samedi 18 janvier 2020

Moi et les autres


Quelquefois, dans la rue, ou bien à l'occasion d'une rencontre, d'une réunion, on me demande d'où je viens.

Ça doit être mon look, ma manière affectée de parler.

Je ne m'en formalise pas, je considère ça plutôt comme une marque d'intérêt, même si je sens poindre une déception quand j'énonce ukrainienne. Et du reste, je considère, moi-même, toujours un peu la France avec un regard extérieur.

Mais ça me pose quand même plein de questions.


Lorsque je traverse ainsi le Parc Monceau, j'aime bien observer les chiens qui sont en promenade. Dans leur apparence, il n'y a pas plus différents que les chiens : des noirs, des blancs, des beiges, des ridicules, des impressionnants, des minuscules, des molosses. Pourtant, ils se reconnaissent tous immédiatement comme appartenant à l'espèce "chien" et prennent visiblement plaisir à se retrouver et à jouer ensemble même s'ils sont physiquement complétement opposés. Surtout, un chien ne blessera ou ne tuera jamais un autre chien.

Ça m'apparaît bien différent des humains, dont les différences physiques sont pourtant beaucoup moins prononcées. Leur tendance naturelle me semble plutôt de se sentir "autres", différents, et d'avoir le sentiment d'appartenir à des groupes complétement distincts ayant peu de choses en commun.


Ça peut même aller plus loin parce qu'on peut rappeler que lorsque les conquistadors ont découvert l'Amérique, la question la plus importante qu'ils ont posée, c'était de savoir si l'on pouvait considérer comme des hommes ces Indiens qui ne reconnaissaient pas le Dieu chrétien, qui pratiquaient les sacrifices humains et avaient des mœurs aussi effrayantes que l'anthropophagie. Il n'était pas illégitime de mettre en esclavage et de massacrer ces sauvages qui n'étaient tout simplement pas des hommes.


Aujourd'hui encore, même si l'on sait que les races sont une fiction, les préjugés qui s'y attachent perdurent et sont répandus dans toutes les sociétés. On continue de se penser spontanément comme Blancs, comme Noirs, comme Asiatiques. Arabe est même presque devenu une race. On a beaucoup de mal à sortir de cette logique. J'ai parfois moi-même tendance à penser que si je suis un peu folle, c'est lié à mon ascendance slave. Ou alors, il peut m'arriver, comme à beaucoup de femmes, d'éprouver une attirance sexuelle pour des Noirs, espérant trouver, en leur compagnie, de nouveaux frissons. Mais ce fantasme est en fait fortement teinté de racisme.

Je me souviens aussi de ma stupéfaction lors qu'enfant, j'avais rencontré pour la première fois un Africain dans les rues de Lviv (c'était et ça demeure, il est vrai, très rare). J'en avais immédiatement informé ma mère.

Je me souviens aussi de vacances que j'avais passées en Corée du Sud, il y a une dizaine d'années. Dans des villages de campagne, les enfants se regroupaient autour de moi pour me considérer avec étonnement et moquerie (peut-être ma taille et mes yeux). Est-ce que je pouvais considérer ça comme une expression spontanée de racisme ?


Il y a chez les hommes une véritable passion de la différence et du particularisme.

D'ailleurs les anthropologues (Levi-Strauss) ont mis en évidence que la culture, la société, la pensée humaines étaient classificatoires, c'est à dire qu'elles se se constituaient, comme une machine binaire, par oppositions, différenciations.


Ça permet de se repérer, de construire son identité. Mais c'est dangereux aussi parce que l'autre a vite fait d'être perçu comme l'ennemi. Ça explique sans doute que les sociétés humaines aient vécu un état de guerre et d'insécurité quasi permanents jusqu'à une époque très récente. C'est "l'homme loup pour l'homme" et "la guerre de tous contre tous" en l'absence d’État de Droit.

