samedi 8 juin 2019

La prostituée, l'épouse et la courtisane


En Iran, la prostitution est, pour celles qui s'y adonnent, punie de la peine de mort.

C'est évidemment dissuasif. Mais pour tenir compte des réalités, la République Islamique autorise, dans sa grande bienveillance, une solution unique au monde: "le Sighé" ou mariage temporaire. C'est une pratique que la religion chiite a conservée au fil des siècles et que le régime actuel favorise. Ce mariage permet de légaliser les relations sexuelles entre les deux sexes: un contrat de mariage est établi, le plus souvent devant un mollah, autorisant l'homme à coucher avec une femme mais aussi à se séparer d'elle à l'échéance fixée. Ce contrat peut durer de 15 minutes à  99 ans ! Il va de soi qu'il est assorti d'une compensation financière (dissimulée bien sûr) ce qui l'assimile à une prostitution légalisée.


Quand j'ai parlé du "sighé" à ma copine Daria, elle s'est montrée enthousiaste. "C'est formidable", qu'elle m'a dit, "comme c'est dommage que ça n'existe pas en Europe !". "Ça en éviterait des embêtements: tous ces amants éconduits qui vous pourrissent la vie en vous relançant sans cesse; toutes ces procédures sordides de divorce où l'on est prêts à s'assassiner pour 3 sous"; toutes ces accusations de viol".

C'est vrai qu'on hésite de plus en plus, aujourd'hui, à entamer une aventure amoureuse. Ça fait vraiment réfléchir quand il faut gérer l'"après": quand ça foire et qu'on se déchire dans de véritables crises d'hystérie, quand on n'arrive plus à se débarrasser de l'autre et qu'on reste finalement avec lui par pitié.


Avec le "sighé" iranien, au moins les choses sont claires: le contrat est-il ou non toujours valide ? Décide-ton ou non de le prolonger ?

Est-ce qu'on ne devrait  pas largement diffuser en Europe ce type de contrats ?

J'imagine que beaucoup d'entre vous jugent mes propos insensés et purement provocateurs.


Peut-être, mais je veux surtout appeler l'attention sur la totale hypocrisie entretenue en Europe, et surtout en France, concernant la prostitution. Il y a un grand paradoxe: jamais on n'a autant affirmé la liberté sexuelle et sentimentale de chacun et jamais on n'a autant condamné la prostitution.

Il y a quelque chose qui semble devenu intolérable dans la prostitution et c'est un rejet qui est somme toute assez récent. Il y a peu de temps en France, on s'accommodait fort bien des maisons closes, elles pullulaient. Ce n'était pas que des lieux d'abattage, c'était aussi des lieux d'échange et de convivialité sensuelle et esthétique.


Et puis, la prostitution est devenue, au milieu du 20 ème siècle, l'ennemie publique numéro 1. Ça s'est d'abord concrétisé par la fermeture des maisons de "tolérance" en 1946 avec une pénalisation des proxénètes et surtout des prostituées avec le délit de "racolage".

Progressivement, toutefois, la condamnation des seules prostituées est apparue inique alors qu'il fallait plutôt les considérer comme des victimes. C'est pourquoi la France a décidé de rejoindre le camps des pays puritains et abolitionnistes (Suède, Norvège, Islande) en pénalisant non plus la prostituée mais son client et les proxénètes (Loi du 13 avril 2016).



Finalement en Europe aujourd'hui, il y a 4 régimes réglementant la prostitution:

1/ Les pays abolitionnistes (France, Islande, Norvège, Suède) où le client est pénalisé,
2/ Les pays où la prostitution est légale et non encadrée (Pologne, Espagne, Italie, Portugal, Belgique, Bulgarie, Royaume-Uni, République Tchèque, Slovaquie, Danemark, Finlande, Estonie, Slovénie),
3/ Les pays où elle est légale et réglementée (Allemagne, Autriche, Hollande, Suisse, Turquie, Grèce, Lettonie, Hongrie)
4/ Les pays où elle est entièrement illégale (pénalisation du client et de la prostituée): Ukraine, Russie, Roumanie, Lituanie, Biélorussie, Serbie, Croatie, Bosnie, Albanie, Macédoine, Moldavie.

