samedi 2 octobre 2021

Magda GOEBBELS, Médée des Temps modernes et bienfaitrice de B.M.W.

 
J'ai déjà exprimé mon goût pour les voitures de sport et notamment les BMW. Une BM, c'est un peu différent des autres voitures, ça a un côté asocial qui me plaît. C'est largement connoté aux truands, aux mafieux, à la racaille. Ma BM, elle me vaut ainsi, plutôt que l'hostilité, la sympathie et le "respect" des jeunes de banlieue et de tous les travailleurs miséreux. C'est évidemment bizarre. Quant aux bourgeois français, ça les déconcerte : "c'est pas une voiture de nana et de parisienne, ça !".

J'ai quand même fait une drôle de tête quand j'ai découvert que BMW devait une partie de son essor industriel à... Magda Goebbels. 

Les bagnoles et les Nazis, c'est lié en effet, on le sait. Hitler était lui-même passionné d'automobile mais ne jurait que par Mercedes. De Mercedes, il ignorait d'ailleurs probablement que celui (Emil Jellinek) qui a donné son nom à la marque était juif et fils de rabbin et qu'il avait retenu tout simplement le prénom  de sa fille Mercedes, elle-même juive. 

Quant à Magda Goebbels, on ne sait pas si elle avait un goût pour l'automobile mais ce qui est sûr, c'est qu'elle a activement favorisé,  pour des raisons familiales il est vrai, une firme qui allait devenir...BMW.

Magda Goebbels, sans doute l'une des femmes les plus complexes de l'Histoire dont on n'a retenu que les sentiments troubles partagés avec Hitler et son engagement  inconditionnel en sa faveur.  Quant à lui, il la protégeait parce qu'il la jugeait fascinante, il la préférait sans doute à Eva Braun. A-t-elle d'ailleurs fait un mariage d'amour avec Joseph Goebbels ou plutôt choisi, par défaut, un substitut (boiteux, c'est le cas de le dire puisque Goebbels souffrait d'un pied bot) à l'objet véritable de sa vénération ? 

Si sa vie était un roman, on reprocherait à son auteur de s'égarer dans l'exagération et l'invraisemblable. Il y a d'abord la fin insensée de sa vie avec l'assassinat délibéré de 6 de ses enfants (âgés de 5 à 13 ans), contre l'ordre même de l'oncle Adolf (comme l'appelaient ses filles). Seule, elle a administré à chacun une capsule de cyanure tandis que son époux continuait, dans la pièce voisine, de rédiger frénétiquement ses mémoires. Réitérer le geste de Médée, l'infanticide, c'est tout de même le tabou absolu, le comble du monstrueux, surtout de la part d'une mère. Ça suppose des convictions  ultra-athées, ultra rationalistes, pour ne pas craindre de châtiment dans l'au-delà.

Et puis, il y a tout ce qui précède, pareillement énigmatique et incompréhensible au regard de son évolution finale :

- une éducation juive : Abandonnée à sa naissance par son père (1901), Maria Magdalena Behrend est élevée par son beau-père, juif pratiquant. Il l'adopte et lui donne son nom : Friedländer. Enfance et adolescence heureuses dans les meilleurs établissements scolaires de Berlin et Bruxelles. Plus tard, pourtant, Magda reniera ce beau-père et le laissera mourir, en 1939, dans le camp de Buchenwald.


- un grand amour de jeunesse : Victor Arlozoroff, figure centrale du sionisme militant, représentant, dans les conférences internationales, du futur Israël. Lorsqu'Arlozoroff émigre en Palestine mandataire, sa fiancée, Magda, hésite, longtemps à l'y suivre. Arlozoroff disparaîtra tragiquement en 1931, sur une plage de Tel-Aviv, probablement assassiné, par jalousie rétrospective, sur ordre de Goebbels.
 

- la fascination de l'argent et du pouvoir : après le départ d'Arlozorff, Magda Friedländer épouse, en 1921, Günther Quandt, industriel protestant, de vingt ans son aîné. Ils ont un fils, Harald (1921-1967), mais Magda est déçue par son mariage, elle s'ennuie et elle divorce en 1929. 

