciment, tout est toujours en évolution, ce qui appelle continuellement des remises en questions sur nos méthodes de perceptions. À ce chapitre j'ai été heureux qu'il cite la façon de percevoir, lorsqu'à la Révolution Française, on a taxé les fenêtres et les portes. Il fallait le faire ! L'impôt progressif n'est rien d'autre qu'un mode de perception, il peut en exister autant que l'imagination humaine en est capable de d'en imaginer d'autres. Lorsqu'on parle d'impôt progressif, nous évoquons des nations évoluées capables d'édifier de tels systèmes de perceptions, ce qui est plus complexe qu'une flate taxes de 13 %. La flate taxes, c'est une méthode simple de percevoir et peu comme les taxes douanières qui étaient un moyen simple de percevoir au Moyen-Âge dans des sociétés simples où la majorité des habitants ne savaient ni lire ni écrire, où on était loin des rapports d'impôt. Ce qui ne signifie pas, que dans un futur plus ou moins loin, on n'appliquera pas une taxe directe sur nos véhicules moteurs à combustion interne. Les écologistes pour le moment ne sont pas au pouvoir, mais ils pourraient y arriver dans l'exercice d'une certaine démagogie. Ceci est un risque. Mais cela dit, et comme Piketty l'évoque, je ne me cache pas que ça me plaît, que cette évolution peut prendre bien des tangentes autre que celle que je viens d'évoquer. Je n'ai pas senti dans son essai, qu'il voulait imposer une méthode, ce qu'il espère, et il y a loin de la coupe aux lèvres, mais une méthode évolutive. Mais, nous avons des manières répulsives de fuir les débats et d'aller vers le plus simple dominateur commun.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Carmilla, lorsque vous évoquez qu'on ne sait pas très bien à quoi sert l'impôt, je vous réponds qu'il sert simplement à faire fonctionner l'État, la société de droit que vous évoquez si souvent et qui vous est très chère. Ce que j'en déduis d'après vos propos, c'est que ces règles semblent beaucoup moins claires en France et dans d'autres pays Européens, qu'au Canada. Ici, les lectures des budgets autant municipaux, provinciaux, et fédéraux sont suivis à la trace. Dans les Parlements de plusieurs pays européens, l'adoption des budgets semblent adoptés à la vapeur. Il est vrai, et c'est une tendance universelle, que les fonctionnaires, les économistes, et les comptables au niveau des gouvernements tentent de compliquer ce qui pourrait être si simple à afficher. On ne sait pas très bien de quoi on parle tellement des fois que c'est nébuleux. Conséquence bien des particuliers payent un comptable pour remplir leurs formulaires d'impôt. Pourtant, ces méthodes de compter, ont été inventé par des humains. Ici au Québec, nous remplissons deux rapports d'impôt, un fédéral et l'autre provinciale, (la voilà la société distincte du Québec), qui plus est s'ajoutait lorsque je possédais ma ferme, un bilan affiché dans une comptabilité de petite caisse, où d'un côté on retrouvait les revenus et de l'autre les dépenses.
Bien sûr qu'on déteste les impôts et taxes de toutes sortes ; mais au travers de toutes ces jérémiades, il en reste que l’État qu'on s'est donné, qu'on s'est construit, il doit vivre, exister et donner ce qu'on attend de lui.
Lorsqu'on évoque moins d'impôt, moins de taxes, on évoque Reagan, Thatcher, le gros blondinet de Washington, Johnson qui vient d'être réélu au Royaume-Uni, Orban en Hongrie sans oublier Morawiecke en Pologne et Bolsonaro au Brésil. Ça commence à faire du monde à la messe. Vous avez raison Carmilla Piketty de ce point de vu n'a pas d'avenir et moi non plus d'ailleurs. Est-ce qu'on va se laisser faire comme des moutons qu'on mènent à abattoir ? Ne comptez pas là-dessus. Voilà des propos que je tiens non seulement ici, mais à chaque fois que je discute avec des personnes de mon entourage, lorsqu'on évoque que nous payons trop de taxes ou d'impôts. Aller voir en Suède ce que c'est l'impôt et les taxes et vous m'en direz des nouvelles, ce qui n'empêche pas la Suède d'être une locomotive économique tout comme le Danemark, la Norvège, et la Finlande. Ils ont eu le courage de leurs politiques, ils les ont appliqué ce qui ne les a pas empêchés de croître au niveau économique. Moi, les théories du ruissellement, ou encore, que l'on manque de millionnaires, ça me laisse froid.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