Il va de soi que le régime n°2, celui des pays où la prostitution est légale et non encadrée (sans autorisation de proxénétisme et de maisons closes toutefois), est le moins hypocrite et le plus libéral. Dans la pratique, en outre, tous les régimes d'interdiction sont aisément contournés par Internet et bénéficient de la plus ou moins grande bienveillance ou corruption de la police: il n'y a pas moins de prostituées en Russie et en Ukraine qu'ailleurs, tout s'y achète.



 En France, cependant, il y a aujourd'hui un certain progrès: le racolage est, depuis plus de 3 ans, redevenu autorisé. Ce qui ne l'est plus en revanche, c'est la transaction financière dont le client doit assumer l'entière responsabilité.

Une prostituée n'encourt donc plus de risques judiciaires en France sauf si elle ne déclare pas ses revenus au fisc. Comment ne pas s'en féliciter même s'il n'est sûrement pas facile de remplir les formulaires des impôts qui ne prévoient pas de case "revenus issus de la prostitution" ?
  
En revanche, pour le client, ça craint ! L'amende encourue (1 500 € tout de même, voire 3 750 € en cas de récidive) est presque accessoire en regard du risque de voir sa vie privée étalée sur la place publique. Il est vraiment jeté sur le banc d'infamie, cloué au pilori. La peine est vraiment disproportionnée surtout si l'on sait que plus d'un homme sur trois a eu recours, dans sa vie, aux services d'une prostituée.

La conséquence paradoxale de cette Loi du 13 avril 2016, tout à la fois protectrice et vengeresse, est qu'elle a accru  la précarité des prostituées. Dans la pratique en effet, les clients ont "pris leurs précautions" et la prostitution est devenue de plus en plus clandestine et cachée. Et clandestinité accrue implique forcément des conditions d'exercice plus sordides et plus dangereuses (violences et meurtres). Il faut vraiment être très courageuse ou désespérée pour exercer aujourd'hui, en France, la prostitution.


La solution de bon sens, ce serait bien sûr de dépénaliser le client mais ça va à l'encontre de l'image de la femme forcément victime d'un prédateur.

C'est à tel point qu'il est impossible d'avoir un débat dépassionné sur la prostitution. Parmi les féministes elles-mêmes, il y a celles, les plus audacieuses qui affirment le droit des femmes à se prostituer s'il s'agit d'un choix libre et consenti: la prostitution, c'est un travail qu'il faut sauvegarder.

Et puis, il y a les intransigeantes qui considèrent que la prostitution est, par nature, une exploitation du corps d'autrui et qu'il faut donc l'abolir complétement et de manière radicale. Ça ne pourrait pas être assimilé à un travail puisque c'est la misère et la précarité qui pousseraient les femmes à se prostituer.

Curieuse rhétorique parce que je n'ai vraiment pas l'impression que les femmes qui passent  des journées entières dans un bureau à traiter des dossiers le font par simple passion esthétique et désintéressée. On en conviendra, l'immense majorité des gens qui travaillent le font parce qu'ils y sont économiquement contraints.


En fait, si on s'excite et s'échauffe tant sur la prostitution, si on est incapables d'en parler de manière pondérée, c'est qu'il existe, aujourd'hui, une volonté féroce de la punir et de  la stigmatiser.

La prostitution dérange en effet et si elle dérange, c'est qu'elle énonce d'intolérables vérités en regard du modèle de l'amour aujourd'hui consacré dans nos sociétés.

On ne parle plus en effet que d'égalité et de parfaite symétrie entre les sexes, d'échange transparent entre citoyens libres et éclairés.


Mais est-ce vraiment si simple ? On sait bien, même si on se refuse à l'avouer, que les couples ne se forment pas sous les seuls auspices d'un amour pur et désintéressé mais aussi, et le plus souvent, sous ceux de la hiérarchie, de la domination et de l'inégalité. L'évolution récente toutefois, c'est que les hommes ne sont plus systématiquement dominateurs et que c'est souvent la femme qui occupe maintenant le dessus du panier.

On sait bien aussi que le domaine amoureux n'échappe pas à la sphère de l'échange économique. L'échange sentimental et sexuel a une contrepartie financière même si celle-ci est déguisée. Oserais-je l'avouer ? J'aime bien Melania Trump; elle ose afficher, en toute franchise, la vérité et la vénalité du mariage moderne.

La liberté d'aimer est une fantastique supercherie. D'abord parce qu'on est très discriminants en matière sentimentale: on choisit généralement quelqu'un de la même classe sociale, de la même communauté, de la même origine. On n'est pas si démocrates et si anti-racistes que ça.


