samedi 16 décembre 2023

La Guerre des sexes

 


On le sait, entre les deux sexes, ça ne marche pas, ça ne colle pas. D'harmonie, il n'y a pas et il n'y aura jamais. C'est la guerre.

Pourquoi ? Parce qu'il y a une irréductible séparation, division, entre eux. 


Ce que le poète A. Tudal résume ainsi: "Entre l'homme et l'amour, il y a la femme. Entre l'homme et la femme, il y a un monde. Entre l'homme et le monde, il y a un mur." C'est, évidemment, à décourager toute thérapie de couple.


L'homme et la femme sont d'une espèce différente. Et dire que c'est culturel est loin d'épuiser le sujet de la ligne de démarcation entre les sexes. De chaque côté, les attentes de départ sont, en fait, très différentes.


En simplifiant outrageusement, je dirais d'abord que l'existence de l'homme se situe davantage dans le registre de l'avoir, de la possession matérielle, tandis que les femmes privilégient plutôt "l'être", le vécu affectif. 











L'homme se réfugie dans la possession: avoir une maison, une bagnole, un compte en banque bien garni et, pour couronner le tout, une femme trophée. 


Pour une femme, même de beaux bijoux ou de jolies fringues, ça n'est pas si important que ça et ça n'a d'ailleurs qu'une valeur affective ou sensuelle. Ce qui compte plus, à ses yeux, c'est de pouvoir goûter la saveur et la brûlure de la vie. Tout plutôt que la monotonie et la tiédeur du quotidien. Il y a, en chaque femme, une Madame Bovary immergée dans les rêves. Ce n'est pas qu'elles soient des insatisfaites permanentes mais c'est qu'elles sont "papillonnantes", qu'elles cherchent à expérimenter, sans cesse, autre chose. C'est pour ça qu'elles ne cessent de déconcerter et de se montrer changeantes. 


"Que veut une femme ?", au juste. Et "qui sont-elles ?" d'ailleurs. A ce sujet, elles ne cessent de faire tourner en bourriques les hommes qui ne parviennent jamais, bien sûr, à trouver de réponse. 

C'est l'avoir contre l'être, l'utilitarisme contre le sentiment.


Les hommes, c'est sûr, sont d'une psychologie plus simple, plus prévisible. Il faut reconnaître qu'ils ont été façonnés, mentalement, à la schlague, au knout. Devenir un homme, c'est d'abord subir une violence symbolique terrible. On leur a appris, avec plus plus ou moins de réussite selon les individus, à "cadrer" leur désir dans un schéma sexuel très strict.


Dans un texte étonnant (consacré au mythe du "choix des trois coffrets"), Sigmund Freud a ainsi résumé la situation "compliquée" des hommes face aux femmes. Trois choix leur sont offerts, au cours de leur vie : d'abord leur mère (qui leur a donné la vie), puis leur amante/épouse (qui est une copie ou un négatif de leur mère et qui va être une reproductrice). 


Ces deux premières propositions, ça n'est pas une alternative très enthousiasmante, c'est même déprimant, on reste dans l'entre-soi, la relation familiale incestueuse. C'est pourquoi, dans le mythe, le héros fait le choix le plus étonnant, le troisième, le plus incertain: la 3ème femme, la plus belle, la plus séduisante (qui ne parle même pas et ne cherche pas à se mettre en valeur). Elle est la plus désirable et la plus digne d'être aimée mais elle est aussi la figure...de la Mort.


La femme et la Mort, l'association est profondément ancrée dans l'inconscient masculin. La femme séduisante, c'est celle qui vous terrifie, vous fixe soudainement, à l'instar de la Méduse, d'un regard pétrifiant. Celle qui va vous perdre, vous conduire à une déchéance absolue, vous faire renier père, mère et toutes vos attaches. Et pourtant, c'est celle-là que l'on désire et pas une autre plus sécurisante. Pour aimer vraiment une femme, un homme doit renverser la table et, surtout, être capable d'affronter la mort avec allégresse.


Mais on sait bien qu'au final, ce 3ème choix est rarement effectué et que l'homme se range à la Raison, la stabilité. Cela parce qu'il est, toute sa vie, dévoré par un sentiment de culpabilité. On ne dévie pas sans risque, en toute impunité, de la feuille de route qui a été établie.


Les hommes se sentent, malgré tout, investis d'une mission: être les garants de la Loi et de l'Ordre. Et ça les angoisse beaucoup parce qu'ils ne se sentent pas forcément "taillés pour ça". Il y a un grand non-dit là-dessus mais je crois qu'il faut le reconnaître: les hommes sont beaucoup plus angoissés que les femmes parce que la pression sociale et symbolique qui s'exerce sur eux est plus forte: ils doivent, en toutes circonstances, assurer, faire face.


C'est cette angoisse fondamentale qui les rend plus agressifs, plus violents, qui leur fait adopter des conduites à risques (alcool, tabac, petite criminalité). Cette délinquance, c'est pour oublier, évacuer. Mais c'est probablement à force d'être rongés par l'angoisse que les hommes vivent moins longtemps que les femmes: 6 à 7 ans dans tous les pays du monde.


L'homme est en plein dans la Loi, les pieds pris complétement dedans. C'est pour ça que les hommes sont un peu tous semblables. Des hommes exceptionnels, qui sortent du lot, il y en a, bien sûr, mais on n'a pas de mal à les distinguer de la masse.


"Ils sont tous les mêmes", c'est ainsi que beaucoup de femmes expriment, avec dédain, leur déception. Des butés, des bornés, incapables de s'ouvrir, de sortir de leur carapace.


A l'inverse, les femmes sont toutes différentes. Au point qu'on ne parvient pas à repérer celles qui sont vraiment exceptionnelles. Elles le sont, d'ailleurs, toutes plus ou moins, tout simplement parce qu'il n'y a pas de norme les concernant. C'est pour ça que Jacques Lacan dit que "la Femme n'existe pas", qu'il n'en existe aucune généralité.


Sans doute, les femmes ont beaucoup moins de comptes à régler avec la Loi, leur Père, leur Mère. Leur père, elles l'aiment, bien sûr, inconditionnellement. Quant à leur mère, elles sont, avec elle, dans une relation de complicité puis compétition (comment être, ou ne pas être, plus femme, plus belle, plus séductrice que sa mère ?). Mais au total, elles sont moins écrasées par le sentiment de culpabilité et ça leur laisse donc beaucoup plus de marges de manœuvre.


C'est pour ça qu'elles sont généralement beaucoup moins conventionnelles que leur partenaire masculin. Et ce partenaire les intéresse-t-il vraiment d'ailleurs ? Presque toutes le femmes vous disent que son apparence importe peu. Pas besoin d'un Alain Delon pour éprouver la jouissance. Auprès d'elles, les moches et les vieux ont des chances presque égales. Le plus important, c'est qu'ils sortent un peu du commun, qu'ils ne soient pas formatés comme des fonctionnaires gris et insipides.


C'est l'appétence bien connue des femmes pour les mauvais garçons, les voyous, tous ceux qui exercent des métiers dangereux, dans les quels leur vie est menacée. Leur goût, aussi, pour les romans policiers, les films d'horreur ou les faits divers macabres.


Parce qu'en matière de désir et de jouissance féminine, je dirais que ce qui importe, ce n'est pas la conquête puis la possession d'un objet d'amour (un homme en l'occurrence), c'est plutôt d'être, en quelque sorte, dépossédée de soi-même, de voir les limites de son identité s'effacer. De ne plus être, enfin... (!), la même, de devenir une autre.


Cela prend la forme de "l'incube" ou du vampire qui, dans la nuit, vient, subrepticement, inspirer vos forces vives, vous met, littéralement, hors de vous-même. C'est bien sûr pour cela que j'aime tellement le personnage de Carmilla la vampire: elle exprime la quintessence de la jouissance féminine.


Une jouissance qui a, bien sûr, rapport à la Mort. Parce que quand une femme fait l'amour avec quelqu'un, ce n'est pas avec lui qu'elle jouit (quand ça se produit d'ailleurs), mais avec un autre, qui est... l'Autre, l'infini, l'illimité, la Mort. "Le monde appartient aux Femmes...c'est à-dire à la Mort", on revient toujours à ça.

Quoi qu'on en dise, ça n'est donc pas si mal que ça d'être une femme. Mais ça peut être effrayant, angoissant, voire épuisant (ça réclame tellement de travail de chercher à séduire). Et est-ce que ça n'est pas pour cette raison que beaucoup de femmes choisissent de faire des enfants ? Pour devenir des mères, pour ne plus, justement, être des femmes.


Images de Franz Von Stück, Odd Nerdrum, Eckersberg, Otto Dix, Jeanne Mammern, Leonor Fini, Heinrich Füssli.

