samedi 1 juin 2019

Cap sur l'Europe


La Perse, c'est fini ! Je risquerais de lasser assez vite.

Mais je préfère quand même ménager une petite transition entre ces horizons lointains et ma vie parisienne.

Alors je vais vous parler aujourd'hui vacances. Vacances parce que l'été approche mais que vous en avez peut-être marre du soleil et de la mer obligatoires, marre des voyages culturels avec adoration programmée des chefs d’œuvre muséaux, marre de l'infantilisation des voyages organisés.

Alors, je vous ai sélectionné, ci-dessous, quelques destinations possibles où vous aurez peut-être un peu l'impression de sortir des sentiers battus. Et puis, même si vous êtes déçus, vous ne rencontrerez du moins pas grand monde sur ces sentiers. Vous m'en voudrez donc peut-être un peu moins de vous y avoir envoyés.


J'ajoute que je me suis limitée à l'Europe.  L'Europe parce qu'à l'occasion des élections européennes, je me suis rendu compte que l'immense majorité de ses citoyens ne voyaient pas beaucoup plus loin que leurs frontières nationales.

Si vous voulez ainsi gâcher une soirée entre amis, essayez d'aborder quelques questions inhabituelles: par exemple ce qui rapproche et différencie la Slovénie et la Slovaquie, le problème de l'enclave de Kaliningrad, les barons baltes en Lettonie et les Suédois d'Estonie, les Hongrois et Allemands de Transylvanie, la disparition des Kachoubes en Pologne et des Sorabes en Allemagne, l'origine commune du letton et du lituanien, la triste séparation de la Moldavie et de la Roumanie, le scandale de la Transnistrie, l'expansion albanaise au Kosovo et en Macédoine, Izmir et Trabzon, villes grecques etc...


Vous passerez tout de suite pour une effroyable prétentieuse, arrogante et pédante. Et tant pis si on vous soûle par ailleurs avec les "analyses" ou plutôt les "absences d'analyse", plus proches de nos préoccupations, de  Mélenchon, Le Pen, des gilets jaunes.

La vérité, c'est qu'une immense inculture est délibérément entretenue sur l'Europe. C'est à tel point que la plupart de ses ressortissants n'ont qu'une vague idée de ses simples frontières géographiques et politiques. Quant à son histoire, ses enjeux, ce qui la soude, ce qui la tiraille, la menace ... Comment s'étonner dès lors de la montée des populismes et des séparatismes ?


L'enseignement, les programmes scolaires mais aussi les medias, la télévision, ont bien sûr une responsabilité immense. Quand cessera-t-on de ne parler que de la France ? La priorité, c'est sans doute de lutter contre cette ignorance, la priorité, c'est l'éducation. Pour cela, il faut d'abord prendre l'initiative de voyager dans cette merveilleuse Europe, de s'y intéresser, d'aller à sa rencontre, de découvrir ses habitants, ses villes, ses paysages. 

Voici donc mes petits conseils de voyages en Europe, évidemment complétement subjectifs, partiels et partiaux.


1/ Lituanie : Klaipeda. Klaipeda, c'est l'ancienne Memel allemande, ville de la Hanse et des chevaliers teutoniques. Combien de Français savent que la ville a été sous administration française au siècle dernier (de 1920 à 1923) ? C'est une ville portuaire avec des rues tortueuses, des cafés, des galeries d'art. J'adore la place centrale avec la statue très émouvante de la jeune Annchen von Tharau (ci-dessus).


Klaipeda donne surtout accès à l'isthme de Courlande, une longue bande de sable et de pins, entre ciel et mer, parsemée de villages lituaniens avec des maisons colorées en bois. Ça vous changera de Saint-Tropez. De plus, si vous avez un visa russe, vous pouvez vous rendre à Kaliningrad (ancienne Koenigsberg), ville de Kant, Hoffmann et Hannah Arendt.


2/ République Tchèque: Olomouc. Prague, c'est envahi, submergé par le kitsch touristique. A Olomouc, vous trouverez un petit Prague (y compris une horloge astronomique) sans la foule.


Depuis Olomouc, visitez les châteaux de Bouzov (ci-dessus), Pernstejn et Nedvedice (où ont été tournées quelques scènes de "Nosferatu, fantôme de la nuit" de Werner Herzog).


3/ Pologne: Zamosc et Sandomierz. Oubliez Cracovie presque aussi bondé que Prague. Rendez vous plus à l'Est pour deux villes de la Renaissance. Zamosc (ci-dessus), c'est une petite perle, la "Padoue du Nord". Sandomierz, c'est charmant, elle domine la Vistule du haut d'une colline. Les murs de l'intérieur de la cathédrale ont été peints au 17 ème siècle par Karol de Prevot. C'est une succession de scènes de torture pour chaque jour de l'année. En fonction de sa date de naissance, on peut, à partir de ces tableaux, découvrir comment on va mourir. Ça n'est pas gai bien sûr mais c'est fascinant.


4/ Slovénie : Ljubljana. Un havre de paix, une première ville écolo. Depuis une dizaine d'années, le centre-ville est totalement fermé à la circulation automobile. On peut ainsi se promener dans de jolies rues piétonnes et fréquenter de multiples marchés dans une ambiance paisible. Beaucoup d'immeubles remontent à la Sécession viennoise (il faut bien lever les yeux). Il faut souligner surtout que la ville a une grande homogénéité. Elle a été repensée, remodelée, au début du 20 ème siècle, à la suite d'un tremblement de terre, par un grand architecte Joze Plecnik. Depuis Ljubljana, on peut se rendre facilement à Trieste en Italie et au magnifique lac de Bled.


5/ Monténégro: Cetinje. L'ancienne et éphémère capitale du Royaume du Monténégro avant la 1ère guerre mondiale. Perchée au sommet d'un invraisemblable nid d'aigle, accessible, depuis les Bouches de Kotor, par une route dantesque et vertigineuse (ci-dessus). Ce n'est plus aujourd'hui qu'une petite ville de 20 000 habitants mais qui comporte tous les bâtiments d'une capitale avec une multitude de palais et ambassades dont l'architecture est datée du début du 20 ème siècle.


6/ Roumanie: Sighisoara. Une vraie ville du Moyen-Age, une citadelle fortifiée au sommet d'un plateau, inscrite au Patrimoine Mondial de l'Unesco. Une ville gothique unique dont l'atmosphère nous plonge plusieurs siècles en arrière. On frissonne presque d'inquiétude en arpentant ses ruelles tortueuses et étroites. D'ailleurs, la légende fait de Sighisoara la ville natale de Dracula.


7/ Biélorussie: Vitebsk et Grodno. La Biélorussie, c'est la dernière dictature d'Europe. Un voyage là-bas, c'est une expérience absolument singulière, une remontée dans le temps, une redécouverte de l'ancienne URSS. Les villes sont d'une étrange propreté mais c'est la campagne qui est merveilleuse, idyllique, une campagne comme il n'en existe plus en Europe avec des insectes, des animaux, des forêts primaires. Le saviez-vous ? Depuis 2018, les titulaires de passeports français, belges, suisses, canadiens etc...sont exemptés de visa pour un séjour n'excédant pas un mois et s'ils arrivent par avion à l'aéroport de Minsk. Précipitez-vous donc pour aller en Biélorussie, je vous garantis que vous serez totalement dépaysés. Minsk, c'est affreux mais il faut aller à Vitebsk (la ville de Chagall où un musée lui est consacré) et à Grodno.


8/ Slovaquie: Trencin et Levoca. La Slovaquie, c'est le pays des châteaux, médiévaux pour la plupart. Ils servaient, le plus souvent, de forteresses contre les Turcs. Pour les visiter, je vous conseille de vous rendre à Trencin et Levoca comme points de départ. Trencin (ci-dessus) est dominée par un imposant château-fort millénaire. Une ville paisible typiquement slovaque toute proche du château de Cachtice, le château d'Erzsébet Bathory, la comtesse sanglante qui aurait assassiné des centaines de jeunes filles pour préserver sa jeunesse. Tout proches également les châteaux de Stecno, Bojnice et Orava.


Levoca (ci-dessus), c'est une petite ville Renaissance tout simplement magnifique. Elle est à proximité du château de Spis (Spissky Hrad), sûrement l'un des sites les plus évocateurs et les plus romantiques d'Europe. Comme il était sur la route de l'Ukraine, je l'ai souvent aperçu, puissant et presque effrayant (1ère photo du post). Il continue de me hanter.


9/ Lettonie: Riga et Daugavpils. Riga, c'est la capitale européenne de l'Art Nouveau. Merveilleux. Depuis Riga, vous pouvez aller à Jurmala au bord de la mer ou vous louerez une maison de bois, perdue dans les pins, au bord d'une plage de sable immaculé bien plus belle que La Baule. Daugavpils, c'est d'abord le magnifique musée Mark Rothko (où je vous conseille de louer une chambre). On croit que Marc Rothko est un peintre purement américain mais je soutiens qu'on ne peut comprendre son œuvre sans se référer à sa ville natale. Quant à Daugavpils, elle exhale un étrange parfum de l'ancienne Russie des tsars.


10/ Allemagne: Lüneburg, Celle, Worpswede. L'Allemagne, surtout celle du Nord, ça n'est absolument pas touristique. Pourtant elle abrite plein de petites villes de contes de fées qui vous ramènent à Grimm, Hoffmann et tous les écrivains romantiques. Je vous conseille d'abord d'aller faire une promenade en carriole à cheval dans les landes de Lüneburg illuminées de mauve par les tapis de bruyère: un enchantement.

Je vous conseille ensuite de vous rendre dans les villes de rêve de Lüneburg et Celle (ci-dessus) et même de prolonger jusqu'à Worpswede (au Nord de Bremen). C'est le village de Paula Modersohn-Becker où la nature est si belle que de nombreux artistes y ont trouvé refuge.













11/ Finlande: Helsinki. Oslo et Stockholm, c'est out ! L'avant-garde, elle est maintenant à Helsinki. Vous aborderez évidemment Helsinki par la mer en divaguant d'une île à l'autre. Helsinki, c'est d'abord un ensemble architectural exceptionnel signé Alvar Aalto. Sa maison est un manifeste de l'architecture moderne en Europe. Et puis, il y a le Helsinki Art Museum, abrité dans d'anciens courts de tennis et la Lasipalatsi (palais de verre) aux lignes Art Déco. Mais surtout, il y a un espace d'Art contemporain de premier ordre, le Kiasma, flanqué d'un espace de la musique et de la plus belle bibliothèque d'Europe. Je signale enfin que pour le shopping, Helsinki c'est top: on y trouve de très belles choses, de très bon goût, même pas trop chères. Et puis à Helsinki, on parle Finnois, Suédois, Anglais et Russe (un peu).


12/ France : Le Havre. Beaucoup de Français vous diront que Le Havre, c'est super-moche. C'est pourtant une extraordinaire découverte de l'architecture contemporaine. Ce n'est pas seulement Auguste Perret dont l'église Saint-Joseph est un chef-d’œuvre absolu: son intérieur est illuminé par une multitude de carreaux de verre teinté. C'est aussi Oscar Niemeyer (ci-dessus le Volcan) et Jean Nouvel avec une piscine extérieure de 50 mètres inspirée de thermes romains. C'est également le musée d'Art Moderne André Malraux et même le stade de football (le stade Océane d'un bleu lumineux). Enfin, on trouve au Havre plein de restaurants de fruits de mer de première qualité.


13/ Angleterre (Yorkshire): Haworth et Whitby sur les traces des sœurs Brontë et de Dracula. A Haworth, on peut visiter le presbytère des sœurs Brontë et s'évader ensuite dans les landes sauvages (ci-dessus) qui ont servi de cadre aux Hauts de Hurlevent.

