samedi 21 octobre 2023

Du populisme et de la chute du Roi des Chats

 

On n'en a guère parlé en France. On y est, semble-t-il, davantage préoccupés par la prolifération des punaises de lit.

Mais il y a eu, dimanche dernier, des élections décisives en Pologne, importantes pour toute l'Europe et sa cohésion. 


Et enfin, on a assisté, là-bas, à la défaite du parti réactionnaire et conservateur depuis 8 ans au pouvoir.

Pour beaucoup de Polonais, ça a été une immense joie: être enfin débarrassés de ces dirigeants, totalement imprévisibles, qui leur faisaient honte.


On n'imagine pas en effet l'exacerbation des passions et l'extrême polarisation du pays au cours de ces dernières années. Il fallait veiller soigneusement à la composition de la table de ses invités si l'on voulait que le repas amical ne dégénère  aussitôt en pugilat sanglant.


L'ambiance était, en effet, explosive dans la population sur fond d'un duel, depuis 20 ans, entre le parti Droit et Justice (PIS) de Jaroslaw Kaczynski (prononcer katchegnski en accentuant sur le e), qui a conquis, à la surprise générale, le pouvoir en 2015, et la Plateforme Civique de Donal Tusk (prononcer "tousk" et non pas à l'anglaise comme le font les médias français), ancien président du Conseil européen.


Le PiS (Droit et Justice), c'est un parti que l'on peut considérer au mieux comme conservateur, voire populiste, au pire comme d'extrême droite. Son idéologie est ultra catholique et anti arabe, ultra nationaliste (la Grande Pologne opposée à la Russie et à l'Allemagne) et anti LGBT et droit à l'avortement.


La Plateforme civique et ses alliés incarne, au contraire, un mouvement centriste pro-européen, libéral économiquement et progressiste sur les questions sociales comme le droit à l'avortement ou l'union civile des homosexuels.


Les électorats de ces deux partis se distinguent très clairement. La victoire de la Plateforme, c'est celle de la ville contre la campagne, des laïcs contre les cathos, des jeunes contre les vieux, de la Pologne de l'Ouest contre celle de l'Est. Il y a ainsi eu, dimanche dernier, une énorme mobilisation des jeunes et des femmes qui a permis de renverser la table: seulement 15% des jeunes et 35% des femmes de tous âges confondus auraient voté PiS.


Cet affrontement des Anciens et des Modernes, c'est du classique me direz-vous. Mais, vu d'ici, ce que l'on ne perçoit pas, c'est à quel point ces deux formations politiques opposées et leurs partisans se détestent et même se haïssent. Ca a déchiré de multiples familles et amitiés au point que rencontres et débats n'étaient qu'un festival d'invectives. Une histoire amoureuse entre un(e) PiS et un(e) Plateforme était absolument inconcevable. J'ai aussi entendu des histoires selon lesquelles les enfants cachaient les papiers d'identité de leurs parents pour qu'ils ne puissent pas aller voter.


Cette page sombre semble néanmoins tournée aujourd'hui et on peut penser que la Pologne va maintenant s'engager, définitivement, dans une voie résolument européenne. Cette évolution d'un pays européen important (40 millions d'habitants), très dynamique économiquement (son niveau de vie devrait prochainement rejoindre celui de l'Europe de l'Ouest, ce qui était inimaginable autrefois), est finalement une excellente nouvelle pour tous ceux qui croient au progrès et à l'esprit démocratique.


Mais pourquoi je vous parle de ça ?  Je comprends à vrai dire que vous n'en ayez pas grand chose à fiche de la Pologne compte tenu de l'ignorance savamment entretenue par les médias français sur les pays qui ne sont pas de proches voisins. L'Europe, elle n'est pas encore rentrée dans les têtes en France. On ne la voit qu'à travers les prismes Allemagne, Italie, Espagne et on ne se rend pas compte que son centre de gravité est en train de basculer vers l'Est. 


Mais les cahots de l'évolution de la Pologne sont pourtant susceptibles de nous faire réfléchir parce que, partout en Europe, on est maintenant tentés de céder aux sirènes du populisme. La démocratie, beaucoup ne l'aiment pas tant que ça, en effet, parce qu'elle est mouvement, agitation, perpétuels et surtout génère  une remise en cause permanente de nos convictions et certitudes. On se prend alors à idéaliser le Passé, nos Aïeux, les vraies Valeurs. On voudrait que l'Histoire s'arrête.


