samedi 10 février 2024

Qui ne sait celer ne sait aimer


 Est-il, aujourd'hui, livre plus ridicule, plus désuet que "Le grand Meaulnes" d'Alain Fournier ?


L'histoire simplissime d'un grand bêta qui tombe, tout à coup, "raide dingue" d'une châtelaine entraperçue aux abords d'une forêt baignée dans la nuit et la brume. Et qui ne cesse ensuite d'être hanté par son souvenir sans pouvoir jamais la retrouver.


Un siècle plus tard, ça ne peut que faire ricaner n'importe quel "ado". Qu'est-ce que c'est que ces "prises de tête" avec une meuf ? Et c'est vrai qu'aujourd'hui, l'affaire serait rapidement réglée en deux ou trois clics sur le compte Instagram ou Facebook de la beauté aperçue, suivis d'un "date" au Mc Do ou l'Hippopotamus du coin.


Mais cette histoire, certes mièvre, d'amour distant, elle a quand même eu des prolongements éblouissants: "Nadja" d'André Breton, "L'attrape-cœurs" de Salinger, "Gatsby le magnifique" de Fitzgerald. Et surtout, elle permet, aujourd'hui, de mesurer tout ce que nous avons perdu avec notre vision moderne et cynique de l'amour.


D'abord sa puissance de choc et de bouleversement qui infléchit brutalement le destin de celui qui la subit. Qui fait de lui non pas un banal dragueur, un "relou", mais un véritable héros emporté par sa seule sincérité: un naïf en quête d'absolu que sa souffrance sans fin va magnifier.


Et surtout, il y a toutes ces histoires que l'amoureux transi se met à broder sur ces "apparitions", ces visages évanescents: qui est-il/elle, que fait-il/elle ? Il cherche à prolonger le rêve entrevu en se racontant plein de choses extraordinaires sur celui/celle qui vient de nous foudroyer.


Moi-même, sous mes abords sans doute froids et distants, je demeure sensible à ça, à la rêverie sentimentale. J'ai toujours été et je demeure une grande amoureuse même si ça ne se concrétise, bien sûr, que rarement. C'est pour ça aussi qu'il n'y a pas plus urbaine que moi. Les cafés, les commerces, les rues animées, le métro, c'est ma passion, j'adore les fréquenter, y déambuler. Inutile de préciser que je ne goûte guère la décontraction et la simplicité vestimentaires. Je m'identifie souvent à la "passante de Baudelaire: "Fugitive Beauté dont le regard m'a fait soudainement renaître. Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais". 



J'adore le choc de "la rencontre" et l'énigme qui s'y attache. Je flashe souvent sur quelqu'un et j'ai l'impression que ce quelqu'un est susceptible de changer radicalement ma vie. Mais j'espère aussi très fort qu'on flashe sur moi. C'est évidemment puéril et absurde mais c'est ma manière de refuser la morne banalité du quotidien. Tout plutôt que l'ennui !


L'important, c'est le rêve suscité par la rencontre, tout le scénario qu'on échafaude autour. Toute cette grande fantasmatique que l'on a aujourd'hui perdue. "Eyes wide shut" dit-on si magnifiquement et de manière intraduisible, en anglais.


Mais rêver, ça n'implique pas de passer à l'acte. Surtout pas, je dirais même, parce que c'est, à tous les coups, générateur de déception. Il m'est ainsi arrivé, quand j'étais ado et sur les conseils de copines plus ou moins bien intentionnées, de me montrer audacieuse en la matière et d'aborder carrément des mecs. J'ai cru d'abord me liquéfier d'émotion et, surtout, quel gadin j'ai pu, ensuite, me prendre. Et comment se débarrasser ensuite d'un type vis-à-vis duquel vous vous êtes montrée en position de faiblesse ?



Une grande leçon : être toujours réservée, à distance, ne jamais se dévoiler, ne jamais abattre ses cartes, de manière à rester maîtresse du jeu. Il n'est, en effet, pas de passion sans mystère. Ce n'est pas en étant directe et spontanée, une fille sympa, qu'on séduit. Je crois plutôt en l'artifice, la dissimulation. Et c'est en cela que l'amour est d'abord un grand roman : pas d'amour sans roman mais aussi pas de roman sans amour. Et quand on est vraiment amoureux, on s'autorise tout, même le pire, en rêve et en acte.


Mais le mode d'emploi de l'amour, on l'a perdu aujourd'hui. Et puis qui lit et vit encore vraiment des romans ? Et c'est vrai que les bouquins qu'on débite actuellement sont aussi subversifs qu'un robinet d'eau tiède: un amas de jérémiades et mièvreries, poisseux de bons sentiments.


Mais un roman, ça doit être comme un amour: un grand coup de poing qu'on se prend dans la gueule. Un coup de poing dont la violence vous fait tituber, efface vos repères, remet en cause celui/celle que vous croyiez être.


Un amour, un roman, ce n'est pas du tout une belle histoire qui vous réconforte, vous fait chaud au cœur. C'est ce qui vous fait sortir de vous-même. Le feel-good, vous pouvez l'envoyer balader : c'est la fin de vos certitudes, de votre identité, celle que vous aviez, petit à petit, échafaudée et que vous pensiez définitive, fixée une fois pour toutes. Aimer, c'est devenir une(e) autre, c'est prendre un masque nouveau et provisoire.

