samedi 2 avril 2022

Lettre ouverte à un affreux

 
Bonjour M. Zemmour,

Je suis Carmilla, la grande fille mince avec un maillot rouge, celle que vous reluquiez parfois furtivement à la piscine Jacqueline Auriol du 8ème que vous fréquentiez, il n'y a pas si longtemps. Mais c'est vrai que ma dégaine est exotique, plus slave que moi, il n'y a guère.

 A la piscine, je dois avouer que vous m'avez étonnée parce que vous étiez étrangement rigolard et sympa, rien à voir avec les éructations et froncements de sourcils de vos meetings politiques. Et peut-être que dans la vraie vie, vous êtes effectivement comme ça. Moi, je me comportais avec vous plutôt comme une conne : je me faisais un plaisir de vous dépasser en trombe pour bien vous faire sentir que vous étiez un piètre nageur. On sent pourtant que vous vous donnez beaucoup de mal mais vos lacunes techniques sont abyssales. