samedi 13 janvier 2024

La France de l'orientalisme, de la sinophilie, du japonisme et de la russophilie

 


Faire les marchés parisiens, ça fait partie de mes petits plaisirs du week-end.

On arrive vite à être connus des vendeurs et ça devient alors une grande comédie sociale.


Les fruits et légumes, dans mon quartier, c'est monopolisé par des Tunisiens, tous issus du même endroit (Djerba) et appartenant à la même grande famille. On les sent heureux de travailler ensemble.



Dès qu'ils me voient arriver, j'ai droit à des exclamations et de grandes salutations. Il faut dire qu'ils sont tous bons musulmans et que j'ai su les impressionner en faisant étalage de ma vie en Iran et de ma petite connaissance du Coran. J'ai donc droit à un traitement de faveur et, à chaque fois, on me fait des petits "cadeaux" en suppléments de fruits et légumes. Quand je pars, on s'exclame: "Dieu vous bénisse".


Ca me trouble un peu d'abord parce que j'ai l'impression de ressembler aussi peu que possible à une femme musulmane. Et puis qu'on me fasse des rabais ou des cadeaux, ça me gêne tout de même, moi qui ne suis pas particulièrement dans le besoin.


Mais ça me laisse surtout rêveuse. C'est vrai que c'est ça la grande force de l'Islam: la qualité des relations sociales et humaines, la solidarité inconditionnelle de tous les membres de la communauté. Moi-même, je continue d'entretenir des relations suivies  avec les personnes que j'ai connues en Iran (même si ça commence à faire bien longtemps) et ça soutient ma nostalgie d'un pays pourtant généralement présenté comme un Enfer. Mais ça ne veut pas du tout dire non plus que j'aurais aimé être Iranienne. J'occupais la position la plus enviable d'une simple observatrice.


Evidemment, en comparaison des pays d'Islam, on peut parfois juger que les sociétés occidentales font pâle figure: chacun n'y pense qu'à sa pomme et les individus y vivent en électrons libres, au gré de leurs humeurs et opinions.


Ca explique largement les "crispations" identitaires actuelles. On le sait, l'immigration fait aujourd'hui partie des préoccupations premières des Français. On a beau jeu, bien sûr, d'expliquer ça par une montée de l'intolérance et du racisme. Sauf que les Français sont de moins en moins racistes (au sens d'un sentiment de supériorité éprouvé) et cela, j'en sais quelque chose. Leur malaise, c'est même plutôt celui d'une dépréciation continuelle d'eux-mêmes.


L'inquiétude française, elle s'adresse surtout, il faut bien l'avouer, à une grande masse humaine indistincte que l'on appelle les "Arabes". C'est un peu la résurgence d'une peur ancestrale: celle de l'ancien Empire Ottoman devenue aujourd'hui celle d'un Islam porteur d'un bouleversement culturel potentiel. Ce qui est regrettable, c'est qu'elle va jusqu'à s'exprimer d'une manière que je juge d'une arrogance détestable: au travers, par exemple, de ces "caricatures" que nous autoriseraient notre liberté et surtout notre ignorance crasse.


Je ne veux cependant pas trop médire de cette attitude. Est-ce du racisme ? Peut-être pas entièrement. C'est quand même aussi largement politique parce que l'Islam, à la différence de la plupart des religions, s'articule étroitement à la politique. Et quand le politique se met à s'accorder avec le religieux, ça commence à aller plutôt mal. C'est d'ailleurs ce qui se passe en Russie avec l'alliance de Poutine et du clergé orthodoxe. Pas étonnant qu'il éprouve des affinités avec le régime de Téhéran.


A quel point cette peur française de l'Islam est justifiée, on peut en débattre à l'infini et je me garderais bien d'exprimer un avis à ce sujet. Mais c'est tout de même bien la question de la laïcité qui est en jeu, plus précisément de la neutralité du politique vis-à-vis de toutes les religions.


Ce qui est sûr, c'est qu'on est rentrés dans une ère d'affrontement entre les cultures. De porosité, de perméabilité entre elles, il n'y a plus. On s'observe les uns les autres de manière apeurée et on ne cherche pas, bien sûr, à se connaître et se comprendre.


Pourtant, l'inter-culturalité, ça peut être une autre façon de vivre ensemble. On l'a complétement oublié mais il a existé une époque, pas si lointaine, au cours de la quelle la France s'est passionnée pour l'autre, l'étranger. C'était aux 18ème et, surtout, 19ème siècles et on s'est alors pris d'un extraordinaire intérêt d'abord pour l'Orient et la Chine, puis pour le Japon et la Russie.


Pour l'Orient, c'est la traduction (par Galland en 1717) des "Mille et une nuits" qui a eu un retentissement considérable. Toute l'Europe s'est alors mise à rêver de l'Orient. Un Orient étrangement fantasmé car associé à la sensualité et à la liberté morale. Goethe va, en effet, ainsi jusqu'à écrire que "le caractère des Mille et Une Nuits est de n'avoir aucun but moral et, par suite, de ne pas ramener l'homme sur lui-même mais de le transporter par-delà le cercle du moi dans le domaine de la liberté absolue". Des propos qui ne cadrent bien sûr guère avec la vision que l'on a aujourd'hui des sociétés musulmanes. Encore que notre image actuelle d'un effroyable puritanisme islamique soit largement fausse mais ça, c'est une autre histoire ...


Mais on s'est donc pris de passion pour l'Orient, il y a un peu plus de deux siècles c'est-à-dire au moment où l'Empire Ottoman se faisait moins menaçant. Ca a influencé les lettres et les arts. On connaît tous "les lettres persanes" de Montesquieu mais on a un peu oublié les récits de voyage des grands écrivains français en Orient: Chateaubriand, Lamartine, Flaubert, Gautier, Nerval. Ca a été un bouleversement intellectuel décisif pour eux. Le grand chef d'œuvre du roman oriental, c'est évidemment "Salammbô".


Et puis l'Orient a beaucoup inspiré nombre de peintres du 19ème siècle (Delacroix, Ingres, Gérôme).


Mais à peu près en même temps qu'on s'intéressait à l'Orient, on s'est aussi pris de passion pour la Chine. C'était évidemment d'abord les porcelaines, les céramiques et les cloisonnés, mais aussi tous les objets laqués, les papiers peints, les tapisseries et l'art des jardins. On a installé un "pavillon chinois" dans tous les grands parcs européens (le plus spectaculaire est celui de Frédéric II au Château de Sanssouci à Potsdam). 


Ca a donné naissance à l'Art Rococo (aujourd'hui très déprécié) dont toutes les cours européennes sont devenues friandes. Des peintres comme Watteau et Boucher y ont puisé leur inspiration. Et sait-on que le philosophe Leibniz s'est passionné pour la Chine et sa philosophie dualiste du Yin et du Yang ? Il s'en serait inspiré pour sa numération binaire qui a donné naissance à toute l'informatique moderne.


Les "chinoiseries" ont ensuite envahi les intérieurs bourgeois au 19ème siècle. Au point que ça a été "la ruée" dans les boutiques d'antiquaire parisiennes et londoniennes après que les Français et les Anglais aient mis à sac, en 1860, le Palais d'été de Pékin. Les Chinois ne cessent aujourd'hui de ruminer cette affaire dramatique alors que Français et Britanniques l'ont complétement oubliée. Au point qu'aujourd'hui encore, beaucoup de familles françaises ont hérité d'une "chinoiserie" dont elles ignorent qu'elle est issue d'un pillage.


Mais après 1860 et ce conflit fâcheux des guerres de l'opium, on a cessé de s'intéresser à la Chine et on s'est reportés sur le Japon qui venait de s'ouvrir au monde. Ca a été la naissance du "Japonisme" dont l'influence a été considérable sur l'Art des jardins et l'architecture mais surtout sur la peinture. On vénère l'impressionnisme en France  mais on occulte soigneusement qu'il a puisé son inspiration au Japon. Le plus japonais de tous, c'est évidemment Monet et ses "Nymphéas". 


Quant à Van Gogh, il avait le Japon dans la peau. En littérature, les frères Goncourt proclament avoir introduit, en France, les estampes japonaises.

Enfin, le 19ème siècle se clôt avec la naissance de l'amitié franco-russe. Je ne vais pas développer là-dessus, c'est bien connu. Mais je ne crois pas que ça répondait à une inclination spontanée. C'était plutôt un rapprochement stratégique. Parce qu'à l'époque, la République française était isolée, presque un Etat paria aux côtés de grandes monarchies. La Russie non plus n'avait pas bonne cote. Un régime monarchique certes mais arriéré, autoritaire, sans constitution. Alors entre Etats parias, on s'associe bien sûr. C'est aussi ce que fait Poutine aujourd'hui. 


Mais qu'est-il sorti de cette amitié franco-russe ? Rien ou quasiment rien du côté russe puisque l'influence française y est aujourd'hui voisine de zéro. Du côté français, je ne vois pas trop hormis la construction de quelques cathédrales orthodoxes (Paris, Nice, Biarritz), la large diffusion des classiques russes (Tolstoï, Dostoïevsky) et la persistance d'une certaine servilité envers ce "grand pays" qu'il ne faudrait pas humilier.


Mais aujourd'hui, il faut bien reconnaître que toutes ces grandes influences étrangères sur la culture française, c'est effacé, terminé. On est certes envahis par la culture américaine et on s'y plie volontiers. On en reprend même les pires horreurs et le kitsch. Mais cela, on ne le reconnaîtra jamais, on s'en défendra absolument. On préfère l'hypocrisie honteuse.

Il faudrait peut-être savoir changer de registre, de partition. Se révéler capables de considérer les autres, les autres pays, les autres cultures, avec compassion et intérêt. Ils ont tous quelques chose à nous apprendre, nous enseigner, même ceux dont on se sent les plus éloignés. 


Et il faudrait enfin cesser de s'auto-dénigrer. Je suis effarée de consulter la liste des personnalités préférées des Français. Rien que des personnalités médiatiques insignifiantes. Aucun écrivain, musicien, artiste, scientifique. 

La France, ça n'a tout de même pas été qu'un pays colonialiste, ça a aussi été le lieu privilégié d'éclosion de la Philosophie des Lumières. L'esprit de découverte, le refus du repli sur soi.


Images de Henri MATISSE, Cesare SACCAGI, Michal SWIDER, INGRES, Jean-Paul FLANDRIN, Jean-Léon GERÔME, Jean-François PORTAELS, TROUILLEBERT, DELACROIX, SINIBALDI, François BOUCHER, Vincent Van GOGH, KUNIYOSHI, HOKUSAI, Claude MONET.

Certains des propos de ce post ne sont peut-être pas dans l'air du temps. Mais je le rappelle: je n'aime pas l'humour et les caricatures sur l'Islam. Avant de critiquer et de se moquer, il faut connaître. Mais de l'ignorance à la bêtise satisfaite d'elle-même, il n'y a qu'un pas que l'on franchit trop souvent.

A lire: 

- Sir Richard Francis BURTON: "Le Livre Noir des Mille et une Nuits". L'explorateur et aventurier Richard Burton a été le premier à proposer une version non censurée des Mille et Une Nuits. Il en a tiré une "étude des mœurs orientales" publiée dans ce livre (l'an dernier aux éditions du Cherche-Midi). Il voulait montrer que l'Islam était bien plus libéral en matière de moeurs que l'Angleterre puritaine. Un livre d'une absolue singularité, précédé d'une biographie de Burton, dont la vie a été fascinante.

- Véronique BUI: "Le voyage en Chine de Monsieur Balzac". Balzac n'est, bien sûr, jamais allé en Chine. Mais il s'est beaucoup intéressé à ce pays comme nombre de ses contemporains. Sa vision de la Chine est, bien sûr, largement fantasmatique. Un livre qui permet d'appréhender la "passion chinoise" de l'Europe.

- Gilles KEPEL : "Prophète en son pays". Le grand spécialiste du monde arabe et musulman de moins en moins écouté face à l'évolution des mouvements islamistes.

- Nahal TAJADOD: "Debout sur la terre". La réédition, en poche, d'un livre paru en 2010. L'Iran pris dans la Révolution et le renversement du Shah. Mais un point de vue entièrement nouveau est retenu: le comique, l'absurde et l'humour.  C'est même poétique, on est loin de l'austérité supposée du pays, ça donne une juste idée des mentalités du pays. A vrai dire, tous les livres de Nahal TAJADOD (l'épouse du grand scénariste Jean-Claude Carrière) sont remarquables.

- Abnousse SHALMANI: "J'ai péché, péché dans le plaisir". J'adore Abnousse Shalmani et, encore une fois, je n'ai pas été déçue. La mise en regard de deux femmes écrivaines qui ont fait le choix de la passion amoureuse: Forough Farrokhzad et Marie Hérédia-de Régnier. Deux femmes qui n'avaient vraiment pas froid aux yeux.