Et puis qu'est-ce que la liberté d'aimer de quelqu'un, homme ou femme, qui est moche, vieux, handicapé, immigré ? Tous ceux là, ils sont quotidiennement humiliés, rabroués, exclus de la compétition sexuelle. Même moi, j'évite d'avouer que je suis d'origine ukrainienne parce que je sais que ma séduction s'effondre alors subitement.

Derrière tous les beaux mots, derrière toutes les belles proclamations, se cache un marché qui ne dit pas son nom, cruel et inégalitaire. C'est celui de l'échange économico-sexuel dont tirent en premier lieu avantage les plus beaux et les plus riches. Les autres, ils doivent se reporter sur les derniers choix.

De ce marché, on ne veut rien savoir aujourd'hui pour préserver la fiction d'un amour libre et désintéressé. C'est pour ça qu'on promeut cet idéal niais et bêta du mariage pour tous comme accomplissement de toutes les sexualités.

C'est pour ça aussi qu'on dénonce et stigmatise avec tant de violence la prostitution. Ce n'est pas l'exploitation du corps humain qui dérange, c'est la transaction financière directe et explicite. Cette transaction, elle est devenue indirecte et dissimulée  dans le mariage moderne mais cela n'abolit pas cette réalité incontournable: tout est échange, rien n'échappe, même les sentiments et les passions, à l'emprise des calculs et stratégies économiques.


Mariage pour tous, proclame-t-on aujourd'hui comme des moutons.

La réalité, elle est plutôt celle de la prostitution universelle, comme l'avait analysé au 19 ème siècle Charles Fourier.

Prendre acte de cette réalité, ça pourrait contribuer à beaucoup pacifier les relations entre les hommes et les femmes. On conclurait des contrats économico-sexuels, de durée variable, de quelques jours à plusieurs mois.

Moi, ça me conviendrait très bien. Le mariage et les enfants, je n'en ai rien à fiche et ça ne m'intéresse pas, ça m'angoisse même. Quant à la vraie prostitution, ça m'apparaît vraiment trop glauque et dangereux.

Mais être escort ou courtisane, dans le cadre d'un contrat à durée limitée et sans les inconvénients d'une relation sentimentale, je crois que ça me plairait assez. Et dans ce métier, j'ose penser que je n'aurais pas seulement les atouts de mon apparence. Celui qui louerait mes services en aurait pour son argent:  look sexy + connaissance de nombreux pays + grandes capacités sportives + bonne culture générale + plusieurs langues parlées + experte en économie/finances, j'ai tout de même un bon C.V.. Mes défauts: je suis réservée et plutôt hautaine, mais ça plaît aussi.

Images du magazine allemand "Jugend" qui a beaucoup contribué à la diffusion de la sensibilité esthétique (notamment du Jugendstil) au début du 20 ème.

Tableaux également d'Adolf Münzer (1870-1953), Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), Jeanne Mammen(1890-1976) , Kees van Dongen (1877-1925), Paul Rieth (1871-1925).

Dans le prolongement de ce post, je renvoie également à l'excellent livre du philosophe François De Smet: "Eros Capital" qui n'hésite pas à bouleverser toutes les idées lénifiantes sur l'amour.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,
je suis en Zélande où je passe des vacances extraordinaires.
Ces Flamands sont vraiment magnifiques, comme beaucoup d'Européens, comme beaucoup de monde.
J'y reviendrai ailleurs puisque j'ai pris la décision insensée de ré-ouvrir un blogue éphémère...
A propos de la prostitution et des normes, qui vous intriguent comme moi, juste deux références qui vont vous intéresser, j'en suis sûr. A ce propos, on découvre tout dans l'étude de la police administrative, bien plus que dans celle du droit pénal, mais c'est un autre sujet. :-)
Sur la prostitution comme trouble à l'ordre public dans des circonstances exceptionnelles : https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/decisions/conseil-detat-28-fevrier-1919-dol-et-laurent-requete-numero-61593-publie-au-recueil/

Puis, plus tard, sur la prostitution comme banale activité commerciale, dans le contexte de moraline que vous décrivez (CJCE 20 novembre 2001, Jany et autres : http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=C9A49F75E06682C35ADF9627EB2B4E4E?text=&docid=46850&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=8285947

J'y reviendrai également.

Bon, j'y vais, la baignade m'attend !

Portez-vous bien. Bien à vous.

Nat/Alban

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Je connais un peu la Hollande mais pas la province de Zelande.

Votre message me donne cependant une belle idée de week-end même si j'imagine fort mal m'y baigner à cette époque.

C'est vrai que la Hollande est un pays admirable qui a toujours été à l'avant-garde: économie, mœurs, libertés, éducation. Il y a une petite ville que j'adore, pas très loin de la Zelande, c'est Delft. Le centre historique semble avoir été préservé tel qu'il était du temps de Vermeer. Je me permets à ce sujet de vous recommander ou de vous rappeler 2 livres merveilleux: "Le chapeau de Vermeer" de Timothy Brook et "Bleu de Delft" de Simone Van der Vlugt".

Merci pour vos liens concernant la prostitution que je vais lire avec attention.

On vit effectivement dans une effroyable "moraline". La prétention française d'abolir ou d'éradiquer la prostitution, en reprenant le modèle scandinave, m'apparaît exorbitante et parfaitement hypocrite. Ce qui est regrettable, c'est que personne n'osera établir un bilan sincère et objectif des conséquences de la Loi de 2016: la pénalisation des clients a-t-elle permis de faire reculer la prostitution ? A-t-elle aussi rendu plus sûres ses conditions d'exercice ? On peut en douter mais la majorité continuera de hurler pour réclamer toujours davantage de répression.

Bien à vous,

Richard a dit…

« Il faut tomber amoureux pour connaître la passion.»
Abnousse Shalmani
Khomeiny, Sade et moi
Page -182-

Bonjour Dame Carmilla.

Hier matin, en roulant sur l'autoroute 410, qui ceinture la ville de Sherbrooke, je pensais à votre texte sur la prostitution, parce dans ce secteur vous avez plus de chance de heurter un chevreuil que de tomber en amour. C'est vraiment un sale coin et l'an dernier un type s'est tué en recevant une carcasse de chevreuil dans le pare-brise de sa camionnette.

Nous ignorons toujours comment et pourquoi nous tombons en amour. Ce qui peut se produire aussi rapidement qu'un chevreuil qui vous saute devant, alors que vous roulez 100km/h.

Est-ce que le sexe, la passion ou l'amour, sont aussi naturelle que de boire de l'eau ? Ici au Québec, dans ce pays d'eau, je ne vois pas pourquoi il faudrait payer pour avoir une relation sexuelle. Nous ne payons pas pour l'eau, et je ne vois pas pourquoi nous devrions payer pour l'amour, et cela vaut même pour les exclus hors de la compétition sexuelle. (Surtout pour eux).

J'ignore pourquoi nous centralisons toute l'existence sur le sexe ? Je me demande si nous ne donnons pas trop d'importance à la sexualité ? Pourquoi notre vie devrait être centré seulement sur cette jouissance passagère ? La vie il me semble c'est bien autre chose, qui inclus la sexualité, mais pas exclusivement la sexualité. Et, si ce que je viens d'écrire est véridique ; alors nous ne méritons ni l'amour et encore moins notre liberté. Parce qu'au fond l'amour ou le sexe, ou encore la passion, cela devrait être l'affirmation de notre liberté !

Pas de sexe sans la liberté. Devrais-je rajouter, pas de liberté sans sexe ?

Le mariage, les enfants, les responsabilités qui vont avec, ne sont pas fait pour tout le monde, comme l'enfer. Certains peuvent devenir parents, d'autres jamais, et c'est ainsi pour la majorité des êtres vivants sur cette terre. Je vous dirais que c'est très bien ainsi. J'ai vu beaucoup de femelles dans le règne animal qui refusèrent leurs petits. Sur une trentaine de vaches, deux ou trois à chaque année refusaient leur veaux.
La nature n'a rien à faire avec l'orgueil de l'Homo Sapiens.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Lorsque nous sommes obligés de passer un contrat, c'est que nous ne sommes pas sûr du client qui est devant nous. Plusieurs de mes amis, aux moments de crises conjugales me sont arrivés avec ce genre de réflexion. Les contrats de mariage ne devraient avoir qu'une durée de dix ans, qu'on aurait le loisir de renouveler ou pas. Ce qui donne à cette institution du mariage un fond de prostitution légalisé. Je ne peux pas le voir autrement. Manière d'être conscrit, soumis à un esclavage légalisé, qui débouche sur une perte de confiance mutuelle afin d'assumer une pérennité branlante sur un banc de sable mouvant.

