samedi 16 mars 2024

La tentation totalitaire

 

Le constat est cruel: si l'on met en parallèle les deux grands conflits en cours, il est évident que celui qui suscite les adhésions les plus fortes, celle des jeunes en particulier, c'est bien celui entre Israël et la bande de Gaza.


L'Ukraine, les jeunes de l'Europe de l'Ouest s'en fichent de plus en plus. Et il faut bien constater que les quelques manifestations en sa faveur ne rassemblent aucun étudiant français, aucun militant politique "de gauche". Juste quelques malheureux Ukrainiens et ressortissants des pays d'Europe Centrale.  


J'ai, pour ma part, cessé d'essayer de dialoguer avec de jeunes mélenchono-gauchistes. On me sert tout de suite, avec l'aplomb ironique de ceux à qui "on ne la fait pas", deux arguments : d'abord l'Otan qui aurait initialement provoqué la Russie et puis celui du "deux poids, deux mesures". On ne s'intéresserait à l'Ukraine que parce qu'elle a la bonne couleur, celle de l'Occident, et on se ficherait bien des autres causes. L'Ukraine, c'est le bastion avancé de l'impérialisme, inféodé aux USA. Qu'est-ce qu'on peut répondre à de pareils ânes butés ?


Mais l'indifférence ne concerne pas que l'Ukraine. Qui s'intéresse, parmi les jeunes Français, au mouvement "Femmes, Vie, Liberté" (Zân, Zendegui, Azadi), en Iran ? Juste une attention polie et distante. L'esprit n'est vraiment pas à la bagatelle chez les militants révolutionnaires et ce n'est tout de même pas d'Iran qu'on va recevoir des leçons de féminisme. Et pourtant...


Gaza, en revanche, déplace les foules, suscite l'enthousiasme des jeunes. Des lycéens, des profs, des "intellectuels" s'engagent, avec passion, en sa faveur. On mélange tout et on veut subordonner l'aide du gouvernement français à l'Ukraine à un soutien inconditionnel à Gaza. Quant au "génocide israélien", il efface le génocide russe. Et on brandit même des foulards et des voiles en symbole de révolte (?). Pourquoi n'aurait on pas le droit d'affirmer son identité ? On se met à aimer ce qui nous oppresse. Les Iraniennes peuvent remettre leur tchador. 


Le soutien des jeunes occidentaux à la Palestine, les "belles âmes" peuvent bien sûr considérer ça positivement, y voir une expression des idées généreuses d'une jeunesse soucieuse de défendre les opprimés.

 

Personnellement, je trouve ça plutôt glaçant et sinistre. Comment comprendre que des étudiants parisiens, censés être éduqués (ceux de Sciences-Po notamment), s'enflamment pour Gaza au point de mettre en place une véritable ségrégation ? Cette préférence accordée, par les jeunes occidentaux, aux "barbus de l'Islam" ne relève pas seulement de la bêtise et de l'ignorance, mais surtout d'un esprit profondément répressif et puritain. 


On marche sur la tête, on procède à une fantastique inversion des rôles. Parce que la démocratie, elle n'est sûrement pas à Gaza mais, plutôt, en Israël. Oserais-je le dire ? Le peu que j'ai connu d'Israël m'a émerveillée: la beauté, la culture, la qualité de vie, l'extraordinaire cosmopolitisme (on y rencontre toute l'Europe Centrale et aussi une large part de la population, un cinquième, composée d'Arabes, musulmans et Palestiniens). Quant aux jeunes femmes d'Israël, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles sont émancipées. 


Mais à l'Etat démocratique d'Israël, on préfère Gaza et on se livre à une véritable surenchère victimaire: le peuple palestinien est le peuple opprimé, supplicié, par excellence. On le pare du titre mondial de peuple banni, réprouvé. Et on se met alors, logiquement, à imputer tous les maux, y compris celui de génocide, au minuscule Etat d'Israël. Et surtout, on exige de l'agressé (Israël) qu'il se soumette à l'agresseur. C'est hélas le même processus que pour l'Ukraine.


On n'a tiré aucun enseignement de l'aveuglement et de l'imbécilité totalitaires qui avaient transformé, dans les années 60-70, de nombreux étudiants européens en militants intransigeants du trotskysme ou du maoïsme. On a oublié le véritable terrorisme intellectuel qui était alors pratiqué.


Alors, les jeunes sont-ils des cons ou des fachos ? J'avoue que, personnellement, j'en veux plutôt à ces idiots qui soutiennent indirectement, en toute mauvaise foi, des dictatures. 


Moi, c'est sûr qu'à 18-20 ans, je n'étais vraiment séduite par aucune utopie révolutionnaire. Et pour cause: le bonheur des peuples sous un régime marxiste ou islamique, j'ai tout de même connu un peu ça. Plutôt que Marx et le Coran (que j'ai, malgré tout, étudiés avec attention), je préférais donc trouver un refuge en lisant la littérature libertine française du 18ème siècle et les romans noirs du 19ème. Disons que j'étais plus intéressée par le sexe et les aventures sentimentales que par le matérialisme historique et dialectique. Et j'ai d'ailleurs toujours détesté le puritanisme des militants politiques. S'en prendre au corps des femmes, c'est le premier moyen d'affermir une dictature.


Alors Gaza, oui bien sûr, c'est dramatique ! On ne peut que compatir aux souffrances infligées à sa population. Mais derrière Gaza, je ne cesse de voir le Hamas et le Hezbollah. Et le modèle politique, en même temps que le financeur, du Hamas et du Hezbollah, c'est, il faut tout de même le rappeler, l'Iran des mollahs. 


Des mollahs qui se frottent sûrement les mains du bordel total qu'ils viennent de semer au Proche-Orient. Secoués par le grondement de la Révolution chez eux, ils étaient en perte de vitesse et d'influence. Et surtout, un rapprochement général des pays arabes (le Maroc, les Emirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite) et d'Israël  se profilait avec des accords de paix et de sécurité. La Paix, c'est ce dont ne veulent surtout pas les mollahs iraniens dont le pouvoir ne repose, depuis 1979, que sur la guerre et la déstabilisation générale. 


D'une certaine manière, l'attaque terroriste du 7 octobre 2023 contre Israël était absurde, insensée. Elle était tellement épouvantable, un véritable pogrom, qu'elle ne pouvait que provoquer une réaction forte et légitime d'Israël. Mais son absurdité se révèle aujourd'hui un coup de génie politique des mollahs. D'autant que dans cette affaire, le monde arabo-musulman s'est tenu sinistrement coi et a évité d'exprimer toute réprobation morale: une véritable faillite sur le plan de l'éthique internationale !


Les voilà requinqués, nos barbus iraniens. Ils étaient crevards mais ils reprennent du poil de la bête d'autant qu'ils ont maintenant deux grands amis: d'abord la Russie qu'ils alimentent généreusement en armes mais aussi la Chine. Les trois sinistres compères viennent d'ailleurs de mener des exercices militaires conjoints dans le Golfe d'Oman, non loin de la Mer Rouge. C'est aussi une manière d'appuyer les rebelles houtis, autres créatures des mollahs, qui contrôlent de vastes régions du Yémen et mènent des attaques contre des navires dans la région.


Et surtout, la République Islamique d'Iran redevient, grâce au chaos général créé par le Hamas, le véritable patron du Proche-Orient. Le foutoir est maintenant tel, les passions à ce point exacerbées, que tout espoir de paix durable y est maintenant anéanti.


Le grand cadavre des mollahs est en train de ressusciter sur les ruines fumantes de la pacification qui s'esquissait au Moyen-Orient. Les "barbus de Téhéran" sont devenus les mères maquerelles du Grand  Bordel qu'ils viennent d'y installer.


Mais j'espère, je pense, que ça n'est qu'un ultime sursaut. Parce qu'en Iran, la cocotte-minute est tellement sous pression qu'elle ne peut qu'exploser.


Rappelons nous cette manifestation dans un stade de Téhéran au mois d'octobre dernier. Les spectateurs criaient :"va te foutre dans le cul ton drapeau palestinien". Ca n'était pas très élégant mais, du moins, très significatif.


Ce n'est sûrement pas contre Israël qu'il faut se révolter, c'est contre Téhéran et sa clique de religieux tueurs. Le vrai combat, ce n'est pas Gaza. Le vrai combat, c'est le mouvement "Femmes, vie, liberté". En Iran bien sûr, mais aussi en France. La liberté des corps et l'éducation à la démocratie, c'est indissociable. Et ce sont les femmes qui sont les plus aptes à les promouvoir.