 La suite est mieux connue. Elle commence alors à s'intéresser au Parti nazi, rencontre Hitler puis Joseph Goebbels, le responsable de la propagande du parti, qu'elle épouse en 1931. C'est alors l'enchaînement d'un  pacte avec le Mal qui prendra fin avec son suicide le 1er mai 1945. 

Une vie dont le cheminement se révèle, au total, entièrement ambigu. Je me garderai bien d'en extirper une quelconque cohérence. Une sombre illustration de l'essentielle duplicité humaine, voilà, peut-être,  ce que l'on peut simplement dire de Magda Goebbels. Comment une personne éduquée, civilisée, peut basculer vers la folie et le meurtre. 

Mais le fantôme de Magda Goebbels continue de planer sur la société allemande. J'ai d'abord dit qu'elle avait assassiné 6 de ses enfants (ceux qu'elle avait de Joseph Goebbels). Mais son fils Harald, né de son mariage avec l'industriel Quandt, a été épargné (on le voit sur la photo du mariage de sa mère avec Goebbels). Elle lui écrivit même une lettre testament, après avoir commis son infanticide, précisant qu'il était "plus beau de vivre brièvement avec honneur et courage que d'avoir une vie longue dans des conditions honteuses".


 Magda Goebbels n'a en fait jamais cessé de soutenir l'industriel Quandt, le favorisant largement pour participer au programme d'armement du Reich. Après guerre, la famille Quandt n'a curieusement pas été inquiétée, à la différence des familles Krupp et Flick, pour s'être considérablement enrichie grâce à sa collaboration avec les Nazis.
 

Le fils de Magda a alors pu continuer à développer tranquillement, avec son demi-frère, leur société. Ils ont visiblement été des gestionnaires avisés (même si le fils de Magda est mort prématurément, en 1967, dans un stupide accident d'avion) puisque la famille Quandt est aujourd'hui la plus riche d'Allemagne et même l'une des grandes fortunes mondiales. Et que possède principalement cette famille Quandt ? Les piles Varta, la griffe de prêt-à-porter Hugo Boss et les automobiles BMW.

Une brillante famille donc qui a longtemps vécu, paraît-il, avec une grande discrétion (on peut le comprendre). Mais le rideau s'est récemment déchiré avec un scandale sexuel impliquant l'une des petites-nièces de Magda Goebbels. En 2007, Susanne Klatten, 46 ans et mère de 3 enfants, femme la plus riche d'Allemagne, se laisse séduire par un Don Juan suisse, Helg Sgarbi, qui parvient à filmer leurs ébats dans une chambre d'hôtel. Lorsque Susanne Klatten décide de rompre, en 2008, Helg Sgarbi devient maître-chanteur et lui réclame 50 millions d'euros en échange des cassettes video. Mais Susanne Klatten porte plainte et Sgarbi sera finalement condamné à 6 ans de prison. Celui-ci s'estime néanmoins moralement vainqueur pour avoir révélé à l'Allemagne l'implication de la famille Quandt et de la firme BMW dans les crimes nazis.

Quelles conclusions peut-on tirer de tout ça ? Aucune probablement, rien que des interrogations. 
Quant à moi, je devrais peut-être réfléchir à me débarrasser de ma BMW Goebbels. J'aime bien aussi, à vrai dire les Citroën (la DS et la SM en particulier, pour leur esthétique révolutionnaire très française). Les Citroën, c'est presque l'antithèse, sur le plan technique, des BMW. Mais c'est très différent aussi sur le plan culturel. Son fondateur, André Citroën, qui a révolutionné durablement l'automobile, était un Juif aux origines polonaise et hollandaise. La légende dit qu'il aurait découvert l'engrenage à chevrons, qui est devenu le symbole et le logo de la marque, à l'occasion de vacances auprès de sa famille de Varsovie, dans une petite entreprise polonaise.


Tableaux de  la peinture expressionniste allemande: Kirchner, Nolde, Kandinsky, Otto Dix ainsi que de George Grosz et de Christian Schad (1894-1982).

La 3ème image est une photographie de la jeune fille, Mercedes Jellinek (à 13 ans), qui a donné son prénom à la célèbre firme. Il est à noter qu'elle s'est trouvée réduite à la mendicité après la 1ère guerre mondiale et qu'elle est décédée en 1929 (à l'âge de 39 ans) d'un cancer des os.

Je recommande les livres suivants :

 - Anja KLABUNDE : "Magda Goebbels", la biographie de référence.

- Peter LONGERICH : "Goebbels". Il s'agit de Joseph, du mari, aussi énigmatique, peut-être, que Magda. Ce qui est étonnant, c'est qu'il était cultivé (docteur en Philosophie) et pas idiot.

- Lionel RICHARD : "Goebbels, portrait d'un manipulateur". Un portrait, le terme est important, il s'agit de comprendre plus que de décrire.

Je signale enfin, même s'il n'évoque pas directement Magda Goebbels, la publication toute récente d'un grand livre :

- Niklas FRANK : "Le père, un règlement de compte". Niklas Frank est un enfant de nazi, de Hans Frank, Gouverneur Général de Pologne. A la différence de nombreux enfants de nazis qui continuent de défendre leurs parents, Niklas Frank se montre d'une violence extrême envers son père.

Enfin, un film "Paramour"  réalisé, en 2017, par Alexandra-Therese Keining avec Kristin Scott Thomas, évoque l'affaire Susanne Klatten.

Un roman, également, de Karine Tuil, "Six mois, six jours", lui est consacré mais il est pauvrement documenté.

9 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla.

Comment une personne éduquée, civilisée, peut basculer vers la folie et le meurtre?

Mais son fils Harald, né de son mariage avec l'industriel Quandt, a été épargné (on le voit sur la photo du mariage de sa mère avec Goebbels). Elle lui écrivit même une lettre testament, après avoir commis son infanticide, précisant qu'il était "plus beau de vivre brièvement avec honneur et courage que d'avoir une vie longue dans des conditions honteuses".

Réitérer le geste de Médée, l'infanticide, c'est tout de même le tabou absolu, le comble du monstrueux, surtout de la part d'une mère. Ça suppose des convictions  ultra-athées, ultra rationalistes, pour ne pas craindre de châtiment dans l'au-delà.

À propos des Arabes de la région, il dit : « Il n’est pas vrai que tout ce qui est mauvais pour les Arabes est bon pour les Juifs et il n'est pas vrai que tout ce qui est bon pour les Arabes est mauvais pour les Juifs ».

Victor Arlozoroff

Comment ne pas ajouter :

L'ignorance rend complice des massacres perpétrés.

Mais cela origine de la nuit des temps.

« À mesure que le christianisme prenait plus de pouvoir dans la société romaine tardive, le sentiment se fit jour dans tous les pays méditerranéens que les êtres humains étaient égaux puisqu’ils étaient tous réduit au même niveau dans la triste démocratie de la honte sexuelle ».

Virginie Girod
Théodora
Prostituée et impératrice de Byzance
Page 212

Je sais, cela fait beaucoup de citations, qui apparaissent très disparates, mais vos textes si prêtent très bien.

Rappelons-nous que l’Allemagne était à l’époque, que vous évoquez, un pays où le judéo-christianisme était dominant, et il l’est resté depuis. Un grand pays, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, très civilisé, doté d’un système scolaire d’un haut niveau, d’un état de droit incontournable, avec des institutions solides. Et soudain l’horreur de la violence qui se dévoile sans pudeur. Oui, comment une personne éduquée, civilisée, peut basculer dans la folie et le meurtre? C’est l’une des grandes questions qui demeure sans réponse. Étais-ce de la folie? Je ne pense pas, ces gens-là savaient ce qu’ils faisaient, ils en étaient pleinement conscients, donc pleinement responsables. Oui, nous pouvons être fou et éduqué au coeur d’une civilisation qui brille. Ils étaient tellement responsables, et je le souligne, ils le savaient, que plusieurs d’entre eux devant le désastre final, se sont suicidés. Plaider la folie, ce n’est même pas l’ombre d’une mauvaise excuse. Même Martin Heidegger a été embarqué! Pourtant, c’était un grand philosophe, une personne instruite, qui possédait aussi une certaine expérience de la vie.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Est-ce qu’il y a une différence entre Théodora l’Impératrice et Magda Goebbels? Théodora aussi a fait assassiner un fils en autre qui aurait pu prétendre au pouvoir impérial. Bien sûr, nous ne sommes pas à la même époque, mais le temps et l’évolution, n’ont pas transformer l’humain, c’est du moins ce que je peux constater. Pourquoi se priver d’un assassinat? Qui plus est, des assassinats de masses? Carmilla, vos deux derniers textes, au-delà de la provocation, nous donne à réfléchir. Nous pouvons même extrapoler que dans une époque future, ces situations se reproduiront.

Vous évoquez souvent que la religion aurait été un facteur civilisationnel. Peut-être pour le commerce, où on en est arrivé à commercer même sur les indulgences. Au niveau humain, nous devons modestement reconnaître, que nous avons grandement évoluer sur les moyens de tuer; mais que l’amour du prochain reste une vue de l’esprit. Le siècle précédent nous en a donné des exemples terrifiants. Comment justifier ces vœux pieux de : Tu ne tueras point, ou bien : aime ton prochain comme toi-même? C’était déjà bien amorcé à l’époque de Théodora. Justinien était toujours en train de mater une révolte, ou bien, en train de mener une guerre quelque part en Orient, pendant que l’Impératrice ne manquait pas de faire liquider quelques personnages gênants.

Ce qui n’est guère surprenant lorsqu’on imagina : la triste démocratie de la honte sexuelle. Les religions, et en particulier le christianisme ont toujours eu des problèmes avec les plaisirs sexuelles. Ce qui s’est manifesté dans le mépris du corps, au point d’élever l’esprit au-dessus du physique. Ils avaient oublié que ça prend un corps pour donner vie à un esprit. Une âme ne se promène pas sans corps! Votre ami Freud n’allait pas manquer de travail.

Alors, comment justifier 6 millions de morts, seulement parce qu’ils étaient Juifs? C’est là que l’ignorance rend complice des massacres perpétrés. Il y a même des humains, aujourd’hui, qui affirment que cela n’a jamais existé. De toute façon, même notre génération, nous ne sommes pas en restes, rappelons-nous de l’Ouganda, ou encore du Cambodge. Il y a de quoi avoir honte de la race humaine, j’ajouterais honte de nous-mêmes.

Je suis comme cela, on ne refait pas le monde pour se faire pardonner, pour justifier un pardon ou une excuse. Est-ce que, nous en serions rendus à imaginer des nouvelles manières d’êtres, de nouvelles manières de penser? Il me semble que présentement nous piétinons. Je sais, tout cela est nébuleux, alors que nous nous attachons encore à nos valeurs anciennes, tout comme l’Empire Romain l’avait fait, mais aussi le christianisme qui s’était inspiré des cultes païens.

D’autre part, c’est notre manière de tâtonner dans ce jeu d’essais erreurs. Pour progresser il nous faut fauter, c’est le prix de notre évolution. Est-ce que nous devons en rester là?

Merci pour vos textes Carmilla!

Bonne nuit pour ce qui en reste.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Théodora et Magda Goebbels ont-elles des points communs ? J'ai du mal à me prononcer parce qu'il y a tout de même 13 siècles d'écart entre les deux femmes.

Mais j'avoue qu'elles me fascinent, toutes deux, par leur insondable ambiguïté. Je ne crois pas aux caractères trempés, tout d'une pièce. On est capables, moi la première, du Bien comme du Mal dans une succession sans logique. Ceux que je déteste, ce sont ceux qui se prétendent vertueux et exemplaires, qui n'admettent pas leur part d'ombre.

