samedi 23 mars 2024

Du sentiment d'imposture et de la mythomanie

 

Les relations humaines les plus banales, on a tendance à croire qu'elles se tissent sur un mode neutre, égalitaire et bienveillant.


En fait, dès qu'on rentre en contact avec quelqu'un, s'établit un rapport de confrontation/domination. Le conflit est le moteur de la vie. On est agités par un irrépressible besoin de reconnaissance, même au sein de sa famille, même avec ses voisins, ses collègues ou ses amis.


Dans chaque interaction sociale, même la plus banale, on cherche, avec plus ou moins de subtilité, à s'affirmer. Cela parce que l'on veut être reconnu comme "le maître", celui qui dicte aux autres leurs opinions et suscite leur admiration. On a tous besoin de se sentir désirés par les autres. C'est même notre carburant parce que si on en vient à se sentir nul(le), pas intéressant(e), pas désirable, c'est la dépression assurée. La lutte et la victoire symboliques, c'est ce qui nous fait vivre,


Les relations humaines sont, à chaque instant, modelées par une violence hiérarchique. Mais on prend soin de dissimuler cette brutalité sous les dehors de la politesse et d'une apparente attention à l'autre. Mais, en réalité, on se fiche bien des propos de notre interlocuteur. On cherche simplement à le rapetisser pour asseoir notre domination sur lui. Et à cette fin, tous les moyens sont bons: le mensonge, la tromperie, la mystification.


Ca fonctionne à tous les niveaux de la société et plus particulièrement, bien sûr, dans les relations entre les sexes. D'emblée, il y en a un qui cherche à prendre le pouvoir et qui est sans scrupules sur les méthodes utilisées.


Evidemment, l'initiative, elle est encore, dans 99% des cas, du côté des mecs. La Révolution en la matière, elle n'est pas près de se produire.


Mais ce qui est le plus sidérant, c'est les gros sabots qui continuent d'être chaussés à cette occasion. Ma copine Daria et moi, on aime échanger sur toutes nos aventures sentimentales et c'est cet aspect qui nous fait le plus hurler de rire.


Il est vrai que je dois passer pour une proie facile parce qu'en dehors de mon apparence extérieure, je fais tout pour impressionner le moins possible. Je ne brille vraiment pas dans une conversation, je me tiens plutôt coite et je dois, généralement, passer pour une idiote.


Surtout, je n'évoque jamais ma situation professionnelle ni mes études. Je laisse simplement entendre que je survis laborieusement grâce à un job alimentaire (administration et comptabilité).


C'est ma tactique générale. Ne jamais me découvrir, toujours apparaître neutre, insaisissable. C'est sans doute parce que, comme beaucoup d'étrangers qui se sont assimilés, je souffre du syndrome de l'imposteur. Je n'arrive pas à intégrer que j'aie pu réussir en France au point de vivre dans le quartier de la Plaine Monceau. On ne peut que me détester pour cela. Qu'est-ce qu'elle vient encombrer nos plates bandes, celle-là ?


Je suis convaincue que ma situation est imméritée; elle n'est due qu'au hasard, à la chance, voire au favoritisme (parce que ne suis pas trop mal foutue). Je me dis ainsi que les voisins de mon immeuble, tous des bourgeois bien installés, doivent me soupçonner de vivre d'activités peu recommandables.


Ou alors, mon rêve le plus fréquent:  je dois repasser tous mes examens, d'abord le baccalauréat, et bien sûr, j'échoue lamentablement. Je n'ai plus d'autre solution que de retourner là-bas, d'où je viens, pour me coltiner des gosses et un mari alcoolique dans une affreuse banlieue de l'époque stalinienne.


Je porte donc en moi un fort sentiment d'illégitimité qui explique beaucoup mon comportement et mon attitude générale. Mais j'agis alors de manière paradoxale : j'ai un sentiment d'imposture mais je me mets à la pratiquer moi-même de manière retournée, en m'affichant de manière dépréciée.


Et puis, j'ai l'impression que ça contribue à beaucoup enhardir ceux qui s'approchent de moi, pour me draguer. Comme ils m'abordent avec un sentiment de supériorité, ils ne semblent trouver aucune limite en ma compagnie. Ils font aussitôt étalage de leur vie extraordinaire. Tous des grands artistes ou sportifs ou bien des professions prestigieuses. Et puis des loisirs extraordinaires avec de multiples séjours dans des endroits paradisiaques.


Je les écoute, je fais semblant d'être admirative, je glisse juste quelques remarques dont ils ne perçoivent pas la perfidie. Evidemment, ils se montrent plein de commisération quand je dis que je passe mes vacances dans "les pays de l'Est" et que je fais "de la comptabilité". Mais ils sont alors convaincus que je vais me dépêcher de sauter dans leur lit.