A cet égard, mon modèle amoureux, ce n'est quand même pas le Grand Meaulnes, beaucoup trop enfant de chœur pour moi. C'est évidemment Emily Brontë dans "les Hauts de Hurle-Vent". Etrangement, on fait lire ce bouquin aux adolescentes alors qu'elles ne peuvent pas y comprendre grand chose. On cherche peut-être à les préserver ainsi de son soufre, de sa puissance ravageuse. Parce qu'il s'agit tout de même de l'histoire d'une passion absolue sur fond incestueux. Celle de deux jeunes filles folles amoureuses d'un sadique, manipulateur et pervers ("cannibale"), emporté par l'esprit de vengeance. Difficile de faire mieux dans le registre de la littérature du Mal et de la passion destructrice.



J'aime beaucoup aussi les personnages féminins de Proust. Elles sont toutes d'épouvantables menteuses et elles assoient là-dessus leur séduction. Ca peut sembler effroyablement misogyne mais c'est oublier qu'on ne cesse tous de mentir, toute sa vie, en particulier à ses proches et à ceux qu'on aime. Pour ne pas les décevoir, on s'acharne, vis-vis d'eux, à bétonner une image valorisante de soi-même. Il n'y a donc pas plus grands menteurs que les amoureux. Mais mentir, c'est créer, faire œuvre d'Art. Ca suppose savoir-faire et habileté.



C'est pour cette raison qu'on ne saurait être vertueux en amour. Et il est évident que le Mal, c'est beaucoup plus intéressant que le Bien. C'est même probablement plus attirant chez les femmes davantage hantées par la déchéance et la soumission: comment échapper à ça, comment arriver à mener seule sa barque ? Comment, aussi, se protéger des prédateurs ?


Même si c'est idiot, je ne cesse ainsi de réfléchir à mon parcours: au lieu de faire de l'analyse financière, je pourrais aussi bien être prostituée. Et c'est le hasard, et non mes qualités propres, qui en a décidé. Mais ça a été très formateur pour moi: je sais que je peux endosser de multiples peaux et ma force, c'est devenu ma plasticité, ma capacité à être une autre. Difficile, je crois, d'avoir le dessus avec moi. Des prédateurs, j'en ai bien sûr connu mais leur suffisance est généralement à proportion de leur insuffisance et il n'est pas trop difficile de les dégonfler avec quelques grandes piques cyniques. Les prédateurs, on les écarte en les ridiculisant. Ce n'est même pas de la cruauté.


Il y a, sur la plasticité de notre identité, un livre bizarre, qui n'a pas du tout été compris, de Jonathan Littell (l'auteur des "Bienveillantes"): "Une vieille histoire". Il s'agit de 7 variations autour de la même personne. Ca peut être rapproché de l'énorme bouquin de Paul Auster, "4 3 2 1", qui lui propose quatre versions du même personnage. Mais Auster est infiniment plus conventionnel que Littell.


Littell ne s'embarrasse pas de moraline. Il n'envisage notre futur que sous la forme d'une confusion généralisée, celle d'un monde devenu entièrement virtuel qui se perd dans une orgie de guerre, de violence, de grande pornographie et d'indistinction des sexes. Un monde où tout est possible mais où, finalement, plus rien ne l'est tout simplement parce que tout est devenu indifférent et qu'il n'y a donc plus rien à désirer. Pas très enthousiasmant tout ça.


Demeurer capable de Désir, de passion amoureuse, c'est cela seul qui peut nous sauver de la banalité et de l'ennui. Contre la transparence, le flou, contre la clarté, l'indécision, contre le sérieux, le jeu, contre la vérité, le mensonge, contre le coït, la caresse et la séduction, contre la simplicité (le naturel), l'artifice.



Je ne suis pas une grande fan de Colette mais il faut tout de même rappeler qu'il y a un siècle, elle était immensément populaire en France et que tout le monde la lisait. Et pourtant, elle a écrit des choses renversantes, scandaleuses. Feuilletez "Le pur et l'impur" qu'elle considérait comme son meilleur livre. Est-ce que ça serait publié aujourd'hui ? C'est pareil pour "Ravages" de Violette Leduc. Ca en dit long sur ce que l'on croit être l'évolution des mentalités. Comparez avec les jérémiades de la star actuelle: Annie Ernaux. On n'est peut-être pas si libérés que ça.


Pour conclure, je reprendrai la fin (exprimée par une femme russe) de "La montagne magique" de Thomas Mann: "La morale ? Cela t'intéresse ? Et bien, il nous semble qu'il faudrait chercher la morale non dans la vertu mais plutôt dans le contraire, je veux dire: dans le péché, en s'adonnant au danger, à ce qui est nuisible, à ce qui nous consume".


Images de Gérald LAROCQUE, Marcel BERONNEAU, Gustav KLIMT, René MAGRITTE, Angela BARRET, André DOMIN, Felice CASORAT, Lydis MARIETTE, Gustave Adolf MOSSA, Edward STEICHEN

Mes romans d'amour préférés (outre Emily Brontë et Proust):

- Vivant Denon : "Point de lendemain"
- Barbey d'Aurevilly : "Les diaboliques" et "Une vieille maîtresse"
- Raymond Radiguet : "Le diable au corps"
- Laure (Colette Peignot) : "Ecrits"
- Georges Bataille : "Le bleu du ciel"
- Alain Roger : "Le misogyne"
- Jean-François Josselin: "Quelques jours avec moi"
- Elisabeth Barillé: "Corps de jeune fille"
- Camilla Grebbe : "Un cri sous la glace". Un roman policier suédois évoquant un amour extrême: l'érotomanie.

L'actualité cinématographique me permet enfin de recommander un merveilleux film d'amour qui vient, tout juste, de sortir:

- Bertrand BONELLO : "La Bête"

Un amour décliné sur 3 vies. Fascinant.



14 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

« un naïf en quête d'absolu que sa souffrance sans fin va magnifier. »

Comme c’est bien dit, surtout avec toute la puissance de l’imaginaire, du rêve, et de l’impossible réalisation. Il y a de quoi vivre plusieurs existences en quelques instants sublimes. Les amours impossibles nous ravage comme des tempêtes nous projetant dans des turbulences inconfortables impossible à fuir, qui dépassent toutes les banalités quotidiennes d’un pauvre réalisme. Ceux qui ignorent ces maelstroms, n’ont jamais aimé, du moins de cette forme et cette force qui nous dépasse. Imprévisibles, soudaines, ce qui peut-être que le moment infime d’un instant, que l’imaginaire va transformer en longueur de temps. De quoi occuper l’humaine nature, de saboter toutes ses résistances, de torturer toutes ses croyances. Qui deviendra quelque morceaux choisis qu’on transportera comme un secret bien gardé dont personne ne saura rien. Où la raison cède sa place à cette aventure connue de nous seul, qu’on taira non par pudeur ou pas honte, mais par jouissance extrême, où l’on se sentira intensément bien dans un renouveau d’énergie. Se sentir au-dessus de sa condition et de toute condition, sans se toucher, sans se caresser, sans même se connaître, peut-être même sans une parole, sans un regard. Connaître des moments aussi forts cela vaut bien des vies, bien des existences banales, et l’imagination fait le reste sans effort. Jamais, nous n’avions pensé que cela pourrait se produire, et pourtant ça y est. C’est tellement puissant que ça ne s’accordera jamais à la réalité de nos vies quotidiennes. Elle est belle et grandiose la quête de l’absolu surtout lorsqu’elle nous transforme sans effort. Belle tempête dans laquelle on ne veut pas sortir. Ce qui peut être un carburant pour se propulser très loin dans un futur qu’on n’espérait pas. Et dire, que se sont souvent les plus naïfs qui profitent de cet état, qui les surprends alors qu’ils n’attendaient rien. Qui sait, c’est peut-être cela maturer, transgresser, aller plus loin, quelque chose comme l’indépassable. Dans Eyes wide shut, Stanley Kubrick, a bien rendu l’affaire avec une forte puissance évocatrice. Il est rare qu’un réalisateur puise atteindre un telle intensité, là où les sentiments dépassent la tromperie. C’est un des rares réalisateur qui peut jouer dans ces registres. On sort du film et on se demande : est-ce que c’était de l’infidélité? L’humain demeure bien étrange vu sous cet angle. Il y a de quoi soupirer. L’humain possède cette capacité à sublimer et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Certes, comme vous le mentionnez, il n’y a pas de passion sans mystère, alors on aurait tout intérêt à choyer nos mystères pour les entretenir d’une manière singulière. Mais l’on peut aussi sauter sans parachute, franchir le portail de la folie, ruiner sa vie, pour mourir dans les caniveaux, et avant des fermer les yeux, sourire à ce qu’on a vécu. Ce qui n’est pas donné à tous les humains. À ce niveau le mensonge devient un art et le menteur ou la menteuse peuvent être dépassé par leur art. Ce n’est pas n’importe qui, qui peut se transformer en virtuose du mensonge bien tourné. Il appert que l’amour est moqueur, l’amour est menteur, et vous êtes tombée sur mon territoire avec Littell et Auster, encore deux de mes auteurs favoris. Qui est le plus conventionnel? Cela reste à voir.

Bonne journée Carmilla, puisque chez-vous, c’est le matin.
Merci pour votre texte, rudement bien écrit!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, pour moi c'est bonjour parce qu'il y a quand même un bon moment que je suis levée (vers 3 heures) pour débuter ce samedi .

Je crois, en effet, que ce thème de l'amour m'a plutôt inspirée. Mais je constate qu'il en a été de même pour vous (ce à quoi je ne m'attendais pas forcément) et vous avez produit très rapidement un excellent texte.

Là où nous nous rejoignons, c'est que l'amour distant, inquiet, mystérieux, c'est en voie de disparition. Il n'y a plus que l'obscénité de la transparence des réseaux sociaux. Ca a pour conséquence l'appauvrissement et la banalisation générale de nos vies. C'est d'ennui qu'on est, au final, en train de périr dans un monde d'où le merveilleux de la rencontre, la magie de l'imprévu, ont été évacués.