Je me pose d'ailleurs souvent cette question : "comment me serais-je comportée moi-même si j'avais vécu en ces temps terribles ?" Il est évidemment facile aujourd'hui de dire qu'on aurait été résistant, qu'on aurait combattu, qu'on se serait sacrifié, mais comment peut-on en être sûr ? Le plus probable, c'est qu'on se serait laissé entraîner, balloté par le chaos de l'existence et des hasards.

Quant à Magda Goebbels, c'est effectivement une grande énigme. Je n'ai d'ailleurs peut-être pas suffisamment souligné qu'elle était une femme très cultivée (parlant également parfaitement français car éduquée en Belgique) et très riche. Il semble qu'après son divorce d'avec l'industriel Quandt, elle se soit beaucoup ennuyée. Elle a alors trouvé dans le nazisme un dérivatif : quelque chose qui la faisait vibrer, qui l'exaltait, qui colorait sa vie d'un sens. Le sentiment de participer à la grande Histoire. Evidemment, ça n'explique pas comment elle, qui était tout de même raffinée, pouvait apprécier Hitler (mais il savait, paraît-il, manipuler les femmes en se montrant toujours très courtois et respectueux envers elles).

J'ai du mal à anticiper l'avenir mais c'est vrai que les tabous religieux ("aime ton prochain comme toi-même") ont disparu. Et on assiste, dans le même temps, à une montée des petites haines amplifiée par les réseaux sociaux. Il n'existe plus aucune autorité légitime, chacun se vit tout puissant. Mais le pire n'est pas non plus toujours certain.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!


Dans votre texte Carmilla, ce qui demeure fascinant, c’est le premier amour passionnel de Magda Goebbels, ce Victor Arlozoroff, du quel j’ai gardé cette citation que j’ai trouvé très juste, et qui me semble un personnage mystérieux et surtout d’une grande culture. Mes recherches, ne m’ont pas porté très loin.

Il arrive dans la vie, qu’un amour passionnant dévaste le restant de l’existence d’une personne. Est-ce que Magda Goebbels a été dévastée par cet amour? Au point de se lancer dans une série d’amours malheureux, jusqu’à la ruine totale? Est-ce qu’elle a été déchiré entre rester en Allemagne et suivre son amoureux en Palestine? Qu’est-ce que vous savez sur Arlozoroff? Dans toutes les hypothèses sur son assassinat, un type comme lui, ne devait laisser personne indifférent. Est-ce que Joseph Goebbels avait le bras assez long pour pour commanditer ce meurtre, selon votre hypothèse? Si on relit le citation que j’ai copié dans mon premier commentaire; il y avait de quoi déplaire autant aux Palestiniens qu’aux Juifs. Donc, il aurait pu être assassiner par n’importe qui, voir même par des membres de sa propre communauté. C’était peut-être un personnage à la Camus qui carburait à la liberté, à la vérité et surtout à un réalisme comme on n’en rencontre peu? C’était peut-être trop pour Magda? Peut-être que je suis influencé par ma relecture présente de : La Peste d’Albert Camus. Et à l’image de Camus, Arlozoroff n’avait pas beaucoup d’amis, mais de nombreux ennemis.

Comment elle s’est sortie de cet amour passionnel de jeunesse? Marier, un type friqué, de 21 ans son aîné, cela ne m’apparaît pas comme une solution valable. Puis en arriver à marier Joseph Goebbels, elle avait peut-être un don pour se boucher le nez et refuser de voir la réalité en face. Je ne pense pas que l’on puisse aimer deux fois de la même manière, et il m’apparaît qu’il est impossible de faire renaître des sentiments forts qu’on a éprouvé lors d’un amour de jeunesse. Alors on vadrouille de relations en relations tant bien que mal à la recherche de sentiments définitivement perdus.