Mes conseils littéraires :

- En matière de littérature d'Israël, tout le monde connaît, bien sûr, la grande Zeruya SHALEV (normalement nobélisable mais...). Mon livre préféré : "Vie amoureuse".

- Personnellement, j'aime beaucoup Eshkol NEVO. C'est très psy et très troublant. On aime évidemment la psychanalyse en Israël. Je recommande, en particulier, "Trois étages" et son tout dernier, qui vient, juste de sortir : "Turbulences". C'est un recueil de 3 nouvelles qui pose cette question essentielle: est-ce qu'on connaît vraiment les autres, en particulier nos proches ?

- Jean-Pierre FILIU: "Histoire du Moyen-Orient de 395 à nos jours". Un très bon bouquin de synthèse, juste et précis, sur cet Orient compliqué.

- Gilles KEPEL: "Prophète en son pays". Un auteur qui ne craint pas de dénoncer les idéologies dominantes, du tiers-mondisme d'hier à l'islamo-gauchisme d'aujourd'hui.

- Chowra MAKAREMI: "Femme ! Vie ! Liberté !" et Marjane SATRAPI, Collectif : "Femme ! Vie ! Liberté !". Comment penser le mouvement révolutionnaire en Iran ? Un mouvement inédit, totalement nouveau, qui a pour point de départ une révolte des femmes et un bouleversement des mentalités.

- Abnousse CHALMANI: "J'ai péché, péché dans le plaisir". J'ai déjà évoqué ce bouquin mais c'est celui-là que vous devez, avant tout, lire. La libération des corps précède, et est même la condition, de la libération des esprits. Une leçon qu'on oublie, de plus en plus, en Occident.

Je vous incite, enfin, à voir le récent film: "Chroniques de Téhéran" d'Ali Asgari et Alireza Katami.





17 commentaires:

Julie a dit…

En tous points d'accord avec vous. L'avenir sera sombre...
Bon jour, Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,


L'avenir, à court et moyen terme, est sombre en effet.


Le recul des idéaux démocratiques, l'intolérance généralisée, le développement des petites haines, l'esprit de vengeance, cela n'incite guère à l'optimisme.


Et curieusement, c'est la population jeune qui, en Europe, se complait dans une ambiance de misérabilisme et de déclinisme. On préfère pleurnicher, se replier sur soi et s'en remettre à l'Etat, plutôt que d'appréhender un avenir qui, j'en suis convaincue, est, du moins sur le plan économique, bien moins sombre qu'on ne le dit.

Mais peut-être que l'instabilité est la caractéristique première des démocraties et qu'il faut inévitablement passer par des phases négatives pour pouvoir repartir de l'avant.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Comment ne pas revenir sur les propos de Timothy Snyder dans son dernier ouvrage : La route pour la servitude, Russie – Europe – Amérique.

Ouvrage juste, honnête, brillant, incontournable, qui décrit en long et en large la situation que nous vivons présentement, parce qu’il ne faut pas l’oublier; nous faisons partis de la photos de famille, nous sommes les teneurs de la démocratie, les véritables responsables de l’État de Droit, État que l’on se doit de protéger, d’améliorer et surtout de défendre. Ici, je ne crains pas d’être emprisonner, torturé, et exécuté, pour mes opinions et mes idées politiques. Visiblement c’est ce qui déplaît à ceux qui nous attaquent, parce que ces pays ne veulent, ni ne peuvent évoluer vers des niveaux de démocratie qui discréditeraient leurs régimes. Sur ce sujet la démonstration de Snyder est imparable. Vérité éclatante qui nous aveugle tellement que nous détournons le regard. Les chimères sont plus rassurantes que la réalité. Celui des pays qui n’ont pas les moyens de leur orgueil de domination, sous des faux prétextes de se protéger de nous les supposés mauvais. Dans leur faiblesse, tout ce qu’ils savent faire, c’est de nous rabaisser à leur niveau, ou du moins c’est ce qu’ils tentent avec plus ou moins de succès. Je l’ai souligné à plusieurs reprises dans mes commentaires, et Snyder ne manque pas de reprendre ce fait en décrivant les assauts de désorganisations auxquelles se livre la Russie et l’Iran. Leurs buts premiers, c’est de semer la désorganisation dans les pays occidentaux, provoquer le chaos, brouiller les cartes, provoquer la confusion des esprits. Certains par manque d’esprit critique y souscrivent honteusement!

Comment comprendre et expliquer une telle situation? Comment on perd son esprit critique sans s’en apercevoir? Comment ne pas discerner la propagande qui est en train de vous gruger? Se sont les propos que Maryanne Wolf aborde dans son ouvrage intitulé : Lecteur, reste avec nous! Un grand plaidoyer pour la lecture; un grand plaidoyer pour tous. C’est peut-être ce qui nous arrive présentement, un manque de formation dans nos institutions scolaires, de la maternelle à Sciences-Po. La lecture favorise la réflexion qui nous porte à nous interroger sur notre évolution pour différencier l’information de la connaissance. Mais, cette connaissance devrait précéder l’information. Bombardé d’informations nous n’arrivons plus à puiser dans nos connaissances pour nourrir notre esprit critique. Dans ce sillon nous pouvons croiser ces deux auteurs exceptionnels, Snyder et Wolf, parce que non seulement leurs propos sont dérangeants, mais aussi stimulants. Se sont des ouvrages qui arrivent à point.

Et après? Il y a toujours un après, rien ne s’arrête dans l’évolution, la vie n’est pas une statue de sel. C’est ce que j’ai retrouvé à la lecture : Le temps des loups, L’Allemagne et les Allemands (1945-1955) par Harald Jähner. Comment on s’en sort lorsqu’on a fauté? Comment on renaît de ses cendres, des désastres qu’on a provoqués? Ce qui pose la question en filigrane : Est-ce qu’on est obligé de provoquer des catastrophes pour prouver ses grandes capacités de renaissance? Ne valait-il pas mieux faire tout pour éviter le grand désastre!

Merci pour votre texte Carmilla, parce que vous n’êtes pas en reste!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est effectivement la grande question: comment se fait-il que des gens supposés cultivés et éduqués prennent le parti des pires régimes politiques ?

En France, c'est presque exemplaire: les jeunes, les étudiants, les auto-proclamés intellectuels soutiennent inconditionnellement la Palestine et vomissent Israël et les Etats-Unis. De même, beaucoup de gens sont pro-russes et adhèrent à l'idée d'une responsabilité des USA et de l'Otan dans le déclenchement de la guerre.

Il y a d'abord un vieux fond d'anti-américanisme. J'ai l'impression qu'en France, il remonte à la seconde guerre mondiale. C'est presque une manière de s'exonérer de la honte de l'Occupation et de la défaite et du devoir de reconnaissance envers les libérateurs. Les Américains réveillent trop le souvenir et la culpabilité d'un passé peu glorieux.

Et puis sans doute, on n'aime pas trop la démocratie. Celle-ci comporte trop d'incertitudes et d'imprévisibilité. Elle n'offre pas le confort d'un système autoritaire dans lequel l'avenir est tracé d'avance.

Le bouquin d'Harald Jähner est effectivement très intéressant. Mais ce qui est terrible, c'est qu'il montre aussi que les Allemands n'ont guère fait d'auto-critique. Ils se sont exonérés de toute responsabilité. Plutôt que coupables, ils se se sont considérés comme des victimes du conflit mondial.

La repentance, c'est une voie que presque personne ne veut emprunter. Les Russes, les Palestiniens, se considèrent, eux aussi, comme des victimes de l'Occident. C'est cela, ce manque de lucidité et d'esprit critique qui fait peur et n'incite guère à l'optimisme.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Je suis dans l'ensemble d'accord avec vous. Mais il est aussi vrai que le gouvernement Netanyahou est le plus à droite de l'histoire d'Israël, qu'il comprend le Likoud (droite nationaliste), le Shas (ultra-orthodoxe sépharade), le "Judaïsme unifié de la Torah" (ultra-orthodoxe ashkenaze et "Sionisme religieux", une coalition ultra-nationaliste et suprémaciste juive. Les deux partis ultra-religieux et surtout la coalition "Sionisme religieux" sont quasiment fanatiques, et certains de leurs éléments ne sont pas si éloignés, dans la radicalité et la religiosité réactionnaire, des mollahs de Téhéran.