Et d'ailleurs le système prolifère, les oppositions binaires se multiplient. Ce ne sont plus seulement les étrangers qui sont perçus comme "autres". Ce sont maintenant les femmes opposées aux hommes, les vieux opposés aux jeunes, les bourgeois aux prolétaires, les pervers aux gens normaux. Nos sociétés sont en fait enivrées de différences. Le romantisme contemporain, c'est d'affirmer à tout prix sa singularité.


C'est sans doute une lutte méritoire contre la banalisation du monde et l'uniformisation des esprits. Mais on en vient à être aveuglés par les différences et même à s'y perdre au point que le terrain devient propice au déchaînement des conflits et de la violence.

A trop se convaincre d'être tous différents les uns des autres, on finit en fait par perdre de vue le socle essentiel de tout ce que nous avons en commun : l'Art, le langage, la pensée, la capacité d'échange. Tout cela, cette grande communication universelle, c'est pourtant bien plus important que ce qui nous différencie.


Images principalement tirées du film d'animation de Gonzalo Suarez : "El sueno de Malinche". En dernier, tableau d'Antonio Ruiz.

La Malinche, il faut le rappeler, était une femme amérindienne qui aurait été la maîtresse de Cortés. Elle aurait appris l'espagnol et servi d'interprète avec Moctezuma. Elle aurait ainsi joué un rôle important dans la victoire sur les Aztèques. A ce titre, elle est, au Mexique, une figure controversée, adulée et critiquée, symbole de la trahison mais aussi initiatrice du Mexique moderne.

Dans le prolongement de ce post, je conseille les livres suivants :

- Claude Levi-Strauss: "Tristes Tropiques". Un grand livre d'anthropologie qui se lit comme un roman.
- Tzvetan Todorov : "La conquête de l'Amérique: la question de l'autre."

8 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir madame Carmilla !
Les chiens sont dangereux, ils blessent n'importe qui, et s'ils sont assez puissants, ils tuent, même leurs semblables : le rude doberman, le dangereux rothweiler, le sournois berger allemand, et le monstrueux pittbull, sans oublier le fameux chien de traîneaux Hoski. Si vous êtes musher d'un équipage et qu'une bagarre éclate au sein de votre attelage, alors bonne chance, si vous arrivez à rétablir l'ordre, mais vous pourriez être blessé sérieusement. Au printemps 2019, une femme faisait du jogging sur une route de campagne dans la région de Potton, (Potton c'est dans ma région des Cantons de l'Est près de la frontière américaine), elle a été attaquée par deux rothweilers, elle a été pratiquement déchiquetée, elle a failli en mourir. Elle a survécu après six mois de traitements. Aujourd'hui, ce n'est plus la même personne, elle ne coure plus. Ces chiens sont tous des candidats au calibre douze, j'en ai transportés dans le nord, je pourrais vous raconter des dizaines d’histoires que je j'ai vécues, transporter des chiens dans un avion de brousse ça peut tourner à la catastrophe.
Étrange entrée en la matière, il y a eu un dur débat entre les espagnols en ce qui concerne les premiers peuples qu'ils ont rencontrés aux Antilles et en Amérique Centrale, ainsi qu'aux Mexique. Avait-il une âme ? Étaient-ils des humains. Ils étaient tellement bons ces explorateurs très catholiques, lorsqu'ils ont massacré sans vergogne. Ce débat à finalement atterri sur la table du Pape, qui a statué qu'effectivement c'était des humains. Je suis content que vous avez souligné Carmilla, ce petit rappelle de l'histoire, qui a fait couler beaucoup de sang ainsi que beaucoup de bave.
Ce que vous avez vécu en Corée du sud, je l'ai vécu dans le nord du Québec, lorsque j'avais de jeunes indiens comme passagers, qui me regardaient tous étonnés par ma stature. Ce n'est pas du racisme, c'est de l'étonnement, que dire, de l'émerveillement.
Vive la différence ! J'ai toujours été attiré par les étrangers, ceux qui sont différents, qui peuvent vous ouvrir des univers inconnus. Je dois beaucoup à ces étrangers comme je dois beaucoup aux indiens qui m'ont accueilli sous leur tente, dans leur famille, avec du thé et du caribou séché, du tabac et un bon feu de bois.
J'ai goûté au feu de camp aujourd'hui, sous les sapins pleins de neige, saucisses grillées, bagels aux raisins, pilons de poulets, sous une blancheur qu'on ne retrouve que dans les forêts de sapins, d'épinettes et de cèdres du Québec. Après quelques nuits à -25 degrés, se promener entre les arbres et les chevreuils par -15 degrés c'est très confortable. Pendant ce temps, nos amis de Terre-Neuve ont connu 70cm de neige accompagné de vents de 157km/h. Vous avez bien lu : 157km/h, il n'y a pas d'erreur. J'espère qu'ils ont bien amarré les bateaux dans le bassin de St-John's.
Je sais les chiens du Parc Monceau n'ont rien à voir avec les charognes de Potton.
Merci pour votre texte.
Bonne fin de nuit.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est sûr que les chiens du Parc Monceau, avec leurs manteaux et leurs colliers lumineux, seraient bien en peine de tirer un traineau dans 70 centimètres de neige. Mais qui sait, il y a aussi de gros balèzes et même un lévrier afghan qui sème la terreur: il est tellement bête qu'il peut confondre un petit chien avec un lapin.