Mais quand je les éconduis sèchement, ils deviennent fous furieux. Quelle conne je dois être, moi qui n'ai que mon cul comme atout, pour ne pas saisir ma chance de rencontrer des types aussi bien qu'eux !



Les expériences de ce type, je ne sais pas pourquoi mais je les multiplie. Sans doute parce qu'on m'assimile tout de suite à l'image de la fille paumée de l'Est. C'est plutôt lassant et déplaisant. Mais ça m'en apprend beaucoup sur la psychologie humaine.


Je me dis finalement qu'il y a, dans la société, deux catégories de personnes : il y a les imposteurs (qu'on peut aussi appeler mythomanes, usurpateurs, mystificateurs) et ceux qui souffrent du sentiment d'imposture. Toute une dialectique sociale et un rapport de domination se construisent là-dessus.



C'est la confrontation de ceux qui se font mousser, qui se font apparaître plus brillants qu'ils ne sont, et de ceux qui cachent leur jeu et se font apparaître modestes.


Les imposteurs et les mythomanes sont sans doute les plus nombreux dans nos sociétés. C'est même encouragé au point qu'on entretient avec eux une étrange complicité et fascination. C'est en effet la logique de la société du spectacle et de l'apparence: on se doit d'être pleins de qualités, dynamiques, séduisants, originaux et créatifs. On s'engage donc dans la surenchère. L'important, c'est d'apparaître exceptionnel. On a alors vite fait de sombrer dans l'esbrouffe et le mensonge et finalement, on n'abuse souvent, mais pas toujours, que soi-même.


Le mensonge, c'est, en fait, la grande question. Les imposteurs-mythomanes nous trompent en volant l'identité d'un autre ou en s'inventant une histoire personnelle. Mentir comme ils respirent, s'inventer des vies parfaites, c'est leur carburant.


Mais ils n'ont pas d'autre choix que mentir. S'ils arrêtent, c'est fichu, ils n'ont plus qu'à se flinguer parce qu'ils sont ramenés à la réalité brute de leur existence de minables. Si les mythomanes trompent les autres (mais aussi eux-mêmes), c'est parce que leurs mensonges ne reflètent, en fait, que leur mal-être, leur sentiment d'échec personnel et le dégoût qu'ils ont de leur personne.


Mentir, c'est ce donc ce qui les maintient en vie, en rendant celle-ci supportable. C'est ce qui nous fascine et nous terrifie chez eux.


Mais est-ce qu'on n'est pas tous des menteurs ? Moi-même, est-ce que je n'en suis pas une à tout cacher, tout dissimuler, de ma vie personnelle ? Il est vrai aussi que je peux me permettre ce luxe de la  modestie parce que je ne traîne pas de sentiment d'échec et que je n'éprouve pas le besoin d'embellir les choses. De ma situation réelle, je suis satisfaite mais qu'en serait-il si ça n'était pas le cas ? Peut-être que je me mettrais à broder, enjoliver ma vie.


Il existe, en fait, une convention tacite qui implique que nous disons tous, a priori, la vérité. Mais est-ce que ce ne sont pas, plutôt, des mensonges que nous proférons ? On vit sans cesse dans le semblant, l'artifice, la mystification. On croit, à tort, qu'on a une identité profonde, une vie intérieure. Mais ce ne sont que des foutaises aux quelles ne croient que les adeptes du yoga ou de la méditation et les psychologues du bien-être. Je suis peut-être une dingue ou une débile mais je n'ai vraiment pas l'impression d'avoir une vie intérieure, des pensées cachées riches et profondes.



On est très superficiels, en fait, on ne vit que dans la surface, l'apparence. Il n'y a rien de profond en nous, on n'est que peaux et masques. Et c'est pourquoi on ne sait pratiquer que la dissimulation et la manipulation. Mais c'est peut-être ce qui fait, justement, la beauté, l'esthétique, de la vie.



Tableaux de Léonor FINI, Dorothea TANNING, Françoise de FELICE, Lesser URY, Pablo PICASSO, Emil NOLDE, Edouard MANET, Edvard MUNCH, Felix VALLOTON, Ossip ZADKINE, Auguste RENOIR, Angel Fernandez de SOTO,. Les photographies, des années 50, sont de Paul ALMASY (Hongrois expatrié).

Je recommande :

- Emmanuel CARRERE: "L'adversaire". C'est déjà ancien (2000) mais, si vous ne l'avez pas encore lu, précipitez vous. Une réflexion magistrale sur le mensonge et le paraître social.

- Patrick AVRANE : "Les imposteurs". Un livre de psychanalyse (2009) sans jargon et faisant une large place à des récits individuels. C'est bizarre : en ces temps de transparence obligée, les imposteurs se multiplient. Mais en trompant les autres, ils se trompent aussi eux-mêmes.

- Sonia KRONLUND : "L'homme aux mille visages". Un livre tout récent qui relate le parcours extraordinaire d'un menteur-imposteur compulsif opérant au Brésil, en France, en Pologne. Ce qui est surtout étonnant, ce sont les risques incroyables qu'il n'hésite pas à prendre.






6 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

La face caché dans la lune.

Vous confirmez ce que je pense depuis longtemps, la séduction est un mensonge, sans ce mensonge la séduction perdrait de son attrait. Mais, il y a toujours une autre monde, une autre dimensions. Serions-nous en carence d’affection pour se vautrer dans le mensonge pour finir harponné par la domination? Ce qui m’intéresse ici ce n’est pas la séduction, mais le mensonge. J’ose dire, le séduisant mensonge, parce que pour mentir il faut développer une certaine habilité. Un bon menteur pour moi, c’est un homme ou une femme qui lorsqu’il vous ment vous ne discernez pas le mensonge, style Talleyrand. Voilà un maître du mensonge , ça c’est un bon menteur, un vrai, contrairement à un Trump ou un Poutine qui ne se cachent même pas pour vous mentir. Le menteur est un personnage magnifique loin des grossiers personnages, qui présentement déversent leurs grossièretés à torrent dans l’actualité. Et, dire qu’il y a des gens pour les croire! Dans une autre catégorie, un bon vendeur se doit d’avoir développé ses vertus du mensonge. Nous oublions que le mensonge c’est un art et qu’il est beaucoup plus facile et intéressant que de pratiquer le sexe. Il n’est pas surprenant qu’on s’en serve pour dominer. Il semblerait qu’on aurait besoin de reconnaissance pour dominer. Cette reconnaissance, c’est la route ouverte vers la notoriété, une route difficile, ponctués de tromperies de mensonges, de trahisons, de fuites en avant, finalement si on parvient à la notoriété, et pour les plus lucides, ils constatent que le voyage n’en valait pas la peine, plusieurs regrettent leur soif ancienne de reconnaissance qui les a mener au sommet froid et solitaire, ils n’étaient pas fait pour cela. Ainsi, leur existence se termine dans la désolation. Leur existence se conclue sur le sommet de la notoriété, un sommet de mensonges. La vie aurait pu être autrement car il y a d’innombrables manières de vivre. Ils regrettent de ne pas avoir élargi leur horizon. Un jour arrive inéluctablement, où il est trop tard, pour descendre de son monticule de mensonges. Pourquoi la vie devrait se résumer à des disputes de bistros? Cela sert à quoi d’être reconnu même si vous êtes avec la plus belle femme au monde que vous l’avez embobiné? Si vous l’avez embobiné, c’est que vous lui avez menti; d’autre part, elle vous a sans doute embobiné pour ne pas être en reste. Vous aurez vécu tous les deux dans la crainte d’être largué. Belle manière de gâcher sa vie. Si vous êtes un mauvais menteur, alors il vaut mieux garrocher la vérité en pleine face de tout le monde. Cela a la qualité de clarifier les situations, de dégager les cieux. Il n’y a pas de nuage qui résiste à la vérité. Je sais, vous aller être détesté, mais il vaut mieux être bien détesté que mal aimé. Ça c’est la vérité implacable. Je vois encore la gueule d’un patron qui venait de me congédier. Ainsi, j’avais repris ma liberté le laissant à son esclavage. Le mensonge est insidieux, mais la vérité est brutale. Claquer une porte c’est plein de vérité. Des fois, il faut sortir de la face caché de la lune!

Excellent billet Carmilla

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne crois pas, en effet, en l'authenticité des individus. Qu'est-ce que ça veut dire d'ailleurs ce moi vrai et profond qu'on porterait en soi ? Ca m'apparaît une véritable fumisterie.

Personnellement, je n'ai pas de vie intérieure.

A mes yeux, tout relève plutôt, dans la vie, de l'artifice, du mensonge et des rapports de pouvoir. Je crois que Balzac a bien décrit ça et il parle très justement de "la comédie humaine". Tout est masque.

Mais c'est vrai qu'on est plus ou moins habiles dans le mensonge et que le château de cartes s'écroule fatalement un jour. On est tous fragiles finalement.

Mais ça fait aussi la beauté de la vie. Le mensonge, c'est une esthétique. Je trouve ça passionnant d'essayer de comprendre comment "les autres" fonctionnent en face de nous. Et il faut bien reconnaître qu'en la matière, nos interlocuteurs sont plus ou moins subtils.

Finalement, les gens les plus ridicules mais aussi les plus insupportables et les plus inquiétants, sont ceux qui s'affichent plein de certitudes.

Il y a alors un vrai plaisir, que vous évoquez bien, à démasquer ces menteurs et ces imposteurs trop sûrs d'eux-mêmes. On aime bien voir les "rois nus".

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

De toutes les perversions, les humains préfèrent les manipulations, ce qui permet de torpiller sa victime tout en restant bien peinard à couvert. C’est une espèce de lâcheté brutale qui provoque une grande satisfaction chez celui qui la pratique. Jouer du bout des doigts tout en évitant les éclaboussures, permet de ne pas trop se salir les mains. Mais sur le fond se sont tous des malheureux, des peureux et des envieux, ce qui fait beaucoup pour les épaules d’un seul homme. À quoi peut bien servir une convention tacite dans ces circonstances? Ces gens-là ont une vie intérieure, quoi qu’on en dise, peut-être pas très séduisante, mais quelques pensées profondes qui nous surprendraient si on avait accès à leur cerveau. Ils sont sans doute croyant mais pas naïf. Ce qui ajoute à leur dangerosité. Je ne vois qu’une solution, les éviter à tout prix.

Je crois que nous avons tous des vies intérieures, des pensées et des croyances diverses, autrement les manipulations ne sont plus possibles. Cependant, nous pouvons nous demander : Qu’est-ce qu’une pensée profonde, une vie intérieure, enfoui entre les désirs et les souvenirs? Ce qui fait parti du monde imaginaire. Malgré mon athéisme, les humains on une vie intérieure. Vous mêmes, vous y référé lorsque l’envie de meurtre vous tenailles. À partir de quand un mensonge devient une intention? La préméditation s’abreuve d’une pensée profonde. Certains n’en manifestent aucune et peut-être que nous passons notre temps à croiser des meurtriers potentiels. Qui raconte ses pensées profondes?

Vous-même Carmilla vous ne vous privez pas de pensées profondes, entre votre satisfaction de la vie que vous menez, vos réussites; et ce sentiment d’imposture porté par des rêves récurrents où vous recommencez vos examens et où vous échouez lamentablement. Ce qui n’est pas une maigre idée, ou l’absence d’une pensée profonde. Votre volcan intérieur vous secoue durement, sans oublier cette intégration qui n’est jamais tout à fait assumée. Les rêves se nourrissent de pensées profondes. Les rêves récurrents encore plus. Le plus étrange, c’est ce mutisme, où vous dites que vous ne brillez pas dans les conversations; mais il ne faut pas oublier que excellez sur votre Blog. Habituellement quelqu’un qui sait écrire, sait parler, et lorsqu’on provoque la parole, il parle longtemps. Enfin, la psychanalyse n’est pas le monde de la parole? Et, vous savez pertinemment qu’il vous serait impossible de passer pour une idiote. Qui sait, vous êtes peut-être une grande comédienne? Je vous imagine en train de discuter avec votre amie Daria, vous ne devez pas manquer de vocabulaire.

Je doute de vos chiffres que se sont 99% des hommes qui dominent dans un ménage. Personnellement, je n’ai pas de chiffre sur ce sujet; mais j’ai rencontré des matrones qui menaient leur homme comme on conduit un taureau lorsqu’on le tire par son anneau nasale. Je puis vous assurer qu’elle ne donnait pas leur place, ce n’était pas de la soumission volontaire, elles savaient faire plier les genoux de leur partenaire.

Avec toutes mes salutations distinguées

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

S'agissant d'abord du chiffre de 99 %, je n'ai en effet pas bien précisé que dans une affaire de séduction ou de drague, c'étaient les hommes qui, dans l'immense majorité des cas, effectuaient le premier pas, prenaient l'initiative, en abordant les femmes. Une femme qui aborde un homme, ça demeure très rare.

Par ailleurs, pour ce qui me concerne, oui... bien sûr je sais m'exprimer en public et j'en ai même l'habitude. Ca ne me pose pas de problèmes. Mais c'est dans l'exercice de mes fonctions professionnelles. Il s'agit simplement de formuler un discours technique et conventionnel.

C'est plutôt dans les réunions amicales, collègues de travail, copains-copines, ami(e)s, simples dragueurs, que je me sens beaucoup moins à l'aise. J'ai surtout l'impression de ne pas être sur la même longueur d'ondes, de ne pas avoir les mêmes codes, les mêmes références.

S'agissant enfin de la vie intérieure, je crois qu'il n'y a, en nous, aucun moi profond dont on pourrait accéder à la vérité. Il n'y a aucune essence de nous-mêmes, tout est contradiction et conflit en nous. Notre identité, souvent changeante, elle n'émerge qu'au sein du chaos et du combat de nos impulsions entre elles.

On n'a pas d'identité, de noyau profond, on obéit simplement à des logiques de vie et de comportement issues des conflits qui nous agitent.

Notre identité, c'est le petit bateau, balloté par les vagues d'une grande tempête, qui essaie de surfer sur elles et redoute, à chaque instant, de faire naufrage.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Notre identité, c'est le petit bateau, ballotté par les vagues d'une grande tempête, qui essaie de surfer sur elles et redoute, à chaque instant, de faire naufrage. »

J’aime cette phrase, elle est très évocatrice de notre monde contemporain, tout en originant de notre lointain passé. Voilà que nos doutes tendent la main à nos impuissances. Le pire c’est comme le meilleur, ça n’a pas de limite, mais nous entretenons plus notre pire que notre meilleur, au point de se croire toujours au coeur de la tempête. Mais qui a déjà vécu au coeur d’une véritable tempête au point de douter de son voyage, de ça passe ou ça casse? Certes, notre identité on peu de le comparer à un petit bateau; mais n’est-ce pas tout ce que nous possédons un petit bateau au coeur de la tempête en plein milieu de golfe St-Laurent? Excellent endroit pour se faire brasser en bateau comme en hydravion. Au lieu d’essayer de surfer, des fois il vaut mieux rester au port, rien ne nous oblige à nous jeter dans la tempête. C’est ce qu’on fait les pêcheurs de crabes en fin de semaine dans le golfe, la mer était trop dure, ils ne sont pas sortis. Sage décision! Il appert, qu’il en va ainsi autant pour les sorties en mer, ou dans le ciel, tout comme d’accepter ou de refuser un marché, ou une union. Remarquez qu’une union peut ressembler à un marché. Le fruit de la passion n’est pas toujours au rendez-vous. Être vulnérable n’est pas un défaut, je dirais même que c’est une qualité, qui indique qu’on veut vivre. Je vous recommande la lecture de : L’Éloge de la fuite par Henri Laborit. Ça date de 1976, mais c’est toujours d’actualité.

Ça peut devenir angoissant de toujours redouter de faire naufrage, et puis il y a ceux qui cherchent le naufrage, ou du moins de surfer sur le dessus des vagues; pour l’exprimer autrement, sur le dessus des possibilités et des probabilités. Dans le genre se sont des espèces de naufrageurs/provocateurs, qui pillent leur propre existence. Ce qui se rapproche dangereusement du suicide. Que se soit la fuite, ou encore l’angoisse, ça demeure toujours des soupapes de sécurité; mais souffrir continuellement de la peur et de de l’angoisse, c’est autre chose, comme une perte de lucidité et de maîtrise de soi-même.

Je ne vous cache pas que je trouve ce sujet passionnant, au travers de nos récits, autant les marins que les aviateurs, nous en discutions sans cesse que nous en étions épuisants. Vous regardez le ciel, puis la mer, en vous abritant du vent et vous vous demandez : partir ou ne pas partir, c’est une décision incontournable; mais une fois la décision prise; quelle soulagement! Par contre les tempêtes, surtout les tempêtes humaines sont riches d’enseignements. Je ne pense pas que passer nos relations humaines au crible d’une logique implacable soit toujours le bon chemin, mais personne n’est obligé de devenir naufrageur.

Carmilla vous avez de ces phrases vraiment inspirantes.

Merci et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On peut, en effet, également user de cette comparaison. Le pilote d'un avion, de même que le capitaine d'un navire, éprouve, plus que le commun des mortels, la fragilité de sa condition. L'équilibre instable entre entre des forces contraires peut tout à coup se rompre.

Et il en va de même pour notre identité. Elle est un compromis provisoire entre de multiples impulsions qui nous assaillent. On trouve généralement un équilibre pour pouvoir mener une vie à peu près normale. Mais il arrive aussi, à certaines personnes personnes ou à certains moments de nos vies, que la digue se rompe. Ca peut être un effondrement comme une libération.

Ce qui est réconfortant, c'est que rien n'est jamais inscrit une fois pour toutes. Les chemins d'existence de chacun de nous peuvent tout à coup bifurquer. On peut trouver une nouvelle mécanique de vie.

Bien à vous,

Carmilla