Et, pour un Etat certes démocratique (mais dont le gouvernement avait un tropisme autoritaire et tentait de réduire le pouvoir de la Cour constitutionnelle, ce qui a provoqué des manifestations géantes de la part éclairée de la population israélienne), le bombardement massif de Gaza, avec la destruction massive des villes, et plus de 30.000 morts, il y a quand même là des crimes de guerre.

Mais tout ça, le Hamas le savait, il savait évidemment qu'en lançant l'attaque abominable du 7 octobre, il allait inévitablement provoquer une riposte israélienne d'une ampleur jamais vue, étant donné la nature du gouvernement israélien actuel. Il le savait et n'a pas hésité à déclencher cette machine infernale, quelles qu'en soient les conséquences pour la population gazaouie, qu'il domine depuis 2007, en ayant pris le pouvoir par la force dans la bande de Gaza.

C'est pour cette raison que je n'arrive pas à me sentir vraiment solidaire de la population gazaouie, contrairement à celle de l'Ukraine, pays agressé, pays démocratique, dont l'invasion par la Russie est criminelle et injustifiée.

Pour ces sujets, l'identification aux "victimes de l'Occident", le tiers-mondisme dévoyé, etc., je vous conseille deux livres : "Les musulmans ne sont pas des bébés phoques", d'André Versaille, et "Woke ! La tyrannie victimaire" de Nadia Geerts, livre tout récente d'une autrice belge laïque, républicaine et universaliste, livre que je viens de lire, et avec lequel je suis en accord total.

Enfin, une petite remarque : on ne dit pas des ânes butés, mais des ânes bâtés : https://fr.wiktionary.org/wiki/âne_bâté

Nuages a dit…

J'ajoute que j'ai lu tout récemment le livre de Harald Jähner et que je l'ai trouvé absolument passionnant.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je reconnais bien volontiers que l'un des malheurs d'Israël, c'est aujourd'hui le gouvernement Netanyahou pour lequel je n'ai bien sûr aucune sympathie. Sur ce sujet, la dimension forcément réduite d'un post ne me permettait pas de développer.

Mais il faut bien voir qu'Israël est un Etat minuscule au sein d'un monde arabo-musulman unanimement hostile. Comment se défendre sinon en répondant par des attaques qui marquent les esprits ? C'est sans doute condamnable mais cette tactique, visant à impressionner durablement l'adversaire, a jusqu'alors été efficace.

Mais surtout, il ne faut pas se tromper d'adversaire. Là encore, c'est un combat entre une démocratie et un système totalitaire. Et on occulte complétement que le modèle politique et le financeur du Hamas, c'est Téhéran. Les dirigeants du Hamas rêvent d'implanter une République Islamique à Gaza, sur le modèle iranien. C'est d'ailleurs pour ça que les pays arabes se méfient beaucoup d'eux. Personnellement, entre Tel-Aviv et Téhéran, mon choix est tout de suite fait.

Merci pour vos conseils de lecture. Quant au livre de Jähner, c'est effectivement un livre qui apprend beaucoup. Ce qui est étonnant, c'est que cette période des années qui ont suivi la défaite allemande n'a fait l'objet que de très peu d'études.

S'agissant enfin des ânes bâtés ou butés, je connais bien sûr l'expression âne bâté mais est-il incorrect de dire âne buté ?

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« C'est effectivement la grande question: comment se fait-il que des gens supposés cultivés et éduqués prennent le parti des pires régimes politiques ? »

Voilà une question qui me passionne, que dire, m’obsède.

Dans ce flot continue d’informations, il est difficile de départager le vrai du faux, la propagande de la vérité, n’importe qui peut s’y perdre, et, il se pourrait bien que se soit le cas présentement. Exprimé ainsi, cela à l’air banal, mais ça ne l’est pas. Snyder l’évoque lorsqu’il écrit sur la campagne électorale de Trump en 2016, le tout de cette campagne électorale s’est joué sur l’électronique. On est capable de faire passer des mensonges énormes sur ces plateformes, que même ceux qui possèdent un certain bagage intellectuel se font prendre. De cette manière nous pouvons faire élire n’importe quel imbécile sur terre. On répand des mauvaises nouvelles, des fausses nouvelles, et lorsque notre candidat commet une bourde, on se dépêche de sortir une rumeur qu’on transforme en nouvelle. Il ne faut surtout pas laisser le temps aux électeurs de réfléchir. Mais, tout cela est connu, et ce qui est désolant, c’est qu’on ferme les yeux sur cette réalité si grossière, afin d’éviter notre devoir de citoyen, de porter un jugement éclairé sur ce qui nous est présenté pour masquer nos irresponsabilités. Parce qu’on se le dise, c’est de l’irresponsabilité et cela se paye au prix fort. Je peux comprendre Carmilla que ça ne vous incite guère à l’optimisme. Il y a de quoi. Il faudra aller jusqu’où dans la bêtise pour rectifier la situation? De la manière qu’on se traîne les pieds, nous risquons manquer de temps. Le propre des démocraties c’est de nier une situation, jusqu’au point où elle devienne insoutenable, puis de dépenser des efforts colossaux pour la corriger. Politiquement c’est un jeu dangereux où la victoire est loin d’être acquise. C’est le jeu que nous avons joué au début de la Deuxième Guerre mondiale, et souvenons-nous que nous en avons payé un prix très élevé. Est-ce que nous sommes en train de répéter la même erreur, mais en plus gros? Éduquer un humain requière beaucoup de temps et les résultats en bout de piste ne sont pas garantis. Il est plus facile de l’abreuver de slogans et de le soumettre pour en faire ce qu’on désir. C’est ce que nous constatons autour de nous présentement et tétanisés nous devenons trop paresseux pour réagir. J’ai été à la fois déçu et choqué lorsqu’il y a eu des bagarres dans certaines universités canadiennes après l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, c’était désolant dans ces lieux de savoir et supposément de paix et de liberté. Que nous faudra-t-il encore subir? Il y a une chose qui est clair dans mon esprit : je n’ai pas envie de me laisser pourrir la vie de cette manière. Dans le livre de Jähner, Le temps des loups, il y a de nombreuses photos très évocatrices de cette douloureuse période, techniquement ce ne sont pas de très bonnes photos, mais elles sont très pertinentes sur ce qui venait de se passer. Nous pouvons y voir tous ces gens qui travaillaient à ouvrir des passages dans les ruines des villes, des personnes tétanisées, affamées, épuisées, condamnées à la survivance, et je ne pouvais m’empêcher de penser que ces mêmes personnes non seulement s’étaient soumises à un régime tyrannique, mais l’avaient acclamé le bras droit levé bien haut. Ce qui s’appelle de la servitude volontaire!
Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Oui, bien sûr, on peut qualifier certains d'ânes butés (si l'on n'avait pas l'intention de dire "ânes bâtés").
Ce seraient donc des gens à la fois ignorants (des "ânes" donc) et obstinés à défendre des thèses indéfendables (et dès lors "butés").

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je n'ai moi-même pas de réponse tranchée sur cette question de la "servitude volontaire".

Cela relève peut-être de la simple psychologie humaine et d'une allergie au changement.

Il faut bien le reconnaître, en effet, la démocratie, c'est l'instabilité permanente. Une perpétuelle remise en cause des situations acquises, des statuts et des positions établies. C'est même inséparable d'une économie de la libre entreprise qui voit sans cesse la disparition et la naissance de multiples activités.

Un régime démocratique suscite donc une impression de désordre, ce qui provoque, chez certains, angoisse et incertitude.

Je peux vous assurer que ça n'était pas du tout le cas, par exemple dans l'ancien système soviétique. Là-bas, l'avenir de chacun était planifié, tracé une fois pour toutes: médiocre mais sûr. Pas d'inquiétude à avoir pour sa situation professionnelle et personnelle. Il suffisait de rester dans son coin et de faire vaguement acte de présence. On vous adressait même une fiche prévisionnelle de salaire dans 10 ans, 20 ans, 30 ans.

Cette absolue sécurité faisait la séduction du système. On n'avait pas de soucis d'avenir, pas de cataclysme à redouter.

C'est évidemment cette sécurité et cette stabilité des situations sociales que ne peut pas offrir une démocratie. Avec la démocratie, on rentre dans l'histoire, la grande Histoire, avec ses tumultes et ses changements perpétuels. On emprunte des chemins imprévus, on est submergés d'innovations qui concernent aussi bien les technologies que les mœurs.

C'est enthousiasmant mais on peut concevoir aussi que pour certains, cela soit angoissant et qu'ils aspirent donc à un peu de calme et de stabilité. Mais ça débouche alors sur un système politique autoritaire.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Effectivement, je crois que bâté et buté constituent deux nuances de caractère.

Un âne bâté est un âne bête, tandis qu'un âne buté est un âne entêté.

Mais il peut y avoir des ânes à la fois bâtés et butés même si on s'accorde à dire que les ânes sont des animaux généralement intelligents.

Il me semble qu'il y a quelques ânes près d'Avioth. Les observer permettrait de trancher cette question : sont-ils bâtés ou butés ?

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Quatre catégories sont donc possibles :
- les ânes bâtés butés
- les ânes pas bâtés butés
- les ânes bâtés pas butés
- les ânes pas bâtés pas butés

J'essaierai d'observer ça sur le terrain.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Je ne peux reconnaître l’Autre que si je me suis bien construit.

Les êtres humain subissent, eux aussi, ces pressions biologiques et écologiques auxquelles ils ajoutent deux influence spécifiquement humaines :

- La lenteur du développement de leur cerveau. Cette prolongation du temps où le cerveau peut prendre l’empreinte les rends plus longtemps réceptifs aux pressions du milieu et aux apprentissages relationnels.

- L’accès au monde des machines et des mots crée un univers artificiel capable de sculpter leur cerveau, d’influencer leur psychisme et d’établir de nouvelles règles morales. »
Boris Cyrulnik
Quarante voleurs en carence affective
Bagarres animales et guerres humaines
Page 190

Accéder à un milieu, à une famille, à une société, à un système politique, ou bien à une technologie, pour l’évolution d’un humain, c’est très particulier. Nous ouvrons ici les portes de l’incertitude, s’y ajoute les hasards du destins, maintes autres facteurs qui nous surprennent. Maryanne Wolf a raison, et nous l’avons tous constater, que nos méthode de lectures, d’attentions et de compréhensions changent avec les différents supports. Nous ne lisons pas sur écran comme nous lisons sur papier, le cerveau réagit différemment, d’ailleurs pour les lecteurs attentifs nous l’avons tous constaté. Madame Wolf révèle dans son ouvrage, qu’un éditeur universitaire, lorsqu’il recevait des textes pour publication, les imprimait pour les lire attentivement, afin de ne pas être dérangé par l’écran. Ce qui en dit long sur nos capacités d’adaptations.

En quoi cela affect-il la servitude volontaire? Nous pouvons nous soumettre sans conscience, même dans l’indifférence la plus totale; mais aussi, nous pouvons nous soumettre volontairement. Pour reprendre la phrase de Cyrulnik, je puis reconnaître une possibilité de servitude si j’ai bien construit mon sens critique. C’est la possibilité de se remettre en question, ce qui n’est pas toujours facile, ou bien, on préfère que les autres pensent pour nous et nous soumettent à leur idéologies.

Ce qui nous renvoient à nos responsabilités d’humains, d’éducateurs, de formateurs, de démocrates, et de visionnaires, parce que le futur c’est une hypothèse qui est toujours entre nos mains. Nous sommes responsables de ceux qui suivent afin de les propulser dans un avenir (vivable), mais pour ce faire, il faut développer leur sens critique, les stimuler intellectuellement, ce qu’un écran ne peut pas faire. Nos machines ne peuvent pas tout; nous, si!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Il semble qu'en règle générale, les ânes ne sont absolument pas bâtés (bêtes) mais certainement butés et n'en font qu'à leur tête.

J'avais ainsi envisagé de faire la promenade de Stevenson mais on me l'avait absolument déconseillé. On m'avait promis un enfer car les ânes repèrent immédiatement les gens sympas et "bonnes poires". Ce qui est plutôt mon cas du moins avec les animaux. Ca devient le film "Antoinette dans les Cévennes" dans lequel l'âne s'arrête devant chaque fleur.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Même si je pratique l'ordinateur quasiment depuis toujours, je serais bien incapable de lire un bouquin autrement que sur un support papier. Ou alors, je crois que je n'en retiendrai rien.

