samedi 28 novembre 2020

La fenêtre d'en face

 

En arrivant en France, j'ai tout de suite remarqué que les maisons étaient toutes équipées de volets et rideaux. C'est comme ça dans tous les pays du Sud, m'a-t-on dit. Il est vrai que ça ne se voit jamais en Allemagne, Grande-Bretagne, Pays Scandinaves, Amérique du Nord, Japon etc... En Russie, Ukraine, les volets, on n'en voit que pour les maisons traditionnelles en bois, à la campagne.

Le record, c'est la Hollande où on n'a même pas de rideaux et où on exhibe volontiers son intérieur. Parcourir Amsterdam, la nuit, c'est tout un spectacle pas seulement dans la rue mais dans les salons illuminés des appartements offerts aux regards comme de véritables vitrines avec leurs babioles et leurs objets design.

Pourtant, des volets, ça a des aspects pratiques indéniables : se protéger du froid et de la chaleur mais aussi garantir un meilleur sommeil protégé par l'obscurité.

L'explication la plus courante à l'absence de volets serait la tradition protestante selon laquelle les honnêtes citoyens n'ont rien à cacher. Pas de volets, c'est donc le triomphe de cette société de transparence dont on ne cesse de faire la promotion. Et on comprend ainsi que le phénomène ne se limite pas aux pays de la sphère protestante et gagne partout du terrain (y compris dans les pays méditerranéens). 

Au début, j'étais presque choquée par ce caractère dissimulé des Français.Qu'est-ce que c'est que ces gens méfiants ?  Par exemple, avec mes voisins, dans mon immeuble parisien, j'ai plutôt de bonnes relations. On est toujours très polis, très courtois avec moi. Mais je n'ai noué aucune relation véritable et n'ai été qu'exceptionnellement conviée à franchir le seuil de leur domicile. Pourtant, on est peu nombreux et on est, il faut bien le dire, entre gens de même milieu social. Car c'est une autre caractéristique des Français: l'une des premières questions qui vous est posée, même par les plus démocrates, c'est :"Où habites tu ?" et on a vite fait de vous situer suivant votre quartier et votre ville. Ça fait partie des frontières fortes mais invisibles de la société française.


 Mais, finalement, il ne suffit pas d'être du même monde pour nouer spontanément contact en France. Je me suis même remise en cause : peut-être que j'apparais un peu bizarre, que c'est moi qui suscite la méfiance, que j'apparais tordue, intrigante ? Progressivement toutefois, j'ai compris qu'il s'agissait surtout, chez les Français, d'un respect absolu de la vie privée. 

C'est, en effet, un bien précieux, je comprends personnellement ça très bien : dans le monde communiste, le pouvoir avait assis sa domination en parquant la population dans des appartements minuscules ou communautaires et en les privant ainsi d'intimité et de vie privée. C'était vraiment la plus grande violence exercée.

Il est vrai que ce souci du respect de la vie privée chez le Français contraste fortement avec les sociétés slaves où il faut s'attendre à voir défiler dans votre appartement, toute la journée et à tout moment, la cohorte des voisins et amis venus vous rendre visite à l'improviste (c'est d'ailleurs à cause de ça que je vais plutôt à l'hôtel quand je me rends là-bas et c'est aussi, à cause de ça, que le Covid s'y diffuse à toute vitesse aujourd'hui).

 C'est un peu pareil en Iran où tout le quartier débarque sans cesse chez vous.  Une différence essentielle toutefois: les maisons, en Iran, sont entourées de hauts murs les dérobant entièrement à la vue. 

Ou alors la société allemande où j'ai eu l'occasion de vivre un peu en appartement. J'ai vite compris qu'on s'y surveillait tous étroitement les uns les autres, que chacun y était spontanément le flic de l'autre. Gare à vous si vous n'avez pas passé avec suffisamment de soin l'aspirateur dans le couloir commun, si vous n'avez pas bien trié vos ordures ou laissé tomber un papier, si votre chien a aboyé un peu trop fort, si votre voiture est un peu sale ou mal garée. Vous serez immédiatement réprimandé et averti avant représailles. C'était d'autant plus difficile pour moi qu'on m'identifiait tout de suite comme une Slave avec tous les fantasmes associés en Allemagne.