« On vit dans des sociétés de "Capitalisme sans Capital" alimentées par l'endettement et la spéculation. Mes vrais sujets de réflexion portent donc plutôt sur l'augmentation de l'épargne, des investissements et du capital. Ce sont les conditions d'une société prospère et équitable. Mais il faut reconnaître que ça n'intéresse pas grand monde. »

Pendant longtemps, Les Caisses Populaires Desjardins avaient comme publicité cette petite phrase : (L'épargne, c'est la liberté). J'en suis. Mais, cette épargne, c'est quoi ? C'est l'accumulation du travail en argent, c'est le surplus que tu n'as pas dépensé pour ta vie domestique. Ce que je reconnais, c'est que cela en excite plusieurs. Dès que les gens, du moins plusieurs que je connais, réussissent à accumuler un petit capital, c'est irrésistible, il faut qu'il le dépense. D'autre part, les gouvernements, ne voient pas toujours l'épargne positivement. On en revient au Japon, qui sont des épargnants modèles, nous pouvons concevoir que 237 % du PIB, cela n,a pas l'air de les déranger.

Tant qu'à l'investissement, investir oui, mais dans quoi ? Ce qui pose une question à la fois philosophique et économique. Investir dans des produits qu'on devra vendre, alors que dans les pays développés et dans plusieurs secteurs, on produit des surplus. J'y dénote un certain anachronisme. Le chien est en train de se mordre la queue. Ce qui incite à la consommation. Ce que nous déplorons. Alors pourquoi produire lorsqu'on des surplus ? Devrions-nous pratiquer plus la gestion de l'offre ? Je vous fais remarquer que c'est ce que sont en train de faire les producteurs de pétroles. Dans le domaine agricole, l'histoire de la gestion de l'offre au Canada dans le domaine du lait en est un exemple probant qui aura été au cœur des négociations du nouveau traité économique entre le Mexique, les États-Unis et le Canada.

Il appert, comme vous le mentionner ci-haut, que cela n'intéresse pas grand monde, c'est pourtant le cœur du sujet. Pourquoi faudrait-il travailler plus et je reprends vos dires, alors que vous évoquiez que nous travaillions trop lorsque vous avez l'impression de travailler 35 heures par jour. Faudrait travailler plus, alors pour quelle raison, selon quelle impératif ? Ici, évoquer la richesse n'est même plus une raison. Qu'est-ce qu'une société prospère et équitable ? Est-ce une société qui se défonce à l'ouvrage ? Personnellement l'existence d'un allemand ou d'un japonais ne m'intéresse pas.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Lorsque j'évoque qu'il nous faudra penser autrement afin de pousser plus loin la recherche de solution et surtout de nouvelles manière de penser, j'évoquerais ceci :

« D'une certaine façons, ils n'ont jamais répondu à la critique que leur adressait Hannah Arendt en 1951, quand elle notait que la régulation des forces débridées de l'économie-monde ne pouvait se faire qu'au moyen du développement de formes politiques transnationales nouvelles. Ils ont au contraire puissamment contribué à lancer à partir des années 1980-1990 le mouvement de libération généralisée des flux de capitaux, sans échange d'information et sans régulation ni fiscalité communes (pas même au niveau intra-européen). »
Thomas Piketty
Capital et idéologie
Page -1001 et 1002-

Ce qui signifie que le laissez faire n'est pas une solution.
C'est exactement ce qu'on a fait en 1929, lorsque tout s'est écroulé. Les Président des États-Unis de l'époque , Herbert Hoover ne se privait pas pour évoquer que les marchés allaient repartir, qu'il ne fallait pas intervenir. Effectivement il n'a rien fait et finalement c'est Franklin Delano Roosevelt qui a ramassé les pots cassés. Une bonne partie de l'humanité s'est retrouvé dans la misère noire. C'est juste un petit exemple comme cela en passant.