Mais c'est vrai que si j'aime bien les animaux et les chiens, je ne suis cependant pas du tout une spécialiste. Il me semble tout de même qui si les chiens aiment bien se bagarrer entre eux comme de petits enfants, ils ne vont cependant jamais jusqu'à s'entretuer.

Que des chiens puissent être très dangereux pour les hommes, j'en conviens. Il y a par exemple, dans l'Est de la Turquie, des chiens de troupeaux, les kangals, qu'il vaut mieux éviter de rencontrer. Ou bien, en Iran et en Ukraine, des chiens sauvages ou errants qui sont inquiétants.

S'agissant du racisme, on y est bien sûr généralement tous opposés. Mais je m'interroge aussi souvent sur moi-même et je me découvre pleine d'ambiguïtés. Malgré tout, on fait toujours des choix, des sélections, et on a un cercle d'amis et de connaissances homogène. Vis-à-vis des autres, j'ai quand même des préférences physiques et intellectuelles. Nos proclamations anti-racistes, nos attitudes égalitaristes, ne sont souvent que l'envers d'un racisme déguisé. Arriver à considérer les autres indépendamment de toute projection, de tout schéma, c'est très difficile. Tout dépend ensuite de notre capacité d'ouverture et d'intérêt.

Bien à vous,

Carmilla

PS : l'hiver québecquois, c'est sûr qu'on n'en a aucune idée à Paris. Il aurait quand même fait - 1° la nuit dernière, mais les températures remontent déjà.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !
Voyez-vous cela des chiens affublés avec des manteaux et des colliers lumineux ! Pourquoi les gens déguisent leur animaux ? Un chien n'est pas né avec un manteau et encore moins un collier lumineux. La nature d'un chien, c'est de coucher dans la neige, de vivre au grand air, de disposer d'espaces infinis. Je trouve les chiens très malheureux en ville. Un chien cela a besoin de courir, jouer, chasser, pas de porter un manteau. Il n'y a que les humains pour dénaturer ainsi la nature.
Les chiens errants cela existent dans plusieurs pays, Canada compris. Tant qu'ils ne touchent pas aux troupeaux, il n'y a pas de problème. Autrement, il faut les exterminer. Ici, ces chiens errants se croisent avec les coyotes, ce qui donne une bête un peu plus lourde, mais avec les qualités du chien et du coyote. Ils ne craignent plus l'homme. Qui plus est se sont des animaux vecteur de rage.
Les animaux ne sont pas racistes ? J'ai des doutes à ce sujet. Si le chien domestique est capable de se croiser avec le coyote ; rare sont les croisements avec les loups, parce que chez le loup c'est la meute, le clan, si tu n'es pas un loup tu n'as aucune chance. Tu ne pourras pas entrer dans la hiérarchie, qui soit dit en passant, est un genre de racisme. C'est peut-être une vision de l'esprit que d'affirmer que la hiérarchie, c'est une forme de racisme. Ça donne à réfléchir. Tu es choisi par l'autre, ou bien tu es rejeté.
Bon, maintenant passons aux choses sérieuses, ce n'est plus un missile, mais deux, franchement, il voulait l'abattre leur avion ! Le discours de vendredi dernier nous laisse un goût amer, il n'y avait rien de rassurant dans les propos de ce religieux qui se vante d'avoir donné une gifle aux États-Unis. Est-ce que les iraniens sont inconscients à ce point ? Et si cela avait été à la place d'un missile à courte porté, un vrai missile avec une tête nucléaire ? Même si les iraniens n'arrivaient pas à fabriquer la bombe, les Chinois ou les Russes pourraient bien leur refiler du vieux matériel encore opérationnel. Il y a de quoi avaler de travers. Je puis comprendre que les israéliens sont sur les dents. Il y a eu assez de conneries dans les environs de l'Iran depuis 18 mois, la prochaine sera peut-être celle de trop qui déclenchera l'impensable. Maintenant, les iraniens, tergiversent, ils ne veulent pas remettre les boîtes noires, pour une expertise internationale. Oui, comment faire confiance à ces gens-là ? Ces mollahs ont un haut niveau d'inconscience.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !
Je me suis informé pour les chiens Kangal. Se sont de véritables molosses et vous avez sans doute raison, vaut mieux ne pas rencontrer ce genre d'animal surtout si c'est un chien errant. Je n'aimerais pas me faire planter ses crocs dans un muscle de jambe ou dans une fesse. Tant qu'à savoir si le kangal pourrait se satisfaire d'une fesse de mon anatomie comme petit déjeuner, cela est une autre histoire. Ils sont plus gros que les moutons dont ils ont la garde. En examinant des photos de ce chien, ça m'a rappelé une époque où les cultivateurs des Cantons de l'Est ont eu un faible pour le Boxers. Ces deux chiens sont semblables, par la taille et sans doute par la force, cependant je ne connais rien de son caractère. Je me méfie lorsqu'on que dit que c'est un chien doux. Rien de tel que de le mettre à l'épreuve, c'est dans ces circonstance que l'on peut juger du caractère d'une animal. Les boxers peuvent se transformer en machine à tuer. On s'en servait à l'époque un peu pour les troupeaux, mais surtout comme chien de garde.
C'est exactement la même situation pour les chevaux. Si on veut juger d'un caractère d'un cheval, aussi bien le mettre à l'épreuve. C'est ce que nous avons fait hier avec mon ami François, qui est un inconditionnel du cheval rustique canadien. Il possède un magnifique attelage. Des chevaux qu'il a lui-même domptés et entraînés. Pendant deux heures nous avons parcouru les sentiers de son boisé. Ce fut un très bel après-midi, température agréable -15 degrés, partiellement nuageux, vent nul. Je l'ai aidé à atteler, manœuvrer deux chevaux fringants, vaut mieux être deux. Ils ont bien répondu dans les sentiers étroits, les sapins chargés de neige leur ont passé près des babines à plusieurs occasions, mais ils se sont magnifiquement bien comportés. Il fallait voir le François très heureux, avec son petit sourire en coin, satisfait de son team.
J'ai connu François à Schefferville, alors qu'on volait pour la même compagnie. C'est un homme curieux, cultivés, ouvert, et entreprenant. Il a élevé ces deux poulains que lui avait donné sa jument voilà six et sept ans. Maintenant se sont des chevaux adultes dans la force de l'âge. Dompter des chevaux ce n'est pas donné à n'importe qui, mais pour François c'est une passion. Lui aussi a beaucoup appris, il a développé sa science, son habileté, et aussi sa patience.
Vraiment un vrai bel après-midi.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je le précise à nouveau, je ne suis pas du tout une spécialiste des chiens. Certes, ils aiment aller courir dans la nature. Mais il y a pour eux, me semble-t-il, plus important que cela : vivre au sein d'une famille dont ils se sentent tout de suite un membre important, voire le chef. L'esprit de famille, ou de meute, ça me semble très important chez le chien. S'ils peuvent satisfaire à cela, ça ne les gêne pas beaucoup de vivre en appartement à Paris (pourvu, bien sûr, qu'ils ne soient pas trop gros). La meilleure preuve qu'ils ne se déplaisent pas trop, c'est que leur espérance de vie est bien supérieure à celle de leurs congénères qui vivent dehors. Quant aux personnes qui habillent leurs chiens, je n'y vois pas d'objections et je trouve ça rigolo. Après bien sûr, on peut discuter des frontières entre l'homme et l'animal.