A cet égard, le leader du parti Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski, qui a vraiment tiré les ficelles de la politique polonaise au cours de ces dernières années, m'intéresse beaucoup. Il a vraiment incarné une forme de populisme, sans doute plus habile et plus moderne.


Les leaders populistes, il était facile, jusqu'alors de les identifier: de grandes gueules et de grosses brutes dont la préoccupation première est de s'en mettre plein les poches avec leurs copains en entretenant des liens avec les organisations criminelles. C'est évidemment Trump et Poutine mais aussi Viktor Orban en Hongrie, Boïko Borissov en Bulgarie, Robert Fico en Slovaquie, voire même Aleksandar Vucic en Serbie. De grands mâles, de vrais mecs, des chefs de tribus, qui en imposent par leur force et leur brutalité.


Avec Jaroslaw Kaczynski, rien de tout cela. Il s'est appliqué à donner l'image d'un bonhomme ringard et un peu plouc, confit en dévotions. Depuis une dizaine d'années, toute sa démarche politique a consisté, en fait, à venger la mort tragique  de son frère jumeau, Lech, brutalement décédé, en 2010, dans le crash de son avion présidentiel au-dessus de Smolensk. Un frère jumeau avec lequel, fait unique dans l'histoire politique mondiale, il a même partagé un temps le pouvoir (comme 1er ministre et Président). Mais un frère jumeau bien différent de lui, beaucoup plus libéral et moderne. Sans doute pour effacer la culpabilité liée à cette mort, Jaroslaw Kaczynski a développé un culte quasi païen de son frère avec de multiples commémorations et la floraison de théories complotistes.


Chez Jaroslaw Kaczynski, il n'y a vraiment rien qui en impose et il est plutôt un personnage dont presque tout le monde prend plaisir à se moquer. On le surnomme "le canard" (jeu de mots sur son nom, canard se disant "kaczka" ou "kaczor" en polonais). Il a un train de vie très modeste occupant une petite maison, avec un petit jardin, dans la banlieue de Varsovie qu'il a longtemps partagé avec sa maman qu'il vénérait (d'où des rumeurs, jamais étayées, sur sa supposée homosexualité). Il n'est probablement ni riche ni corrompu. Quant aux "pantins" qu'il a placés à la tête du pouvoir (le Président Duda et le 1er ministre Morawiecki), il a su choisir deux grands bêtas qui s'attachent surtout à jouer le rôle de gendres idéaux.


On ne lui connaît que des plaisirs simples: les promenades dans la nature, la cueillette des champignons et la pêche à la ligne. Il a toutefois plusieurs détestations: l'Europe, l'Allemagne et la Russie. Sur ces sujets, il se réveille, sort de sa bonhommie et profère les pires énormités. Attitude probablement surjouée parce qu'il n'est pas, non plus, un imbécile complet.


Il n'affiche, publiquement, qu'une véritable passion: une passion pour les chats mais même pas pour des chats de race, plutôt pour des chats de gouttière laids et moches. Les chats de Kaczynski, notamment un fameux Alik, sont ainsi des célébrités dans toute la Pologne. Kaczynski a même pris plaisir à se laisser photographier en train de lire, au cours d'une séance parlementaire, un livre consacré aux chats. Ca aurait suscité un scandale partout ailleurs mais ça a plutôt été apprécié en Pologne, ça a été jugé sympathique (c'est vrai qu'on imagine mal Poutine ou Trump s'adonnant à la même distraction).


Mais ce personnage déconcertant et rébarbatif a quand même tiré l'essentiel de sa popularité de sa "politique sociale". Il a fait fonctionner à plein la Pompe à Phynances, déversé, à flots, l'argent public. De multiples allocations ont été mises en place, de généreuses primes aux familles et à la natalité ont été versées, l'âge de la retraite a été abaissé, des prêts à taux zéro consentis jeunes. Vive le clientélisme, tant pis pour les factures à venir, après nous le Déluge ! Et à l'occasion des élections, il en promettait encore davantage: la Pologne, futur Paradis des familles. Il fallait vraiment être lucide pour ne pas se laisser séduire par ce miroir aux alouettes.


C'est pour cette raison que je ne peux m'empêcher de comparer la Pologne et la France. Le populisme, il submerge, en effet, progressivement l'Europe (Boris Johnson, Georgia Meloni) et, tout particulièrement, la France. On a réussi à y faire croire, contre toute évidence, que le pays était un Enfer ultra-libéral, générant paupérisation accrue et tiers-mondisation des services public. 