Un texte où je donne libre cours à mon goût pour les divagations psychanalytiques. Je peux comprendre qu'on le déteste éventuellement. Son objet n'est d'ailleurs pas la Vérité (sur ce qu'est être un homme ou une femme) mais il vise simplement ce que l'on appelle des "effets de vérité". Ca parle ou ça ne parle pas. Ca trouve ou non une résonance. Mais qu'on aime ou déteste, l'important c'est que ça heurte, que ça ne laisse pas indifférent.

Quoi qu'il en soit, je parle évidemment quand même pas mal de moi dans ce texte.

Surtout, il ne faut jamais perdre de vue que, dans l'exploration de la psychologie humaine, il n'y a jamais de réponse, de certitudes, de diagnostic. Il n'y a que des interrogations.

Je recommande :

- Georges Bataille : "Le bleu du ciel", "Ma mère"

- Colette Peignot : "Ecrits de Laure"

Et puis, je viens de découvrir Violette Leduc. Je ne connaissais pas mais les éditions Gallimard viennent d'éditer la version non expurgée de son premier livre "Ravages" (paru en 1955). Je viens de le parcourir, c'est sidérant d'audace et de liberté avec une grande qualité d'écriture.

Quand on lit ces trois auteurs, on se met à beaucoup relativiser la supposée liberté des mœurs actuelle. Annie Ernaux, ça fait littérature de bonne sœur en comparaison de ces textes. Ils ont été écrits il y a plus de 70 ans mais les plus vieux ne sont sûrement pas ceux qu'indique leur âge. 

10 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

À quoi sert la séduction, si c’est pour se faire la guerre?

Faut-il se surprendre de toutes ces violences dont nous sommes les témoins dans ce monde, alors que nous sommes en conflit entre homme et femme? Je peux comprendre que c’est épuisant dans ces circonstances d’essayer de séduire, jusqu’à remettre en question la séduction même. Est-ce que l’effort en vaut la peine? Dans le règne animal, et j’inclus les humains, la femelle est aussi violente que le mâle. J’ai vu mainte fois des femelles protéger au prix de leur vie, leurs petits. Les femmes ne sont pas différentes à ce chapitre, pousser à l’extrême elles sont surprenantes. Vous l’avez souligné dans vos derniers commentaires en évoquant qu’en Ukraine des femmes combattaient. Ce qui me rappelle, que des équipages de chars d’assaut composé exclusivement de jeunes femmes israéliennes ont sauvé par leur actions des Kibboutz lors de l’attaque du 7 octobre dernier. Des jeunes femmes entre 18 et 21 ans. Elles n’ont pas hésité. Elle ont fait ce qu’elles avaient à faire. Les hommes n’ont pas le monopole de la force, ni de la cruauté. Il n’y a peut-être pas tant de différence que cela entre l’homme et la femme. L’homme et la femme ne sont pas d’une espèce différente. Ils et elles sont humaines. Dans nos sociétés aseptisées jusqu’à l’aveuglement nous avons minimisé les capacités des femmes. Ce qui sur le fond, est culturelle. Ayant eu la chance de vivre à la campagne, j’en ai vu des femmes qui travaillaient autant que des hommes, rien ne les arrêtaient, traire des vaches à la main, décharger du foin dans les granges, ramasser des pierres, fendre du bois à la hache, faire boucherie et j’en passe. Ce qui ne m’a pas étonné que quatre jeunes femmes conduisent un tank. Je suis sûr qu’en Ukraine à la campagne il en était de même sur les fermes, et que passer de l’étable au champ de bataille ce n’était pas dépaysant. Je vois encore la femme de Dominique Ashini, fendre et vider les caribous que sont mari venait de tuer, comme virtuosité du couteau c’était sidérant. Les montagnais n’avaient pas de temps pour la guerre des sexes. Qu’il y ait des disputes, des différents ou des engueulades, c’est tout à fait normale, ce qui est très humain. Mais être en dispute du matin au soir, là ce n’est plus normal, c’est un problème. Pourquoi faudrait-il être en concurrence entre homme et femme? Pourquoi essayer de dominer l’autre? Certes, j’ai vu des femmes qui dominaient leur mari, et des maris qui dominaient leur épouse, mais les couples qui fonctionnaient c’étaient ceux qui avaient construit une complicité et cela se voyait non seulement dans leurs réussites économiques, mais dans tous les aspects de leur existence. Je ne suis peut-être pas très fort en psychologie, mais je me considère comme un bon observateur de la nature, et de la nature humaine, j’ai des yeux pour voir et j’ai encore une intelligence pour comprendre. À l’instinct de mort, ces personnes opposaient l’instinct de vie, et croyez-moi, ils avaient l’instinct particulièrement puissant. Les jérémiades d‘aujourd’hui m’apparaissent bien fades. Comme nous disons par ici : nous nous plaignons le ventre plein. Et, il ne faut pas penser que ces personnes n’avaient pas de sentiments et qu’au niveau sexuelle ils étaient moins puritains qu’ils ne le laissaient paraître.

Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je constate, du moins, que mon post ne vous a pas laissé indifférent.

Mais, mais...

Il y a l'opinion commune et il y a la réalité sous-jacente.
D'un côté, on croit vivre dans un monde aimable et pacifié. De l'autre, règnent plutôt la violence et l'oppression mais c'est soigneusement caché sous le tapis.

Toutes les cultures humaines reposent sur des oppositions, des dissymétries que l'on assemble tant bien que mal. Si on se percevait tous semblables, si on n'éprouvait pas notre solitude et notre séparation des autres, il n'y aurait pas de langage, pas de pensée, pas d'Art, pas de distinction d'avec les animaux, ni même de conception de la mort.

Et évidemment pas non plus de différence des sexes. C'est quand même une opposition symbolique et biologique première. Je sais bien que c'est remis en cause aujourd'hui par la théorie du genre mais je crois qu'il y a quand même des éléments irréductibles dans la condition humaine: l'incomplétude et la Mort, en particulier.

Ca fait que la vie humaine, contrairement à l'angélisme ambiant, est scandée par le conflit. Bien sûr que lorsque je parle de guerre des sexes ou d'espèces différentes, c'est exagéré mais c'est pour bien marquer le problème. J'évoquais cela aussi dans mon précédent post évoquant le maître et l'esclave. Mais je le répète, le conflit, l'opposition, font largement la saveur de la vie. Rien de plus ennuyeux qu'un monde de la pensée unique. Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas un partenaire qui domine définitivement l'autre.

Et je pense, aussi, que l'éducation symbolique des hommes est plus cruelle et plus angoissante que celle des femmes. Comme dans la colonie pénitentiaire de Kafka, ils sont marqués au fer rouge de la menace de castration. Ce qui les rend porteurs d'une sourde violence. Je veux bien admettre que certaines femmes peuvent être également violentes mais soyons objectifs: les données chiffrées sur la criminalité sont accablantes. A un niveau plus élémentaire, je ne crois pas que beaucoup d'hommes craignent d'être harcelés dans une rue quand ils se promènent.

Quant à la relation hommes-femmes en Ukraine, il m'est difficile d'en parler en général mais je pense, quand même, que c'est bien bien différent de la France. La séparation des sexes y est plus forte et il y a, malgré tout, un monde des hommes et un monde des femmes. Ca a aussi des avantages parce qu'on n'est pas obligés de tout partager, d'avoir une vie fusionnelle. Du coup, on a plus d'indépendance et chacun peut tracer sa voie. Et il faut dire aussi que, comme dans tous les pays slaves, les femmes savent s'imposer et sont souvent redoutées. Les hommes se montrent alors respectueux. Une traduction concrète: quelle que soit sa tenue vestimentaire, une femme peut se promener sans ennuis, dans une rue de Kyïv ou de Varsovie. Ce n'est pas le cas en France.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Que s’est-il passé au fond de la réalité, dans le lointain paysage derrière l’apparence des choses? »
Pierre Morency

En cette fin d’année lugubre, après ma saison de chasse, je passe mon temps avec les poètes, les essayistes, (en autre Montaigne) et les raconteurs. Et, au fil de mes lectures j’ai trouvé cette phrases dans un livre de Pierre Perrault, et j’étais content que Perrault cite Morency. C’est une phrase énigmatique, mystérieuse, qui vous creuse le dedans, corrode votre extérieur en vous sculptant des rides. Que s’est-il passé au fond de la réalité pour qu’un homme décapite sa femme? Ou bien, que s’est-il passé pour qu’une femme crible son mari de balles? Par chance que cela ne se produit pas quotidiennement. Et, ne venez pas me dire que se sont des puissants leviers créatifs. Que pour être inspiré il faut battre sa femme, dans ce cas-là Gérard Depardieu serait un génie. Au cours de l’automne dernier, j’ai lu un livre très intéressant qui touche les relations hommes femmes, c’est sans doute pourquoi je n’ai pas été indifférent à votre texte Carmilla. C’est écrit par Laurence Madeline, et ça s’intitule : Picasso, huit femmes. Certes, je ne partage pas le génie artistique de ce grand peintre; par contre nous partageons tous les deux un sale caractère. Il était toujours en conflit avec les femmes dont ils étaient tombés amoureux. Et puis, ça tournait toujours au vinaigre, ça finissait dans les larmes et l’attrition, même certaines femmes se sont suicidées. Lorsque Picasso traversait ses périodes tumultueuses, il cessait de peindre et de dessiner. Si la violence entre un couple est source d’inspiration, moi je descends du train! Certes Picasso n’était pas un être facile, et que malgré sa laideur, si laid qu’il en devenait beau, les femmes étaient intéressées à pénétrer dans sa vie. On peut douter de l’honnêteté de leurs sentiments. Et, Picasso, se faisait embarquer à chaque fois. Ce qui ne signifie pas qu’il n’allait pas ailleurs. Il y a des êtres humains qui préfèrent ce genre d’existence, sans dispute ils n’existent pas. Je trouve que c’est une manière épuisante de vivre. Comme nous disions en aviation : il y en a qui ont l’art de se compliquer la vie. Plus elle est inextricable, meilleure elle est! Il est difficile d’écrire lorsque quelqu’un te crie après. Les périodes orageuses de la vie ne sont pas très propice à la création. Picasso en était un exemple. C’est peut-être pour cela que les conflits existent, pour supprimer toute opposition. Je remarque, pour transposer le sujet dans un autre créneau, que les périodes de conflits ne sont pas très propices à l’économie et à bien d’autres choses; l’économie ne demande que la stabilité politique. Que se soit pour une pays, ou pour un couple, cela revient au même. Vous parlez de partage, et j’évoque la complicité, ce qui est très différent. On en reviendrait à la petite phrase de Vladimir Jankélévitch : « Vaut-il mieux rester fidèle sans sincérité ou demeurer sincère sans fidélité. » Il y a peut-être de quoi faire tout un débat autour de cette phrase, votre texte en est une généreuse amorce. Et puis, il ne faut pas oublier : on sait quand commence un conflit, mais on ignore toujours quand il se terminera, et comment il se terminera, ce qui vaut pour les pays, s’applique aussi aux relations amoureuses. Mais nous avons tendance à oublier tout cela!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On réévalue actuellement de nombreuses personnalités du monde artistique. Ce sont les cas, notamment, de Picasso et de Gérard Depardieu.

Je trouve cela plutôt positif parce qu'on a trop porté au pinacle des personnes qui, sur le plan humain, ne valaient ou ne valent pas grand chose. C'est le problème des stars qui se laissent emporter par la mégalomanie et ne connaissent plus aucune limite, se croient tout permis.

Personnellement des gens comme Picasso ou Depardieu me répugnent instinctivement. Leur laisser aller physique, leur bêtise satisfaite de grands mâles dominateurs. Qu'est-ce qu'on peut échanger, quel dialogue peut-on nouer avec des types pareils qui sont tellement sûrs d'eux-mêmes ?

On va sans doute m'accuser d'élitisme mais je ne peux m'intéresser qu'à des "intellectuels", c'est-à-dire des gens capables de douter un peu d'eux-mêmes, de se remettre en cause, de dialoguer. Ce n'est pas l'assurance de quelqu'un qui m'attire mais ce sont ses failles, ses faiblesses, ses interrogations (dont sont complétement privés des gens comme Picasso ou Depardieu).

C'est vrai que certaines femmes sont attirées par les "grosses bêtes" qui assurent. Ca traduit sans doute d'abord leur propre manque d'assurance personnelle. C'est cela qui est triste parce qu'elles se croient alors obligées de s'en remettre à un autre pour la conduite de leur vie. Il est hélas reposant de se trouver un maître.

Les maîtres, surtout ceux de cet acabit, j'ai heureusement été éduquée à les détester (au risque d'apparaître, moi-même hautaine).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« Et je pense, aussi, que l'éducation symbolique des hommes est plus cruelle et plus angoissante que celle des femmes. »

Voilà une idée intéressante, encore là vous pourriez écrire un autre texte sur ce sujet inépuisable. Il y a de quoi creuser.

Votre paragraphe m’a laissé sur ma faim. Qu’est-ce que vous entendez par (l’éducation symbolique)?

Au cour de vos écrits, vous effleurez ce sujet qui est très particulié, par exemple qu’il est plus facile de devenir une femme, que de devenir un homme. J’ai rencontré beaucoup plus de femmes angoissées, que d’homme qui se rongeaient les ongles. Je ne pense pas que la longévité des hommes est affecté par l’angoisse, mais peut-être pas bien d’autres choses. C’est reconnu les jeunes garçons meurent plus que les jeunes filles du même âge. Ils prennent plus de risques, jouent à des jeux dangereux, exemple, la semaine dernière un jeune joueur de hockey de onze ans est décédé après avoir reçu une rondel à la gorge. Il avait tous les équipements de protection. C’est un exemple parmi tant d’autres. Que dire des accidents de la route, la majeur partie des victimes entre 18 et 30 sont des jeunes hommes. Sans oublier les électrocutions, les noyades, les chutes mortelles, les renversements de tracteurs, les bagarres, et j’en passe. Vous savez il ne faut pas être angoissé pour grimper une cheminée d’usine de 150 mètres, ou bien rouler à 160 km/h sur une mauvaise route de campagne, ou encore provoquer la colère d’un taureau. Vous avez beau, punir, mettre en garde, disputer, passer un savon, rien à faire, c’est plus fort qu’eux. Et être sévère à outrance c’est encore pire. J’en sais quelque chose, j’ai été l’un d’eux, je le sais d’expérience. Les restrictions, ça donne rien. C’est même encore pire. En cela nous étions très mal accompagnés, au lieu de nous éduquer sur les dangers de la route, à l’époque on attendait à 21ans, c’était l’âge légal pour avoir son permis de conduire. Imaginé, j’ai eu mon brevet de pilote avant d’avoir mon permis de conduire. Pire, j’ai roulé deux années après 21 ans sans permis. Ça c’est le plaisir de vivre sous un régime fédéraliste, le transport terrestre était administré par les provinces et le transport aérien par le fédéral. Ce qui est toujours le cas. Tout cela pour en arriver à quoi? Pourquoi c’est ainsi? Je dirais que ce n’est pas une question d’angoisse; se serait tout bonnement une question d’hormone, la testostérone. Chez un jeune garçon, lorsque cela se produit, c’est particulièrement puissant. Je reconnais que je suis encore un peu comme cela. Je souris lorsque les gens s’angoissent parce que je traverse encore la rivière à la nage entre les bateaux, que je pars bûcher seul en forêt, que j’ai encore le pied lourd sur l’accélérateur, que je puis partir en voyage pour plusieurs semaines, ou voir plusieurs mois, en solitaire. La seule panacée pour calmer le jeu. C’est la formation, l’éducation, on oublie le fouet et les punitions, et on accompagne, et même là, ce n’est pas une garantie de réussite. Vaut mieux établir des liens de confiances, voir de complicités, que d’humilier et punir. Au moins, s’ils se fourrent dans des situations dangereuses, ils auront assimilé quelques habilités pour s’en sortir. Ça peut leur sauver la vie. Et puis, je le reconnais, il y a une chose que les hommes font mal. Parler, ils ont du mal à s’exprimer, certains se vont même se réfugier, jusqu’à devenir aphone. Tout simplement s’exprimer sans vantardise pour aller calmement dans le fond des choses. Je reconnais que nous avons encore bien du chemin à parcourir pour évoluer dans ce sens. Toute l’humanité n’est pas parvenue à la même destination en même temps. Souvent nos cultures nous brouillent. Si bien, que je m’interroge sur ( l’éducation symbolique). Peut-être qu’il y a quelque chose qui m’a échappé en cour de route?
Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Mon analyse de la moindre espérance des vie des hommes diffère, vous en conviendrez, de celle des féministes ou des scientifiques qui pointent une plus grande vulnérabilité biologique des hommes.

Peut-être...probablement...Mais il est possible aussi que les hommes vivent davantage dans l'angoisse que les femmes. Cela parce que les pressions sociales et symboliques qui s'exercent sur eux, dès la petite enfance, sont plus fortes. Ils sont éduqués dans la perspective d'assumer le pouvoir et on exprime une plus forte exigence de réussite les concernant. S'ils boivent, s'ils fument, s'ils se montrent violents, s'ils ont des conduites à risques, s'ils mangent n'importe quoi, c'est parce que ce sont des moyens d'évacuer l'angoisse qui les taraude. Mais en agissant ainsi, ils abrègent bien sûr aussi leur vie.

Pour une petite fille, les interdits sexuels qui lui sont signifiés sont d'abord moins forts (ce qui explique la plus grande sensualité des femmes). Ensuite, on accepte mieux qu'elle échoue dans ses études ou sa vie professionnelle. Et puis, elle a l'échappatoire de la maternité qui peut compenser beaucoup de ses déceptions. La situation des femmes est donc, peut-être, plus favorable. Mais il y a néanmoins une réserve majeure: celle de la tyrannie de la beauté et de la grande souffrance que subissent les femmes considérées comme moches.

Au total, les choses évoluent néanmoins beaucoup aujourd'hui et les femmes prennent peu à peu le pouvoir et adoptent aussi des comportements à risques. Mais on ne parviendra jamais à effacer les grandes différences biologiques et symboliques. Et jamais, non plus, le genre ne sera une simple affaire de choix.

Mais tout cela, ce ne sont que mes propres élucubrations exprimées de façon sans doute trop abrégée.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
Élucubrations exprimées trop abrégées, certes, personnellement j’en prendrais plus, mais je conviens que vous avez beaucoup à faire dans une journée, et que ce n’est pas votre seule activité quotidienne. Reste que vos propos sont intéressants et didactiques, surtout dans cette passion d’analyser les êtres. Vous ne craignez pas les sujets compliqués, difficiles, pour vous distancer des propos spectacles qu’on nous sert sur les divers médias.

Comment les femmes Ukrainiennes sont-elles redoutées? Comment elle s’impose? Voilà quelque chose qu’on ne voit pas dans les vidéos. Il faut le vivre, en être témoin sur le terrain pour comprendre ce genre de relation, qui souvent se manifestent dans des gestes infimes. Donc, si je vous ai bien compris se serait plus sécuritaire de déambuler dans une rue de Kiev que dans une rue de Paris. À la lumière des médias, nous serions tenter de penser que Paris est devenue une ville dangereuse. Pourtant, vous semblez vous y déplacer comme un poisson dans l’eau!

J’ai remarqué tout comme vous, que les gens qui deviennent populaires et qui atteignent une certaine notoriété, parviennent à un point de bascule, pour verser dans une attitude perverse, qu’ils en deviennent imbuvables. Et cela ne touche pas seulement le domaine des arts et du spectacle. J’ai déjà transporté des ministres à la pêche et à la chasse qui m’avait franchement déçu, par leurs propos déplacés, par leurs grossièretés. À chaque fois, j’ai pensé : «  C’est cela la célébrité? » Je me souviens encore d’une grande vedette de sport, une idole du hockey, qui avait engueulé un pilote. Il s’appelait Claude, un type bien, modeste, généreux, calme, et je trouvais dommage qu’il soit assailli aussi violemment verbalement. Cet incident m’a ouvert les yeux sur le monde, j’ai pris conscience qu’il fallait faire une différence entre la réalité et la représentation. Il faut dire qu’à l’époque j’étais jeune et naïf. Cette expérience a aiguisé mon sens critique. Dire que les foules envient ces genres de de personnages. Je me demande encore comment des personnes qui devraient donner l’exemple se comporte d’une manière si abjecte? Ils ne sont peut-être d’être attirant, et qu’ils sont peut-être des piètres séducteurs, ce qui explique leurs regrettables comportements à l’endroit des femmes. C’est ainsi que les gens deviennent esclaves de leurs représentations. Savez-vous que cela peut mener jusqu’à la dictature.

Il semblerait, selon vos dires, que ce n’est pas si mal que cela d’être une femme, et vous poursuivez que ça peut être effrayant, angoissant, voir épuisant, mais que cela exige beaucoup de travail de chercher à séduire. Est-si fatiguant que vous le dites de séduire? J’ai toujours admiré les grands et les grandes séductrices, qui étaient parfaitement confortables dans leur art du mensonge, surtout lorsqu’ils séduisaient; mais je trouvais ceux qui succombaient à leurs charmes de pauvres victimes. Sur le fond, ils se faisaient piéger. Faut-il résister ou succomber à la séduction? Être femme semble douloureux. Je me souviens de plusieurs femmes qui m’avaient dit : « J’aimerais cela être un homme. » Ça m’a toujours laissé perplexe.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Bien sûr que j'ai d'autres choses à faire mais il serait tout de même étonnant que je me plaigne: personne ne me force à tenir un blog. C'est à moi seule qu'il appartient de m'organiser à cette fin.

Je suis, en fait, reconnaissante au système d'éducation français: on m'a appris à écrire vite et, je l'espère, de manière claire, simple et synthétique.

Ma petite ambition, c'est, en effet, d'exprimer un point de vue un peu différent sur différentes questions de société. Si c'est pour raconter la même chose que tout le monde, reprendre les mêmes idées reçues, à quoi bon, en effet, tenir un blog ?

Etre femme est-il douloureux ? Oui sans doute mais c'est la condition humaine qui est douloureuse. On ne trouve de moments de grâce et de lumière que lorsque l'on cherche à s'arracher de la pesanteur du quotidien et de son identité limitée. La banalité, la normalité, c'est ce qui vous tue, fait de vous un mort-vivant.

La vie peut aussi être chatoyante, agréable. A cet égard, la séduction fait partie de ce qui illumine la vie. Mais tout le monde cherche à séduire, pas seulement les femmes. On cherche toujours à s'affirmer se distinguer, par rapport à l'autre. C'est la dialectique du maître et de l'esclave que j'évoquais récemment. Et puis, il ne faut pas oublier que la séduction a été le thème de prédilection de la littérature française du 18ème siècle. Mais c'est très difficile et épuisant, en effet, de séduire. L'apparence physique peut être un atout mais c'est loin de suffire. C'est aussi un comportement, des goûts, des idées, tout ce qui vous entraîne loin de la grisaille de votre quotidien.

Paris serait-il une ville dangereuse ? Bien sûr que non, c'est une image grotesque diffusée aujourd'hui par les médias nationaux et internationaux. Je n'évoquais que la drague lourde et bête qui demeure répandue en France. Mais c'est quand même généralement sans danger et c'est surtout une question d'éducation. Les types qui pratiquent ça font surtout pitié, en fait.

C'est vrai que de ce point de vue, les femmes sont plus tranquilles dans les pays slaves (mais aussi dans l'Europe du Nord). Dans l'espace public, un respect est affiché envers elles. Il faut dire que ce sont souvent elles qui ont tenu et qui tiennent la baraque alors que l'époux est souvent erratique, violent, inconséquent et ivrogne.

Mais la séparation des sexes est aussi plus forte et les femmes sont généralement éduquées dans une hyper-féminité souvent caricaturale. La barre pour se distinguer par son apparence est vraiment placée très haut en Ukraine.

Hommes et femmes se vivent nettement différents en Ukraine. En Franche, en revanche, hommes et femmes essaient plutôt de percevoir ce qu'ils ont en commun (c'est l'esprit universaliste).

Cela étant, toutes les femmes ukrainiennes travaillent, font des études et du sport. Ce sont les survivances positives du socialisme.

S'agissant enfin des personnalités médiatiques, on n'en a sans doute qu'une image fausse et fabriquée. Devenir célèbre donne sans doute, en effet, le sentiment d'être tout puissant et que tout est alors permis. On ne se contient plus et on donne libre cours à ses penchants les plus sordides. On vénère par exemple la famille royale britannique mais on se garde bien d'évoquer leur médiocrité et leurs sombres tambouilles.

Bien à vous,

Carmilla


Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Indéniablement nous pouvons affirmer qu’on ne s’ennuie jamais avec les français, c’est toujours théâtral.

Comment expliquez-vous que le président Macron a embarqué madame Le Pen et toute sa gang dans son tripot?

N’avait-il pas promis de lui faire barrage?

C’était la première fois que je voyais cette dame sourire.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je me garderai de toute interprétation politique trop rapide. Le texte n'est d'ailleurs pas encore validé et devrait être élagué de ce qui irait dans le sens d'une Marine Le Pen.

Fallait-il s'encombrer d'une Loi ? C'est effectivement périlleux mais ne rien faire fait aussi le jeu de l'extrême-droite.

Ce qui est vraiment préoccupant à mes yeux, c'est que la question de l'immigration est devenue très importante au sein de l'opinion publique française. Au point qu'une majorité écrasante (plus de 70%) souhaite la mise en place de mesures restrictives et répressives concernant les étrangers. La préférence nationale, beaucoup de gens adhèrent à ça, pas seulement en France mais dans toute l'Europe. La solidarité des peuples, la mondialisation, on n'en veut pas.

Je n'en dis pas plus aujourd'hui. Il est possible que je reparle de ça dans un post à venir.

Bien à vous,

Carmilla