13 commentaires:

Julie a dit…

Bonjour Carmilla, très bon article !
Par moment je m'y retrouve en Turquie au milieu des marchés foisonnants de couleurs et odeurs de pâtisseries hyper sucrées.
Entre les Turcs résidents et ceux expatriés j'ai remarqué, en France et ailleurs, quelques différences de comportement dont je m'abstiens de détailler.
Lors de mes séjours en Turquie, j'ai été frappé de constater combien les tourists allemands d'origine turque étaient mal appréciés.
Juste pour pinailler, vous ne dites rien sur la condition de la femme chez certains musulmans. Des émissions vues sur Arte en Iran, donnent à réfléchir.
Bien à vous Carmilla,
Julie 😊

Richard a dit…

Merci Carmilla

Vous avez le doigté pour alléger l’atmosphère, et c’est très apprécié de ma part, en cette époque lourde de mauvaises nouvelles. Voilà qui nous change les idées, et c’est beaucoup plus qu’une simple distraction, un peu comme un savoureux café à l’aube, qui vous réconforte. Cette fois-ci se sont vos images qui font rêver en occupant le devant de la scène. Nous avons malheureusement tendance à oublier toutes ces époques, toutes ces modes, comme si cela n’avaient jamais existé, le regard collé sur nos réalités. Vous êtes festive, même lorsque vous faite le tour des marchés pour vos fruits et légumes. Il y a des moment ainsi qu’on attend dans la semaine, des moments où l’on se sent particulièrement bien. Vos petits plaisirs, j’aurais tendance à penser que se sont de grands plaisirs. Il existe encore des personnes biens dans cet univers troublé, des personnes qui offrent des fruits, qui font des petits cadeaux, qui sont généreux. Je me demande des fois, si nous ne sommes pas trop sérieux. Ça ne prend pas grand-chose pour changer l’atmosphère. Tout est dans les petits gestes discrets, ceux que l’on voit moins, mais qu’on sent le plus comme une petite attention en sourdine, ou bien, un regard oblique révélateur qui ne s’attarde pas mais qui vous touche particulièrement. Il est y a des gestes qui ne se disent pas, ils se révèlent.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Les pays musulmans sont, à vrai dire, bien différents les uns des autres. Je connais assez bien la Turquie également. Je l'ai parcourue, quand j'étais étudiante, d'Est en Ouest. Mais c'est vraiment très différent de l'Iran et d'ailleurs ces deux pays ont toujours été deux grands ennemis.

Quant à l'Iran, la réalité du pays ne correspond pas à l'image qui en est diffusée dans les médias. Certes, c'est une effroyable dictature religieuse mais détestée par au moins 80 % de la population.

Les Iraniens sont généralement très modernes et éduqués dans leurs mentalités. Je peux vous assurer qu'on s'y amuse bien dans les soirées entre amis. Surtout la place des femmes est étonnante. Les Iraniennes sont toujours très élégantes, elles font des études supérieures (elles sont même plus diplômées que les hommes), elles travaillent, elles conduisent, elles sont autonomes. Ce sont d'ailleurs elles qui ont impulsé le récent mouvement de contestation.

Après ça se complique évidemment quand elles se marient. Et je dois bien dire que je n'ai pas, en effet, beaucoup rencontré d'hommes iraniens un peu féministes, même si les choses évoluent malgré tout.

Je dirais donc que les femmes iraniennes sont quasiment aussi émancipées qu'en Europe. Mais quant aux hommes, il y a encore des progrès à faire.

Mais le grand espoir dans ce pays, c'est une prochaine Révolution. Ca finira par se produire tellement tout le monde déteste les Religieux mais on ne sait pas quand.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'aime bien, à vrai dire, parler avec des gens que je ne peux pas rencontrer dans mon milieu habituel. C'est pour moi très instructif.

Sur les marchés, on arrive ainsi, pourvu qu'on ne soit pas trop maussade, à connaître assez rapidement beaucoup de gens avec les quels il est facile d'échanger. C'est pareil à la piscine. J'y vais pour nager bien sûr mais j'y rencontre surtout des habitués et on se connaît tous en fait.