Dans ce contexte, le populisme français est principalement porté par deux leaders, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Leurs programmes économiques sont à peu près semblables avec une prise en charge par l'Etat, à grands coups de transferts sociaux et de subventions ubuesques, de la quasi totalité de la population.


Simplement, les tactiques pour parvenir au pouvoir différent. Mélenchon continue de croire qu'il faut jouer au Grand Mâle, au chef de horde, en éructant et en vociférant. Sa fureur devient dérangeante, anxiogène. Il a, en ce sens, au moins un train de retard.


Marine Le Pen se montre, en revanche, beaucoup plus habile aujourd'hui. Loin des outrances de son père, elle est en train de s'acheter une respectabilité. Elle joue le rôle d'une brave dame, soucieuse des convenances et ayant pour souci premier de materner et protéger les Français. Les bouleversements du monde et des mentalités, c'est ce dont il faudrait se prémunir en premier lieu.


Dans cette nouvelle attitude, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle a peut-être pris, justement, des leçons en Pologne où elle a été reçue avec tous les honneurs. Elle a au moins deux traits communs avec Jaroslaw Kaczynski: d'abord un goût affiché pour une vie simple et sans ostentation; et puis surtout, un amour immodéré, et semble-t-il nouveau, des chats. 


Une différence toutefois sur ce second point: alors que Kaczynski ne s'intéresse qu'aux chats de gouttière, Marine Le Pen a des goûts félins plus élitaires: elle posséderait 6 chats "bengal"  une race, importée des Etats-Unis, issue d'un croisement entre un chat domestique et un chat sauvage. La robe du bengal évoque ainsi un petit tigre. C'est peut-être le signe que Marine Le Pen n'a pas éteint toute agressivité en elle.

Ca me fait frémir. Mais la Pologne vient de démontrer que rien n'est figé en politique et que l'attitude la plus coupable, c'est la résignation ou l'indifférence.



Tableaux d'artistes polonais contemporains : Kacper KALINOWSKI, Joanna CHROBAK, Bogdan PRYSTROM, Katarzyna KARPOWICZ, Dorota KUZNIK.

L'avant-dernière image (un canard avec un chat sur son dos) est, bien sûr, une caricature de Kaczynski (surnommé le canard) qui s'enfuit, avec son animal, après la défaite. Il est écrit "préparation à l'évacuation" mais il s'agit, plutôt, aujourd'hui d'une évacuation immédiate.

J'ai déjà évoqué, à plusieurs reprises, la littérature polonaise. Je me contente donc aujourd'hui de recenser quelques nouveautés:

- Olga TOKARCZUK (Prix Nobel 2018): "Jeu de tambours et tambourins". Si vous voulez vous initier à cette grande écrivaine, c'est le bouquin qu'il vous faut. Un recueil de nouvelles toutes plus bizarroïdes les unes que les autres.

- Agata TUSZYNSKA: "Le Jongleur". Un autre grand nom de la littérature polonaise. Il s'agit ici d'une biographie de Romain Gary, un écrivain que l'on redécouvre après un long oubli. Cette biographie apporte énormément d'éléments nouveaux concernant notamment son enfance à Vilnius.

- Mikolaj LOZINSKI: "Stramer". Une ville, Tarnow, durant l'entre deux guerres, où la moitié de la population est juive. Déjà, s'y dessine la grande catastrophe à venir.

- Elise GOLDBERG: "Tout le monde n'a pas la chance d'aimer la carpe farcie". Moi, j'ai la chance d'aimer la carpe farcie. Un livre, français, vraiment délicieux. Toutes les recettes de la cuisine juive bien connues dans toute l'Europe Centrale. Ce qui est étonnant, c'est qu'on est définitivement attachés à la cuisine de son enfance. C'est elle qui manque le plus et elle demeure toujours la meilleure.

9 commentaires:

Nuages a dit…

Je me suis réjoui du résultat des élections polonaises. Enfin l'alternance après huit ans de populisme, d'obscurantisme et d'attaques contre l'état de droit. On aura sans doute un gouvernement regroupant les trois forces d'opposition : la Plateforme civique, la Troisième voie (agrariens du PSL et des démocrates-chrétiens) et la Gauche unie (sociale-démocrate).
Ce gouvernement devra rétablir l'indépendance de la justice, restaurer la liberté des médias, libéraliser l'avortement.
Mais le président Duda a un droit de veto, et tout ça ne sera pas nécessairement simple.

Comme je me passionne depuis longtemps pour la géographie des élections, je vous donne deux liens, qui vous permettront de voir des cartes fascinantes :

https://wbdata.pl/wybory-2023-mapy/

https://kireev.livejournal.com

Ce dernier site est le blog d'un Russe vivant aux Etats-Unis, près de Seattle, qui est passionné par les élections et qui publie des billets et des analyses très intéressantes. Parmi ses derniers billets, on en trouvera trois sur les élections polonaises récentes.
J'ajoute que ce Russe, Alexander Kireev, est totalement anti-Poutine.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

La page tournée…

Nous pouvons comme individus et comme peuple tourner la page quotidienne ou contemporaine, reste que ce genre de livre compte un total incommensurable de pages, que ce n’est jamais terminé, que les victoires comme les défaites demeurent des réalités éphémères, et qu’on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Nous pouvons nous réjouir de quelques avancées qui nous incitent à la célébrations, mais soyons réalistes et prudents aux sujets de commémorations.

J’attendais les résultats de ce scrutin depuis longtemps, parce que tout ce qui se déroule en occident présentement nous touche, en plus de deux guerres, il faut jeter un coup d’œil à nos alliées, à leurs faiblesses, et peut-être à leurs irrésistibles désirs de nous tourner le dos pour se jeter dans les bras de nos adversaires. D’après les maigres informations qui nous parvenaient en Amérique, les sondages donnaient cette extrême droite gagnante. J’ai pensé : est-ce que les polonais vont nous lâcher? Les dernières nouvelles n’étaient pas très réjouissantes, ce conflit économique sur le blé, parce que la Pologne est aussi producteur de céréale, et surtout cet embargo camouflé sur les armes pour l’Ukraine. Reste, qu’ils font partis de l’Union Européenne et qui plus plus est de l’OTAN. Si cela devait regrettablement se produire affronter les Russes seul? Dans ce genre de situation, où nous nous retrouvons tous, pas question de se diviser, et je craignais les résultats défavorables suite à cette élection en Pologne. J’ai poussé un soupire de soulagement une fois les résultats connus. Nous pouvons tourner la page, toujours conscients de ce que la nouvelle page va nous révéler, parce que nous sommes loin d’être sorti de l’horreur.

Voilà l’Ukraine et Israël partagent le même banc, ces pays ont été délibérément attaqués, et leurs agresseurs ne sa cachent même pas en affirmant vouloir les exterminer. À ce sujet, pas plus les Russes que le Hamas, ne se cachent face à leurs intentions de liquider des peuples entiers. Qu’est-ce que cela pourrait justifier? Même pas l’ombre d’un cessé le feu. Inutile dans ces conditions d’exiger ce cessé-le-feu. Le temps n’est pas dans l’imploration, mais dans l’action aussi déplaisante puisse-t-elle être. Les gens d’en face ne nous ferons pas de cadeau. Je ne serais pas surpris que l’Iran donne le feu vert au Hezbollah pour attaquer le nord d’Israël. Et ce Hezbollah ce n’est pas une petite milice! On peut se demander où l’Iran, pays sous embargo, trouve l’argent pour entretenir des armées, et vendre des armes aux russes?

J’ai remarqué que le paranoïaque de Moscou depuis six semaines semblent en grande forme, très souriant, affichant une confiance à toute épreuve, devant toutes ces nouvelles qui favorisent l’axe Moscou, Téhéran, Pékin, surtout lorsqu’il a salué l’action du Hamas. Nous ne pourrons jamais affirmer, ni plaider, notre ignorance. Que faut-il de plus pour faire comprendre à tous ces manifestants qui descendent dans les rues présentement brandissant une certaine couleur verte?

Merci Carmilla pour votre texte très pertinent sur la Pologne, vous avez de l’avenir non seulement comme reporter international, mais aussi comme analyste politique.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Ca me réconforte de constater qu'il y a quand même quelques personnes qui, à l'Ouest, ont suivi les élections polonaises. J'avoue être un peu en colère parce qu'en France, sur les grandes chaînes de télévision et la radio France Inter, je n'ai pas entendu un mot. Même la presse a été avare d'articles pour ce qui est, tout de même, un bouleversement majeur.

Beaucoup de Polonais étaient exaspérés par le PiS mais ce Parti avait principalement conquis le pouvoir en raison d'un abstentionnisme électoral massif. Ca n'a pas été le cas cette fois-ci et les gens se sont massivement mobilisés, ce qui a permis d'inverser les résultats.

A court terme, c'est vrai, les choses ne sont pas faciles. D'abord parce qu'on ne peut pas virer les gens mis en place par le PiS aux manettes du pouvoir (médias, institutions judiciaires). Ils bénéficient de contrats en béton.

Ensuite parce qu'il faut, en effet, une collaboration minimum du Président. Il peut exprimer son veto, voire dissoudre le Parlement. Mas ça peut aussi être dangereux pour lui-même.

A plus long terme, je ne crois pas que le PiS ait un grand avenir. Cela en raison de la simple évolution démographique. Ceux qui ont voté PiS, ce sont, très majoritairement, ceux qui ont plus de 55 ans. La proportion des jeunes supporters du PiS est, en revanche, très faible.

Merci pour vos cartes effectivement très instructives. C'est vraiment le Sud-Est de la Pologne, non loin de la frontière ukrainienne, qui est le plus réactionnaire. C'est pourtant une région que j'aime beaucoup. Si vous vous rendez un jour à Lviv par le train, depuis Cracovie, vous y passerez forcément.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je n'ai pas la prétention d'être un reporter international. Je m'autorise simplement à parler de pays que je connais tout de même assez bien (par la langue et mes séjours) même si c'est imparfait. L'Europe Centrale, c'est tout de même ma marotte. Mais au-delà de cette zone géographique, je n'ai pas grand chose à dire.

Je me réjouis qu'au Canada, on s'intéresse à la Pologne. En France, c'est carrément désolant.

L'affaire de Gaza, c'est, en effet, du pain béni pour Poutine, une divine surprise. Ca permet de taper sur l'Occident, de pointer sa violence et son hypocrisie en les grossissant démesurément et de relativiser, voire justifier, son agression de l'Ukraine. Il espère pouvoir ainsi sortir de l'isolement diplomatique et rallier, ou au moins obtenir la neutralité, des pays du Sud. Constituer un grand bloc anti-occidental et anti-démocratique, c'est devenu son grand projet.

C'est ça qui devient effrayant et dangereux. On rend responsable l'Occident libéral de tous les maux. J'ose croire, néanmoins, que l'esprit démocratique triomphera mais ça peut prendre beaucoup de temps.

Il est vrai que les sondages pré-électoraux en Pologne étaient très incertains. Mais c'est la forte mobilisation de la population qui a tout changé.

Quant à l'Iran, s'il est vrai qu'il soutient et arme le Hezbollah, je doute qu'il intervienne directement. Le régime est aujourd'hui très fragilisé par la contestation de sa population. Il y a en ce moment, en Iran, de nombreuses expressions d'hostilité (petites manifestations et réseaux sociaux) au soutien apporté au Hezbollah. Aller trop loin risquerait de provoquer un effondrement du régime.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Dans la suite de mes commentaires d’hier, j’ajouterais quelques récentes lectures.

« Je voyais dans l’univers chrétien une débauche de guerre
qui eût fait honte aux nations barbares :
pour des causes légères ou sans motifs
on courait aux armes,
et lorsqu’on les avait une fois prises,
on n’observait plus aucun respect
ni du droit divin, ni du droit humain,
comme si, en vertu d’une loi général,
la fureur avait été déchaînée sur la voie de tous les crimes. »

Hugo Grotius
Le droit de la guerre et de la paix
1625

Cette citation est tiré de : Une histoire d’amour-haine
L’Empire Britannique en Amérique du Nord
Page 233 de Gilles Bibeau l’anthropologue qui raconte la genèse de l’Empire Britannique pour qui le rêve de dominer le monde passait par la conquête de l’Article. Un grand livre comme on n’en fait plus, qui dépasse l’histoire des Britanniques, qui remonte au Haut Moyen-Âge avec les peuples nordique, mais aussi avec les Normands, les Francs, les Bretons, pour se terminer 700 ans plus tard par la conquête en 1760. Un ouvrage qui va dans toutes les directions autant politiques que techniques sur l’amélioration constante des navires. La citation de Grotius que je ne connais pas, m’a ramené à ce que nous vivons présentement. D’après ses propos, l’humain ne progresse bien que dans la violence! Ce qui donne à réfléchir…

L’autre livre est un petit bijou. Le titre est tous simplement : Perspective(s) par Laurent Binet, qui est une découverte pour moi. Qui a assassiné Jacopo de Pontorno : peintre? Écrit d’une manière singulière, de manière épistolaire, où les personnages s’écrivent. L’action se déroule à Florence vers 1557, où l’on croise Catherine de Médicis, Marie de Médicis la fille de Cosimo de Médicis, s’ajoute Piero Strozzi , Michel-Ange Buonarroti et toutes une galerie de personnages que fait revivre Laurent Binet. C’est un livre qui devrait vous plaire Carmilla où règne, la corruption, le mensonge, la vengeance, la politique et la guerre, où l’on croise François de Guise, lors de son expédition en Italie vers 1556 et 1557, qui ressemble à une agression. Comme personnages historiques, les Médicis n’ont rien à envier aux Borgia.

Pour en revenir à votre texte, votre chat noir n’est pas sur le dos d’un canard, mais sur celui d’une bernache, ce qui est plus confortable!

Tant qu’à l’Iran je me demande où il trouve son argent, pour financer le Hezbollah? Comme financière vous devez bien avoir une petite idée?

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Grotius, j'en ai entendu parler mais je n'ai pas lu. Il est considéré comme l'un des initiateurs du Droit moderne.

Le livre de Gilles Bibeau apparaît, en effet, alléchant. J'aime bien aussi les grandes reconstitutions historiques.

Laurent Binet, je suis, en revanche, beaucoup plus réservée. J'avais quand même assez aimé HHh, consacré à Heydrich. Mais ses autres bouquins ("La septième fonction du langage" et "Civilizations"), j'ai trouvé que c'était à peu près n'importe quoi. "Perspective(s)" me rend pareillement sceptique.

Le roman historique peut m'intéresser mais à condition que l'on soit fidèle à l'histoire. Mais l'exactitude, la véracité des faits, Laurent Binet n'en a, à peu près, rien à fiche. On croit lire un livre sur les Médicis mais on lit un bouquin sur Laurent Binet et ses opinions. On croit apprendre mais on n'apprend rien. Je trouve ça très perturbant et je décroche vite. Ca me fait penser à un récent best-seller italien, "L'ange de Munich" consacré à Geli Raubal, la nièce de Hitler mystérieusement décédée chez lui. Le succès de ce bouquin a été énorme, il aurait pu être intéressant mais tout est faux, inventé par l'auteur.

Comment l'Iran finance le Hezbollah ? D'abord en ponctionnant sa population qu'il prive de programmes sociaux. De la rancoeur et de l'amertume qu'il suscite ainsi chez les Iraniens, le pouvoir n'a à peu près rien à fiche. L'exportation de la Révolution Islamique est plus importante que le bien-être des citoyens. Et puis, l'Iran dispose tout de même de ressources pétrolières non négligeables. Les embargos sont toujours plus ou moins contournés.

Merci pour la remarque sur les bernaches. Mais je ne sais même pas s'il y a des bernaches en Pologne et j'ignore même comment ça se dit. Mais est-ce qu'une bernache n'est pas apparentée au canard ? Une autre version en plus gros.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Il y a beaucoup de bernaches (du Canada) en Belgique, où elles sont considérées comme une espèce invasive, nuisible pour d'autres oiseaux et pour la végétation. Elles pullulent en particulier dans les zones lacustres, au bord des rivières. Elles sont nombreuses aux étangs d'Ixelles, au bord desquels j'habite, et ce sont des réelles nuisances sonores.

A part ça, j'ai repéré un reportage sur la Pologne, sur Arte, qui semble intéressant, mais que je n'ai pas encore vu :
https://www.youtube.com/watch?v=xB8JZRQRGhY

Nuages a dit…

Quant à "bernache du Canada" en polonais, Google translate me suggère "gęś kanadyjska".

Mais Wikipédia propose plutôt "https://pl.wikipedia.org/wiki/Bernikla_kanadyjska"

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Il semble qu'il y ait même quelques bernaches installées à Paris, au bord du lac du Bois de Vincennes.

Si elles sont déjà si nombreuses en Belgique, j'imagine qu'elles ont également gagné l'Allemagne et la Pologne où elles peuvent trouver des lacs, de l'espace et du froid.

S'agissant du mot en polonais, "gęś" (prononcer guinch) est bien connu mais ça signifie simplement une oie. Alors, est-ce qu'une bernache est simplement une oie du Canada ? Ca étonne évidemment un peu si on les compare aux oies blanches de nos fermes européennes.

Quant au mot "bernikla", je ne le connais pas mais mon polonais est quand même limité.

Merci pour cette référence à un reportage d'Arte que je ne manquerai pas de consulter.

Bien à vous,

Carmilla