 Ça n'est évidemment vraiment pas comme ça en France. Est-ce que ça veut dire pour autant qu'on n'y a pas l'esprit "voyeur", qu'on se refuse à observer ses voisins ? Certes, on les épie beaucoup moins à travers leurs fenêtres mais on les observe néanmoins avec attention. Comme partout dans le monde, ils font l'objet des conversations domestiques, on recense leurs caractères distinctifs, on en parle en bien ou en mal. On voit en eux des amis mais souvent, aussi, des ennemis. Souvent, on se met à penser qu'ils ont une vie plus attrayante et plus facile que la nôtre et ça devient déstabilisant. Ça fiche même en l'air certains couples qui se sentent dévalorisés par la supposée "réussite" des voisins.

Mais justement, ce regard que l'on porte tous sur son entourage, sur ses voisins, peut-il s'analyser comme du simple voyeurisme ? Est-il une perversion condamnable ?

J'ai en fait l'impression que ce besoin que nous avons tous d'observer les autres est en fait profondément humain. Moi-même, je l'ai déjà raconté, j'aime bien prendre le métro ou le train, simplement pour regarder les autres, essayer, à partir de quelques détails, de les "comprendre" instantanément, m'amuser, à partir de là, à écrire le scénario de leur vie. Ou bien alors pourquoi fréquente-ton les cafés ? Très accessoirement pour y boire quelque chose mais plutôt pour y surprendre la conversation des autres, essayer de démêler le tableau de "la comédie humaine" avec toutes les intriques relationnelles qui s'y jouent. Ça explique aussi l'intérêt compulsif qu'on porte à Instagram et Facebook: On peut y "mater" les autres en toute quiétude.


 Se confronter aux autres est., en fait, essentiel à notre construction personnelle. Ça peut nous déstabiliser, bien sûr, mais ça nous rassure aussi. Ça nous permet de nous situer socialement, de nous auto-évaluer, de nous insérer dans le grand théâtre de la vie en société, de ses jeux et de ses apparences. Comprendre qu'on est tous acteurs de la grande comédie humaine, sincères et menteurs à la fois, c'est s'ouvrir à une vie scintillante et pleine d'allégresse.   

Images Internet mais aussi tableau de Edward HOPPER (1882-1967) dont l’œuvre se construit largement sur ce regard, dénué de voyeurisme, porté sur l'autre. Deux photographies, également, de Yasmine Chatila.

J'ai également "recyclé" certaines de mes propres photographies (à Cracovie et en Ukraine) témoignant de mon intérêt pour les fenêtres. Je précise que la 9 est la façade du célèbre hôtel Savoy de Joseph Roth, le grand écrivain autrichien, à Brody (Ukraine) où il est né.

Un post empreint de subjectivité et plein de généralisations sans doute abusives (les uns sont comme ci et les autres comme ça). Tant pis ! J'espère surtout soulever quelques questions.

Quelques films peuvent prolonger ce post (dans un registre, toutefois, de séduction sexuelle) : "Brève histoire d'amour" de Krzysztof Kieslowski, "Le locataire" de Roman Polanski; "Monsieur Hire" de Patrice Leconte

15 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !

Un rideau ou un mur ?

D'après ce que vous écrivez, il doit y avoir un vieux fond poussiéreux de protestantisme en moi, parce que je déteste les rideaux, c'est du ramasse poussière. Mais, pas besoin d'être protestant pour détester les rideaux. Je viens de terminer la lecture de : La route d'hiver 1922-1923. Les Iakouties n'avaient pas besoin de rideau lorsqu'ils ajustaient leurs blocs de glace qu'ils ajustaient dans leur ouverture pour faire pénétrer un peu de lumière hivernale. Ils ne passaient leur temps à la fenêtre à surveiller leurs proches pour envier leur niveau de vie. Tous savaient qu'ils risquaient de trouver le même morceau de viande de rennes dans le chaudron du voisin. Tant qu'aux vêtements, peaux et bêtes et fourrures, la mode n'avaient pas évaluer depuis des siècles. On ne se cachait que pour chasser en embuscade, ou exercer une vengeance. Plusieurs tribus ont été horrifiées en voyant Pepeliaïev et Strod se courir après avec leur petite armée pour se massacrer dans l'enfer du froid par -50 degrés.