Sur le second missile iranien, je n'ai pas vraiment d'information. Mais est-ce que cela change vraiment beaucoup de choses sur le fond et sur le résultat ? On sait bien que les mollahs ne sont pas des gens fiables.

Les chevaux, je ne connais pas non plus. Mais je connais bien la Pologne et c'est un pays où on voue encore un culte au cheval. On en voit encore beaucoup et il n'est pas rare que des particuliers en possèdent un comme animal d'agrément. C'est dans ce pays aussi qu'on trouve les plus beaux haras et élevages.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir madame Carmilla !
Vous avez raison sur le fond comme sur le résultat, ce second missile ne change pas grand chose. Il appert qu'au niveau de la pensée et des hypothèses ce deuxième missile laisse cours à des interprétations qui peuvent alimenter la haine, voir rendre des conflits plus cruels. Comme cette hypothèse émise par des personnes de mon entourage et que j'ai retrouvé ailleurs sur le web ; hypothèse qui soutiendrait l'idée, que les Iraniens ont volontairement ciblés et abattu l'appareil Ukrainien afin de liquider une ou des personnes. Sur les 57 ressortissants canadiens, la majeure partie avaient une formation universitaire, cette diaspora dérange peut-être les autorités iraniennes parce qu'elle nourrirait la révolte ? Là on ne parle plus d'accident, mais de meurtre. Pour l'heure, nos enquêteurs sont sur le terrain, mais les iraniens se traînent les pieds, qui plus est ils refusent de remettre les boîtes noires.

Les polonais sont de grands éleveurs de chevaux, effectivement, il y a comme vous dites dans le pays un culte du cheval. Culte que pratique mon ami François avec application. Je dirais même que ce n'est pas un culte, mais une passion. Il ne faudrait pas oublier aussi en Europe, les Belges et les Anglais qui sont aussi de grands éleveurs. J'aide François occasionnellement, mais je ne partage pas sa passion, cependant, je m'amuse beaucoup de ses propos et réactions, ce qui résultent en des discussions intéressantes, qui débouchent sur pleins d'autres sujets qui n'ont rien à voir avec le cheval. J'aime bien taquiner mon ami François, surtout lorsqu'il me demande ce que j'aimerais manger pour souper. Voyons François que je lui répond, un bon steak de cheval. C'est étrange nous n'avons jamais mangé du cheval ensemble.

Il y a trop d'espace et de liberté dans ma vie, je suis comme tous les animaux, il me faut cet espace et lorsque je circule à pied en ville, dans n'importe quelle ville et que je vois un chien au bout d'une laisse, je suis malheureux pour lui. Certes le chien domestique en appartement va vivre plus longtemps que le chien sauvage ; par contre, c'est comme pour les humains, n'oublions pas que nous sommes nous aussi des animaux. Vaut-il mieux vivre une vie passionnante mais brève dans les grands espaces avec la liberté à fond la caisse ; ou bien, vivre bien gras entre quatre murs, le nez dans un tapis de luxe en attendant sa bouffe ? Est-ce que la domestication des animaux est une bonne chose ? Voilà un sujet que vous avez touchez souvent dans plusieurs de vos commentaires. D'un côté la liberté et le danger et de l'autre, la domestication, le confort, et la sécurité.