C'est bien connu, et vous en savez quelque chose dans le domaine des affaires Carmilla, nous avons tendance à tout commercialiser, tout réglementer. Pourquoi nous avons cette tendance ? Parce que les hommes comme les femmes ont peur de se retrouver seuls. Faire sauter les ponts, couper brutalement des relations, reprendre sa liberté, exigent un certain courage, qui ne se retrouve pas chez tous les humains, loin de-là. Nous croyons qu'un contrat va sécuriser une relation sexuelle ou amoureuse. À ce jeu de l'illusion, nous sommes tous crédules. Si tu as besoin d'un contrat, c'est que la confiance n'y est pas, c'est que ta relation est branlante, peu solide, et que tu devrais avoir le courage de dire non. Accepter ou refuser une relation, un contrat, une entente, c'est affirmer sa liberté et sa responsabilité vis-à-vis de la partie adverse.

Si tu sens le moindre doute dit non ! Vieille maxime qu'on nous répétait lorsqu'on commençait à voler dans le nord. Bien des pilotes se sont tués, parce qu'ils n'ont pas su dire non. Il en va de même dans la vie, des fois il faut dire non. Je sais, l'humain a beaucoup de difficultés avec ses prises de décisions.

Un contrat pour avoir une relation sexuelle, ne constitue pas une vie sensuelle, qui plus est, comme vous l'avez écrit ; c'est de l'hypocrisie pure. Encore une fois je me répète, nous avons du mal avec nos désirs. Mais, je tiens à vous rassurer, on ne meurt jamais du refus d'un désir, mais un mauvais contrat peut vous empoisonner l'existence, voir vous tuer.

D'autre part, nous savons tous, sans nous l'avouer, que tous ces contrats font le pain et le beurre des avocats et des systèmes judiciaires. Bien des gens vivent du malheur d'autrui. Une bonne entente à l'amiable vaut mieux que le meilleur des jugements.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Pas besoin de me faire un dessin, vos propos Carmilla sentent à plein nez le retour du conservatisme et le Canada n'échappe pas à la vague. Au cours des quatre dernières années les conservateurs ont été élus dans plusieurs élections provinciales. Ce qui ne présage rien de facile pour Justin Trudeau le libéral.

Nos malaises avec la prostitution, ou encore nos passions amoureuses, tous ces contrats et réglementations, c'est du conservatisme. Abnousse Shalmani en parle d'abondance dans son livre : Khomeiney, Sade et moi. Dans l'histoire de l'humanité, il y a eu beaucoup plus d'époques marquées par le conservatisme que par le libéralisme. Et, voilà qu'à notre époque cela revient comme une marée montante. On dirait qu'il est impossible d'y échapper. Quelle désolation ! Contrôler, condamner, punir, assouvir, afin d'assumer la soumission. Je n'entends pas beaucoup de personnes pour se lever, et dire que c'est assez, que nous méritons plus que cela. Mais, il y a une chose que Shalmani proclame dans son insoumission, c'est la liberté du refus. C'est l'affirmation de sa liberté. J'ai particulièrement aimé son chapitre sur les Libertaires. C'est une brillante démonstration qui nous font mieux comprendre cette phase de l'histoire qui précède la Révolution Française, parce que sous la perversion, un bouillonnement politique mijote. Dans les faits, ces auteurs maudits ne font qu'une chose, ils remettent en question nos hypocrisies. Le fait aussi, qu'on s'est attaché beaucoup plus à leurs perversions, qu'à leurs descriptions des régimes politiques en place souligne le conservatisme de l'époque.

Si tout le monde avait une vie sexuelle agréable, la prostitution n'existerait pas, du moins nos relations seraient de natures différentes, plus lénifiantes. Je sais, l'idéaliste indécrottable en moi, ne peut s'empêcher de refaire surface. Mais, dans cette humanité, il y a encore des gens biens, des gens de biens, des courageux et des courageuses qui font que les sociétés arrivent encore à fonctionner, qui aiment, font des enfants, et surtout arrivent à les éduquer, et ce n'est pas rien. Et d'eux, on n'en parle pas. Ils traversent les tempêtes de la vie en baisant la tête toujours dans des vents contraires à leur progression. D'autre part n'oublions pas qu'il y a des mères de familles qui se prostituent et qui sont des mères aimantes, qui ont de bonnes valeurs, qui éduquent bien leurs enfants. Ça aussi on n'aime pas en parler parce que c'est trop dérangeant.