Mais il me faut maintenant courir à ma piscine (un lieu d'ailleurs propice aux rencontres),

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Si je peux en parler ainsi, c’est que je l’ai vécu. Ce fut sublime et cruel. Pourquoi les gens sont si pauvres au point de ne pas entretenir leurs mystères, d’éviter leurs sentiments, d’essayer de se satisfaire à coup de banalités? Pourquoi, ils n’osent pas? Ça les changeraient de mettre seulement la main sur quelqu’un. Ils ne veulent pas aimer, ils désirent en rester à la possession, et à la domination, après ils se lamentent du genre de vie qu’ils mènent, au point de se perdre entre l’amour et la possession. À cette recherche du grandiose, ils préfèrent s’asseoir entre deux chaises. Ce genre d’amour auquel nous faisons référence ne peut se contenter d’ambivalence. Il est entier, où il n’est pas. Il faut savoir le sentir et le reconnaître lorsqu’il croise dans vos parages. C’est tout ou c’est rien, c’est blanc aveuglant, ou bien noir désolant. Je dis même que c’est une question de vie et de mort, au point d’oublier que nous sommes dans une autre dimension. C’est loin de la banalité. Effectivement, la vie peut-être cela, ce genre d’amour impossible, mais qui demeure toujours possible. Le potentiel est toujours présent. Ce n’est pas le nombre de fois ou de possibilités qui comptent. Ici nous parlons d’intensité, là même, où nous pouvons dérailler. Parvenu à ce niveau, les histoires artificielles sont loin derrière nous, les romans sont bons pour la poussière, les peintures qui évoquent les sentiments sont prêtes pour musée, les sculptures peuvent subir les intempéries du grand air. Pourquoi refuser son imaginaire? Je ne peux pas l’explique, mais je peux le constater, que les gens craignent cet état, quelque chose comme un grand saut dans l’indéfini, ce qui n’a rien à voir avec la vie à deux, le contrat de mariage et autres banalités du genre. On ne trouve rien sur les réseaux sociaux pas plus qu’au bout du téléphone ou dans les parasites d’une radio. Pendant longtemps, j’ai souffert de nostalgie, jusqu’au jour où je regardais un vieil érable sous un ciel bleu, moment de prise de conscience où j’ai constaté que j’avais vécu des expériences sublimes. Que sur le fond, j’étais un sacré veinard. Je suis capable d’inventé bien des histoires, mais des histoires comme celle-ci dépassent toute mes inspirations. Se sont des expériences pour nous-mêmes, à partir de ce point, j’ai commencé à écrire pour moi-même. Est-ce que les humains savent tout leur potentiel qui demeure souvent silencieux? C’est peut-être une partie de la réponde et je dis bien une parcelle, parce que je n’ai pas cette réponse, et sans doute elle m’échappera jusqu’à la fin des mes jours, mais j’avoue qu’elle est excitante, séduisante, et souvent inatteignable; ce qui fait son charme. Pour ceux à qui cela s’est produit, il devient difficile de raconter cette expérience unique et originale, quitte à passer pour un timbré. Je considère, que c’est La Vraie Vie! Celle que l’on souhaite, mais qui n’arrive pas souvent. Tout ce qui est bon, réjouissant, satisfaisant passent en coup de vent. On se doit d’y être attentif, autrement on ne mérite pas de vivre. Pas besoin de partir à sa recherche, elle viendra dans un éphémère passage. Imaginez quelques instants qui ne se comptent pas et qui peuvent influencer toute votre vie. N’est-ce pas grandiose! Comme je le dis et le pense souvent, lorsqu’il m’arrive des événements heureux et intensifs : « On ne se sera pas endimanché pour rien! »

Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Un texte étonnant, émouvant, de votre part. Dans lequel vous vous confiez (un peu, beaucoup ?) sur vous-même.

Je n'aurai surtout pas la prétention d'y ajouter quelque chose.

Simplement que l'imaginaire, c'est en effet notre flamme, ce qui nous soutient, nous anime, nous fait partir à la recherche du monde.

Mais l'imaginaire, c'est ce qui est combattu par une modernité éprise uniquement de transparence et de lisibilité. Le flou, le rêve et l'indéterminé, ce qui fait l'aliment de la passion, ça n'a plus guère de place dans le monde actuel.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Mais rêver, ça n'implique pas de passer à l'acte. Surtout pas, je dirais même, parce que c'est, à tous les coups, générateur de déception.

Vous lisez dans les humains comme vous lisez dans les livres, vous lisez tout le temps, parce que vous cherchez à comprendre cette nature humaine. Cette phrase que j’ai retenue, que j’ai transcrit si-haut, elle est loin d’être banale. Nous en avons tous connu des gens qui promettaient, plein de promesses, avec un futur assuré. Rien ne semblait les arrêter. Ils étaient promis à un brillant avenir. Puis, ils sont parvenus dans la vraie vie, celle du travail, et ils n’ont pas été à la hauteur des attentes. Ce fut la déception, sans doutes pour maintes raisons. C’est toujours fascinant d’observer quelqu’un qui est en train de rater sa vie.

Il en est de même dans l’amour, les sentiments, les passions amoureuses, qui dépassent toutes les fictions, qui ouvrent toutes les portes, défonces toutes les barrières. Vous tombez amoureux d’une personne, dans une passion qui promet, puis soudain, le ballon se dégonflent. Vous étiez passé à l’acte, pour finalement vous apercevoir que cette aventure non seulement n’avait pas d’avenir, mais était en train de gâcher votre présent. Vous étiez en train de tomber de haut.

Quoi qu’on en dise, c’est quand même fascinant, de connaître une très belle jeune fille, une grande dame, pour un jour sentir que la réalité vous saute au visage comme un serpent. Que ce n’était pas tout à fait ce que vous attendiez. Qu’elle se retrouve devant vous dans un commerce, en train d’engueuler son amoureux, pour finalement voir tous les consommateurs cesser leurs activités, pour se concentrer seulement sur cette relation toxique. Comment ne pas penser que vous pourriez être à la place du type qui est en train de se faire passer un savon? Vous n’en pensez pas moins, que vous l’avez échappé belle.

C’est bien connu, nous voulons tout contrôler en chassant notre imaginaire de notre quotidien. Cependant, devant ces coups de dés, il est impossible de prévoir l’avenir. On ignore toujours comment les gens vont se transformer, vont devenir autre que ce que vous aviez imaginé. Et si, les belles paroles, les beautés esthétiques, les corps parfaits n’étaient que des mensonges? Nous pouvons dire la vérité au présent, vérité qui sera mensonge dans une avenir relativement proche, qui vous conduira à la déception amoureuse.

Les gens parlent peu de ce sujet, peut-être par honte, par expériences malheureuses, l’évoquer c’est reconnaître ses manques et ses failles, ses vulnérabilités. Ce qui vous donne raison Carmilla, parce que non seulement vous savez, mais que vous en avez l’expérience. Ce qui fait, que passer à l’acte, c’est prendre le risque que le beau rêve imaginatif se transforme en cendre. Il y a des amours secrets qui se prolongent sur la durée d’une vie, et nous en ignorons tout, et que c’est peut-être mieux ainsi? Passer à l’acte c’est prendre un risque d’être déçu. Faut-il s’abstenir pour cette seule raison?

Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous vous révélez, dans ce message, un grand sentimental.

Mais vous n'avez sans doute pas tort. Ce n'est pas en multipliant les rencontres et relations sexuelles, que l'on devient davantage expert en matière amoureuse. Peut-être même au contraire parce que l'amour est d'abord affaire de rêve et d'imagination. Abolir cette dimension, c'est se retrouver englué dans la triste banalité.

C'est vrai, en ce sens, qu'il est souvent préférable de rêver plutôt que d'être confronté à la médiocrité de la réalité. La fille d'apparence merveilleuse qui a une mentalité d'épicière ou l'"aventurier" qui ne s'intéresse qu'au foot et au rugby, c'est très fréquent.

Je ne serais cependant pas à ce point radicale. Il arrive, tout de même, que l'on rencontre des gens hors du commun, qui sortent du lot. Ils ne sont sûrement pas faciles à vivre mais j'aime la confrontation avec eux. Les "gens bien" ne m'intéressent pas vraiment, je préfère ceux qui me permettent de sortir de moi-même. J'ai, par exemple, été emballée par le bouquin de Lisa Halliday: "Asymétrie" qui relate la relation qu'elle a eue, alors qu'elle était jeune fille, avec le grand écrivain américain Philip Roth. Asymétrie, je trouve cette expression très juste. C'est comme ça, je pense, que doivent fonctionner les relations amoureuses. De la différence, de la confrontation doit jaillir, comme d'un coup de silex, une étincelle. C'est un peu aussi cette dialectique de la reconnaissance que j'ai déjà évoquée.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Moi-même, sous mes abords sans doute froids et distants, je demeure sensible à ça, à la rêverie sentimentale. J'ai toujours été et je demeure une grande amoureuse même si ça ne se concrétise, bien sûr, que rarement.

Bonjour Carmilla

Inutile de se camoufler derrière votre paradoxe, vous avouez que vous êtes une grande sentimentale. Le pouvoir de la rêverie est puissant dans la réalité des humains. Vous n’y échappez pas. La réalité ne nous apporte rarement cette concrétisation, parce que d’une part elle est capricieuse, et d’autre part, sensuellement incontournable. La tenir à distance exige une discipline de tous les instants. Nous ne pouvons pas rêver tout le temps, mais on ne saurait se satisfaire d’une réalité aberrante. Éric Fromm a écrit : « Paradoxalement, être capable d’être seul est la solution pour pouvoir aimer. » À bien y penser, le pouvoir de l’amour serait la solitude. C’est à réfléchir puisque ce c’est déstabilisant. Et la solitude sur le fond, c’est la liberté. C’est l’atteinte d’un sommet, que peu de personnes atteignent. Un idéal paradoxal dans le clan des intouchables et des exclus. Rencontrer ces genres de personnages est toujours intéressant, parce qu’ils sont continuellement dans la remise en question, qui n’est pas toujours décevante, bien au contraire. Imaginer est toujours exigeant, ce n’est jamais la voie de la facilité, c’est peut-être ce qui fait défaut aujourd’hui dans cet univers ou les mirages du virtuel semble nous ouvrir grande les portes de la facilité. L’humain coure à sa déception dans trop de facilité. Que désirer lorsqu’on n’a plus d’effort à fournir? Moi aussi je suis un grand rêveur, mais mes expériences m’ont appris la lucidité. Sommes-nous en train de perdre cette lucidité? Sommes nous capables, ou bien, avons-nous perdu cette capacité de se sortir de cet univers, pour simplement s’asseoir sur une rive de rivière, pour seulement regarder l’eau couler, un encore contempler un grand et vénérable érable sous un ciel bleu? Je sais, certains diront, que cela c’est inutile, que c’est de la perte de temps; je suis loin de partager cette lubie que l’on distille en utopie artificielle. Les images dont les médias nous nourrissent présentement s’affichent séduisantes, mais ce n’est pas la réalité qui conduit aux rêves véritables, encore moins à la connaissances des profondeurs de soi-même. Nous sommes loin de l’imaginaire dans ce prêt à manger insipide, que cela en devient révoltant. Sommes-nous en train de douter de nos capacité en tant qu’humain. Pourquoi tant de médiocrités? Nos espérances s’accordent mal avec nos réalités. Les gens ne lisent plus, mais il y a pire, ils ne discutent plus. Silence devant les écrans. La parole est aux images. Certes nous sommes instruits, nous n’avons jamais autant été instruit; mais on nous a pas indiqué la voie de la pensée. Pour apprendre à penser, il faut plus que du temps, il faut un cheminement, et il n’y a pas de diplôme au bout de la route, et peu de gens semblent intéresser à faire ce parcours. Une bonne discussion est aussi satisfaisante qu’une bonne relation sensuelle et sexuelle. Ce qui fait la rareté et le prix élevé de cet exercice. C’est sans doute un niveau que l’intelligence artificielle n’atteindra jamais, je le pense, même je le constate devant les prouesses technologiques qui atteignent certaines limites. L’ontologie ce n’est pas pour les cerveaux artificiels. Je me sens incapable de séduire un robot, et encore moins que le robot me séduise. Reste ma lucidité, et j’ose penser dans cette voie!

