samedi 31 janvier 2009

Sécession

















Alfred Roller

Escale à Vienne. Je suis évidemment dans un café, le café Sperl où j’entends parler toutes les langues slaves. Ca m’enchante mais ce n’est pas très prestigieux d’être polonaise, serbe ou ukrainienne à Vienne. Ca veut dire qu’on est soit femme de ménage, soit prostituée. Sur ce sujet, je vous invite vivement à aller voir l’excellent film ”Import-Export” d’Ulrich Seidl que la critique française, dans sa noire ignorance, n’a pas craint de massacrer.

Je rêve. C’est à Vienne qu’est née la culture contemporaine, à la charnière des 19 et 20 ème siècles.






















Ca peut surprendre aujourd’hui tant Vienne a aujourd’hui un aspect provincial, endormi; une ville-musée davantage imprégnée par le kitsch de François Joseph que par l’esprit de la Sécession.

La Sécession, c’était pourtant un mouvement libéral extraordinaire avec une incroyable profusion de talents : Klimt qui révélait les visages d’Eros, Schoenberg qui inventait la musique, Freud qui libérait l’inconscient, Otto Wagner qui repensait l’architecture, Musil qui refondait le roman. Et tant d’autres : Adolf Loos, Leo Perutz, Karl Kraus, Oskar Kokoschka...






















Ce que j’aime dans la Sécession, c’est sa sensualité, son caractère charnel. L’esprit de la Sécession, c’est un véritable ébranlement physique. C’est peut-être pour cela que la Sécession n’a pas beaucoup touché la France où l’art, dans le prolongement de l’impressionisme, s’engageait dans une recherche formaliste, plus élitiste et incontestablement teintée de puritanisme.

Ce qui est troublant, c’est qu’en même temps que les intellectuels s’affranchissaient de la morale et de la tradition, se développaient les mouvements populistes et petits-bourgeois les plus terrifiants que Hitler saura exploiter.

On a l’impression qu’aujourd’hui encore, cette partition demeure effective. Le caractère viennois, c’est vraiment l’antagonisme de l’esprit petit-bourgeois et de la subversion.

Je pense aux écrivains autrichiens les plus célèbres : Thomas Bernhard, Elfriede Jelinek, Peter Handke. La violence de leur écriture et de leurs propos est vraiment dérangeante. Il y a aussi ces cinéastes tellement noirs et si peu goûtés en france : Michael Haneke, Jessica Hausner, Ulrich Seidl. Tous fournissent une clé de compréhension de l’Autriche.

Aujourd’hui, j’en ai marre du Ring, de Grinzing, de Schönbrunn. Même la nourriture est immangeable. Si on n’aime pas la charcutaille, la cochonaille et les pâtisseries, on est condamné à mourir de faim.
Alors, je continue mon régime bière et anguille fumée et je me contente de revoir les immeubles d’Otto Wagner et l’appartement de Freud au 19, rue Berggasse.

Oskar Kokoschka

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