 

La ville de Whitby, perchée au bord d'un littoral escarpé, est le cadre du roman "Dracula" de Bram Stoker. Le livre est étonnamment fidèle à la géographie des lieux. On retrouve la plage, le cimetière, l'escalier, l'Abbaye (ci-dessus), les toits de tuile rouge sang, comme si le roman s'inspirait de faits réels. Haworth et Whitby étaient autrefois déserts. Il paraît que ça n'est malheureusement plus le cas en raison de la vogue gothique et romantique.


14/ Suisse: le canton des Grisons. La Suisse est un pays cher, c'est bien connu. Ça a au moins une conséquence heureuse: il n'y a pas beaucoup de touristes étrangers. J'ai eu la chance de pouvoir bien visiter le pays et je me suis pris d'amour pour le canton des Grisons tout à l'Est. Pas seulement pour ses magnifiques paysages alpins mais aussi pour ses villages avec ses maisons traditionnelles blanchies, fleuries, et ornées de sgraffites. Je séjournais à Santa Maria mais on pourra bien sûr préférer Sils Maria et Silva Plana qui ont tant inspiré Friedrich Nietzsche.


15/ Ukraine: Lviv. Évidemment, vous allez me soupçonner de parti pris. Mais vraiment, si vous êtes épris de dépaysement, beauté, aventure, allez là-bas. C'est vraiment la rivale de Prague et Cracovie en bon marché et presque sans touristes. Vous y trouverez des cafés, des restaurants, des boîtes extraordinaires. Attention toutefois aux Ukrainiennes qui peuvent être fatales.


Seules les photos 2,3,4, 10, 20, 24 et 25 sont de moi-même.

La 1ère photo est celle du Château de Spis (Spissky Hrad en slovaque). C'est pour moi l'un des lieux les plus émouvants (mais méconnu) en Europe d'autant plus qu'il s'est maintes fois trouvé sur ma route.

Si je vous ai convaincus d'une destination pour vos vacances, j'aurais plaisir à ce que vous me le fassiez savoir.

7 commentaires:

Richard a dit…

Jonction entre votre dernier commentaire, les langues, l'apprentissage et les voyagements.
En sous-tire : L'errance assumée.

Bonne nuit madame Carmilla !

De l'Iran, j'en aurais pris encore, en attendant que quelqu'un me trouve le livre de Peter Hopkirk, Le Bran Jeu. Rien de facile en cette terre du Québec, l'Asie Centrale c'est loin, pratiquement une abstraction. Ce que j'aimerais parcourir, La Mer D’Aral, et surtout mettre les pieds à Sarmakande, là ou personne ne pourrait comprendre ma langue, condamné à visiter en silence comme il m'est arrivé si souvent dans ma vie. Reste le regard de l'indigène, seul moyen de communication, l'espace d'un instant, celui qui vous fixe, en vous faisant sentir étranger, et, qui sans vous le dire textuellement n'en pense pas moins : « Hé mec, qu'est-ce que tu fais sur mon sol ? » L'important c'est de soutenir ce regard, et des fois, cela vous gratifie d'un magnifique sourire. D'autre fois, ne tourne pas le dos... Quoi que je préfère le regard honnête de ce vieux résistant Crétois devant son verre de raki dans une taverne crétoise, que le poignard d'une jeune noir imprévisible dans le Common Parc de Boston.
L'école c'est un bon endroit pour apprendre et maîtriser une langue, je vous l'accorde. Où apprendre, le cree, le montagnais, le mohak, si ce n'est dans une famille ? Aucune institution n'enseigne les langues indiennes au Québec et au Canada. Être élevé dans une langue, c'est l'affaire du nid douillet d'une famille, c'est une affaire et une manière de penser. Nous oublions souvent, dans nos milieux immédiats, nos familles, notre pays ; que de millions d'êtres humains sur cette terre pensent dans une autre langue. Une langue, c'est plus que simplement communiquer, fondamentalement, c'est penser avant de dire. Un langue prend du temps, son acquisition est lente, tout le contraire de nos courses effrénées à la gloire de l'efficacité. Permettez-moi de penser, que lorsque vous écrivez en français, cette langue que vous maîtrisez, il vous arrive sans doute de penser en Ukrainien ou en Russe, ce qui est bien possible. Vous aussi vous avez été élevé dans une famille et lorsque vous étiez autour de la table pour le repas du soir, dans quelle langue vous exprimiez-vous  lorsque vous étiez exilée en Iran?
Les nids douillets sont des fondements pas des mythes !
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Alain Stanké (né Aloyzas-Vytas Stankevicius le 11 juin 1934 à Kaunas en Lituanie): est un journaliste, éditeur, écrivain et animateur de télévision québécois.
Comment ne pas parler de ce type, qui un jour, nous a révélé ses origines qui étaient loin d’être un nid douillet. Il disait tout simplement : J'ai appris le Russe pour ne pas mourir de faim, j'ai appris l'Allemand pour ne pas mourir, j'ai appris le français pour vivre à nouveau. Lorsque tu entends de tel propos, tu serres les fesses, tu as une folle envie de d'attacher sur ta chaise comme si tu étais assis dans un siège d'avion. En toute simplicité, il n'avait l'air de rien, doté d'un humour ravageur, l’œil rieur, on l'aurait dit sorti de la douceur d'un nid douillet. Il n'en était rien. Lorsque cet homme s'est mis à raconter son histoire, je suis demeuré subjugué. J'ai compris que l'important, en dépit des fautes de grammaires et d'orthographes ; c'était de se faire comprendre. Qu'est-ce que tu dis à officier allemand, qui d'un geste va t'envoyer dans un four, ou bien, à ce jeune Russe, mort de peur, pensant tomber sur un nid de nazi, se retrouve devant des enfants, en train de pointer son arme sur ces innocents ? Parle, dis quelque chose dans sa langue, tu n'as rien à perdre, sauve ta peau. Stanké, a sauvé sa peau. Je l'écoutais raconter son histoire dans sa très grande humilité, loin d'en faire de l'esbroufe, il racontait et je fus saisis par ses propos. Il est arrivé au Québec à 17 ans, après avoir vécu très intensément, puis un jour l'écluse s'est ouverte, et le torrent a déferlé. Je ne suis pas sûr que mes contemporains ont véritablement compris son destin. Arrivé en France dans des convois de réfugiés après la guerre, il s'est retrouvé dans une classe de français dont il ne parlait pas la langue. Tous les autres élèves se moquaient de lui, mais Stanké a persévéré, et, à la fin de l'année, c'est lui qui raconte, avec des larmes dans les yeux, parce qu'il ne s'en attendait pas, après avoir décerné les prix de fin d'année, le directeur de l'institution à dit : pour l'effort constant, et l'abnégation, nous avons un prix spéciale cette année, pour ses efforts méritoires, nous décernons un prix à Alain Stanké. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé sur le podium applaudit par tous. Ce que c'est que d'avoir un bon professeur, un vrai, tout comme Albert Camus en a eu un. À mon avis, la République Française, c'est cela, et pas autre chose, celle qui accueille, qui protège, et propulse, celle qui donne sans compter. Nous oublions souvent, du fond de notre égoïsme, de féliciter, d'encourager, de souligner, en un mot, d'élever le simple, l'humble, le perdu, le perdant, afin de le sortir de sa condition, de lui donner une chance d'accéder à la confiance en lui.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Du hasard et des jours
Tel que Peter Townsend, le hasard et les jours nous touchent tous, on n'y échappe pas. Pourquoi, je suis ici et pas six pieds sous terre ? Pourquoi ma vie fut une réussite, ou bien, en désastre ? Pourquoi, je suis riche, ou bien, pauvre ? Terminer sa vie dans une banlieue d'une ville en Sibérie avec un mari alcoolique demeure dans le domaine de toutes les possibilités. Et, vous ajoutez, comme si ce n'était rien : je ne serais pas non plus forcément malheureuse. Il y a sans doute quelque chose de très slave dans vos propos. Une espèce d'essence qui nous échappe nous les habitants des Amériques. Comprendre l'âme des slaves ce n'est pas donnée.
Tout cela pour en arrivé à quoi ?
À la photo no 3, celle de cette femme au regard de travers énigmatique, dont vous avez déjà publier dans un texte antérieur.
Femme dont nous ne savons rien, dont nous ignorons le nom. Ce genre de coiffure n'existe plus aujourd'hui, on ne se coiffe plus ainsi, cela doit dater des années 20 ou 30, certainement avant la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui ajoute à son regard perçant et vindicatif malgré une douceur affichée. Ce qui n'est pas trompeur mais aguicheur. Ce qui ajoute à sa bouche sensuelle qui invite à la séduction. Ajoutez à cela, son manteau, surtout le collet de fourrure témoignage d'une époque révolue. Cette photo me rappelle de vieilles photos de la même époque, de mes grandes tantes le sœurs à ma grand-mère qui étaient affublées de la même façon et que je ne me suis jamais lassé de regarder.
Cette femme dont je ne sais rien, je l'ai jointe avec Anna un des personnages principaux du livre de Isaac Bashevis Singer (Ombres sur l'Hudson), et de tous les autres personnages de ces Juifs échoué à New York après 1945. Cette femme aurait pu personnifier Anna, qui se cherche entre ses amants, qui navigue entre des hommes qui se sentent coupables d'être vivants, qui essaient de sauver leurs identités.
Après avoir lu quelques ouvrages de Singer qui m'avait laissé sur ma faim parce que je me demandais comment un tel auteur pouvait avoir été récompensé du Prix Nobel de Littérature ? Ombre sur l'Hudson m'a confirmé que c'était un grand auteur.
Entre le hasard et les jours et être ou ne pas être, nous sommes toujours en quêtes d'une identité.
J'ai bien aimé cette phrase :
« Pour l'homme véritablement vertueux, une pierre a autant de valeur qu'un livre sacré. »
Isaac Bashevis Singer
Ombre sur l'Hudson
Page -668-
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Comment ne pas aimer la première photo de : Cap sur l'Europe ? Cette photo je l'accrocherais près du Cervin que j'ai près de moi. C'est une photo que j'ai prise lors de l'un des mes voyages en Europe. La Suisse, moi j'ai aimé, surtout en montagne. J'aurais bien aimé parcourir les bois avant les glaciers sur votre photo. Il y a de quoi passer plusieurs jours dans un tel endroit.
De l'espace, toujours plus d'espace, je suis sûr que j'aurais aimé les vieilles pierres sur un fond désertique de votre voyage en Iran. Moi, les vielles pierres, et les vastes espaces désertiques, nous avons une vieille histoire ensemble.
C'est ainsi que les photos 1-6-11-13-17-20-21-22-, m'ont vivement intéressées. Peut importe où sur cette terre, j'y planterais ma tente et j'y serais bien. J'ai particulièrement apprécier la photo 13, La Biélorussie, ce grand delta ou quelque chose de semblable, j'adopte immédiatement. Je me vois très bien en train de sillonner ces méandres en barque. Cette photo me fait rêver.
Il me suffit d'ouvrir ma porte et je suis déjà en admiration, je m'arrête partout, je parle à tous, ou bien, j'observe les premières nichées des outardes qui bouffent l'herbe sur ma rive. Malgré le printemps désastreux que nous avons connu, les oiseaux sont parvenus à pondre et à donner naissance. La nature est toujours étonnante. Pendant qu'au Québec nous pataugeons dans l'eau et la boue, à l'autre bout du pays en Alberta et en Colombie-Britannique d'énormes incendies de forêts font rages. C'est un pays vraiment étonnant le Canada, c'est à l'échelle d'un continent, vous pouvez vous noyer à un bout et à l'autre bout rôtir.
J'ignore si un jour je remettrai les pieds en Europe. J'ai tellement à faire, qu'il me faudrait plusieurs vies. Il va sûrement y avoir quelques tournées dans le nord, peut-être aussi la Gaspésie, la randonnée du Mont Albert dans les Chichoc, plus les imprévus, mes jardins, des réparations de bâtiments, et quelques plongeons dans ma rivière. Aujourd'hui, à mon retour du plateau, je suis allé prendre la température de l'eau de la rivière +14 degrés, certes ((baignable)), mais avec du courage, peut-être aussi un peu de folie.

Au plaisir de vous lire
Merci pour cette randonnée de l'Europe
Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Très beau programme ! Suggestions bienvenues, qui prolongent et soulignent mes lectures récentes, comme les récits de voyage de Patrick Leigh Fermor, que vous connaissez sans doute : "Le temps des offrandes" et "Entre fleuve et forêt". Quand un tout jeune homme traverse l'Europe centrale à pied en 1933-1934. Une très belle écriture et un panorama foisonnant d'une Europe à la veille du désastre.

Quant à voyager, je manque pour le moment de compagnon ou compagne de voyage, et comme je n'aime guère partir seul...
Je l'avais pourtant fait, il y a une petite vingtaine d'années, à Berlin, à Vienne, dans les villes hollandaises.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je vous souhaite prompte réception du "Grand Jeu". C'est une acquisition que vous ne regretterez sûrement pas.

Je me réjouis également que vous ayez apprécié "Ombres sur l'Hudson". C'est un livre qui m'avait impressionnée.

Je comprends votre rêve d'aller à Samarcande mais je tiens à vous avertir: vous risquez d'être déçu. N'imaginez pas que personne n'y comprendra votre langue. Vous y rencontrerez des milliers de touristes Nord-Américains envoyés là-bas par les grands Tours-Opérators. Les monuments sont certes impressionnants mais ils ont tous été retapés au cours des deux dernières décennies pour favoriser le développement touristique: ça n'est pas très authentique. Quant aux paysages en Ouzbékistan, c'est tout plat et tout sec.

Si vous vous intéressez à l'Asie Centrale, l'Iran est, à mes yeux, incomparablement plus beau et plus intéressant: culture, paysages, monuments.

En Iran, à la maison, je ne parlais persan qu'avec la famille zoroastrienne qui nous hébergeait. Mais dans ma famille, c'était bien sûr le russe et le polonais et, petit à petit, un peu de français.

J'ai pour habitude de parler en mélangeant les langues (quand j'ai un interlocuteur adéquat)parce que je trouve qu'il y a des choses qui se disent mieux dans une langue plutôt que dans une autre. J'avoue que ça m'irrite toujours un peu quand j'ai affaire à quelqu'un qui ne parle que français: la communication me semble réduite. Mais quelquefois aussi je m'embrouille et je deviens peu compréhensible.

La photo n°3 a été prise en Pologne dans une chaumière environnée de neige. C'est la photo d'une femme des années 30 mais je ne sais plus qui.

La Biélorussie vous plairait sans doute: pas les villes mais la campagne qui est vraiment magnifique, comme autrefois.

Une eau à 14°, ça n'est pas pour moi. Celle de ma piscine est à 27 ° et je trouve ça quelquefois un peu juste.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je connais Patrick Leigh Fermor mais j'avoue ne pas l'avoir beaucoup lu. Il est toutefois évoqué assez longuement dans une biographie de Bruce Chatwin par Jennifer Lesieur que je viens de lire. Il a vécu très vieux et a passé ses dernière décennies dans un petit village grec.

Je comprends que vous n'aimiez pas partir seul. Il y a en effet des pays où l'on risque de ne pas échanger un seul mot avec les habitants. Mais il y en a d'autres où vous pouvez être sur de ne pas être seul pendant longtemps. Parmi ceux-ci, je recommande l'Ukraine, la Pologne et l'Iran. Vous y aurez chaque jour une multitude d'occasions de converser. En plus, ce sont des pays bon marché dans les quels vous pouvez passer beaucoup de temps dans les restaurants et les cafés.

Bien à vous,

Carmilla