Vous vous posez une grande question en vous demandant, comment vous auriez réagi dans une situation semblable? Certains diront que c’est une question inutile; moi j’affirme que c’est une question importante et poignante. Qui nous dit, que dans un avenir proche ou lointain, nous ne serions pas nous-mêmes placés devant des choix aussi déchirants? Il y a des gens qui ont résisté à Hitler et à son régime, comme il y a des personnes qui ont fait la résistance en France. Certes, ils étaient peu nombreux, et ça prenait un courage fou pour se dresser devant une situation qui semblait perdue d’avance. Ce que nous appelons de le courage, n’est pas éclatant à la base, lorsqu’une personne décide de s’engager dans une action qui ne semble avoir aucun avenir, elle émerge du fond de sa conscience, sans éclat, dans un silence spirituel d’une grande humilité. On en revient à sa petite voix intérieure, qui essaie de nous influencer. Être du côté des plus forts pour faire comme tout le monde n’est pas une assurance sur l’avenir; et être du côté des plus faibles, des moins que rien, c’est peut-être la voie, mais c’est un cheminement plein de questions et de doutes.

Merci pour votre commentaire Carmilla. Et, si vous trouvez quelques choses d’intéressant sur Arlozoroff, faites-moi signe, je suis preneur.

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Sur ce sujet, je recommande le remarquable livre de Géraldine Schwartz, "Les amnésiques".

https://editions.flammarion.com/les-amnesiques/9782081416994

Comment beaucoup d'Allemands, dont la famille du père de Géraldine Schwartz, ont marché "avec le courant".

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Sur Arlozoroff, je ne connais guère plus que les éléments de la biographie d'Anja Klabunde (que je recommande vraiment) et quelques bribes sur Internet. Il existe également deux romans intéressants, l'un de Tobie Nathan : "Qui a tué Arlozoroff ?", l'autre de Leonid Guirchovitz : "Meurtre sur la plage". Je n'ai pas lu mais ce sont de très bons auteurs. Cependant, ce sont simplement des romans.

On est donc souvent réduit à des hypothèses. Il semble toutefois que, quelques mois avant sa mort, Arlozoroff se soit rendu à Berlin et ait rencontré Magda. Ca a peut-être inquiété Goebbels qui se serait alors vengé. C'est l'hypothèse la plus généralement admise mais il est vrai qu'on n'a pas de certitudes. Les nazis n'étaient certes pas encore au pouvoir mais déjà tout puissants. Et Goebbels était, paraît-il, d'un anti-sémitisme pathologique, plus violent, si c'est possible, que celui de Hitler.

Ce qui me choque peut-être le plus, c'est que Magda Goebbels ait laissé mourir dans un camp son beau-père juif alors qu'elle avait, à l'époque toute facilité pour intervenir.

Une femme vraiment étrange qui a confessé à sa proche amie le caractère monstrueux et criminel du régime nazi et qui estimait, en conséquence, que ni elle, ni ses enfants, ne pouvaient envisager de continuer de vivre.

On peut s'interroger aussi sur son choix de Goebbels. Un personnage physiquement et moralement affreux qui ne cessait de la tromper. Vivre avec un type pareil était sûrement un cauchemar.

Peut-être, en effet, a-t-elle vécu dans la nostalgie d'un amour perdu, celui porté à Arlozoroff ? Elle s'intéressait réellement, en effet, au judaïsme.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

J'ai entendu parler de votre livre mais, je ne sais pas pourquoi, je l'ai négligé à l'époque.

Merci de me le rappeler.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Je note, sur sa simple fiche Wikipédia, qu'Alrozorff est mort le 16 juin 1933 : les nazis étaient déjà au pouvoir depuis la fin janvier.
Quoi qu'il en soit, son assassinat sur ordre de Goebbels ne serait qu'une hypothèse parmi d'autres.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages pour cette correction,

Je ne sais plus où j'ai pêché qu'Arlozoroff était mort en 31. C'est en effet une erreur.

Mais ça ne change pas le fond : on n'a, en effet, que des hypothèses et suppositions concernant ceux qui l'ont assassiné. Goebbels apparaît la réponse la plus évidente : son pouvoir, ses moyens, sa jalousie, son absence de scrupules, son antisémitisme, tout semble le désigner mais on n'a aucune preuve.

Bien à vous,

Carmilla