J'en reviens à ma question du début : Qui lis Piketty ? Sans doute des têtes brûlées de mon espèce, parce que justement cela rejoint ma réflexion qu'il faudra sans doute penser le monde différemment, ce qui je l'avoue va sans doute être un grand dérangement, et les zones de déstabilisation ne manqueront pas. Je repends ici les mots de Piketty :

« Ce livre a dans le fond un unique objet : contribuer à la réappropriation citoyenne du savoir économique et historique. Que le lecteur se sente en désaccord avec certaines de mes conclusions n'a au fond guère d'importance, car il s'agit d'ouvrir pour moi le débat, jamais de le trancher. Si cet ouvrage a pu éveiller son intérêt sur des questions nouvelles et lui permettre de s'approprier des savoirs qu'il ne détenait pas alors mon objectif aura été pleinement atteint. »
Thomas Piketty
Capital et idéologie
Page -1198-
Maintenant, il faudra aller plus loin.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Après mûres réflexions, processus qui n'est pas encore terminé pour moi, j’apprécie cet ouvrage, c'est peut-être encore pas autant que j'espérais. Peut-être que j'espère trop ? C'est une vieille habitude chez moi. J'estime ceux qui ont le courage de leurs opinions et encore plus ceux qui affichent leurs courages politiques et qui assument leurs décisions. Ce qui rehausse vos propos dans votre texte de cette semaine, parce que vous évoquez ce courage politique, qui a fait défaut. Comment ne pas être déçu ? Il y a de quoi baver de rage.

Il y a de quoi reprendre votre dernier commentaire lorsque vous écrivez :

«  C'est l'Europe qui m'attriste parce que je la vois incapable de s'unir, d'avoir un projet et des valeurs communes. Un ou une Président(e) de l'Europe, un budget commun, une politique étrangère commune, j'ai l'impression qu'on n'est pas prêts de voir ça . »

Je ne veux pas être méchant, mais je vous ferais remarquer que dans plusieurs passages, Piketty évoque cette Europe de projet commun. Vous n'êtes peut-être pas si éloigné que cela l'un de l'autre. En bien des fois, je me dis que vous êtes assise entre Jean Jaurès et Thomas Piketty.

Certes le débats n'est pas au niveau présentement de l'Union Européenne, c'est juste du tiraillage et du chiquage de guenille. Je dirais qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui a intérêt à ce que cette Union ne fonctionne pas.

Mais est-ce qu'on peut s'arrêter juste à cela ?

Dans mes périodes d'hésitations et de désolations, j'aime me répéter ce bout de texte.

« Dans les chemins, que nul n'a foulé, risques tes pas, dans les pensées que nul n'a pensées, risque ta tête. »

C'est écrit sur un mûr à Paris.

C'est sans doute, trop idéaliste, mais ça fait du bien.

Merci pour vos commentaires, pour votre texte de la semaine sur l'Iran et l'Ukraine, je trouve que c'est dans ces genres de propos que vous êtes la meilleure.
Au plaisir de vous lire à nouveau.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Joyeux Noël à vous,

Puisse le Père Noël, ou le "Grand Père Gel" (son homologue russe), vous apporter au moins de magnifiques lunettes.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Piketty pas démagogue ?

Son programme pour un "socialisme participatif au 21 ème siècle" est tout simplement risible. Je citerai :

- l'attribution à chaque individu de plus de 25 ans d'un "héritage pour tous" de 120 000 euros. Piketty a-t-il réfléchi une seconde aux conséquences de ce dispositif ? Une formidable démotivation des jeunes à travailler et à faire des études, l'attente passive du versement de la cagnotte, une destruction massive de capital au profit de la seule consommation. On sait bien que Piketty est hostile à la méritocratie. Il préfère un système où le seul mérite sera d'avoir 25 ans. Nul doute que toute la belle jeunesse mondiale désœuvrée va solliciter la nationalité française.

- instaurer la propriété temporaire et taxer les gros patrimoines jusqu'à 90 %. A l'interrogation légitime de savoir si les riches ne vont pas partir, Piketty répond que tout dépend des traités et conventions entre États concernant la libre circulation des capitaux. Il s'agit donc de restreindre cette liberté en passant de nouveaux accords avec les pays voisins et le reste du monde. Mais cette idée est exemplaire d'une certaine arrogance française: croire que nous sommes seuls ou que toute la planète est derrière la "grande nation". Le plus probable est que les autres pays n'en voudront tout simplement pas de notre belle fiscalité.

- limiter les droits de vote des plus gros actionnaires dans les grandes entreprises et accorder 50 % des droits de vote aux représentants des salariés. On voit bien que Piketty n'a jamais travaillé dans une entreprise. Ce qui est essentiel, c'est de pouvoir prendre des décisions rapidement. Avec la participation à la sauce Piketty, qui conduit à un renforcement des pouvoirs des syndicats, on se condamne à l'inertie et à la stagnation. Je rappelle qu'il existe en France un système qui est bien meilleur: celui de l'actionnariat des salariés qui leur donne un véritable droit de vote. Mais ça fait sans doute horreur à Piketty qui ne possède sans doute pas une seule action et qui accorde un soutien aveugle aux syndicats.

Voilà pourquoi je ne peux pas m'empêcher de considérer Piketty comme un démagogue,

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Piketty rigoureux ?

Pour impressionner, il noie sous une marée de chiffres.

Mais il retient les chiffres qui l'arrangent pour soutenir son analyse d'une forte augmentation des inégalités.

Pour ce qui me concerne, je suis très sceptique. Je crois d'abord que les chiffres globaux, nationaux ou internationaux, ce que l'on appelle les données macro-économiques, n'ont pas beaucoup de valeur quand on se livre à des comparaisons internationales: les données sont toujours biaisées.

De nombreux travaux, et même les propres chiffres de Piketty, démentent d'ailleurs cette idée d'un accroissement des inégalités dans le monde. Et quelle conclusion tirer ? Les USA sont probablement plus inégalitaires que la France mais un pauvre Français n'est-il pas plus pauvre qu'un pauvre américain ?

Piketty passe aussi sous silence le fait majeur de ces trois dernières décennies : le décollage économique des pays émergents qui a permis de réduire considérablement les inégalités entre pays du Nord et du Sud et a sorti de la pauvreté un bon milliard de gens.

Mais Piketty n'est pas capable de comprendre la dynamique d'une économie. Il ne voit l'économie que comme une simple pompe prélevant et redistribuant les richesses. Mais le Capital, ça ne sert pas seulement à produire des riches, ça sert aussi à développer la production et la richesse d'un pays avec la mise en œuvre de nouvelles technologies. Avant de brimer le Capital, d'assommer les riches, comme le préconise Piketty, il faut peut-être d'abord réfléchir aux conséquences.

Mais j'observe que Piketty ne sait pas très bien ce qu'est le Capital. Il réussit ainsi le tour de force de n'en donner aucune définition si ce n'est de manière approximative. De même, il mélange joyeusement les notions de revenu et de patrimoine.

Quant à ce concept d'idéologie, cette vieille lune marxiste, est-ce que ça a encore un sens aujourd'hui, est-ce que ça existe même ? J'ai tendance à penser que le capitalisme a justement pour caractéristique de ne pas avoir d'idéologie ce qui explique qu'il a toujours un coup d'avance.

Dernier point : l'analyse par Piketty de la Révolution française n'est pas très moderne. Il reprend les vieilles approches marxistes. Quelqu'un comme François Furet a, depuis longtemps, dépassé ces analyses réductrices.

Bien à vous,

Carmilla



Carmilla Le Golem a dit…

Dernières remarques,

Je suis d'accord avec vous, les impôts ça sert d'abord à financer les infrastructures publiques mais cela Piketty, obsédé par leur fonction redistributive, ne le dit et ne l'analyse justement pas.

Comme je l'ai précisé, je ne crois d'ailleurs pas au rôle déterminant de l'impôt dans une économie. Abaisser les impôts ne va pas relancer la machine économique. Je précise d'ailleurs que la France est l'un des pays les plus imposés au monde, encore plus que la plupart des pays scandinaves (où n'existe d'ailleurs pas d'impôt sur les patrimoines).

Ce qui est plus important pour moi, c'est l'équilibre des budgets. Tout déficit se traduit en effet par une ponction et un détournement de l'épargne des particuliers (orientée dès lors sur l'acquisition d'obligations d'Etat).

Si je plaide pour l'épargne, ce n'est pas par esprit thésauriseur et d'avarice. C'est simplement parce que l'argent que vous déposez dans une banque se retrouve normalement, sans que vous le sachiez, dans le financement des entreprises sous forme de prêts ou de participations. Si vous consommez un euro, l'impact sur l'économie n'est que de 1, mais si vous placez 1 euro dans une banque, l'impact sur l'économie est de 4. Plus il y a donc d'épargne, plus il y a de Capital. Et plus il y a de capital, plus il y a de travail et plus un pays est riche. La France (comme le Japon) a ainsi eu, dans les années 60-70, une forte croissance alimentée par une forte épargne. Elle continue aujourd'hui d'avoir une forte épargne mais celle-ci ne finance plus que la dette publique, d'où le désinvestissement et la stagnation économique.