Bonne fin de journée, romantique Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Grande amoureuse, je ne pense pas trop l'être. Tout simplement parce que j'ai d'abord des exigences intellectuelles et que je suis, le plus souvent, vite déçue sur ce point. Ca crée rapidement une gêne et une fuite.

Grande rêveuse, oui en revanche, assurément. Le réel à l'état brut est moche et à peu près sans intérêt. Il peut, en revanche, être transfiguré. Je vois ainsi le monde non pas directement mais au travers de tout ce qui a façonné mon imaginaire: lectures, voyages, langues, musiques. Ca me rend sans doute difficile à vivre. Mais de mon côté, je ne supporte guère les gens enfermés dans leur quotidien. Le quotidien, je m'en fiche à peu près.

Je crois que j'aurais adoré vivre au 18ème siècle (à condition, bien sûr, d'être noble, comtesse ou marquise), à une époque où l'Art de la conversation et de l'écriture était privilégié. Qu'y a-t-il de plus beau, de plus clair et de plus libre que la littérature française du 18ème siècle ?

Quant à la solitude, bien sûr qu'on y est toujours renvoyés. Le Marquis de Sade avait raison sur ce point: la condition humaine est celle d'une absolue déréliction. Mais pour y échapper, faut-il se noyer dans l'opinion commune, celle diffusée par les médias et les réseaux sociaux ? Certainement non, même s'il faut bien avouer qu'il est difficile de s'en extraire. La "formatisation" des pensées, des sentiments, des sensibilités est effectivement en route. Il faut faire de grands efforts pour y échapper.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Mais le mode d'emploi de l'amour, on l'a perdu aujourd'hui. Et puis qui lit et vit encore vraiment des romans ? Et c'est vrai que les bouquins qu'on débite actuellement sont aussi subversifs qu'un robinet d'eau tiède: un amas de jérémiades et mièvreries, poisseux de bons sentiments.

Bonjour Carmilla

Sincèrement, il y a un monde d’emplois de l’amour? Je l’ignorais. Lorsqu’on cherche l’amour, on ne le rencontre pas; et lorsque qu’on ne le cherche plus, le voilà qui se pointe. C’est un peu comme la pensée de Lucrèce : Lorsque vous êtes vivant, la mort n’y est pas, et lorsque la mort y est, vous n’êtes plus. Voilà c’est aussi clair que cela.

On la perdu aujourd’hui…? Nous ne pouvons pas perdre ce qu’on n’a jamais eu, et l’amour ce n’est pas une possession, c’est du versatile, de l’immatériel, encore plus éphémère que la vie, très éloigné de la stratégie. Je ne pense pas qu’un mode d’emploi puisse s’appliquer ici. Nous ne sommes pas au-dessus d’une carte pour établir des tactiques. Les plans c’est fait pour les ingénieurs pas pour les amoureux. Peut-être qu’on a perdu une certaine manière de séduire, qu’on ne sait plus mentir, que s’en devient embarrassant. Comment aborder une inconnue? Dans ce genre de pêche, nous rentrons souvent au port la cale vide. Certes, il y en a qui en prennent plaisir, personnellement cela m’apparaît comme de la perte de temps.