Il y a parfois des gens très intéressants et puis ce sont des rencontres légères, sans tension. Peu importe que beaucoup fabulent, se présentent comme des gens importants, ça n'a pas d'importance.

Oui, c'est vrai qu'autrefois on rêvait beaucoup de pays lointains, supposés merveilleux. On avait d'ailleurs bien peu de chances de s'y rendre un jour. Mais aujourd'hui, alors qu'on peut se rendre partout, plus aucun pays ne fait vraiment rêver. Même si les Etats-Unis dominent culturellement le monde, ils ont au moins autant de détracteurs que d'admirateurs.

Un peu de rêve, un peu de merveilleux, c'est donc peut-être ça qui nous manque aujourd'hui.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Un peu de rêve, un peu de merveilleux, c'est donc peut-être ça qui nous manque aujourd'hui. »

Je me demande, toujours pourquoi, les gens parlent plus de leurs malheurs, de leurs cauchemars, de leurs horreurs? Le rêve et le merveilleux ne semblent plus exister. Ce n’est même plus un mirage.

Nous sommes vivants, nous devrions célébrer chaque jour qui nous est donné de vivre en favorisant le rêve, le merveilleux, l’imaginaire, la création, la ferveur de ce que nous sommes profondément.

Serais-ce plus facile de raconter ses malheurs?

Et le rire, qu’est-ce qu’on en fait? Savons-nous rire encore?

Le rire est un sentiment normale, tout comme la tristesse; mais il semble qu’on a chassé le rire et qu’on s’est attaché à cette tristesse. Qu’on s’est ancré dans cet état pour ne plus jamais remonter l’ancre.

Pourtant il y a toujours quelque chose à rêver.

Il y a des gens qui partent pour ne plus revenir dans l’espérance d’un monde meilleur; et d’autres, dès qu’ils sont partis, ne rêvent plus que de revenir, et le fruit de leur voyage tourne à la déception. Sont-ils déjà allés au bout d’eux-mêmes? C’est le premier voyage, le premier départ, parce qu’il a plusieurs manières de voyager.

Je me suis arrêté longtemps devant votre photo, le bâtiment aux colonnes en or, et j’ai pensé. « Carmilla a fait un coup d’argent, elle s’est achetée une nouvelle propriété. » Le rêve et l’imaginaire, c’est tout simplement cela! Rien de moins. Une rire par ici, une plaisanterie par à, une discussion éphémère, qui peut être le début d’un rêve, où d’un merveilleux voyage.

Ce n’est pas la distance qui compte, c’est l’intensité!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ce bâtiment aux statues et colonnes recouvertes d'or est, justement, le pavillon chinois du Château de Sanssouci de Frédéric Le Grand à Potsdam. C'est un bâtiment délirant, que j'avais eu la chance de visiter en novembre 2013. Il correspond bien à la personnalité de Frédéric qui était un homme sans doute hors du commun à son époque, très cultivé et très moderne. Il s'intéressait donc beaucoup à la Chine. J'avais été très impressionnée par la visite de Sanssouci (ainsi dénommé parce que Frédéric préférait le français à l'allemand).

C'est vrai que la tendance générale est aujourd'hui de parler de ses malheurs et non de ce qui fait la beauté de sa vie. Et c'est relayé abondamment par les médias. C'est la généralisation de l'esprit misérabiliste et victimaire. Seul le malheur intéresse, c'est vrai. On préfère voir les autres souffrir plutôt qu'être heureux. Ca en dit long sur la psychologie humaine.