Le rideau traîne avec lui ses ténèbres, la dissimulation, la cachette, ce qu'on ne veut pas montrer mais laisser deviner. Il y a quelque chose de tordue dans le rideau. Mais que se passe-t-il donc derrière ce rideau ? Un bel exemple c'est le rideau qui masque la scène au théâtre. Le silence s'établit dans la salle lorsqu'on éteint les lumières, on peut entendre des murmures, les bruits de pas étouffés, des craquements, laissant libre cours à notre imagination. Pour nous sortir de notre torpeur rêveuse, trois grands coups. Et, rideau ! Le rideau fait partie de la représentation et nous ignorons ce qu'il y a derrière. Pourquoi, lorsque je pénètre dans une salle de théâtre, il y a toujours une odeur de vieille poussière qui me monte au nez ? Je me dis, qu'ils ne doivent pas connaître l'aspirateur. La poussière cela se cache bien à la noirceur, mais les ténèbres ne masque pas l'odeur.

Il y a aussi le rideau symbolique, celui par exemple d'un moment de la messe catholique orthodoxe, peu avant le communion, les officiants ferment une porte et à certains endroits, on tire le rideau. Je trouve ce moment tout à fait fantasmagorique, on arrête la représentation pour s'isoler, se cacher. Oui, le grand mécréant que je suis fréquente les temples, et à l'exemple des cafés que vous fréquentez, je ne manque rien de la foule. C'est de l'anthropologie pure jouissance entre l'adoration et le mensonge.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Je n'avais pas besoin d'être baptisé par Calvin ou Luther pour détester les rideaux. Ce qui me rappelle mon enfance dans la longue maison blanche, où il y avait des rideaux dans chaque fenêtre et cette habitation ne manquait pas de fenêtres. À chaque printemps, c'était le grand ménage. Je revois ma mère en train de décrocher tous ses rideaux pour les laver, ce qui s'ajoutait au lavage des murs et des vitres des fenêtres. Dans mon esprit contestataire, je me suis juré, car je ne jure qu'avec moi-même, qu'il n'y aurait jamais de rideau dans les lieux que j'habiterais. Je n'étais pas pour faire comme des catholiques romains, installer des rideaux dans la porte vitrée d'un confessionnal. Ce n'est pas une farce, j'ai vu cela des rideaux dans des confessionnaux !

Je constate qu'il y a beaucoup de voile dans toutes les religions, alors le rideau c'est la dissimulation. Ce n'est pas la révélation qui rend les religions intéressantes, mais la dissimulation.

Voilà, ça me revient, un autre souvenir significatif au sujet du rideau. Dans certaines écoles, il y avait des rideaux aux fenêtres des classes, genre de grande toile un peu comme au théâtre qui glissait sur un rail. Lorsque le professeur n'arrivait plus à soutenir l'attention de ses élèves et que plusieurs étaient partis vers la lune par la fenêtre, il faisait tiré le rideau. On ne se retrouvait à la noirceur, ce que je trouvais complètement absurde par une belle journée chaude et ensoleillée de printemps par 25 degrés. Cela a fouetté ma révolte.

Au final, c'est qui le coupable ? Celui qui regarde, ou celui qui  dissimule ? L'observateur ou le menteur ? La femme voilée qui marche dans la rue ; ou le couple qui baise derrière un rideau de tulle translucide en hurlant comme s'il était au cœur de la jungle amazonienne ?

Les rideaux ont alimentés ma révolte. Depuis, dans tous les endroits que j'ai habités, il n'y a jamais eu de rideau. La noirceur de la nuit me suffit pour découvrir que je ne mentais pas plus la nuit que le jour.

J'ai aimé le livre Leonid Youzefovitch, un bon ouvrage historique et les Iakouties ne connaissent pas plus les rideaux que les autochtones du Québec.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je vous comprends en partie.

Bien sûr que le rideau, un accessoire hautement symbolique, peut signifier la dissimulation et le mensonge.

Mais, à l'inverse, ne pas avoir droit à une intimité, à une vie privée, c'est terrifiant. C'est la situation du prisonnier et des populations sous un régime totalitaire. Je le rappelle, c'était l'un des aspects les plus pénibles du système soviétique.

Est-ce que l'injonction moderne de transparence n'est pas une forme sophistiquée de totalitarisme "new look" ? L'étonnant, c'est qu'on s'y plie avec une étonnante bonne volonté. Et puis, soyons honnêtes, on a tous des secrets, on a tous des choses à cacher, on est tous "tordus". Si ça n'est plus possible de préserver une part "inavouable", c'est destructeur. Ou alors, on cherche des exutoires éventuellement criminels. J'observe ainsi que les pays en apparence les plus "clean" (pays scandinaves) sont fascinés par des romans policiers extrêmement violents. Certes, il ne s'agit aujourd'hui que de romans mais que peut-il advenir bientôt ?

Oui ! Le livre de Youzefovitch sur la guerre civile en Yakoutie est impressionnant. Quelle horreur, quelle épouvante et quel courage de ces hommes ! Ça me dépasse vraiment. Je pensais toutefois que ça ne pouvait intéresser que des Russes. Le livre est d'ailleurs passé totalement inaperçu en France. La Yakoutie, j'ai parfois eu envie d'y aller mais c'est quand même très compliqué. Ça peut être sinistre si on est seul.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !

Dans ma vie quotidienne, je n'ai pas besoin de rideau pour la simple raison que se sont les autres qui évitent de me regarder.

Pour revenir sur l'ouvrage de Youzefovitch, il peut intéresser tous les gens qui ont l'esprit ouvert, qui sont curieux de leurs semblables, qui désirent dépasser leurs limites, ouvrir d'autres portes. À ce chapitre j'ai de la chance parce que je me suis toujours intéressé au nord et surtout aux peuples qui habitent cette rude partie de notre planète. J'ai trouvé un bout de texte vraiment intéressant :

« On aurait du mal à trouver sur l'ensemble du globe terrestre un peuple primitif sans école et sans écriture qui compte autant de diplomates experts que les Iakoutes. On peut qu'être frappé quand on voit un Iakoute minable au fin fond d'un oulous qui fait montre d'une fine connaissance des hommes, de la capacité à flatter, qui sait mettre en branle les ressorts secrets de la vanité et jouer les naïfs. On pourrait croire que la politique est devenue un tait inné de son caractère. »

Vladimir Iokhelson

Tiré de : La route d'hiver 1922-1923
Par : Leonid Youzefovitch

Quelle ressemblance avec les peuples autochtones de l'Amérique du Nord ! Un Iakoute n'est pas très éloigné d'un Montagnais ou d'un Inuit. Ils vivent à peu près la même vie, font face aux mêmes difficultés et pensent de la même manière. Sans papier, sans livre, sans étude, ils ne mettent pas longtemps à se faire une idée de l'interlocuteur qui est devant eux. Lorsque j'ai lu ce paragraphe, cela m'a rappelé mes propres expériences avec ces personnages fabuleux. Il est dommage que tant de personnes passent à côté de ces opportunités de frôler un versant vertigineux d'une autre civilisation en se réfugiant dans un vil mépris. Lorsque tu parles avec un indien ou un Inuit tu te dois de faire attention à tes paroles et à tes gestes.

D'autre part, je trouve toujours fabuleux lorsqu'un être humain possède cette faculté de sonder, l'âme, le sentiment, l'architecture de la véritable nature intérieure de l'étranger qui vient de pénétrer dans sa maison ou dans sa tente. Ce qui me rappelle mon père qui ne mettait pas beaucoup de temps pour juger un homme et qui se trompait rarement. J'ai toujours trouvé cela fascinant.

Bonne fin de journée Carmilla !

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Est-ce qu'au Canada, les maisons arborent des volets et des fenêtres ? Est-ce que les gens se rendent volontiers visite, sans réel motif et à l'improviste ? Ce sont des pratiques qui différencient beaucoup les sociétés mais je ne suis pas sûre qu'un modèle soit préférable à un autre.

La littérature étrangère qui se vend en France,c'est curieusement (parce que les intellectuels français sont généralement hostiles aux USA)la littérature américaine. Les autres pays n'existent quasiment pas.

Moi, la Yakoutie me fait rêver depuis longtemps mais je diffère sans cesse le projet d'un voyage là-bas. Outre les difficultés concrètes pour s'y rendre, j'ai peur d'être très déçue. Alors, je préfère garder mes rêves.

Si vous vous intéressez aux peuplades exotiques, je vous conseille également les Tchoukches à l'extrême Nord-Est de la Russie.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !


Les volets n'existent plus depuis longtemps, pour nous les québécois, c'est de l'architecture ancienne, par contre les nouveaux édifices comportent beaucoup de verre. Je pense qu'on ne peut plus appelé cela des fenêtres. Tant qu'aux visites impromptues, j'ai remarqué que cela dépend des familles, chez nous dans ma famille, il fallait une bonne raison pour se pointer. Ailleurs, c'est différent, ça rentre comme dans un moulin.

Voilà une de mes raisons des visites sur votre blog, c'est justement pour lire ce qui passe sous le radar, afin de pénétrer dans d'autres univers et, ce qui est encore plus intéressant, c'est que vous pouvez en parler, ce qui enrichit les échanges. Sans vous, j'ose le dire, il y aurait des bouts de l'humanité qui me manquerait. Si vous pensez que la France à l'exclusivité de l'indifférence des autres cultures, une visite aux USA peur être assez déconcertante à ce chapitre.

Il y a de quoi rêver avec le nord, j'y ai quand même passé une partie de ma vie. Toutes ces cultures en provenance du froid, issue de maigres moyens, cette lutte continuelle pour la vie, ces tissus sociaux qui nous semblent souvent incompréhensibles. Vous pouvez être sûr que j'ai fait des recherches sur la Iakoutie surtout sur les paysages, qui ressemblent étrangement aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, vous pouvez ajouter l'Alaska, le nord du Québec, l’arctique canadien.

Moi aussi, j'ai regardé pour le côté communication et voyage, cela n'a pas l'air d'être fameux. Routes défoncées, ponts douteux, relais qui ressemblent souvent à des taudis, vaut mieux d'être bien équipé dans ces régions, avoir des pneus de rechange en quantité, des outils, comme des pelles et des vérins pour soulever un véhicule. Les transports en commun me semblent rarissimes. Malgré tout se serait une région à visiter naturellement hors circuit. Oui, des fois c'est bon de garder ses rêver, de s'y réfugier ; mais arrive des moments où on ne peut résister à la tentation.

Les Tchoukches, je ne connais pas, mais je vais faire mes recherche.

Merci pour les renseignements, c'est très apprécié.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

D'après mes recherches les Tchoukches seraient un peuple le plus rapproché de nos Inuits qu'on appelait anciennement les esquimaux, façons semblable de s'habiller, d'habiter le pays, de pratiquer la chasse etc. Nous ne sommes pas très éloignés de l'autre côté du détroit de Béring, c'est l'Alaska, puis le Yukon et le Nunavut, où vivent des peuples semblables. Qui plus est, ils ont les même traits physiques. Sans doute qu'ils ont traversé le détroit à une époque glacière.

Ce qui m'étonne de tous ces peuples qui habitent l'est de la Sibérie c'est leur nombre. Ils sont nombreux et très différents. On ne peut pas affirmer que les Iakouties soient des Inuits, mais les Tchoukches s'en rapprochent. C'est fascinant cette physionomie asiatique que ne possèdent pas les indiens d'Amérique.

Dans le livre de Youzefovitch, La route d'hiver, il y a des magnifiques photos en noir et blanc d'époque, où nous pouvons distinguer ces traits asiatiques de certains personnages, comme celle de Piort Pavlov qui n'a rien d'un russe ! En fin de compte la Sibérie c'est une véritable terre internationale, une terre de métis, de sang mêlé, et d'histoires qui restent encore à découvrir

Je vous comprends d'en rêver parce que ces terres sont attirantes, tout comme le nord canadien.

Ici, c'est l'heure du souper. La nuit vient de tomber. Mon pot-au-feu semble fin prêt. Je ne puis m'empêcher de penser à tous ces hommes autant ceux de Pepeliaïev que ceux de Strod, qui auraient sans doute vidé mon chaudron rapidement.

Je suis vraiment content d'avoir lu ce livre-là !

Bonne nuit et dormez bien Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard notamment pour vos commentaires flatteurs,

Mais je ne suis moi-même pas si cosmopolite que ça. De plus, je suis très sélective, je ne parle que de ce que je connais un peu.

Je n'ai rien contre les Français mais j'ai souvent l'impression qu'ils ne connaissent que leur pays et leur culture (ce qui est, toutefois, déjà beaucoup). Les bulletins d'information (radio, télé) sont, par exemple, consternants : rien que la petite soupe française, le reste du monde n'existe quasiment pas. On n'a vraiment pas l'impression de vivre en Europe.