Qui lit encore des romans? Oui, il y a encore des lecteurs. Il y a vous, il y a moi, c’est déjà un bon début, et sans aucun doute quelques uns de vos lecteurs. Il en va ainsi des vrais amoureux, comme des vrais lecteurs, où le nombre ne constitue pas la qualité. Ce qui est rare devient précieux. Le livre, c’est une ouverture sur le monde; mais aussi une ouverture sur nous-mêmes, comme un miroir de papier. Il appert, que tant qu’un être n’a pas exploré cette voie, il lui manque des fondements afin de progresser, et cette progression, elle est continuelle, où les buts peuvent muter sans préavis. Lorsque je discute avec un lecteur, c’est ce que je recherche, non seulement dans ce qu’il a lu, mais dans ce qu’il va lire, afin de m’en faire une idée. Convenons-en, ces genres de personnes, pour ne pas dire ces genres de personnages, ne courent pas les rues et ça nous donne l’impression qu’il n’y a plus de véritables lecteurs. Présentement je suis en train de relire Shogun, de James Clavell, que j’ai lu voilà quarante ans. L’enchantement est toujours présent. Batailles navales, explorations, hautes-politiques, mensonges, trahisons, choc des civilisations, entre le Japon qui voit descendre sur ces îles, les Portugais et les Espagnol d’un côté, et les Anglais et les Hollandais d’autre part, qui viennent de traverser l’océan Pacifique. Le tout sur une part de guerre civil dans ce qui n’est pas encore L’Empire du soleil levant, pendant que les Portugais et les Espagnol combattent les Anglais et les Hollandais réformés, vers 1550. Mais avec qui parler du choc des civilisations, si tu ignores où se trouve le Japon, c’est quoi la réforme, c’est quoi un carnet de navigateur?

Oui Carmilla, nous lisons, nous faisons ce que nous avons à faire au meilleur de nos connaissances. Plus tu grimpes dans le ciel, vers un sommet, ou bien vers les nuages, plus le froid est intense, et moins il y a de véritables rencontres.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

« Aussi subversifs qu’un robinet d’eau tiède... »

J’ignorais que les robinets d’eau tiède pouvaient être subversifs. Je trouve l’expression savoureuse. Comment retenir mon rire? Vous faites peut-être dans l’humour caustique, mais ça tout pour me plaire.

Reste que c’est à nous de faire une fête de notre quotidien, trouver le beau dans une certaine banalité, arrêter de se plaindre de l’existence morne, gaspiller des journées en récriminations, se désoler du monde, vivre dans une mélancolie caustique, s’angoisser avec notre fin, certes il y a trop de robinets d’eau tiède sur cette terre; mais nous savons que nous avons deux autres options, foncer dans la passion de l’eau bouillante, ou bien, plonger dans les frissons de l’eau froide. Vivre toujours dans l’extrême, user sa vie à grande vitesse. Oui, j’ai eu cette chance parce que je l’ai choisie. La banalité ce n’est pas pour moi. C’est ainsi que je regarde retomber la poussière…Un peu comme le navigateur Blackthorne, le personnage principal de Shogun.

Merci Carmilla pour le robinet d’eau tiède, je vais m’en souvenir.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le mode d'emploi de l'amour, c'est, par opposition à l'immédiateté du "harponnage"(via Instagram, Facebook, TikTok), la distance, l'attente, le rêve.

C'est aussi la magie de la rencontre inattendue, du hasard. Ca ne relève, bien sûr, pas d'une tactique ou d'une stratégie, celle du dragueur. C'est évidemment rare mais ça se produit, quand même, quelques fois dans une vie.

Quant à la lecture, je plains les gens qui ne lisent pas. Ca m'a aidée, ça m'aide, à affronter la vie. Surtout, ça l'enrichit considérablement parce que ça permet d'expérimenter de multiples autres vies. Je deviens multiple.

Je me dis toujours que ma chance, ça a été d'avoir une enfance-adolescence au cours de la quelle je m'ennuyais beaucoup et n'avais guère d'autre chose à faire que lire. Aujourd'hui, les parents français submergent leurs enfants d'activités annexes (piano, danse, équitation, sports divers). C'est peut-être une erreur. Les gosses n'ont plus une minute pour eux-mêmes et, du coup, ne lisent plus. L'ennui a aussi ses vertus, finalement.

Quant à mon robinet d'eau tiède et son caractère subversif, c'est une expression qui m'est venue au fil de la plume mais je me rends compte aujourd'hui qu'elle n'est ni juste, ni heureuse. Ca illustre bien mes difficultés à écrire en français autrement que de manière conventionnelle. Une écriture originale, poétique, j'en suis incapable.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’écriture chez l’humain est aussi particulière que les empreintes digitales, elle est propre à chaque humain dans un exemplaire unique. C’est une manière toute particulière de s’exprimer que nous avons développée nous les humains. Lorsqu’on étaient chasseurs cueilleurs dans notre lointain passé, nous n’étions pas fait pour ce genre d’activité. Qui plus est, elle est une forme d’expression, originale que chacun appréhende à sa manière. Certains la craignent au point de ne jamais écrire; d’autres y plongent avec passions et délices. Nous pouvons enseigner l’orthographe et la grammaire, mais enseigner l’écriture et la création littéraire, c’est autre chose; et même je me suis toujours demandé, et m’interroge encore, si cela s’enseigne? Souvenons-nous qu’il y a beaucoup d’écrivains qui n’ont jamais fait d’études supérieures. Il suffit de les asseoir devant une table, et les voilà partis et impossible de les arrêter. J’oserais comparer l’écriture à la danse, une fois que l’on sait les pas, il faut se laisser aller. Nous évoquons souvent l’inspiration. Les gens se plaignent qu’ils n’ont pas d’inspiration, qu’ils sont incapables d’humour et de poésie, seraient-ils en fait incapable de se laisser aller? Dans toutes les institutions d’enseignements, les étudiants en grands nombres redoutaient ces épreuves d’écritures et de compositions. Ils transformaient cette activité en technicité comme s’il s’agissait d’un problème de mathématique. Pour certains, c’étaient des journées d’angoisses à les rendre malades. Lorsque j’ai lu votre phrase du fameux robinet, je me suis dit : Carmilla a un potentiel qu’elle ignore, elle est capable d’imagination au second degrés, d’humour, d’ironie, et même de poésie. La preuve, c’est que vous entretenez un blog depuis plusieurs années. Autrement dit les bouquins qu’on tente de nous vendre ne sont pas subversifs, se sont des platitudes avec lesquelles ont tente de remplir les vides. Du moins, c’est de cette manière que je l’ai compris. Vous avez raison Carmilla, il y a ce genre de bouquins sur les étagères, alors il nous faut trouver ce qui compte, ce qui contient de la substance, de l’enchantement, et du dépassement. Le genre d’ouvrage qui mérite relecture, comme je suis en train de le faire avec : Shogun. L’imaginaire, lorsqu’on y va à fond de train, c’est une belle aventure qui vous transporte dans cette pleine conscience de l’existence. Pas besoin d’imiter, il suffit de trouver sa propre voix. Chacun son style, ce dont je suis très friand, ce qui fait que j’ai un plaisir fou à lire les autres. Il m’arrive souvent que je retourne lire de vos anciens textes, qui n’ont rien perdus de leur pertinence, où je puis constater votre évolution.