Débat intéressant en vue ! Reste juste à trouver un ouvrage et nous pourrions reprendre un autre débat comme pour Piketty. Pourquoi pas ?
Viens de terminer la lecture de : Les aveux de la chair par Michel Foucault... Instructif et passionnant, serais-ce cela le début d'une domestication ?

Bonne nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

* De la viande de cheval ? Il y a un tabou renforcé sur sa consommation en Europe. J'en ai peut-être mangé une fois. Il y avait autrefois, paraît-il, de nombreuses boucheries chevalines en France mais j'ai l'impression qu'elles sont devenues très rares.

* Qu'y a-t-il d'animal en l'homme ? Je crois quand même qu'il y a une césure profonde. Je demeure adepte de la philosophie des Lumières et hostile à la pensée écologique qui aboutit à une confusion de toutes les espèces. Cela dit, je suis très sensible à la souffrance infligée aux animaux.

* Vous décrivez bien l'alternative de Spinoza : les passions tristes ou la joie.

* Michel Foucault ? C'est en effet d'un romantisme séduisant. La domestication de l'homme, la société disciplinaire puis, aujourd'hui, la société de contrôle, ça correspond largement à notre réalité. Mais, mais... attention à ne pas trop s'emballer. La lecture de Marcel Gauchet et de Claude Quétel (Histoire de la folie) permet de fortement nuancer les choses.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Merci Carmilla !

J'ai vraiment découvert la viande de cheval en Belgique dans des brasseries. Ce qui me rappelle le roman de Patrick Rambaud : La Bataille, que je relis un moins une fois par année, qui relate la bataille d'Essling. Après les combats, on débitait les carcasses de chevaux tombés au combat pour nourrir les survivants. C'est un roman tout simple, mais très évocateur de notre nature profonde. Je me reconnais en André Masséna, comme je me reconnais dans cette bataille absurde et impossible. Je me vois sur l'île de Lobeau. François Paradis ne m'est pas inconnu. J'aurais pu vivre cela ! Lorsque j'ouvre ce livre, il n'y a plus rien qui existe. Les armées de Napoléon ont marché avec de la viande de cheval dans le ventre. Il ne faudrait pas l'oublier.

Aujourd'hui, j'ai trouvé par hasard une carcasse de chevreuil en allant bûcher. Le gros de la carcasse avait été dévoré par les coyotes. J'ai reconnu les pistes dans la neige. Il ne restait que les quatre pattes, la tête intacte, et les côtes. C'était vraiment impressionnant. Qui a-t-il de l'animal dans l'homme ? Vous posez là Carmilla une grande question. Je n'en fini pas de m'interroger à ce sujet. Lorsque la faim tenaille, l'état de droit prends le bord, exemple : À ce point de folie par Franzobel que j'ai commencé à lire.

Je connais Spinoza même si sa lecture n'est pas facile.
Il nous remet devant notre liberté, ou bien, notre lâcheté. C'est peu dire. Cela fait toute ma vie.

Tant qu'à Michel Foucault, je n'y ai pas trouvé aucun romantisme. Les aveux de la chair sont d'un rationalisme sec, incontournable, comme une équation mathématique. Un ouvrage remarquable dont le lecteur à intérêt à lire les notes en bas de page. Cela touche nos origines, de comment nos pensées se sont formées au fer de l'antiquité, pour déboucher sur le catholicisme et finalement sur notre monde moderne. Il y a de quoi s'interroger. Une vraie bonne lecture pour janvier.

Je me suis senti très animal aujourd'hui, entre les sapins chargé de neige. Dépassé midi, nous avons dépassé le point de congélation, l'eau coulait sur nos casques et nos épaules, nous étions trempés, mais nous avons réussi à dégager les sentiers. Je suis très satisfait de mon travail aujourd'hui. Demain, j'y retourne.

Quelle différence y a-t-il entre cette carcasse de chevreuil, et ma carcasse qui me sert de corps ?


Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent