samedi 10 juillet 2021

Mon genre, c'est mon choix ?

 

En Espagne, un tout récent projet de Loi du Gouvernement vise à permettre à chaque citoyen de plus de 16 ans de déterminer lui-même son genre à l'état-civil, sans avoir à fournir de certificats médicaux ni même bénéficier de l'aval d'un psychologue. C'est le droit à l'auto-détermination du genre sur simple déclaration, sans recours nécessaire à des procédures hormonales et chirurgicales.

 C'est évidemment une disposition révolutionnaire (déjà effective en Argentine et au Danemark) qui en dit long sur la vitesse d'évolution des mentalités dans nos sociétés car totalement inconcevable il y a seulement une dizaine d'années. Nul doute qu'elle sera bientôt appliquée dans toute l'Europe et en Amérique du Nord. On pourra choisir son genre à l'occasion d'un simple rendez-vous à l'état-civil et quelles soient ses caractéristiques physiques et biologiques. Mais personne ne semble aujourd'hui s'interroger sur le bouleversement de nos conceptions du désir, de l'amour, du rapport à l'autre que cela implique. S'agit-il d'ailleurs d'une Révolution ? Ca colle bien au climat en vogue mais est-ce que ce n'est pas, plutôt, une formidable régression ? Un nouveau monde qui consacre le  triomphe du narcissisme, celui d'identités fluctuantes vidées de tout désir de l'autre  ?

Comment ne pas se réjouir, pourtant, de cette proposition espagnole qui vise à une meilleure acceptation des transgenres dans nos sociétés grâce à une dépathologisation complète de leur affection ?


 J'applaudirais moi-même si cette Révolution ne suscitait un malaise face à l'intransigeance et au dogmatisme de ses militants. Je ne parle même pas du charabias pseudo-scientifique utilisé (transgenre, cisgenre, non-binaire) et de la bouillie conceptuelle développée par ses "théoriciens" (Judith Butler, Paul B. Preciado). Il y a même aujourd'hui des études universitaires sur le genre dont le diplôme (jusqu'au Master tout de même) ouvre, sans doute, de nombreux débouchés.

Tout ça pour énoncer une réalité assez simple : on se sent plus ou moins en concordance avec son sexe déclaré à l'état-civil. personne n'est complétement cisgenre (hétéro-normé). On entretient tous une certaine inadéquation, une dysphorie, par rapport aux normes du masculin et du féminin. Cela va de la simple fluidité par rapport à ces normes (gender fluid, a-binaire) à la conviction d'appartenir au sexe opposé.

Mais ces parts du masculin et du féminin en chacun de nous, ça n'est pas autre chose que l'idée freudienne d'une bisexualité fondamentale, essentielle dans la genèse de la sexualité humaine.


 Mais les militants "queer" vont beaucoup plus loin en récusant toute détermination biologique dans la construction de notre identité. On ne naît pas femme (ou homme), on le devient, nous serine-t-on. Employer aujourd'hui le terme de transsexuel, c'est être ultra-réactionnaire. On ne se distinguerait pas par l'anatomie,  réalité objective, mais par le genre, réalité psychologique. 


 Exit donc, la biologie et même... la sexualité.  C'est le genre sans le sexe. Tout se jouerait sous le registre du ressenti, du vécu émotionnel, du sentiment et on ne serait pas autorisé à émettre des réserves à ce sujet parce qu'évidemment, on serait transphobes.

 

Tout serait finalement un problème de bonne  adéquation, de juste identité. Être bien dans sa tête comme on dit. Ce n'est pas grave si on estime ne pas être né dans le bon corps, on peut en changer. On n'envisage pas un instant que le nouveau corps puisse être pareillement décevant. Contre toute évidence, on se convaincra qu'on a un bon "passing". 

C'est l'esprit contre le corps. A cet égard, l'idéologie transgenre affiche même un certain puritanisme. Elle s'interdit en particulier d'évoquer l'excitation érotique liée au fait de s'imaginer dans un corps métamorphosé. C'est ce que l'on appelle l'autogynéphilie, détermination généralement vouée aux gémonies par la communauté queer. 


 Cette appellation recadre pourtant bien les choses : est-ce qu'être transgenre, c'est exclusivement un problème d'identité, de subjectivité ? Est-ce que ça n'est pas aussi une question de choix d'objet, d'objet sexuel ? Simplement, ce n'est plus le corps de l'autre, d'un autre, qui se trouve investi, mais c'est son corps propre qui devient objet de désir, rêvé, fantasmé. C'est alors un "fantasme en acte" (Robert Stoller), puissamment auto-érotique et narcissique.


 Évidemment, avouer un fantasme sexuel, ça apparaît toujours un peu honteux et c'est moins glorieux que se déclarer victime d'un trouble identitaire.  Subir une fatalité, être porteur d'une malédiction, c'est, en fait, beaucoup plus valorisant et ça ouvre des droits.

A cet égard, la revendication première des transgenres est d'être pleinement considérés par la société comme des femmes (pour les MTF) ou comme des hommes (pour les FTM), ce qui montre d'ailleurs qu'ils croient davantage à la différence des sexes qu'ils ne l'affirment. Et cette demande est accueillie avec une complaisance accrue dans nos sociétés. On semble même pressés de bazarder ces vieilleries : le corps et le sexe.

Seules les femmes, et singulièrement les féministes, ne semblent pas témoigner d'un enthousiasme délirant à l'idée de reconnaître comme sœurs, voir intégrer dans leurs luttes, ces nouvelles femmes. Il s'agit, en l'occurrence des hommes devenus femmes (les MTF ou trans femmes) qui constituent la majorité des transgenres.  Peut-on sérieusement affirmer que ces trans femmes sont des femmes ? C'est évidemment absurde, c'est vouloir vivre dans l'imaginaire car on sait bien qu'un trans femme, aussi "crédible" soit-il, ne pourra jamais enfanter et souffrira même éventuellement d'un cancer de la prostate. Le réel, on a vite fait de s'y cogner.

 On a bien tous un sexe biologique, masculin ou féminin, c'est le dimorphisme de l'espèce humaine. Et c'est vrai que s'agissant du genre, on est tous un mix des deux, plus ou moins viril, plus ou moins féminin. Mais personne, absolument personne, n'est a-binaire, la biologie le rappelle sans cesse.  

Je ne vois donc pas en quoi il serait réactionnaire et discriminant de maintenir dans le registres d'état-civil la mention du sexe biologique. Pour un transgenre femme, il serait ainsi mentionné : genre féminin, sexe masculin.

Cela permettrait, en outre, de ne pas entamer les droits des "vraies femmes". Car c'est bien là le problème : si un homme peut se décréter femme sur sa seule initiative, les droits des femmes perdent tout leur sens. Toutes les mesures de parité, notamment, se trouvent entamées.

Si l'on ouvre ainsi aux trans les listes de candidatures féminines (au sein des partis politiques et dans les entreprises), les hommes peuvent, par ce biais, reconquérir une partie du pouvoir qu'ils avaient perdu.


  Plus simplement, les compétitions féminines sportives risquent d'être monopolisées par les trans.

Ou bien s'agissant des droits à la retraite, les femmes bénéficient dans de nombreux pays (notamment les anciens pays communistes) d'un départ anticipé (jusqu'à 5 ans). Cette disposition est susceptible de générer beaucoup de changements d'état-civil.

 Ira-t-on même, dans le cadre de ce moderne état-civil, jusqu'à tancer les parents réactionnaires qui viennent d'annoncer à leur entourage la naissance d'une petite fille ou d'un petit garçon ? On se dépêchera alors de leur faire remarquer qu'il est né, pour le moment, un "enfant" qui se prononcera, librement, sur son genre quand il aura atteint ses seize ans.

Nul doute que mes propos vont déclencher la fureur de certains. Mais je refuse ce nouveau puritanisme qui ne parle plus que de genre et refuse la sexualité, le corps, la biologie sous prétexte que ces mots renverraient à une scandaleuse biologie de la domination. Je refuse aussi les illusions d'une époque, son caractère démiurgique qui voudrait abolir toutes limites, celles des sexes et, implicitement, celles de la mort.


 Freud a, à la fois, reconnu la bisexualité fondamentale de l'être humain (personne n'est assigné à une identité fixe d'homme ou de femme) et affirmé, dans le même temps que l'anatomie, c'était le destin. L'anatomie, le corps, le réel, c'est, qu'on le veille ou non, l'horizon de la destinée humaine. 

Mais s'agit-il d'un horizon borné, indépassable ? Pas forcément. Plutôt que d'affirmer bêtement "c'est mon choix", Freud préfère que l'on sache reconnaître l'existence d'un destin pour pouvoir mieux s'en émanciper.


 Photos de Camille Brasselet qui expose aujourd'hui à Arles. Aucun rapport avec les transgenres, bien sûr, mais les images sophistiquées de Camille Brasselet exposent justement ce que le transgenre occulte : le désir, le regard sur l'autre. L'échappée vers l'autre, au-delà même de son apparence. Sous une apparente simplicité, je trouve ça très fort et, même, profondément érotique.

Le plus beau livre "transgenre" (?) est, à mes yeux "Orlando" de Virginia WOOLF.

Il faut aussi noter le livre contemporain d'Emmanuelle Bayamack-Tam : "Arcadie". Brillant mais j'ai eu du mal à adhérer.

Mes autres références ne sont par ailleurs pas, on l'aura compris, Judith Butler et Paul P. Preciado, mais simplement Sigmund Freud. J'ajoute Robert STOLLER (1924-1991) auteur de trois grands livres : "La perversion, forme érotique de la haine", "L'excitation sexuelle", "Recherches sur l'identité sexuelle à partir du transsexualisme". A lire absolument.

Je juge également très pertinentes les analyses de la trans femme Debbie Hayton, membre du Parti Travailliste britannique.

J'ai enfin aimé et trouvé très beau le film : "Les garçons sauvages" de Bertrand Mandico (2017)

14 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla.

"L'homme aime à ressasser ses malheurs, et pour ses bonheurs, il les oublie."
Fiodor Dostoïevski ; Les carnets du sous-sol (1864)

Le bonheur, c'est de vivre, comme chacun l'entend, car l'on constate comme vous le dites si bien :

- ce n'est qu'une "question d'ego" que de vouloir affirmer ses préférences sexuelles et de façon de plus en plus appuyée et peu flatteuse, en ce début de siècle.

Toutes ces transformations chirurgicales ne sont pas l'apanage de la perfection dans ce domaine, sans oublier le catalogue des lois.

Pourquoi ne pas accepter en l'état, et tout naturellement, ce que nous ont transmis nos parents, notre côté féminin et masculin, à chacun de choisir.

L'être humain est un éternel insatisfait.

IL ne peut pas s'empêcher de laisser transparaître ses frustrations dans son agressivité egocentrique.

Bien à vous.
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Entendons-nous bien. Je n'ai évidemment aucune prévention à l'encontre des transgenres. J'éprouve même une réelle sympathie à leur égard. J'estime simplement qu'il existe une frontière irréductible entre les sexes. La séparation du masculin et du féminin n'est pas seulement biologique, je l'admets entièrement, mais essentiellement symbolique et elle structure profondément la psyché humaine.

Prétendre que l'on peut passer d'un sexe à l'autre m'apparaît une illusion mortifère. C'est adopter une attitude démiurgique (égocentrique, dites-vous justement)et vivre dans le déni, celui de la détresse essentielle de la condition humaine qui, jamais, ne peut atteindre la plénitude et est marquée par le manque, la mort.

Cela dit, je ne vois, bien entendu, aucun inconvénient à ce que chacun choisisse son genre comme il l'entend. Mais doit-on aller jusqu'à oublier que l'on a un destin ? Jusqu'à nier notre corps propre ? Abandonner la référence au sexe dans l'état-civil m'apparaît, en ce sens, problématique. Je ne suis pas sûre qu'il serait discriminant de mentionner et le sexe et le genre.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Raconter des histoires est la seule explication concevable pour un être aussi aussi inutile que moi. »
Bruce Chatwin

Toujours en transhumance, vers d’autres destinations, dans d’autres dimensions, qu’il m’arrive de m’isoler, pour me retrouver sur une colline pour observer le monde de loin afin de mettre un peu d’ordre dans mes réflexions. Chez moi, c’est un besoin viscérale, une manière de me refaire, provoqués par divers facteurs comme des nouvelles ouvertures. Alors, je prends mon sac et je pars.

Cette fois-ci, le déclenchement aura été un printemps chaud et sec, des potagers difficiles à travailler puisque la terre était dure et surtout une lecture que j’attendais depuis longtemps. J’avais commandé à ma bibliothécaire un livre de Chatwin : Qu’est-ce que je fais là. Au lieu de trouver simplement ce que j’avais demandé, elle m’a présenté un pavé de 1,528 pages. Bruce Chatwin, Œuvres complètes , Bibliothèque Grasset, publié en avril 2005, dans lequel il y avait huit titres. J’ai regardé le livre sur le comptoir pendant que les proposés de la bibliothèque me regardaient comme si j’étais en provenance d’une autre planète. Nous étions tous sur le bord du fou rire. Pour pouvoir lire : Qu’est-ce que je fais là, il avait déniché l’œuvre au complet. On y retrouve les titre suivant : En Patagonie, Les vice-roi de Ouidah, Les jumeaux de Black Hill, Le chant des pistes, UTZ, Qu’est-ce que je fais là, et Anatomie de l’errance. J’ai senti comme une tentation, pourquoi pas me farcir toute l’œuvre de Chatwin. Belle occasion de faire connaissance. Dès les première phrases du premier récit : En Patagonie, je savais à qui j’avais affaire et probablement que Chatwin s’était assis tout comme moi sur plusieurs collines. Qui était Chatwin? C’était beaucoup plus qu’un voyageur, je dirais que c’était un bourlingueur, un errant, un nomade, et surtout un esprit vif, curieux de tout, enfin un autodidacte comme on n’en rencontre peu. Un type avec lequel vous pouvez partager votre dernière pincé de tabac ou vos dernières gouttes de thé, avant de reprendre votre marche, ou bien, une longue discussion. Encore une fois dans ma vie, le hasard avait provoqué la découverte. J’étais en direction de toutes les destinations possibles, dans des dimensions étranges, surtout dans le récit : Le chant des pistes, que je vous recommande, ou bien : Anatomie de l’errance. Le baroudeur que je suis, s’y est retrouvé. Il y a de quoi faire rêver tous les humains, surtout en cette période trouble, où nous piétinons, errons, et cherchons de nouvelles manières de pensées afin de suivre l’évolution, de trouver de nouvelles solutions face à un virus vraiment étonnant. Vous allez me dire en quoi cela touche vos derniers textes? Peu importe le voyage, la manière de nager, de voir le monde, il y a toujours une autre manière d’envisager l’avenir. En fait les textes de Chatwin enveloppent toute la vie. Un type qui évoque Hérodote, Ibn Khaldoun, Michel de Montaigne, et le chant des pistes des aborigènes australiens a de quoi vous émerveiller, et beaucoup plus encore. Après il y a tout lieu de savourer la vie.

Richard a dit…

« S’il en est ainsi, si le désert a bien été notre demeure primitive, si nos instincts se sont forgés dans le désert pour nous permettre de survivre au rigueur de ce milieu – il devient alors plus facile de comprendre pourquoi les verts pâturages finissent par nous lasser, pourquoi la jouissance des biens nous épuise et pourquoi les appartements confortables de l’homme imaginaire de Pascal lui semblaient une prison. »
Bruce Chatwin
Le chant des pistes
Œuvres complètes
Bibliothèque Grasset
Page 770

Merci de vos attentions et de vos sollicitudes à vous et Nuages.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Richard,

Ravie de vous retrouver parmi nous et, surtout, en bonne santé.

Vous avez donc opéré une retraite loin du monde, dans la Nature. Je ne pense pas être capable de cela. Était-ce loin de votre domicile ?

J'aime et je connais Bruce Chatwin depuis assez longtemps déjà. Il m'a influencée et parle notamment du Moyen-Orient et de l'Europe Centrale avec érudition et pertinence. Je pense avoir à peu près tout lu de lui. Si vous n'êtes pas encore rassasié, je vous conseille vivement une récente et très bonne biographie : "Tu marcheras dans le soleil" de Jennifer Lesieur (éditions Stock). Sa vie était également un roman.

En France, nous avons, ô joie !, un agréable temps de cochon depuis un mois: beaucoup de pluie et pas de grandes chaleurs. Pourvu que ça dure !

Et puis, un récent grand progrès de la Raison : ceux qui ne sont pas vaccinés ne pourront plus accéder librement aux espace publics, culturels et de loisirs (cafés, restaurants, cinémas, grands centres commerciaux, piscines... de même que trains, bus et avions). Une victoire contre l'esprit complotiste. Du coup, les centres de vaccination sont pris d'assaut.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Personnellement, je n’ai pas besoin d’aller loin pour me retrouver avec moi-même, et puis en Estrie c’est plein de collines, de champs, de lacs, de rivières et de forêts. C’est une vieille habitude qui remonte à mon enfance et qui s’est prolongée tout au long de mon existence. Soudain, j’en ressens le besoin, alors je quitte et je m’isole. Remarquez que passer deux heures dans la rivière Saint François à nager, c’est aussi une forme d’isolation et de réflexion. C’est l’une des raisons pour laquelle, le confinement n’a pas été une épreuve pour moi, au contraire, c’est devenu un domaine d’observation, de réflexion, d’attente, où le verni humain s’est écaillé, mais aussi où j’ai vu des gens travailler, donner, et partager. Et, ce n’est pas encore terminé. C’est la raison pour laquelle je ne m’éloigne pas de ma région.

Il se pourrait bien que je parle encore de Chatwin dans mes prochains (longs) commentaires comme l’écrit Nuages. Par contre je viens de terminer : Les Dieux des Petits Riens de Arundhati Roy et suis en train de lire du même auteur un essais lourd de sens : Mon cœur séditieux. L’Inde je connais mal, j’essaie de comprendre comment des gens qui habitent ce pays peuvent y vivre dans des conditions précaires. Je vais m’informer pour le livre de Jennifer Lesieur. C’est étrange et étonnant, il y a des personnes qui font facilement un roman de leur vie!

Ici, nous avons un temps dangereux, sécheresse à la grandeur du pays, les récoltes sont en train de sécher debout surtout dans l’ouest, ce qui a fait augmenter les prix du blé. La Colombie-Britannique lutte contre 300 feux de forêts. Je le constate lorsque je cueille des framboises sauvages, elles sont moins juteuses, moins savoureuses. Je regarde sans cesse le ciel et j’ai une impression que le nuages ne sont pas comme d’habitude dans leur forme comme dans leur densité. Ici au Québec nous pourrions nous réveiller aussi avec des incendies de forêts.

Enfin Macron a bougé. Je me demandais quand est-ce qu’il allait prendre des décisions. C’est le temps présentement d’assécher le virus. L’opportunité est là devant nous et la fenêtre n’est pas très large. Le temps presse, d’autant plus que les variants semblent plus facilement transmissibles. La semaine dernière j’écoutais une entrevue de Stephan Bureau sur Radio-Canada avec Boris Cyrulnik, qui affirmaient comme beaucoup d’autres scientifiques, que si nous rations notre coup présentement et qu’une quatrième vague éclatait, tout ce qu’on aurait fait, il faudrait le mettre à la poubelle et recommencer. Ce qui n’est guère enchanteur! C’est le danger qui nous guette depuis le début. Imaginez un variable où nos vaccins seraient inopérants. Je ne veux pas effrayer personne, mais cette hypothèse est plausible, et elle pourrait se transformer en réalité. Le cas de l’Ontario notre province voisine a été patent à ce chapitre. Ils ont déconfiné avant la troisième vagues et le résultat a été catastrophique. Ce n’est pas le temps du compromis; c’est le temps d’agir et de prendre des décisions impopulaires. Je préfère faire quelque chose et me tromper, que de ne rien faire et avoir raison!
Heureux 14 juillet, Carmilla.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

« Les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de l’avenir. Les aborigènes mobilisent toute leur énergie mentale pour laisser le monde dans l’état où il était. En quoi cette conception est-elle inférieure?
Bruce Chatwin

Lorsque Bruce Chatwin évoque les aborigènes d’Australie, je ne peux ni oublier, ni détourner les yeux de ces malheureuses découvertes, de ces cimetières de pensionnats autochtones découvert ce printemps au Canada. Des centaines d’enfants, enlevés à leur famille, emprisonnés dans des pensionnats, dans le but de les assimiler pour en faire des petits blancs, de les empêcher de parler leur langue, de les couper de leur culture. Ces enfants nés dans la nature, libres, heureux de vivre en forêt, se sont retrouvés entre quatre murs, après avoir été enlevés à leurs parents, plusieurs sont décédés d’ennuis, après avoir subit des outrages physiques et psychologiques.

Plus besoin de creuser, aujourd’hui des nouvelles technologies nous permettent de savoir ce qu’il y a sous terre. On a découvert des corps sans sépultures, sans registre, des humains qu’on a balancés dans des trous et qu’on s’est empressé d’oublier au mépris de toutes considérations et dignités humaines. Cela ne va pas sans nous rappeler les heures sombres de l’humanité. À Auschwitz les corps ont les faisaient brûler, on les transformaient en fumée, on affirmait que ces gens n’avaient jamais existé, qu’ils n’étaient même pas une rumeur. Peu importe la manière, lorsqu’on est incapable comme civilisation d’assimiler des gens différents de nous, on les surprime.

Tout cela pour une question de politique d’assimilation, mise en place par le Premier Gouvernement Canadien dirigé par le premier Premier Ministre du Canada : John A. MacDonald. Qui plus est, le Gouvernement Canadien à l’époque vers 1867, n’avait pas les moyens de ses ambitions, alors ils ont donné le travail à des communautés religieuses pour s’occuper des jeunes indiens, en autre des communautés catholiques, frères ou sœurs peut importe.

Je fulminais pendant que j’écoutais à la radio ces histoires d’horreurs, que je lisais les nouvelles, pour me retrouver dans les récits de Chatwin qui racontait les mêmes histoires horribles dans le bush australien ou bien en Afrique. Chatwin a compris rapidement de quoi il en retournait.

Le chant des pistes est un grand livre, il trace surtout la différence entre les sédentaires et les nomades, et si ces derniers sont si détestés, c’est sans doute parce que sur le fond, les sédentaires les envie.

Résultats les indiens sont furieux mais aussi en peine. Ils ont déboulonné quelques statues de MacDonald et de la reine Victoria, brûlés quelques églises dans l’ouest. Les catholiques ont honte des traitements que leur église a fait subir aux jeunes indiens. Encore ce matin, on a découvert un autre charnier sur l’île de Vancouver.

Je sais, que Serge Bouchard savait toutes ces histoires.

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Je me réjouis de vous retrouver, Richard. J'aime énormément vos commentaires et vos textes.
Vous avez raison, il fallait bouger par rapport au Covid. Les coronasceptiques, les anti-vaxx m'insupportent profondément.

Nuages a dit…

Encore un mot pour Richard, je viens de voir le film québécois "Kuessipan", de Myriam Verreault, qui se déroule dans deux réserves des indiens Innu, près de Sept-Iles. Magnifique !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'avoue n'avoir jamais fait de retraite dans la Nature ni même fait de camping et je ne crois pas en être capable. Quant à nager dans une rivière, j'ai plein d'appréhensions. Pourtant, je crois être sportive mais j'ai un côté un peu "précieux" (c'est l'éducation slave des femmes). Je ne peux pas envisager de ne pas avoir de salle de bains.

Mais j'aime "barouder" et j'adore les écrivains-voyageurs. S'agissant de Chatwin, on peut signaler le film de Werner Herzog "Cobra Verde" (avec Klaus Kinski) qui est une adaptation du "Vice-Roi de Ouidah".

Quant aux anti-vaxx, ils m'insupportent également. Ils voient partout un complot : Bill Gates, les grands laboratoires, les tyrans politiques. J'ai envie de leur dire qu'on peut renverser leur point de vue mais qu'ils ont raison sur le fond : le Covid résulte bien d'un complot, un grand complot mondial mais qui s'adresse en fait à eux-mêmes. Le Covid a, en réalité, été conçu pour exterminer non pas les "braves gens" mais tous les crétins de leur acabit. C'est l'aspect positif des choses.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Nous ne pouvons pas courir tout le temps, être à bout souffle, l’otage du devoir et de diverses obligations. Il faut savoir s’arrêter pour regarder l’eau couler dans la rivière, sortir des villes pour retrouver un ciel étoilé dans un ciel vraiment noir. La vie est avec les humains, mais les humains ne sont pas tous la vie. Des fois, il faut se rapprocher des humains; mais il faut aussi développé l’habilité de s’en éloigner. Il n’y a rien de pire que de traîner un humain derrière soi en forêt qui rouspète tout le temps, où se retrouver avec un plaignard qui se lamente de son ennui sur un camp isolé dans le nord. Ce qui explique, que je me retrouve avec Sylvain Tesson, Sarah Marquis et que j’ai plongé dans Chatwin comme je plonge dans ma rivière.

Question de rivière, cela fait déjà une décennie que je nage dans la Saint François. Les poissons sont très farouches. Il faut être très habile pour les approcher. Je ne vois pas vraiment qui pourrait m’attaquer. Imaginez que les poissons en soient réduits de se nourrir de Richard St-Laurent. Pauvres poissons! Tant qu’au crocodile en bois avec sa dent en or, je le cherche encore. Hier après-midi, 1 heures 30 de natation, je suis sorti de la rivière rasséréné.

Loin de moi l’idée d’essayer de convaincre qui que se soi à mener la vie que je mène. Nos choix doivent naître au fond de nous-mêmes et si quelqu’un dit non, il faut le respecter.

J’ai lu avec bonheur vos évocations sur Herzog. Chatwin le décris ainsi :

«Par la suite je revis Werner une ou deux fois. Il me téléphonait pendant des parties de pêche au Nortumberland, où son beau-frère était pasteur anglican. C’est, je l’ai découvert un homme pétri de contradictions : extrêmement robuste, mais vulnérable, affectueux et lointain, austère et sensuel, assez mal adapté aux tensions de la vie quotidienne mais fonctionnant avec efficacité lorsqu’il est soumis à des conditions extrêmes. »
Bruce Chatwin
Qu’est-ce que je fais là
Œuvres complètes
Bibliothèque Grasset
Page : - 1,138 -

Excellent paragraphe qui décrit Herzog. Voilà ce que j’aime chez Chatwin, la force de ses descriptions, la compréhension de l’humain, une finesse de l’esprit qui me touche, et sans doute que je ne suis pas le seul.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je partage votre point de vue : il vaut souvent mieux voyager seul(e) que d'être accompagné d'un "plaignard", comme vous dites, ou de quelqu'un qui critique sans cesse.

Mais la pleine nature, je la perçois quand même comme hostile. Il y a tout de même plein de sales bêtes (les insectes, les serpents, les sangliers et autres animaux sauvages) et quand il pleut, c'est déprimant. Et si je ne peux pas boire un café en lisant mes bouquins, ça ne va plus.

Félicitations pour vos performances en natation : 1 H 30 dans une rivière, c'est sûr que je n'y arriverais pas, je serais depuis longtemps congelée.

Quant à Werner Herzog, il est en effet une personnalité très complexe. L'un de ses films les plus étonnants est "Ennemis intimes" dans le quel il décrit sa relation tumultueuse avec Klaus Kinski, le choc de deux egos surdimensionnés. Je recommande aussi l'incroyable "Grizzly man", un amoureux des ours qui finit dévoré par eux. Une histoire authentique et sidérante !

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Merci Carmilla!

Malgré nos énormes différences nous partageons cette manière de voyager en solitaire. Ce qui souligne la force de nos caractères. Nous aimons la liberté comme nous nous passionnons pour la vie. C’est une manière de vivre qui me plaît énormément.

Tant qu’à la pleine nature, je souligne que ce fut le début de nos origines en tant qu’espèce. Nous provenons de cet univers, certes quelques fois dangereux, donc nous pouvons imaginer que nos lointains ancêtres ont sûrement échappés à certains dangers, sans cela nous n’existerions pas. Les animaux sauvages en général évites l’animal très dangereux qu’est l’homme. La preuve c’est que nous avons exterminé nombre d’espèces. N’oublions pas que nous pourrions nous anéantir nous-mêmes. Nous en avons largement les capacités.

Je n’ai pas de mérite de mes performances. Je suis un homme endurant. Certes on ne nage pas dans une rivière comme dans une piscine. Par exemple, je traverse la rivière pour gagner l’autre rive que je longe par la suite pour remonter le courant parce qu’il est moins fort, certes ça demande surtout de l’endurance. Je travaille avec la brasse, ce qui me permet d’observer mon entourage pas très loin de la rive. Il m’arrive de surprendre des animaux. Le plaisir, c’est pouvoir s’approcher d’eux comme par exemple de m’approcher d’un oiseau aquatique, surtout les canards qui sont très farouches. Mais lorsque je me sens très en forme ou agressif, je ne traverse pas la rivière, je m’arrête en plein milieu et je nage au cœur de la force du courant. Là, je peux éprouver mon endurance, c’est l’homme contre la puissance du courant. Alors, je ne me baigne plus dans l’eau, je nage dans la force de la nature et dans la puissance de la volonté, là j’ai vraiment l’impression que je fais parti de la nature. Il y a fusion. Sur cette rivière, il faut tenir compte de la force des courants qui sont toujours variables. Faire très attention lorsque vous entrez à l’eau par très chaude température lorsque vous avez chaud. Je rentre debout et je m’arrête de manière à m’acclimater, pendant une ou deux minutes parce que la température de l’eau est très variable, c’est une rivière, donc je me baigne jamais dans la même eau. Après c’est une question de dosage d’efforts, parce que je nage en solitaire, et qu’il me faut revenir à l’endroit où je suis entré dans la rivière. Je sais, certains diront qu’il est imprudent de nager en solitaire, ils n’ont pas tort, mais dans mon existence j’ai fais beaucoup de choses en solitaire, j’ai développé au fil de mes expériences tumultueuses une (surconfiance). ( Je l’avoue, ce qui n’est pas une qualité). S’il y a quelqu’un donc je dois me méfier; c’est de moi-même. Nager en rivière, qui plus est en solitaire, implique de bien se connaître!

C’est étrange, à force de parler de Herzog, cela me donne le désir de revoir ses films.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je précise quand même qu'une femme seule ne dispose pas de toute liberté de circulation. Je suis personnellement très prudente et je ne vais que dans des endroits et pays dont j'appréhende les risques. De plus, j'ai absolument besoin d'avoir une langue commune avec la population. J'aime par exemple beaucoup le Japon mais j'ai beaucoup souffert de ne pouvoir échanger avec la population. C'est aussi pour ça que j'hésite à aller en Espagne ou Italie.

Concernant la natation, je suis tellement habituée à mes longueurs en piscine que je me sens perdue dans un autre environnement (mer, lac, rivière), je n'ai plus mes repères. C'est vraiment autre chose et je ne sais même pas si je saurais y nager convenablement.

S'agissant de Werner Herzog, "Aguirre", "Fitzcarraldo" et "Nosferatu" comptent effectivement parmi les grands films de l'histoire du cinéma. Essayez aussi de trouver "Grizzly Man". Et puis, comme vous aimez les écrivains-voyageurs, je vous recommande "Sur le chemin des glaces" (on le trouve facilement en poche). C'est le récit de sa longue marche de Munich à Paris, durant un hiver des années 70, dans l'espoir de vaincre la maladie d'une de ses amies.

Bien à vous,

Carmilla