Les Tchoukches, je ne les connais quasiment pas. Ils font simplement l'objet de plaisanteries amicales à Moscou mais personne ne les a rencontrés.

Quant à la Sibérie et la Yakoutie, les problèmes pour s'y rendre ne sont pas seulement d'ordre matériel (le froid, le logement). Ils ont trait aussi à la sécurité. La Sibérie, c'est immense et si vous y disparaissez, personne ne se préoccupera de vous. Il vaut donc mieux, surtout si on est occidental, y être accompagné. En outre, je ne suis pas sûre que les paysages y soient vraiment attrayants, ils sont plutôt effroyablement monotones.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

Votre modestie vous honore. Vous avez une longue feuille de route impressionnante, Japon, Iran, Russie, Europe Centrale, qui plus est vous êtes une grande lectrice, ce qui rajoute à votre personnalité, vous êtes curieuse de tout, ouverte à toutes sortes de connaissances.

Tant qu'à la Sibérie et surtout en ce qui concerne les Tchoukches, c'est intéressant.

Je comprends vos réticences et vos craintes. Le nord peu importe que se soit en Sibérie ou au Canada, c'est toujours l'aventure. Il y a des paysages sublimes. Il faut avoir vu les Torngats au Québec-Labrador, ou encore les montagnes du Yukon. Chez les Tchoukches, on retrouve les ours blancs, des supers prédateurs. Je n'ai pas de difficulté avec les ours noirs ou les grizzlis, mais les ours blancs ça c'est une autre histoire. Je n'aimerais pas qu'il vienne se coucher avec moi dans ma tente.

De toute façon, se sont des voyages qui exigent de la préparation et surtout beaucoup de temps, sur plusieurs mois. Les routes du nord sont la patrie des baroudeurs. J'y ai souvent rencontré des gens qui faisaient le tour du nord genre tour du monde.

Je regardais hier le détroit de Béring sur une carte. Je m'imaginais de traverser le Canada pour me retrouver en Alaska, mettre le Jeep sur un bateau, traverser en Sibérie, pour revenir en Europe de l'ouest. On ne peut pas empêcher un vieux baroudeurs comme moi de rêver.

L'autre problème, c'est que nous sommes des voyageurs solitaires. Lorsque je me suis rendu au Yukon, j'ai remarqué que les autres voyageurs étaient toujours en groupe. Il y aurait un beau voyage entre Dawson City au Yukon et l'Océan Arctique. À l'époque je n'avais pas le véhicule approprié, mais j'y pense, ça me revient des fois à l'esprit.

Aujourd'hui en me promenant sur les rives de la rivière Saint François, j'ai découvert, un chevreuil mort. Un beau mâle, six pointes, une belle carcasse. Étais-ce un chevreuil blessé, ou malade ? Il était venu mourir dans les grandes herbes. Le Ministère de la Faune va s'en occuper. Ici au Québec, l'aventure commence de l'autre côté de ta porte.

Bonne nuit Carmilla.
Au plaisir
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je pense que je suis d'abord un produit du système d'éducation français auquel je suis reconnaissante. Je crois qu'il a vraiment une spécificité. On m'a appris à construire ma pensée, à travailler vite et de manière organisée, à aller à l'essentiel.

Mais je le répète, je ne suis spécialiste de rien (sauf peut-être en finances) et je suis sans doute superficielle sur beaucoup de sujets. Mais c'est dans ma personnalité, je préfère avoir des horizons multiples.

J'aime lire, c'est vrai. Cela remonte à une enfance qui était peut-être un peu grise et morne.

Rejoindre l'Europe de l'Ouest depuis le détroit de Béring avec une jeep, je doute que ce soit possible par une voie du Nord. De toute façon, les Occidentaux doivent s'enregistrer régulièrement auprès des services de police russes. Le plus simple et le plus sûr, c'est en fait de remonter en bateau, en été, le fleuve LENA jusqu'à Iakoutsk. C'est organisé et assez facile à faire.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !

Que fais l'homme depuis des millénaires ? Il repousse ses limites. C'est clair que nous ne pouvons pas être dans la maîtrise de tous les savoirs. Je trouve que vous vous débrouillez relativement bien et que vous vivez une vie intéressante.