Sur la durée du travail enfin: la forme ultime de la réduction de la durée du travail, c'est le chômage. La France en donne une bonne illustration. Elle est, des pays de l'OCDE, celui où l'on travaille le moins. Mais ce choix a un revers: un chômage structurel élevé.

Joyeux Noël à vous Richard et excusez la rudesse de mes propos (j'aime le combat intellectuel),

Carmilla

KOGAN a dit…

Bonsoir Carmilla

Merci Joyeux Noël à vous aussi.

Cette année le père Noël s'appelle Marc Jacob pour les lunettes.

De la marque... sinon rien.

Bien à vous;
Jeff

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !
Si vous pensez que vous aimez les débats, vous n'êtes pas la seule, j'en suis. Cependant, je préfère le mot débat à guerre ou bien combat.
Piketty écrit qu'il ne veut rien imposer, c'est un peu comme s'il lançait des bouteilles à la mer, traçait des sentiers qui ne serviront à rien, mais qui peut-être ouvrions d'autres voies. Il faut le voir dans toutes sa largeur. Entre ses hypothèse et la réalité, on sait qu'il y a toujours des différences abyssales.
L'histoire du 120,000 Euro, me laisse froid, mais dans le débat qui s'ouvre présentement sur un revenu garanti, je me pose des question, parce que nous avons du moins pour le Canada, des crédits d'impôt, cela ne signifie pas qu'on va donner comme cela 120,000 Euro. Ce sujet qu'évoque Piketty peut prendre diverses directions, il peut aussi dérailler. Je ne vois pas comment on peut en faire tout un plat. Qui va appliquer un truc pareille ?
Tant qu'à restreindre les grandes fortunes, alors que tout le monde se mette d'accord, on ouvre tout les paradis fiscaux, tous sans exception. Pourquoi, ils se cachent les grandes fortunes ? Piketty ne parle pas de restreindre, il parle d'ouvrir au contraire. Je sais, cela fait l'affaire de certains d'aller se cacher où ils ne seront pas poursuivit. Je vous rappellerai, que les États-Unis ont déjà fait plier les Banques Suisse à ce sujet. Le fisc américain, lui il voulait savoir. Il s'est arrangé pour savoir.
Limiter les droits des actionnaires, à ce que je constate ; les pays d'Europe du Nord qui pratiquent la cogestion semble bien s'en sortir au niveau économique. Ici, au Canada, de plus en plus d'entreprise privée préfère s'associer à des syndicats pour la gestion de leur entreprise. Même les syndicats ont été plus loin, en créant des fonds d'investissement. C'est plus porteur que l'affrontement dans les rues.
Les 50 % des plus pauvres restent des pauvres. Tout le monde s'accorde ici, pour dire que les salaires n'ont pas augmenté comme il aurait du au cours des trente dernières années. A augmentait beaucoup plus rapidement dans les années 1960-70. Moi, je ne veux rien savoir de ceux qui sont sortis de la misère ; je veux savoir ce qu'on va faire pour ceux qui y sont encore. Allez convaincre les gens qui sont présentement en camp sur l'île de Lesbos en Grèce. Allez tenir ce discours aux femmes qui sont en prison en Libye. Allez visiter ces pays émergents comme l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde, qu'on nous vantent tant dans les médias, sans oublier le Mexique.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Piketty, d'après ce que j'en ai compris, dépasse la pompe à fric. Je l'ai abondamment abordé dans mes derniers commentaires. Cette répartition qui vous fatigue tant, il l'a dépasse. Je comprends que les riches vivent dans des endroits sécurisés, qu'ils passent par des paradis fiscaux. Je ne dis pas tous les riches, mais du moins une bonne part d'entre eux. De toute façon, ils seront peut-être dépassé par les nouvelles technologies, même le Darknest n'est pas impénétrable. Ce que vous ne mentionnez pas dans ces fameux 120,000 Euros qui devrait tomber du ciel, c'est que cela pourrait être accrocher comme crédit aux études supérieures.
Si je vous dit Havard, Yale, Princeton, vous allez penser immédiatement université, mais si je vous dit Exter, Burlington, cela ne vous dira rien à moins de connaître l'Amérique profonde. Pourtant se sont des universités. Faire des études à Havard où dans n'importe quelles universités de prestige aux USA, cela coûte très cher. Ce n'est pas donné à tout le monde, la preuve, c'est que vous avez étudié en France pas aux États-Unis. Voilà un exemple qui appuie mes dires lorsque je signalais que j'étais près du pays le plus inégalitaire au monde, naturellement j'ajoute leur système de santé. Dire que ce pays, que plusieurs envie sur terre, dépense, 700 milliards de dollars par année en armement ! Faire des études supérieures aux USA, cela coûte une fortune, ce n'est pas donné.
J'ai souligné cette petite phrases que je retiens :
« Mais dans un monde où certains pays développent une capacité militaire supérieure à d'autres, les plus vertueux ne sont pas toujours ceux qui s'en sortent le mieux. » Capital et idéologie page -444-
Je suis toujours étonné par les corporations, les compagnies qui exercent des pressions toujours plus grandes sur les gouvernements, par le lobbying. Ils implorent pour des subventions, des permis, des droits de toutes sortes. On ne peut pas dire que ceci, c'est l'égalité. C'est un point important que Piketty n'a pas touché dans son essai. Je vous fais remarquer en passant, que cette argent sous forme de subventions ou de prêts sans intérêts, c'est de l'argent public.
Qui plus est, aux États-Unis ils ont abolis les seuils maximums des dépenses pour les campagnes électorales. Cela me sidère lorsque je vois les montants dépensés dans ce pays pour se faire élire, nous pouvons constater le résultat présentement. Je dirais, que dans un certain sens, ceci n'est plus exactement de la démocratie.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

« Sur la durée du travail enfin: la forme ultime de la réduction de la durée du travail, c'est le chômage. La France en donne une bonne illustration. Elle est, des pays de l'OCDE, celui où l'on travaille le moins. Mais ce choix a un revers: un chômage structurel élevé. »

Carmilla, pourriez-vous m'expliquer ce paragraphe s.v.p

Remarquez que 70 % de l'économie américaine, c'est de la consommation, il en va de même pour le Canada. C'est l'une des raisons que l'on évoque pour continuer dans cette voie. Dès que la consommation baisse, on sent l'inquiétude poindre. Ma question reste posée : Oui à l'investissement, mais pour faire quoi, construire quoi, vendre quoi ? Cela pose une question philosophie : à quoi sert ce monde de la finance ? Est-ce une mauvaise pièce de théâtre ? Un jeu à somme nulle ? Nous nous étourdissons de consommations. Est-ce que nous avons besoin de tout ce que nous produisons ? Au final, implicitement, c'est cela qu'évoque l'essai de Piketty. Ce qui est très dérangeant par rapport à tout le reste.

Nous pourrions avoir une vie intéressante, voir passionnante, parce que je ne crois pas que le travail soit le but ultime de la vie. Je sais de quoi je parle, j'ai déjà travaillé 70heures/semaine, et je ne suis pas plus riche pour autant. Le travail serait notre principale raison de vivre ? Cela m'interroge. Attendons de voir ce que les techniques vont nous apporter.

« Les identités sociales sont et seront toujours flexibles et multidimensionnelles, et c'est en utilisant le langage naturel que les groupes sociaux des différentes sociétés peuvent trouver les ressources linguistiques permettant de désigner les professions et les métiers, les actifs et les qualification, les espoirs et les expériences auxquels ils s'identifient. Rien ne pourra jamais remplacer le le langage naturel, ni pour exprimer les identités sociales et idéologies politiques, ni pour structurer la recherche en sciences sociales et la réflexion sur la société juste. Ceux qui attendent que l'on puisse un jour déléguer à une formule mathématique, un algorithme ou un modèle économique le soin de choisir le niveau (socialement optimale) d'inégalité et les institutions permettant d'y conduire en seront pour leurs frais. » Capital et idéologie, page -63-

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Je trouve que ce bout de texte, est un joyeux coup de pied dans le château de sable de Harari.
Tout passe, tout disparaît, l'Ordre trifonctionnel a disparu, le siècle des lumières n'est plus qu'un souvenir, il y en même qui voudrait en sortir, la Révolution Française à laissé des traces qui s'efface dans l'esprit historique, cela passe et nous passons tous. Pourquoi ce système économique serait l'aboutissement ultime de notre évolution ? Le capitalisme va passer aussi. Sans doute que nous en avons encore pour un bout de temps dans cette voie, mais cela va passer et sera remplacer par autre chose. Voilà ce qui m'intéresse, ce que j'ai recherché par cette lecture de Piketty. J'ai pataugé là-dedans comme une petit cochon heureux dans la boue. Cela m'a fait sourire lorsque vous avez affirmer que Piketty ne serait jamais engagé par une corporation privée. J'ajouterais qu'aucun parti politique en France ne le choisirait comme chef. Alors, je suggère qu'il postule comme président de l'Union Européenne. Ce qui dans l'ensemble me semble un peu meilleur que Jean-Claude Juncker, mais pour l'heure vous devrez laisser la chance à Ursula von der Leyen. (C'était mon billet humoristique de la journée)
Nous craignons le changement parce que nous sommes attachés par nos réalités. Les fois que nous ne dépassons pas nos réalités, ce sont ces réalités qui nous dépassent et que nous tentons, d'une manière ou d'une autre de rattraper.

Trêve de plaisanteries, je me retrouve dans la lecture d'Olivier Rolin, Extérieur Monde, que je savoure mots après mots. Voilà un ouvrage qui a tout pour me plaire, l'aventure, le voyage, les petits moments uniques, les digressions, les contestations, les discussions. Ce livre est d'une richesse inouïe. Je ne connaissais pas Rolin. Voilà une belle découverte. Je l'avais conservé en réserve pour l'après Piketty. J'ai bien fait. Dans ses propos, je me reconnais, j'ai l'impression de croiser quelqu'un qui me ressemble d'une part, mais qui d'autre part m'échappe. Mon ravissement est total. Merci Carmilla. C'est sans doute le plus beau présent que j'ai reçu en cet automne.

Je vous souhaite un bon tournant du solstice. C'est tout ce que je peux vous souhaiter. Joyeux Noël pour moi n'a aucune signification pour un athée de ma sorte. Les dieux qui descendent sur terre pour naître dans une étable, je laisse cela à d'autre. Il est un peu plus de midi ici, et la lumière solaire basse sur l'horizon est fabuleuse, elle englobe la rivière et les arbres, tout est silence et beauté, ce qui fait ma joie.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne sais plus que vous dire.

Mon point de vue est en fait l'exact opposé de celui de Piketty et je ne crois donc pas qu'un dialogue soit possible.

Il pense éradiquer la pauvreté en brimant le Capital (il ne sait d'ailleurs pas bien ce que c'est), en punissant ses détenteurs et en soutenant la consommation. Je préconise plutôt un accroissement du capital (c'est à dire des fonds propres des entreprises) et de l'investissement.

Piketty fait des pauvres son "fonds de commerce". Il passe ainsi à bon compte pour généreux et désintéressé. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions et j'ai l'impression que Piketty, comme beaucoup de chrétiens racornis pratiquant l'aumône et la charité, aime tellement les pauvres qu'il souhaite surtout qu'ils le restent.

Ce qui m'inquiète, c'est que les livres de Piketty, très faibles et imprécis en ce qui concerne l'analyse économique, rencontrent un tel succès. J'y vois une régression ou un archaïsme: on ne sait vraiment pas tirer les leçons de l'histoire.

Le Paradis à la Piketty a déjà existé en URSS et ses satellites : faible écart des rémunérations, absence de patrimoines, emploi à vie, durée du travail très faible voire quasi inexistante, retraites précoces, gratuité de la médecine en bref...une véritable civilisation des loisirs. Contrairement à l'image habituellement diffusée à l'Ouest, l'URSS, c'était aussi très cool et peinard, on n'y fichait vraiment rien.

En regard, je comprends bien que les solutions qui ont ma faveur apparaissent nettement moins sexy. Vous me demandez dans quoi investir ? Je me garderais bien de répondre. D'expérience, je sais simplement qu'il y a, dans tous les pays, des centaines de milliers de gens qui ont des projets, qui veulent créer une entreprise ou la développer, qui souhaitent embaucher ou éviter de licencier, mais qui manquent de capitaux pour réaliser cela. Si vous aidez ces gens, soutenez ces projets (notamment sous forme de participations), vous faites beaucoup plus plus pour la réduction de la pauvreté que les élucubrations de Piketty.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.
Qu'est-ce qui se passe présentement en Iran ?
On parle d'une centaine de morts à la radio.
Le régime affirme qu'il n' y a eu que cinq morts.
On aurait coupé les communications, surtout internet international.
Est-ce que c'est sérieux cette fois-ci ?
L'essence aurait grimpé de 200 %?
Est-ce la seule raison de ce soulèvement ?
Oui, toujours l'énergie, vraiment on n'en sort pas.
On coupe les communications, puis l'énergie, et après on fait ce que veux.

Autrement, j'ai terminé la lecture de Extérieur Monde.
Je suis dans le ravissement, mais je vais y revenir dans mes prochains commentaires.