Merci pour votre texte et bonne nuit !

Richard St-Laurent

Anonyme a dit…

Bonsoir Carmilla,
merci pour les références littéraires dont je m'occuperai avec plaisir le temps venu de l'été. J'ai découvert chez ces Flamands de Hollande un ordre public qui s'identifie à un ordre social et à un profond sentiment de sûreté dans le fait de vivre ensemble, proche les uns des autres tout en étant soi-même. Pas de flics, pas d'agressivité, pas de vigie-pirate, une façon polie d'entrer en relation, particulièrement entre hommes et femmes, beaucoup de générosité. Tant à apprendre avons-nous en France sur le savoir-vivre. La société française est en vrac, à cran, paranoïaque. Mais j'en reparlerai ailleurs. Ce sont aussi mes origines germaniques qui se sont puissamment activées en moi à cette occasion. J'étais au village de Retranchement, à la frontière avec la Vlaanderen belge qui n'est pas une frontière. Ici, l'espace politique est commun ou ne se construit pas en exclusivité de l'autre. C'était magnifique.
Bien à vous.
Nat

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Dois-je comprendre que la prostitution n'existe pas au Québec ? C'est un peu étonnant.

Est-ce qu'on centre trop l'existence sur la sexualité ? C'est tout de même un des puissants moteurs de la vie qui nous différencie des animaux. L'animal a des instincts, toujours répétitifs, l'homme a une sexualité polymorphe et évolutive.

Mais la sexualité, ce n'est pas seulement le plaisir et la satisfaction, c'est aussi le crime et le Mal. C'est ce qui fait le tragique de l'existence.

Je ne suis pas sûre, à cet égard, que si tout le monde avait une vie sexuelle agréable, la prostitution n'existerait pas. On préfère souvent l'Enfer au Paradis et il y a une fascination générale pour l'interdit et sa transgression. Détruire, violenter, c'est aussi une aspiration humaine profonde. En chacun de nous, même si on le reconnaît rarement, il y a une part profonde de perversion: on n'est pas des Saints ou des gentils. Les prostituées peuvent, sur ce point, offrir des satisfactions que la vie normale n'autorise pas.

En France, c'est sûr qu'il y a un puritanisme accru. On gère maintenant la prostitution par l'absurde. Vendre son corps n'est plus un délit mais être un client de ce corps en est un. Comprenne qui peut. Quant aux relations entre les hommes et les femmes, elles sont de plus en plus faites de niaiserie et d'agressivité.

Je suis par ailleurs convaincue que les contrats de mariage à durée limitée constituent une solution intéressante. Ils n'engagent personne de manière absolue.

C'est vrai enfin que la littérature française du 18 ème siècle précédant la Révolution mêlait, de manière étonnante, la réflexion politique et philosophique à la pornographie. On imagine mal ça aujourd'hui.Il vient de sortir un très bon livre de Colas DUFLO ("Philosophie des pornographes")sur ce sujet.

Bien vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Vous me donnez envie de me rendre bientôt en Hollande.

Je crois que c'est en effet un pays qui peut donner des leçons à la France. Deux problèmes majeurs y ont en effet été réglés: le chômage et la délinquance. Le premier désocialise des millions de personnes, le second alimente le sentiment d'insécurité et l'impression d'une impuissance de l'Etat. C'est pour ça qu'on devient paranoïaques.

Bien à vous

Carmilla

PS: où peut-on trouver votre blog ?

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,
merci pour vos retours et partages d'expérience!
Je retournerai très vite dans ces deux très beaux pays et suis ravi de vous avoir donné l'envie de retourner en Hollande. C'est si proche de Paris.
J'ai adoré Oostend, le port, la digue, les parcs. Pour coller à votre sujet, on y trouve également l'un des plus grand bordels d'Europe qui répond à la douce marque du "Hangar d'amour". Mais je ne m'y suis pas rendu. J'ai préféré divaguer sur le bord de mer, fasciné par les baraques de frituur où on peut déguster toutes sortes de poissons frais et fris. Un régal...
Pour le reste, je partage totalement votre regard sur les causes de la paranoïa qui saisit la société française, au point que bien rares sont les endroits où l'on peut encore vivre en courtoisie.
J'ai ouvert un blog en effet, mais je n'ai pas encore suffisamment de ressources cognitives pour l'alimenter. Il est donc vide... Rires. Mais cela viendra et je vous en informerai, bien évidemment.

Bien à vous.

Alban