Je pensais qu'avec la fin du communisme, c'était terminé ces contrôles policiers ? D'après ce que vous écrivez cela ne semble pas être le cas. Est-ce que les passeports entre les régions existent encore en Russie ? Se rapporter à la police dans ces régions isolées cela doit être pas mal rigolo. Des gens qui agissent ainsi soit qu'ils ont quelques choses à cacher, ou bien, comme dans bien des cas de ces genres de fonctionnaires, ils souffrent du syndrome de la domination. N'y aurait-il pas un peu de paranoïa en Russie ?

Il appert, que ce que j'ai émis c'était un de mes nombreux rêves. Moi, si je ne peux pas me déplacer sans avoir quelqu'un le dos, je fais une croix sur cette destination. Jadis, je l'ai vécu dans un train en Autriche et vous pouvez être sûr que je n'ai pas demandé mon reste, et je n'ai jamais remis les pieds dans ce pays. Reste que j'ai beaucoup d'espaces au Canada comme au Québec. Ici, si tu veux de foutre dans la merde à l'autre bout du pays, c'est ton problème, c'est toi le responsable. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai évacué des baroudeurs ou randonneurs parce qu'ils avaient cassé leurs canots, avaient fait naufrage, où s'étaient blessés, sans oublier les randonneurs en skis de fond qui vous donnaient une position sur une carte par radio, et qui n'étaient pas au rendez-vous lorsque tu survolais la position en question.

Dans ma vie comme en voyage, je veux avoir la liberté totale de faire ce que je veux, d'aller là où je le décide, sans que personne ne me souffle dans le cou. Dans tous les cas, moins tu as à faire avec la police ou les fonctionnaires des frontières mieux cela vaut.

Dans ce monde c'est plus qu'un véritable luxe d'avoir beaucoup d'espaces. C'est l'essence même de la liberté !

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'ai en effet bien conscience que, dans ma vie, j'ai malgré tout eu de la chance et que je suis plutôt privilégiée. Tout le monde ne vit pas, en effet, à Paris Ouest avec un gagne pain assuré. J'évite donc de me plaindre.

Un voyage individuel en Russie demeure en effet compliqué et bureaucratique pour un Occidental. C'est généralement votre hôtel qui vous déclare à la police et il vaut mieux garder vos récépissés pour quitter le pays. Si vous n'êtes pas à l'hôtel(ce qui ne facilite pas l'obtention du visa), c'est à vous de vous en occuper.

Cependant, je ne veux pas défendre le système mais il faut bien reconnaître que la Russie est un pays où il est facile de se perdre et de disparaître. Que dirait-on si on perdait, chaque année, la trace de milliers d'Occidentaux en Sibérie ? Je ne sais pas si une libéralisation complète est possible.

Il faut enfin préciser que la Russie demeure un pays effroyablement bureaucratique mais c'est aussi un pays où tout peut s'arranger, où les Lois et réglementations peuvent être contournées grâce à quelques relations.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Pour la Yakoutie, je conseille le livre d'un jeune Belge, qui est allé donner des cours de français dans cette république autonome sibérienne : "Tu vas aimer notre froid", de Harold Schuiten. C'est très vivant, on ne s'ennuie pas un instant.

https://lesimpressionsnouvelles.com/catalogue/tu-vas-aimer-notre-froid/

Une des personnes qui séjourne régulièrement à Avioth a aussi fait cette expérience et en a gardé de très bons souvenirs.

Je crois que ce programme d'échanges culturels, qui permettait à de jeunes Belges d'aller enseigner en Yakoutie, est maintenant terminé.

Nuages a dit…

Une autre jeune enseignante a publié un blog sur son expérience yakoute :

https://yakoutie.wordpress.com

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

J'ai également lu ce livre très vivant. Comme vous, je le recommande.

Le mieux, c'est d'aller en Yakoutie dans un cadre institutionnel. Dans ce contexte, ça peut être une expérience humaine très enrichissante.

Sinon, je vous conseille de remonter, en été, la Lena en bateau. D'une manière générale, les croisières fluviales en Russie sont très agréables avec des loisirs proposés d'un bon niveau culturel. Rien à voir avec les horreurs proposées en Méditerranée ou ailleurs.

Bien à vous,

Carmilla