Bonne fin de journée
Et merci de vos commentaires

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La hausse du prix de l'essence en Iran est bien sûr anecdotique. Elle est surtout un symptôme de l'extrême détérioration du niveau de vie des Iraniens avec l'application des sanctions.

Sinon, il y a toujours eu une forte opposition au régime religieux. Il ne faut pas croire que les Iraniens sont des fous de Dieu. Dès le départ (1979), il a été considéré que la Révolution, d'esprit initialement démocratique, avait été détournée et confisquée par les religieux.

Mais se débarrasser des mollahs n'est pas simple. Ils s'appuient sur les Gardiens de la Révolution et les bassidjis (des voyous privilégiés à leur solde)qui sèment la terreur en dehors de tout cadre légal. Ils sont surtout d'une cruauté effrayante.

Il ne faut surtout pas se fier aux apparences en Iran. La vie quotidienne peut se révéler assez libre mais elle peut aussi brutalement basculer dans l'horreur.

Bien à vous,

Carmilla

P.S. : le livre d'Olivier Rolin est effectivement un grand bouquin. J'ai été furieuse qu'il ne reçoive aucun prix littéraire et qu'on couronne à la place des livres "moyens". On peut s'interroger parfois sur les jurys et leur lucidité ou leur professionnalisme.

Richard a dit…

Bonjour madame Carmilla !
Cette lecture de Rolin m'incite à lire toute son œuvre. Je veux connaître tout l'homme qui se cache derrière son écriture, sa manière de penser, son évolution et surtout comment on en arrive à écrire ce genre d'ouvrage. Cela réveille de nouvelles passions en moi. Se sont toujours des grands moments. La vie nous réserve bien des surprises.
J'ai été heureux de constater que Rolin était passé par ce musée de totems tout à fait particulier en Colombie-Britannique, qui se situe sur la campus de l'Université du même nom. Rolin est passé par ce musée, moi aussi, et je tiens en parler, parce que l'atmosphère est tout à fait particulière, se sont de vastes salles, très hautes de plafonds aux murs abondamment vitrés. Il y a des totems qui font plusieurs mètres de grandeur. Le jour que je l'ai visité, il y avait foule, mais contrairement à ce qu'on peut penser, un grand et merveilleux silence respectueux régnait. J'étais dans le pays du bois, des peuples des forêts, et dans ces sculptures, l'histoire des tribus éparpillées sur cet immense territoire. Mythologies, récits, fantaisies, se croisent sur un même bout de bois, je dirais que c'est une écriture dessinée, creusée dans ces gros troncs. Tu ne peux que regarder et admirer en silence. À la page -213-, Rolin décrit, et cette description est tout simplement délicieuse. Nous n'avons pas idée, lorsqu'on visite un tel endroit que d'autres personnes aussi sensibles à la beauté l'ont foulé. Je sentais depuis le début de ma lecture que j'avais à faire avec un être d'exception, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me parle de ce musée de Totems. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai lu cette page. Je connais l'endroit et je me m'imaginais que nous étions passés au même endroit. Quelle bouteille à la mer ! Quel hasard ! J'en ai eu des frissons.
C'est le genre de livre qui enchante la vie, qui nous fait sentir très vivant, très humain, qui vous comble, vous rassure, vous berce et, surtout vous pousse sous sous le nez la réalité. Ces récits se savourent lentement et à chaque page lue, vous sentez, à regret, que votre plaisir diminue. Quel vocabulaire ! C'est comme si vous y étiez, lorsqu'il fait froid, vous sentez ce froid, lorsqu'il fait chaud vous aussi vous avez soif. J'en aurais bien pris mille pages de plus. Ce n'est pas un ouvrage strictement littéraire, parce qu'il touche la réalité, les désagréments du voyages, la poussière, l'humidité, les cafards dans une chambre d'hôtel, la solitude dans la foule. Bien des fois lorsqu'il croisait une femme sans oser l'aborder cela me rappelait la chanson de Georges Brassens : Les passantes. Je conserve ce livre près de moi même si j'en ai terminé la lecture et lorsque je passe près de ma table, je l'ouvre au hasard pour relire quelques pages.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci pour ce témoignage, Richard,

Les Editions du Seuil ont publié "Circus 1" et "Circus 2" qui regroupent l'intégralité de son œuvre jusqu'en 2011.

Je précise qu'Olivier a un frère, Jean, dont l’œuvre est très proche.

Joyeuses fêtes,

Carmilla