samedi 17 juillet 2021

"L'argent magique"


Les Européens du Nord aiment bien passer leurs vacances dans les pays du "Club Méd", même s'ils considèrent leurs ressortissants avec condescendance : des gens pas sérieux, bordéliques et oisifs. La psychologie des peuples ou la société de confiance, ça alimente, en effet, largement les conversations "économiques" des dîners en ville. On a complétement oublié que tous ces pays (Grèce, Espagne, Italie, Portugal) ont exercé, autrefois, une domination mondiale.


L'Espagne de Charles Quint a ainsi constitué, au début du 16 ème siècle, la première puissance politique, économique, culturelle européenne et même, au-delà, le premier Empire planétaire. 
Et puis, on s'est rendu compte, aux alentours de 1660, sous Philippe II, le successeur de Charles Quint, que quelque chose n'allait plus, que la machine se déréglait. Un lent appauvrissement généralisé, une misère populaire accrue contrastant avec l'existence somptuaire et luxueuse de la noblesse. C'était le début d'un déclin qui allait se poursuivre jusqu'au 20 ème siècle.

On sait aujourd'hui expliquer le déclin de l'Empire Espagnol. C'est le moteur de son esprit de conquête, de son expansion, qui lui a, en fait, inoculé un poison mortel : la soif de l'or, cet or supposé générer automatiquement richesse et prospérité. Sitôt la conquête des Amériques effectuée, les galions espagnols ont importé d'immenses quantités d'or et d'argent. Durant les premières décennies du 16 ème, la quantité d'or et d'argent en circulation en Europe aurait ainsi plus que triplé. C'était la première expérience de l'argent magique, expérience instructive mais dont on s'est empressés d'oublier les leçons.  

L'Empire des Habsbourg s'est cru tout à coup colossalement riche. Et fortes de cet afflux d'or, les classes possédantes ont alors consommé avec frénésie des objets de luxe (de la soie, de la porcelaine, des miroirs, des épices) importés, à grands frais, de Chine et d'Asie. Mais dans le même temps, les prix se sont progressivement envolés, ruinant l'agriculture et l'activité manufacturière. Et d'ailleurs qui avait envie d'investir dans une activité productive alors qu'il était beaucoup plus intéressant, pour devenir riche, d'affréter un quelconque navire pour rapporter, d'un pays lointain, de l'or ou des épices ?

Mais tu nous casses les pieds avec Charles Quint et les Habsbourg, c'est du passé, on s'en fiche, allez-vous me dire. Oui ! Mais si j'en parle, c'est parce que j'ai l'impression qu'en matière économique, on vit à nouveau aujourd'hui dans l'Empire espagnol du 16 ème siècle en continuant d'en partager toutes les illusions. Certes, on est devenus modernes, la monnaie est devenue largement électronique et surtout, on a bazardé, en 1971, l'étalon or que l'on a irrémédiablement rangé dans la catégorie des vieilleries fétichistes. On ne s'intéresse d'ailleurs plus à la monnaie réelle, concrète, mais à ses supports de transmission : ça a enfanté tous les "gogos" qui spéculent sur le "bitcoin", les SPAC (ces "coquilles vides" à la mode, servant de véhicules d'investissement), les options sur indices, les SWAP.

Le point culminant du système, c'est qu'on peut en outre, grâce à la fixation administrée des taux d'intérêt, emprunter à un taux voisin de zéro. Plus besoin de contrepartie, de limite, à la croissance de la masse monétaire.

Les banques centrales et les banques commerciales disposent aujourd'hui de quasiment toute liberté et elles peuvent s'en donner à cœur joie, accroître à loisir l'émission monétaire. On est ainsi devenus des Espagnols de la Renaissance parce que l'on partage deux idées liées : d'une part, on serait riches parce que l'on dépense (on consomme) et qu'importe si ce que l'on achète n'a à peu près aucune utilité sociale;  d'autre part,  la richesse d'un pays dépendrait de la quantité de monnaie qui y circule et à cette fin, il ne faudrait pas hésiter à recourir au déficit budgétaire et à son financement par l'emprunt. 

La "réussite" est d'ailleurs totale en ce dernier domaine même si elle donne le vertige : la masse monétaire a ainsi triplé en volume, au cours de ces dernières années, en Europe et aux Etats-Unis. On sait bien, malheureusement, que la croissance économique n'a pas suivi la même pente ascendante. On s'étonne simplement de ne pas constater davantage d'inflation. Mais en fait, il y a au moins une inflation immobilière, financière et "artistique". Et au-delà de ces trois secteurs, le solde de la demande en excès vient alimenter l'économie chinoise, entretenant, avec elle, d'énormes déficits commerciaux.

On pratique maintenant ce que l'on appelle la "politique de l'hélicoptère", comme si on déversait directement sur les populations, depuis un hélicoptère, des masses énormes de billets de banque. C'est ce que fait, en particulier, Joe Biden, avec ses petits chèques adressés à la plupart des ménages américains.

La vénération portée à Joe Biden est telle que personne n'ose crier au fou. Moi-même, je le trouve très humain et très sympathique mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il est un pompier pyromane, déversant ses jerricans d'essence sur une économie américaine déjà en surchauffe. Il est prisonnier de cette idée que Trump avait laissé l'économie dans un état catastrophique. Du reste, les Américains commencent à s'inquiéter eux-mêmes, à se dire que quelque chose ne tourne pas rond. La preuve, leur taux d'épargne vient d'atteindre des montants inédits. Sage attitude, en fait, qui évitera peut-être que les torrents de dollars du plan américain n'aillent s'évaporer en Chine ou dans des mirages financiers.

Il est vrai que l'Europe n'est pas en reste et s'apprête elle-même à amorcer sa "pompe à Phynances" à grands coups d'emprunts. Tant pis d'ailleurs si ces endettements conjugués de l'Europe et de l'Amérique vont accroître l'écart entre pays riches et pays pauvres en siphonnant les capacités d'emprunt mondiales. Pour se sortir des dégâts du Covid, les pauvres attendront.

On va donc se lâcher, c'est le "quoi qu'il en coûte" devenu tellement populaire, comment n'y avait-on pas songé avant ? Je préfère ne rien dire parce que je sais que la crise sanitaire a généré des millions d'experts : en épidémiologie d'une part, en  économies-finances d'autre part. Mais nul n'est prêt à admettre que les lanternes qu'il agite en ces matières ne sont peut-être que des vessies.


Je ferai part quand même de deux exaspérations :

- j'en ai marre d'entendre des "experts économiques" (ceux des médias français notamment) espérer fiévreusement une relance de la consommation dite "populaire". On nous incite fortement à dépenser, faire chauffer notre carte bancaire, aller au restaurant, au café, faire les soldes, se faire plaisir, prendre du bon temps. C'est ce qui ferait marcher l'économie. Hors de la consommation, il n'y aurait point de salut. On se désole même de constater que l'épargne des Français a significativement progressé durant la crise sanitaire. On nous culpabilise presque à ce sujet. C'est mal, il faut vite dégonfler ça ! Avoir de l'épargne, c'est jugé, à la limite, une attitude anti-citoyenne.

L'épargne, aux yeux de ces experts, ça apparaît comme l'ennemi absolu de la croissance économique, ce qu'il faudrait même proscrire radicalement. Le malheur, c'est qu'à peu près tout le monde se range à cette "opinion". Pourtant, allez faire un tour à Moscou ou même à Téhéran. Vous y constaterez que là-bas aussi, la consommation, ça marche très fort: les magasins de luxe sont éventuellement plus nombreux et parfois même plus beaux qu'à Paris. Quant à la façon dont les filles sont habillées, l'élégance de leurs vêtements, il n'y a pas photo. Et que dire du parc automobile  avec sa multitude de berlines allemandes haut de gamme. Quant aux babioles électroniques (ordinateurs chinois, smartphones coréens, écrans Oled) elles sont aussi largement aussi répandues ? En contrepoint, partez ensuite à Copenhague ou à Stockholm : peu de belles bagnoles, encore moins de magasins ou de restaurants de luxe et des filles dont la tenue est plutôt négligée.  Allez-vous en conclure que la Russie est beaucoup plus riche que le Danemark ou la Suède ? En fait, vouloir développer la consommation à toute force, comme on s'y emploie aujourd'hui, c'est avoir une vision de pays sous-développé. L'empire espagnol nous instruit à ce sujet : la consommation, c'est ça, en réalité, qui dévore les pays pauvres en embolisant toutes leurs ressources disponibles.

On déteste tellement les banques qu'on est incapables de reconnaître leur rôle essentiel dans une économie. L'Union Soviétique a cru pouvoir s'en passer, on a vu le résultat. Le footballeur et grand économiste, Eric Cantona, a même un jour décidé de retirer tout son argent de sa banque. On croit, en fait, qu'une banque se contente de conserver précieusement, dans un coffre-fort, les petits sous qu'on lui confie. En réalité, elle se dépêche de recycler les fonds déposés (notre épargne) à des fins d'investissement : immobiliers, financiers, participations en capital. Ce recyclage dans l'investissement a, en fait, un impact économique considérable (sauf s'il se porte sur des produits financiers). On estime que l'effet de levier d'un euro  déposé dans une banque est quatre fois supérieur à celui du même euro gaspillé dans la consommation. C'est pour ça que les pays les plus riches sont ceux qui ont la plus forte épargne parce que l'épargne, ça se traduit en investissements et en développement à long terme.

Mais c'est pour ça aussi que le Plan de Joe Biden, centré sur la consommation, est alarmant (le Plan européen échappe heureusement, en partie, à cet écueil). Quant à la France, elle est convaincue d'avoir une épargne gigantesque. C'est vrai en valeur absolue mais, malheureusement, cette belle épargne française est complétement siphonnée, et au-delà, par l’État pour le financement de sa dette. Ça explique la panne de l'investissement et le "déclin français".

- Ce constat me permet d'embrayer sur une autre "idée reçue" qui m'irrite profondément. Tout le monde semble désormais s'accommoder de cette idée que pour surmonter la crise actuelle, il ne faudrait pas hésiter à s'endetter davantage. On milite même pour une suppression de tout plafond. Pour montrer qu'on est un expert, qu'on n'est pas complétement irresponsable, on exprime toutefois, sentencieusement, une inquiétude : "l'inconvénient, c'est qu'on reporte sur nos enfants la charge de notre dette; ce sont eux qui vont en baver, on se conduit, finalement, en égoïstes".

On ne peut pas avoir une conversation sur la dette sans que soit ressassé ce cliché : celui de la génération future sacrifiée. C'est désormais partout admis comme une évidence et personne ne semble s'aviser de ce que c'est peut-être une "ânerie". Il faut croire que les adultes, aujourd'hui, entretiennent une étrange culpabilité vis-à-vis de leurs enfants pour développer des idées si complaisantes.

Moi, je tiens à rassurer tout de suite : nos "chères têtes blondes" n'auront pas à payer les conséquences de nos errements passés parce que les conséquences, on les paie dès aujourd'hui. D'ailleurs, vous savez bien que lorsque vous contractez un emprunt, votre banquier vous en demande un remboursement, en intérêts et en capital, dès le premier mois et non pas dans 10 ans ou dans 20 ans.

En réalité, la dette publique ne réalise pas un transfert d'une génération à une autre, des vieux vers les jeunes, mais un transfert entre ceux qui paient des impôts, les contribuables, et ceux qui placent leur argent en titres de la dette publique et reçoivent des intérêts.

Cela signifie que l'endettement de l’État se traduit par une diminution des ressources de ceux qui sont assujettis à l'impôt et, simultanément, par une augmentation des revenus des rentiers.

Il s'agit donc d'une redistribution, non pas entre générations, mais entre groupes sociaux, des cigales aux fourmis et même des pauvres vers les riches. En réalité, l'endettement de l’État accroît les inégalités sociales et il est, à cet égard, curieux de constater que ce sont les partis "de gauche" qui sont les plus favorables à la dette. Et puis inutile d'ajouter que les dépenses de l'Etat, financées par ponction sur le revenu national, ne contribuent à peu près rien à l'accroissement de la richesse d'un pays.

On vit maintenant, au total, dans un monde d'illusions, de mensonges, de rois faux-monnayeurs persuadés que la quantité d'argent magique est potentiellement infinie. La monnaie est devenue virtuelle et on a complétement perdu de vue qu'elle correspondait d'abord à une production, une richesse matérielle concrète (qu'elle a simplement pour fonction d'échanger) et à un travail mobilisé. On est vraiment des Espagnols du 16 ème siècle.

Tableaux de Georgia O'Keeffe (1887-1986), peintre moderniste américaine que j'aime beaucoup.

Un long post (mais comment faire autrement ?) qui va sans doute irriter et probablement ennuyer. Mais je rappelle que j'avais initialement envisagé de créer un blog pédagogique traitant d'économie.

Dans le prolongement de ce post, je recommande :

- Stéphanie KELTON : "Le mythe du déficit". Je trouve ça indigent mais j'en conseille quand même la lecture (rapide). Stephanie Kelton est en effet une "figure" de la nouvelle théorie monétaire moderne américaine (la TMM). Elle aurait inspiré Bernie Sanders en faisant l'apologie du déficit budgétaire, de la dette et des dépenses publiques. C'est très bavard, mêlant même des anecdotes personnelles, et peu technique; bref, c'est très américain. C'est bizarre: elle ne parle que des Banques Centrales et de la Réserve Fédérale, mais l'économie réelle, les banques commerciales, les entreprises, elle ne semble pas connaître. 

- Jean-Marc DANIEL : "Il était une fois ...L'argent magique". L'exact contrepoint de Stéphanie Kelton. Un modèle de concision, précision, pertinence. Excellent.

Et enfin, un très grand livre qui m'inspire beaucoup :

David RICARDO : "Des principes de l'économie politique et de l'impôt".

C'est curieux. Même dans les grandes écoles, on n'enseigne pas l'économie en faisant lire les grands économistes (sauf peut-être Karl Marx, mais est-il un économiste ?). On fournit plutôt des manuels indigestes. C'est sans doute dommage parce que les "classiques" ont une qualité de pensée et d'écriture inégalable. 

13 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Un long texte? Non, parce qu’il est pertinent. Suite à cette crise sanitaire, nous devons nous interroger sur notre devenir. Nous essayons tant bien que mal de nous imaginer comment les événements vont nous ballotter. Il est bien possible qu’une crise économique suive cette crise sanitaire qui aura exacerbé les faiblesses de nos économies, du moins certains signes le laisse présager.

Débuter par la suprématie espagnole au XVIe siècle, c’est très habile de votre part Carmilla, c’est un excellent exemple d’une montée en puissance d’un état dominant à son époque. Ce qui nous indique que l’enrichissement n’est pas toujours la richesse pour tous. Cet apport de richesses a provoqué un appauvrissement des classes plus modestes. Qui sait, c’est peut-être la fin de la récréation? Nous venons de vivre ici en région, surtout pour les Cantons de L’est. Les gens ont fuit Montréal pour venir s’installer à la campagne pour s’isoler, ils avait de l’argent, ou encore du financement, alors ils ont acheté des habitations à des prix faramineux. Certains entrepreneurs ou propriétaires, ne voulant pas être en reste, ont transformé leur emplacement locatifs en appartements de luxe, ou bien ont spéculé et réussi à vendre leurs bâtiments avec des profits énormes. Des locataires aux revenus modestes se sont retrouvé à la rue. Présentement, il y a une cinquantaine de familles qui se cherchent un appartement, à Sherbrooke, en accord avec leurs revenus. Et, ils ne trouvent pas. En attendant, l’administration municipale les héberge dans des hôtels. Lorsque le privé goberge, c’est le public qui ramasse les saletés. Ce qui étaient exactement le cas des paysans et des petits métiers en Espagne comme au Portugal, à l’époque de Charles Quint. Sommes-nous entrés dans une époque de déclin? Soudainement tout a été tiré par le haut, prix de l’énergie, (vous en savez quelque chose en Europe), ce qui influence directement les prix des aliments, et le reste suit. Résultat, il y a des gens qui ne peuvent pas suivre.

Ce qui m’étonne et m’étonnera toujours, c’est cette folie qui s’empare des hommes face à la richesse. Facile de perdre le nord lorsque, l’argent facile devient une solution. Par contre il faut retenir ce facteur qui devrait nous servir de leçon dans notre frénésie de consommation. Cette pandémie nous a indiqué très clairement que nous n’avons pas besoin de tout ce qu’on nous annonce ou nous offre. Nous pourrions vivre beaucoup plus modestement et nous nous en porterions mieux. Mais cela on ne veut pas le voir et encore moins y réfléchir. Pour cette inconscience, il y a un prix à payer qui dépassera notre capacité de faire face à une réalité qui risque de nous échapper, et qui nous amènera là, où nous ne voulons pas aller. Ce qu’on oublie, c’est que les taux d’emprunts peuvent augmenter. Je pense ici à ceux qui ont acheté une habitation, disons à $500,000 dollars, et si les taux augmentent de 0% à 5%, nous risquons de revivre la crise de 1980, en pire. C’est l’une des raisons, pour laquelle, nous nous devions de sortir rapidement de la crise sanitaire. C’est le genre de discussions que j’ai eu avec plusieurs personnes au cours des derniers mois.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Autres constatations pertinentes, d’un côté on nous incite fortement à consommer, à dépenser : et les écologistes d’autre par nous demande de réduire notre consommation. Comment ne pas y voir un paradoxe? Vous n’être pas loin de donner raisons aux écologistes. Nous n’avons jamais autant parlé d’écologie au Canada que pendant cette crise sanitaire. Ce qui me rappelle les débats sur les inégalités que nous avons eu jadis sur les écrits de Thomas Piketty. Mon intention n’est pas de tourner le couteau dans la plaie, mais de souligner qu’en plus de parler d’écologie, nos sociétés, par leurs mesures sociales voulaient promouvoir une certaine égalité économique. Je pense ici à certains passages de Piketty sur les inégalités, surtout celle de l’Inde. Ça tombe bien Arundhati Roy est en train de confirmer le tout par son ouvrage : Mon coeur séditieux, publié chez Gallimard en mars 2020. Le cas de l’Inde est intéressant, c’est une puissance nucléaire, doté d’une classe très riche, d’une élite politique corrompu, qui traîne derrière elle 400 millions d’illettrés et 200 millions de personnes sans eau courante et qui possède le plus haut taux de suicides chez ses cultivateurs. Je me demande comment on peut faire mieux dans l’inégalité? Qui plus est, en juin dernier, on nous annonçait que la population totale de l’Inde dépasserait celle de la Chine dans un avenir rapproché. L’Inde est devenu un cas de géo-politique d’espèce. Comment va-t-elle s’en sortir? Que sera ses solutions? Ce qui nous amène à penser que nous devrons penser autrement. Pas seulement pour l’Inde, mais aussi dans nos pays respectifs. C’est juste un petit aparté comme cela en passant. Nous éprouvons des difficultés à contrôler nos virus, et nous sommes encore plus mauvais au niveau de l’économie. Je puis comprendre Carmilla que vous avez pris conscience de tout ce qui se déroule présentement au niveau économique, parce que vous êtes aux premières loges, autant comme actrice que comme consommatrice. En cela, les problèmes de l’Inde pourraient bien être dans un avenir rapproché nos problèmes. Il faudra plus que de l’argent pour résoudre nos crises. Vous l’avez bien dit, l’argent est un moyen, un outil, pas une fin. La richesse ne serait être une fin. Humainement, il est tout a fait acceptable de tendre vers la prospérité pour le plus grand nombre. Lorsque je pense qu’on créé des loteries pour inciter des gens à se faire vacciner je me dis que nous avons perdu un certain sens des valeurs. Le Québec n’est pas en reste. J’apprenais hier que le Gouvernement Québécois avait donné son aval pour la création d’une telle loterie pour inciter le plus de gens possible à se faire vacciner. Je fais remarquer que nous sommes à un taux de 71% pour la première dose. Mais où est donc notre conscience de citoyen responsable? Serions-nous égoïstes au point de ne pas se préoccuper de l’ensemble de ceux qui nous entourent? Nous avons pu le constater au cours de cette crise sanitaire, l’argent n’est pas la solution à tout. D’autre part, il ne faudrait pas oublier que le déficit budgétaire est aussi un outil, et que dans l’ensemble de la balance, 70% de notre économie, que se soit en Europe ou en Amérique, sont des dépenses courantes, en énergie, en nourriture, vêtement, soins de santé, logement, etc.

Tant qu’à parler d’économie, je m’en voudrais de passer sous silence cette petite phrases de Bruce Chatwin :
« Le crédit c’est comme le sexe. Certains en obtiennent. D’autres non. »
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Il appert, qu’au cours de cette pandémie, les gouvernements occidentaux n’ont pas compté à la dépense. On a arrosé tout le monde généreusement. Je croyais qu’on se garderait une petite gêne en sortie de crise ou du moins en vu d’une sortie. Ici, il faut voir Justin Trudeau, notre Premier Ministre en train d’arroser tout le monde et surtout les industries de pointes, en pré-campagne électorale. C’est comme si la crise sanitaire n’avait jamais existé et que nous étions en pleine prospérité économique. Pas plus que cela à l’air d’inquiété Macron avec les milliards d’Euros qu’il déverse sur La France. Comme l’écrivait Margaret Atwood : Qui est responsable? Celui qui prête, ou celui qui emprunte. Tant qu’à Biden, il suit le même chemin que Roosevelt dans les années 1930, avec des programmes de restaurations ou de constructions d’infrastructures. Certes, cela a aidé, mais ce qui a véritablement sorti les États-Unis d’Amérique de la crise, c’est la Deuxième Guerre mondiale. Étrange, on n’a pas lésiné sur la dépense. Si tu as du crédit pour faire la guerre, tu as du crédit pour faire tout ce que tu veux. Ce qui a fait dire à Arundhati, que l’Inde avait choisi la bombe atomique au lieu de alphabétisation. Laissant entendre par cette affirmation que ce n’était pas le choix le plus judicieux.

Sur fond de gros muscles, nous ne pouvons pas oublier nos amis Chinois. Le discours de Xi Jinping le 1er juillet dernier a été révélateur à ce chapitre. On s’en doutait. Le masque vient de tomber. Pendant 30 ans, ils ont fait profile bas. Ils ont attiré des centaines d’industries de par le monde à venir s’établir en Chine, ils n’ont pas regarder à la dépense eux-non plus. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le ton de ce discours était carrément belliqueux. En achetant Chinois on a financé La Chine. Là, ils se sentent assez puissant pour jouer des coudes. Ils sont uniques dans le monde, parce qu’ils sont les seuls à avoir une vision à long terme. Ils sont en train d’inféoder la Communauté Européenne qui se traînait les pieds pour régler la crise Grec, les Chinois n’ont pas hésité, ils ont acheté le port du Pirée. Voir aussi la politique extérieure de la Turquie et de la Hongrie complaisante envers la Chine. L’économie est moins innocente que nous pourrions l’imaginer.

Ce fut remarquable, partout dans les économies occidentales, le taux d’épargne viennent d’augmenter, le Canada n’est pas en reste. Comment dépenser lorsqu’on est confiné? Pratiquement tout le monde a vu son compte de banque augmenter. Nous avons économisé par la force des événements. Tant qu’a savoir ce que vaudra cette argent, nous le saurons dans un avenir rapproché. Si le taux d’intérêt augmentent, nos épargnes auront fait du surplace. Ce qui se traduira par des changements de chiffres. Allez tout le monde, on déplace la virgule à gauche de deux chiffres. Ici, on s’aperçoit que les gens hésitent à dépenser. Tout comme vous l’avez écrit somptueusement, on sent que quelque chose ne va pas. Peut-être que ceux qui ont achetés des propriétés, ou bien, des matériaux de constructions, commencent à se rendent compte, que ce n’étaient pas le moment pour une semblable décision.

D’autre part, vous avez vu juste. Comme d’habitude les nations pauvres attendront pour sortir de la crise sanitaire. Je déplore, moi aussi, le manque de solidarité internationale.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Je dirais que l’épargne, c’est la liberté.

Donc si j’ai bien compris, des pays comme L’Iran et la Russie, seraient dans une mentalité de pays sous-développés. Donc deux alliés de La Chine qui devraient être un poids pour cette dernière. Ce qui n’a pas l’air d’indisposer la Chine, qui ne l’oublions pas, elle aussi à des dettes au niveaux international. Elle emprunte sur les marchés internationaux. En regard des transactions internationales, elle se doit d’avoir certains outils pour déplacer des valeurs, de l’argent. Les matières premières cela se payent. Qui plus est, elle jongle avec certaines dettes. Ainsi, elle peut imposer ses vues diplomatiques et amener comme l’a fait la Grèce à s’opposer à une discussion au niveau du Parlement de la Communauté Européenne sur les droits de l’homme. Le renard est dans le poulailler. Malgré tous ces beaux discours, Les Chinois aussi ont soif de consommations. Xi Jinping ne s’est pas caché en ce premier juillet 2021, lors du centenaire du partie communiste chinois. La fortune pour tous. L’avenir c’est le communisme chinois. Ils sont bien partis, ils ont déjà une base militaire à Djibouti. Le monde désire consommer, même si cela les conduits au suicide. Ils pratiquent un néo-colonialisme en Afrique. Ils pratiquent le chantage envers certains pays qui sont sous leur domination. Il n’y a pas de droit de l’homme. Sans oublier ce qui se déroule présentement à Hong Kong. Et que dire des Ouïghours dans cette province du Xinjiang, musulmans sunnites. L’Iran semble les avoir renié. Alors surveillons nos dettes, on peut toujours s’en servir contre nous!

Je ne suis pas surpris que dans vos grandes écoles ont ne fait pas lire les grands économistes. On demeure dans la sélection des grands soumis, après on se plaint que les économistes ainsi formés manquent d’imagination. Des fois, je doute des études supérieures en France, de même qu’en Amérique. Je ne manquerai pas de lire David Ricardo. Mes questions demeurent : Qu’est-ce qu’on enseigne? Et comment on l’enseigne? Pendant le printemps dernier j’ai relu certains ouvrages d’Albert Jacquard et d’Hubert Reeves, qui dans l’ensemble formulaient les mêmes critiques que vous en ce qui concerne l’enseignement en France. Pourquoi avons-nous tant de mal à faire des réformes?

J’ai lu votre texte à plusieurs reprises, et je ne me suis pas ennuyé une seconde. Je sens que ça bouillonne chez vous, c’est bon signe. Certes, j’ai débordé comme d’habitude, je suis allé dans toutes les directions, difficile de d’apprivoiser un volcan comme moi. Les cultivateurs des Indes se suicident parce qu’ils sont incapables de payer leurs dettes. C’est triste de se suicider parce qu’on doit de l’argent.

Bonne fin de nuit pour ce qui en reste.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Effectivement, à la sortie, en France, d'une grande école en économie, finances, commerce, les étudiants n'ont généralement pas lu un seul grand économiste. Au mieux un abrégé, un "digest", de Marx et de Keynes. La formation est pratico-pratique avec des manuels explicatifs et des exercices pratiques. Même la finance pure, c'est plutôt délaissé : on préfère le contrôle de gestion, le marketing, le management participatif, la qualité..., des disciplines qui me barbent un peu.

La théorie économique, elle est vaguement diffusée par les "profs" qui, en bons profs qui n'ont jamais mis les pieds dans une entreprise, sont d'obédience néo-marxiste. Ça produit plein de sous-Piketty plus ou moins farfelus et tolérants. On a ainsi, en France, le "Cercle des économistes atterrés" et Eric Lordon. Leur audience est certaine mais j'estime que, dans le domaine du prétentieux et du comique,il est difficile de faire mieux. Le problème, c'est que, dans les librairies, on ne trouve pratiquement que leur indigeste production faite de slogans et préjugés.

Je crois pourtant qu'il est vraiment indispensable de lire les "grands textes" et d'étudier "l'histoire économique".

Je crois en effet qu'on vit, aujourd'hui, dans des sociétés dominées par la passion du court terme et de la consommation. A ce sujet, je peux me référer à ma connaissance de la Russie ou même de l'Ukraine. Là-bas, dans les grandes villes, vous pouvez trouver tous les colifichets de la société de consommation et le parc automobile est impressionnant. Quant aux cafés et boîtes de nuit, il n'y a pas mieux. Mais par ailleurs, les infrastructures demeurent dans un état lamentable : eau, électricité, routes, logement, hôpitaux. Surtout, en Russie notamment, en dépit d'une richesse considérable en matières premières, aucune entreprise de dimension internationale n'est parvenue à émerger depuis trente ans.

Je pense, en effet, qu'il faut aujourd'hui privilégier le long terme (c'est en effet l'un de mes rares points d'accord avec les écolos). Contrairement à ce que l'on pense, le capitalisme ne privilégie d'ailleurs pas le court terme. La preuve : dans une ville comme Paris, la majorité des grandes infrastructures (bâtiments, eau, transport) sont issues du 19 ème siècle.

Pour cela, il faut privilégier l'investissement, l'épargne et la formation de capital. C'est cela que l'on a détruit avec notre politique forcenée de déficit et d'emprunts. C'est pourtant cela qui fait la vraie richesse d'un pays.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.

Vos propos me sidèrent. Ces économistes sortent des grandes écoles sans avoir lu un livre d’un grand économiste! Excusez-moi, mais je me sens dépassé. Les grandes écoles, surtout dans les dernières années, cela devrait être l’apothéose, le sommet, un étudiant devrait avoir parcouru des dizaines d’ouvrages économiques, avoir reçu une solide formation en histoire de l’économie, et une formation solide en géographie, enfin une culture générale très large qui ne se termine qu’avec la mort. Au lieu de cela, on leur donne des livre de recettes. Des manuels explicatifs et des exercices pratiques, c’est bon pour des techniciens. Nous ne sommes plus à l’école primaire. C’est vrai que je n’ai pas fait d’études supérieures, mais j’imaginais, sans doute mal, que rendu à ce point d’étude, on débouche sur le débat, l’écriture de thèses qu’il faut défendre, avec tout ce savoir, ses longues années d’études, pour faire preuve d’imagination. Là on ne forme pas des économistes, on forme des techniciens. Et, un technicien, ce n’est pas très éloigné d’un comptable. Je peux comprendre que ça vous barbaient. Je dois vous avouer que tout cela est désolant Carmilla!

Combien de couleuvres un étudiants se doit d’avaler avant de décrocher un emploi?

Je me demande si dans nos sociétés, nous faisons les choses à rabais? Pas seulement en éducation, mais dans bien des domaines, et si tout cela n’est pas simplement un rideau qui masque une réalité donc on ne pourrait soutenir la vérité. Cette réalité est toujours impitoyable, et elle finit toujours par te rejoindre. Qui plus est avec des professeurs qui n’ont jamais été en entreprise...

Nous sommes dans le court terme, je dirais que nous glissons dans l’instantané. Cette mondialisation dont on nous rabat des oreilles depuis une trentaine d’années, c’est et cela demeure à mes yeux , du temps court. Pour faire de l’économie, on dope les performances, on produit des biens dans un esprit d’obsolescence, afin de présenter des bons rapports et surtout des profits afin de poursuivre cette course, qui me semble insensée. Trente années de martelages sur l’ouverture des frontières, et quelques mois pour se faire étendre au plancher par un virus. Et, il semblerait qu’on n’a rien compris.

Pendant que les Allemands peinent à se sortir de leur inondations, à ramasser leurs morts; de l’autre côté du « channel » les Britanniques voient leurs nombres d’infections augmenter. Leur Premier Ministre a été isolé. Alors, personne n’a été prévenu? Peut-être que certains affirmeront qu’il n’y avait pas d’économiste disponible, et personne n’a pensé à consulter une cartomancienne...


Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Mais non Richard,

Il s'agit d'études très techniques. On ne forme guère à la théorie, au débat d'idées.

Cela dit la technique, c'est également nécessaire. Je connais par exemple très bien la comptabilité et l'analyse financière (cette dernière discipline étant ma spécialité).

Je n'ose jamais dire que je suis une très bonne comptable parce que ça donne tout de suite l'image de quelqu'un de sinistre et étroit d'esprit. C'est pourtant extrêmement complexe et arriver à en maîtriser tous les aspects réclame plusieurs années d'étude et de pratique. Surtout, c'est essentiel si vous voulez comprendre comment fonctionne une entreprise et une économie.

J'observe souvent, à cet égard, que nombre de "théoriciens" se prétendant économistes ne connaissent rien, en fait, à la comptabilité et à l'analyse financière. La plupart des "économistes" proclamés ne savent ainsi souvent pas lire les comptes et le bilan d'une entreprise (Piketty, je n'en suis, par exemple, pas sûre). Ca explique d'ailleurs qu'ils soient profs et détestent ceux qui travaillent dans le privé.

Le problème, c'est qu'en économie, personne ne doute de ses compétences. Et tout le monde est sûr de la justesse de son point de vue. Ca rend les dialogues impossibles. Il y a d'ailleurs longtemps que j'ai renoncé à échanger sur ces sujets. Ca devient tout de suite très violent. Si j'ose dire que je ne suis pas d'accord, on me traite tout de suite, en effet, d'infâme abrutie.

Dernier point : je déplore, certes, la passion du court terme dans nos sociétés mais je suis très favorable à la mondialisation. Elle peut aller jusqu'à une liberté totale de circulation et d'installation des populations. Il faut savoir, par exemple, que le passeport est un document d'apparition récente (le début du 20 ème siècle). Des études récentes tendent à démontrer que la simple instauration de ce document a eu des effets économiques très négatifs (avec une forte minoration du niveau de vie mondial). Rien n'est simple, tout est compliqué. Ce qu'on appelle en français le "y'a qu'à, faut qu'on", est généralement contre-productif.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Certes, nous les profanes nous avons une image péjorative des comptables et à quelques autres qui évoluent dans l’univers de l’argent. Personnellement, je me suis toujours intéressé à ce domaine, pour la simple raison que j’ai eu une entreprise agricole. J’ai toujours tenu à faire mes deux rapports d’impôts annuels. Ne pas oublier que nous vivons dans une société distincte, au sein d’une confédération, donc il faut faire deux rapports d’impôts, l’un au fédéral et l’autre au provincial. Qui plus est, rapport sur les taxes à valeur ajouté, ce qui nous obligeait à tenir une comptabilité afin de pouvoir remplir ces rapports. J’avais choisi de le faire mensuellement, ce qui m’assurait d’un meilleur suivi, tout en évitant d’immobiliser certaines sommes, parce qu’il y avait une remise de cette taxe sur les intrants que l’on achetaient, qui étaient retenus par les marchants lors de la vente, et réclamé par l’acheteur au gouvernement, mais pour ce faire, il fallait remplir des rapports. Pour certains de mes voisins ce fut la catastrophe. Certains sont venus me voir en panique pour que je les aide. Ils n’avaient jamais tenu un grand livre. Ne comprenaient rien aux calculs des pourcentages. La comptabilité de petite caisse et la comptabilité d’exercice, c’était du chinois. Ils se limitaient à accumuler les factures, et lorsque venait le temps de faire les rapports d’impôts, ils se rendaient chez leur comptable et lançaient la fameuse boîte sur le bureau, le fouillis total. J’ai suivi ces quelques producteurs pendant une année, où je me suis transformé en professeur, je les ai accompagné. Ils ont fini, comme on dit, par piger le truc.
Nous ne pouvons pas dissocier la politique de l’économie, ni l’économie dans la politique. J’ai toujours aimé savoir. Faire mes propres rapports d’impôts, mes propres rapports de taxes à valeur ajouté, sans oublier les taxes foncières et autres dossiers économiques a toujours eu une importance capitale pour moi. Vers la fin d’avril, à chaque année, je prenais une semaine, où mon temps était occupé entre l’étable et mon bureau. Je détestais cette semaine d’une part, parce que j’ai toujours eu de la misère à m’asseoir derrière un bureau; d’autre part, cet exercice était une source de connaissances. Ça me procurait une vue d’ensemble de mon entreprise, me permettait de comprendre l’instauration de certaines politiques agricoles instaurées par les gouvernements, fédéral ou provincial, jouer dans les détails comme les amortissements sur la machinerie et les bâtiments, les montages de dossiers pour les subventions. Je vous épargne le reste, parce que ça devient interminable, sans oublier les bilans annuelles.
Je n’ai pas votre formation, mais j’ai une certaine expérience de terrain. Il appert, que j’ai eu des accrochages avec certains comptables et économistes, dans mon cas, c’était inévitable. Par contre j’ai beaucoup appris. Ce fut une expérience très enrichissante. Suivre les dossiers agricoles a toujours eu beaucoup d’importance. Je m’intéresse à la désolation des producteurs agricole en France, à leur détresse psychologique, ce qui n’est pas très différent des producteurs canadiens depuis que les entreprises agricoles sont devenus des entreprises beaucoup plus grosses. Sans oublier les producteurs américains qui vivent dans un autre monde, dans un marché sans frontière. C’est aussi la raison pour laquelle, je suis en train de lire : Mon Coeur Séditieux par Arundhati Roy, qui s’intéressent aux producteurs de l’Inde.
Une dernière question, juste par curiosité Carmilla : Est-ce que vous tenez une comptabilité de vos dépenses personnelles?

Bonne nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je précise toutefois que je ne suis ni comptable ni experte-comptable. Ma connaissance de la comptabilité, elle me permet de lire rapidement ce qui va ou ne va pas dans une entreprise, ses forces et ses faiblesses et, surtout, de proposer des mesures correctrices et de redressement avec des plans de financement. Mon travail, c'est d'évaluer notamment la valeur et le potentiel d'une entreprise, accompagner sa croissance et gérer ses difficultés. .

Je sais bien à quel point il est difficile de gérer une entreprise même de petite taille. cela suppose de multiples compétences rarement reconnues. Je m'étonne ainsi de la fracture que l'on constate dans les sociétés occidentales : une large partie de la population, généralement employée par l'Etat, vit confortablement sans avoir trop d'efforts à fournir. A côté, une multitude de gens modestes travaillent durement et dans l'incertitude de l'avenir. Mais c'est la première catégorie qui se plaint. On dit ainsi qu'en France, il y a ceux qui rament (aux quels on prête peu d'attention) et ceux qui brament.

Il est vrai qu'en France, le revenu de nombreux agriculteurs est devenu très bas. On le comprend tout de suite quand on consulte les prix aux quels sont aujourd'hui vendus les produits agricoles, la viande et le lait. Pour arriver à vivre, il faut posséder impérativement une grosse exploitation. C'est évidemment injuste parce qu'être paysan, c'est un travail considérable qui réclame aujourd'hui des connaissances approfondies.

Dernier point. Pour ce qui me concerne, je ne tiens absolument aucune comptabilité de mes dépenses. Le budget domestique, les petits cahiers, je déteste ça à vrai dire. J'ai mes méthodes propres sans doute déconcertantes. D'une manière générale, j'ai tout dans la tête et je n'aime pas m'encombrer de paperasses (je n'ai même pas d'agenda). Ca fait partie de mes côtés bizarres.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Vous n’êtes peut-être pas comptable, mais il ne fait aucun doute que vous pourriez occuper ce poste, je ne crois pas que vous seriez perdu. D’autre part, vous avez un poste décisionnel, un droit de vie ou de mort sur une entreprise. Cela peut-être oui ou non, vous permettez à l’entreprise de survivre, ou bien vous recommandez qu’on la laisse couler. Du moins c’est ce que je comprends d’après vos propos. Pendant quelques instants vous avez le sort de beaucoup de gens entre vos mains. Ce qui implique que ce n’est pas seulement économique, mais sociologique, de toute façon après avoir analysé l’état de la dite entreprise, même si c’est une recommandation, elle doit peser dans la balance. Je puis comprendre qu’un jour vous avez écrit sur ce blog que ça prend des nerfs d’acier.

Vous comprenez comment ce monde fonctionne et je me souviens que vous avez déjà parlé des petits métiers, des gens qui gagnent leur vie chichement, qui ne comptent pas leurs heures, qui se défoncent au travail, souvent dans l’incertitude de l’avenir. Nous l’oublions trop souvent lorsque nous payons la note au restaurant, de toutes ces personnes qui travaillent dans ce domaine et qui reste là alors qu’on se lève pour aller vers d’autres horizons. Ce n’est pas tout le monde qui est diplômé, mais tout ce monde se doit de gagner sa vie. Nous leur devons le respect. C’est une partie de la dimension économique que nous oublions trop facilement. Manger au restaurant demeure pour moi une réflexion. Lorsque je lis vos textes, je constate que cela transpire dans vos réflexions, l’esprit des petits métiers.

Effectivement les revenus des agriculteurs, et pas seulement en France, ne suivent pas les coûts de production. Le voilà le problème. On comprend assez rapidement, que si vous augmentez les prix des denrées agricoles cela va se refléter sur les prix à la consommation. Lorsqu’un gouvernement, et il faut bien le comprendre, subventionne les producteurs agricoles, c’est une subvention au consommateur. D’une certaine manière cela empêche l’augmentation des prix. Ce qui force les producteurs agricoles a augmenter leur production et pour se faire de s’endetter. Grossir une entreprise, ce n’est pas toujours la meilleure solution. C’est la tendance que prend l’Inde présentement, faire disparaître les petits producteurs afin de créer de grosses entreprises. Ce qui cause des frictions à l’intérieur de ce pays. On va favoriser les gros, et envoyer ceux qui ont perdu leur entreprise dans les bidonvilles? Je me pose souvent la question. Est-ce qu’il y a trop d’humains sur terre? Et ça ne risque pas de diminuer dans un avenir rapproché. Nous voguons vers les dix milliards. Une seule question : Est-ce qu’on est capable de les nourrir? Cela va prendre beaucoup plus que seulement la science ou l’argent magique comme vous l’écrivez. Ce n’est pas une critique que je vous adresse, mais seulement un état de fait. La réalité n’est jamais complaisante, c’est la raison pour laquelle nous ne devons pas fermer les yeux.

Dernier point, je fais exactement comme vous. Je ne tiens pas de comptabilité domestique.

Bonne fin de nuit pour ce qui en reste.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne m'intéresse pas à la comptabilité en tant que telle mais à la gestion. Mais pour gérer et avoir un avis un économie, il faut d'abord bien connaître la comptabilité. Mais je n'aimerais pas du tout avoir à certifier des comptes.

J'ai effectivement fait des études supérieures mais il faut être modeste. Au sortir de mes études, j'étais totalement incapable d'être opérationnelle. Heureusement qu'on ne m'a pas confié d'emblée des responsabilités importantes, ça aurait été, tout de suite, une catastrophe. En fait, presque tout ce que j'ai appris, c'est sur le terrain, par la pratique. Et j'ajouterai qu'il m'a fallu plusieurs années d'apprentissage avant d'avoir le sentiment que je commençais à maîtriser les choses et que je n'allais pas conduire au dépôt de bilan une entreprise. En fait, au sortir d'une grande école, on a un "vernis" et quelques méthodes, mais c'est tout.

En général, en effet, les financiers ont très mauvaise presse. Notre préoccupation première, ce serait de maximiser les revenus des actionnaires et, à cette fin, de comprimer, le plus possible, les personnels. Je trouve ça stupide et je pense, au contraire, qu'on joue un rôle essentiel dans le développement et le maintien de l'emploi. Quant on arrive à monter un grand projet financier et que ça marche, c'est même très satisfaisant.

Je ne sais pas si je suis attentive aux gens modestes mais je discute régulièrement avec mes "commerçants" : fruits et légumes, poissons, fleuriste, journaux etc...J'essaie de savoir comment se présente, pour eux, une semaine de travail. Ce sont, en fait, des journées infinies et il faut se lever tôt et se coucher tard, presque 7 jours sur 7. C'est pareil dans les cafés et les restaurants. Leur travail est épuisant pour un revenu médiocre. Mais on leur prête très peu d'attention parce qu'on les considère comme de petits patrons.

S'agissant de la croissance démographique, je me permets de renvoyer à l'essai très éclairant, paru en 2020, de deux de vos compatriotes: Darrel Bricker et John Ibbitson : "Planète vide - Le choc de la décroissance démographique mondiale". Ils démontrent, à rebours de toutes les idées reçues, que la tendance démographique est au déclin et non à la surpopulation. C'est déjà largement amorcé en Europe et en Asie. Leurs arguments, bien étayés, m'ont convaincue.

Sur la diminution du nombre d'exploitations agricoles, avec une concentration accrue, la tendance est déplorable. Mais j'avoue ne pas avoir suffisamment étudié le dossier pour oser émettre un avis. Il faut que je réfléchisse et me documente un peu.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Il n’y a rien de tel que l’expérience, dans la vie privée comme dans la la vie professionnelle. J’ai eu un bel exemple en juin dernier alors que j’ai lu : Arbre de l’oublie de Nancy Huston. Dès les premières pages, j’ai senti l’auteur d’expérience, une belle maturité, et pour arrivé là, il lui aura fallu beaucoup de travail. L’idée géniale de mêler une descendance afro-américaine avec des rescapés juifs sortis des camps de concentration, et de mélanger le tout sur le sol américain, m’a agréablement surpris. Nous sentons dès les premières pages qu’elle a du vécu, quelque a habité aux USA, mais j’ignorais qu’elle s’était intéressé à l’Afrique. J’ai lu ce livre juste avant que je me lance dans Chatwin. Et lorsque que j’ai lu : Le vice-roi de Ouidah, j’ai senti une parenté dans l’inspiration entre Huston et Chatwin, de la manière de percevoir des destins, les métissages, comment nous pouvons être mélangé, ballotter, transformer par des destins pour aboutir dans un univers que l’on n’aurait jamais cru possible. J’espère que madame Huston vivra encore longtemps. Elle a encore de quoi nous étonner.

Être opérationnelle, voilà l’expression est lancée. Nous les jeunes pilotes sortis tout frais de l’école de pilotage, lorsqu’on étaient embauchés par une compagnie dans le nord, nous étions, comme vous le dites, loin d’être opérationnels. Débuter sa carrière sur des Cessna 180, sur flotteurs ou sur skis, ce n’était pas évident. De jeunes pilotes ont payé de leur vie leur manque d’expérience. J’ai été chanceux, je m’en suis sorti. Tout dépend de la compagnie et surtout de l’environnement humain, si le climat de travail est malsain cela ne facile pas l’apprentissage du jeune nouveau.

Vous êtes très attentive à ce qui se passe dans votre entourage, juste le fait de parler avec ces gens, de s’informer de l’état de leur commerce, du travail à venir, cette attention, c’est une forme d’encouragement. Cela est très humain et ça dépasse la simple transaction commerciale. C’est le genre de contact qu’il est impossible d’établir dans les grandes surfaces. Carmilla, vous sentez ces choses et ce n’est pas rien, comme par exemple votre poissonnier.

Je ne manquerai pas de lire (Planète vide). Même s’ils sont canadiens je ne les connais pas et jamais entendu parlé. Cela me donnera une autre vision du sujet, qui reste, somme toute, incontournable. Comment nous allons gérer toutes ces populations? Les taux de fécondités ce n’est pas juste d’arrêter ou de continuer de faire des enfants. Ça rentre dans le long terme, dans trente ans, qui va travailler, et qui sera à la retraite? Lorsqu’on regarde une pyramides des âges dans un ouvrage, c’est le résultat de plusieurs opérations mathématiques. Un véritable travail pour vous Carmilla, vous qui vous plaisez dans les chiffres.

Tant qu’au monde agricole, je vous l’accorde c’est un sujet très complexe, il faut être né dedans pour le comprendre. Il faut voir les négociations internationales, par exemple le conflit du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis et les exemples ne manquent par dans l’Union Européenne, où il faut négocier à 27.
Malgré tout, peu importe les problèmes, les victoires ou les défaites, les réussites ou les échecs, la vie est passionnante.

Bonne fin de nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ne manquez pas non plus de lire le petit essai de Nancy Huston : "Je suis parce que nous sommes". L'édition en est canadienne.

Mon poissonnier est féru de littérature (et, évidemment, aussi de poissons), ce à quoi on ne s'attend pas forcément. Ça prouve bien qu'il faut éviter de cataloguer les gens. J'espère aussi qu'on ne me considère pas comme une comptable pure et dure.

J'ai quand même commencé ma carrière dans un Ministère où on m'avait confié la gestion de prêts et emprunts à des entreprises et institutions. Dans mon ignorance, je me suis conformée à la doctrine existante. Aujourd'hui, avec le recul et l'expérience, j'ai un peu honte : c'étaient des âneries, il fallait faire exactement le contraire, on refusait des prêts à des entreprises qui en avaient vraiment besoin et on en attribuait à d'autres qui pouvaient s'en passer. Mais personne ne m'a jamais rien reproché.

Bien à vous,

Carmilla