Comment sortir de cette sinistrose ? La question est ouverte.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Je préfère voir les gens rires, avoir confiance en eux, s’émerveiller, se sentir confortables, vivre leur vie tout simplement avec intensité, certes il peut y avoir des orages, mais cette existence ne peut pas être une tempête continuelle. Lorsque les médias me désolent avec leurs insignifiances, je ferme la radio, et j’évite toutes publicités. Je me demande souvent, si nous ne sommes pas trop sérieux. C’est peut-être notre vieux fond judéo-chrétien qui remonte pour nous gâcher la vie. Il semblerait qu’il faut souffrir pour gagner son ciel. Serions-nous masochistes par nature? Décidément nous avons perdu le sens de l’humour? C’est peut-être ce que nous avons perdu avec Raymond Devos, un type qui s’adonnait à un humour intelligent, qui jouait avec le vocabulaire, qui imaginait. Il n’a pas été remplacé. Ici nous avons eu dans le même genre Guy Favreau alias Sol, qui nous a bien fait rire, mais ce n’était pas de l’humour gratuit. Lui aussi, il jonglait avec les mots. Des types comme cela, on n’en rencontrent pas à tous les coins de rues, ils étaient vraiment exceptionnelles. Et tout ce qu’ils ont raconté n’ont pas pris une ride. Personnellement, j’aime bien faire rire les gens, surtout les gens que je ne connais pas, et que je ne rencontre qu’une fois, si je parviens à les faire rire, cela fait ma journée. Nous ne prenons plus conscience de la force de l’humour. Rire, c’est l’orgasme de l’esprit et après on se sent bien. Se sont les choses toutes simples qui font la vie. Dans bien des sociétés, le rire est mal vu, surtout en public. Dans certaines civilisations, le rire est une faute et l’humour une pauvreté. Il ne se force pas, il vient tout seul, et part sans applaudissement. Après nous souhaitons vivement son retour.

Puisque vous l’avez visité, racontez-moi ce pavillon chinois, ce bâtiment m’intrigue, parce que justement il semble auréolé de mystères. Quels furent vos impressions, vos sentiments? Pouvait-on y vivre confortablement? Provenant d’un type sombre et sérieux comme Frédérique Le Grand, cala m’intrigue.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Merci pour votre texte.

Je savais que Frédéric Le Grand avait été élevé à la dure, son père le frappait régulièrement avec sa canne, et l’humiliait en lui faisant lécher ses chaussures devant ses officiers. Il a été patient le Frédéric, je ne pense pas que j’aurais eu cette patience. La culture il l’a tient de sa mère, parce que son père ne voulais pas qu’il apprenne le latin et le français. Il a appris beaucoup de chose par lui-même, c’est un autodidacte, qui plus est, un excellent musicien et compositeur. Un général compétent sur les champs de bataille, mais pas toujours bon politicien. Quoi qu’il était modeste dans sa vie quotidienne. L’Allemagne a commencé à s’unifier sous son règne. Et c’est Bismarck qui complétera le travail, un siècle plus tard.

J’ai regardé vos photos de décembre 2013. Beaucoup de photos, mais pas beaucoup de texte. Vous avez évolué Carmilla!

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Frédéric Le Grand, c'est un personnage qui peut susciter de multiples réflexions: un autoritarisme et un cynisme absolus combinés à une vision émancipatrice et libérale. Des problématiques qui demeurent d'actualité.

Oui, autrefois je rédigeais beaucoup moins. C'est ce qui m'avait été conseillé: personne n'a le temps de lire, m'a-t-on dit.

Et puis, il faut rappeler que la fréquentation des blogs s'est effondrée avec les concurrences de Facebook et d'Instagram: on ne veut plus que des images. Beaucoup de blogs ont ainsi disparu.

Je me suis alors dit que la seule possibilité de survie était de m'adresser à ceux qui ne sont pas trop réfractaires à la lecture. J'écris maintenant sans doute trop, j'ai du mal à me réfréner, mais c'est difficile de traiter un sujet complexe en quelques mots. Il faut éviter, en effet, de s'enfermer dans des affirmations trop péremptoires qui vous font passer pour méprisante ou intolérante.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Frédéric Le Grand demeure pour moi un personnage mystérieux, difficile à cerner, il y a une profondeur dans cet être sans fond. Il ne faut pas oublier qu’il a fait beaucoup de réformes, et qu’il a institué la perception des taxes de vente par les vendeurs, ce qui était nouveau à son époque. Mais, ce qui me fascine les plus, se son ses portraits, surtout le visage, des yeux surdimensionnés, globuleux, ajoutant à la dissymétrie de ses traits. On dirait qu’il était toujours en colère.

Il appert, qu’en cette époque, il importe de savoir s’arrêter non seulement pour lire, mais pour réfléchir, alors nous les lecteurs nous serions des êtres à part. Cela me va très bien, j’ai toujours été hors norme, souvent je m’en réjouie. Vive la différence! J’assume.

Dans cette fuite en avant, cela se sent lorsqu’on discute avec les gens, ce qui peut être n’importe qui, pour constater le manque de profondeur dans les connaissances, souvent c’est un manque de culture général. On pense malheureusement, qu’après 90 secondes, on a tout dit et qu’on peut refermer le dossier, alors que c’est juste le début de la première phrase de l’introduction.