Allez Carmilla, diluez votre sérieux, et lancez-vous dans le Ballet Jazz!

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Le mal plus que la vertu.

Et quand on est vraiment amoureux, on s'autorise tout, même le pire, en rêve et en acte.

Cette soif inextinguible de la transgression qui vous habite ressemble à un plongeon du haut d’une falaise. Transgresser la ligne rouge du vendredi soir, pour revenir au sérieux du lundi matin comme sauter dans le vide pour provoquer un tremblement de terre. Tout démolir pour tout reconstruire, et ainsi de suite. Belle image du mal face à la vertu fade. Tout ce qui est mauvais est excitant. Fuir momentanément l’État de Droit pour sauter de l’autre côté de la barrière. L’amour devient un excellent terrain pour la cruauté. Pourquoi faudrait-il se livrer au mal pour faire souffrir? Est-ce un exutoire? Ou bien seulement une manière pour ajouter un peu de piquant dans la vie? J’ose le dire, cela ressemble à du vampirisme. Même le pire en rêve comme en réalité. La part incontournable chez l’humain qui baigne dans la cruauté, celle qu’on retrouve dans l’histoire comme dans la plus sordide des réalités. Nous avons transmis cette part sombre aux sentiments amoureux. Je rappelle que nous sommes les seules êtres sur cette terre qui peuvent tuer par passion. Les autres animaux ne tuent pas par passion, ils tuent par obligations, se défendre ou bien pour se nourrir. Et que dire, que de faire souffrir notre prochain à petit feu comme s’y livraient les samouraïs jadis, et ils n’étaient pas les seuls, les autochtones se livraient eux aussi à ces genres d’activités, sans oublier les conquistadors. De ces pratiques on en vient jusqu’à en faire un art! Il semblerait que cette pâle vertu n’a rien à nous apprendre, en revanche le mal appelle à la séduction. On s’y livre jusqu’aux racines de nos pensées les plus intimes. Ce qui n’est plus une question de conscience, mais une espèce de survivance incontournable comme un besoin d’exister. Est-ce un fondement immuable chez l’humain? Sommes-nous en train de nous mentir dans nos sociétés paisibles voir ennuyeuses? On s’autorise tout, au nom de quoi? On n’a qu’à penser aux pervers narcissiques. Faut-il s’en tenir ainsi, jusqu’à la disparition de notre espèce? Et, c’est loin d’être une question banale. Comment être vraiment amoureux pour savourer la souffrance?

Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je l'ai déjà dit. Je ne nourris aucune prétention littéraire dans mon blog. Et je sais très bien que si j'arrive, sans trop de difficultés, à rédiger un texte, je suis bien incapable de lui insuffler une quelconque qualité poétique ou émotionnelle. C'est parce que le français est, pour moi, une langue simplement instrumentale, dépourvue d'affectivité. J'arrive à écrire correctement mais le poids des mots ou des expressions, ça m'échappe. L'humour et la poésie, je n'en suis, en effet, pas capable. Et je parle comme j'écris, trop convenablement, ce qui peut apparaître bizarre. On peut même me juger glaciale.

Je distingue bien cependant la bonne littérature de la mauvaise. La bonne, c'est celle qui vous conduit à remettre en cause vos certitudes, habitudes et préjugés. Celle qui peut initier un nouvel itinéraire de vie. Mais je pense qu'on est, plutôt, submergés aujourd'hui de mauvaise littérature: de romans réconfortants, supposés vous consoler, vous faire du bien. Ca, je n'arrive pas à lire. Je sélectionne donc beaucoup mes bouquins.

Quant à l'amour, c'est sûr que, quand on y succombe, on n'a vraiment peur de rien. On est prêts à tout brûler pour l'autre. Ca relève probablement, en effet, d'un attrait du vide, d'une fascination pour le Mal, d'une volonté de changement de Destin qui est, souvent aussi, une recherche de sa propre perte. Ca peut être terrifiant. Les limites de la psyché humaine sont vraiment insondables.

Bien à vous,

Carmilla