Ce qui est problématique, c'est qu'on assiste aujourd'hui à l'émergence d'une nouvelle génération biberonnée au smartphone et aux réseaux sociaux à raison de plusieurs heures par jour.

Ca façonne de nouveaux schémas de pensée et d'analyse dont on est incapables de prévoir les conséquences à long terme. Ce qui n'est guère encourageant, c'est que les réseaux sociaux ne sont nullement, comme on l'attendait, un espace de dialogue mais plutôt le support de la haine et de l'égocentrisme.

Internet, c'est formidable mais on découvre maintenant que ça peut aussi être l'instrument privilégié de la "servitude volontaire": celle du conformisme, des idées toutes faites et de l'intolérance.

Eduquer, vous avez raison de le souligner, c'est bien sûr la solution. Mais comment procéder ? L'enseignement scolaire, l'éducation parentale, apparaissent, eux-mêmes, totalement dévalués. Pour la première fois dans l'histoire, ce ne sont plus les profs et les parents qui font l'éducation des enfants. Ce sont les réseaux sociaux et les adolescents vivent désormais en autonomie et entre eux. Les parents et l'école, ils s'en fichent bien. Ce qui compte désormais, c'est leur bande, leur meute.

Je ne sais pas si on a bien perçu cette terrible réalité.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Sur le site d'Alexander Kireev, un Russe (démocrate et anti-Poutine) vivant aux Etats-Unis près de Seattle et passionné de géographie électorale, on trouve des cartes passionnantes sur l'élection russe. Bien que ce soit une élection faussée et manipulée, les cartes du taux de participation, du vote Poutine parmi les inscrits, des candidats en 2ème position ou, si j'ai bien compris les titres, de la part des votes Davankov et des votes nuls parmi tous les votes non-Poutine, montrent quand même des choses très intéressantes.

https://kireev.livejournal.com/2070048.html?

Je lis ce site bien entendu en traduction Google (ça marche très bien), mais ça ne traduit pas les titres des cartes, que je pense avoir cependant bien devinés.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Oui, oui...c'est intéressant.

Mais attention à ne pas rechercher des motifs de consolation et d'espoir dans ces données.

Certes, on a franchi, en Russie, un nouveau seuil dans le ridicule. On est passés d'un taux d'approbation de son Président à la Biélorusse à un taux à la Turkmène. Et en 2030, on ne pourra envisager d'autre taux que 98 %.

La réalité est cependant incontournable et brutale. J'entendais Iegor GRAN samedi soir sur France Inter (vous pouvez facilement retrouver tous ses interviews). Il disait bien qu'il ne faut pas se nourrir d'illusions et que le peuple russe soutient, en très grande majorité, Poutine. Avec des élections à peu près libres, Poutine ferait un peu plus de 60%.

Je partage hélas entièrement cet avis. Ca corrobore mon expérience personnelle. Poutine est d'abord une expression du peuple russe. Il en traduit bien les sentiments paranoïaques: sentiment d'être persécuté et délire de grandeur.

Et surtout, sur la question ukrainienne, il y a unanimité dans toutes les couches de la population: les territoires sont bien russes et la culture ukrainienne, ça n'existe pas. Et si les Ukrainiens subissent les malheurs de la guerre, c'est parce qu'ils sont entêtés. La guerre n'est quasiment pas remise en cause d'autant que les Russes méprisent profondément les Ukrainiens (des ploucs, des paysans).

Dans la pratique, les Russes peuvent s'informer: ils ont accès à You Tube. Mais ne croyez pas qu'ils le fassent ou cherchent à le faire. Il y a juste quelques milliers de dissidents à Moscou et Saint-Pétersbourg. Ailleurs, et surtout en province, l'état des mentalités est effrayant.

C'est cela qui me rend très pessimiste. Il ne faut surtout pas attendre un quelconque retournement de l'opinion publique. Pour que les mentalités évoluent, il faudrait un choc: une défaite claire et nette. Mais ce n'est pas hélas ce qui se dessine aujourd'hui.

Quant à une victoire russe, ce serait terrible.

Bien à vous,

Carmilla