Mes moments de lectures se sont de grands moments privilégiés, des moments précieux, et je n’en n’ai jamais assez, vient les longues heures de silences, puis vient enfin la discussion. Certains affirmeront que ce n’est pas une existence exaltante, personnellement, je n’en connais pas de meilleures.

Je me sens vraiment privilégier de vivre tout cela. M’installer à ma table entre mes dictionnaires, mes livres de références, mes notes, et faire comme Montaigne, parler avec moi-même, écrire!

Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous êtes, en effet, d'une curiosité singulière.

Que je m'intéresse à Frédéric le Grand, c'est, en quelque sorte, normal compte tenu de mes origines.

Mais je ne suis déjà pas sûre que les Français, hormis les "germanistes" assez peu nombreux, connaissent plus que son nom.

Quant à moi, hormis certains pays et zones géographiques, je suis ignare pour beaucoup d'autres. Néanmoins, l'Histoire, je trouve ça passionnant. Ca dépasse souvent les meilleurs romans.

Et c'est vrai aussi que je plains souvent les gens qui ne lisent pas. Ils ne savent pas qu'ils se privent de mille autres vies.

Une différence, peut-être, entre vous et moi: je ne prends pas de notes et je n'écris pas. Je fais exclusivement confiance à ma mémoire. Ca a toujours été mon mode de fonctionnement. J'y vois surtout un gain de temps.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Vous avez raison, l’Histoire est souvent plus passionnante que les meilleurs romans, pour preuves, les romanciers s’inspirent souvent de l’Histoire pour écrire leurs livres. Mais, les historiens ne s’inspirent jamais des romans, ils s’en tiennent au faits, ou devraient s’en tenir aux faits. Déjà que l’Histoire est tellement surprenante.

Lire c’est le transport de l’imaginaire dans d’autres vies comme vous dites. Une livre c’est sans doute le premier billet pour partir pour un véritable voyage où le désir de partir devient irrésistible.

Écrire pour moi, c’est une manière de penser, pas seulement pour me souvenir, mais habiller les mots d’idées, quoi que je puis aussi dénuder une idée; c’est jongler, mélanger, transformer, piétiner, me perdre, me retrouver, douter, mais aussi m’affirmer. Cette manière de faire devient un jeu. Si je n’écris pas pendant une journée, j’ai l’impression d’un manque, sauf pour mes périodes de retraits volontaires, où je peux surveiller les chevreuils assis sur une souche. Ce qui ne m’empêche pas de rêver et de penser. La nuit lorsque je dors, il faut que je fasse très attention lorsque je me réveille et si cela survient, alors inutile de chercher le sommeil lorsque les idées reviennent en force. C’est ma manière d’être que j’ai développé depuis longtemps. Peut-être même que je suis né ainsi? Mais cela je l’ignore.

Nous avons tous nos particularités en ce qui concerne nos modes de fonctionnements. Vous c’est la mémoire, mais comme tous les être humains, il doit arriver que vous oubliez. Ce qui est normale. J’ai cependant remarquez une chose, lorsqu’un domaine, ou une pensée qui nous plaît, notre mémoire soudain devient plus rapide, pas besoin de faire d’effort. Le plaisir serait utile à la mémoire. Quoi qu’il en est ainsi avec une vive douceur difficile à oublier.

La mémoire pour moi, c’est un sujet passionnant!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il y a effectivement différents types de mémoire.

Personnellement, je crois avoir la chance de posséder une très bonne mémoire dans le temps. Je me souviens très bien de ce que je faisais il y a un an, 5 ans, 10 ans etc... Y compris les dossiers que je traitais, les lettres ou mails que je recevais ou écrivais.

Je fonctionne donc là-dessus, j'essaie de tout mémoriser. Ca m'arrange d'autant plus que je déteste la paperasse. Je n'aime pas être encombrée. Je ne note donc à peu près rien. C'est au point que je n'ai même pas d'agenda.

Je trouve ça plus pratique, c'est un gain de temps. Et ça va même au-delà: c'est à peine si j'utilise une calculatrice ou un GPS. On va souvent plus vite en utilisant sa tête.

Bien à vous,

Carmilla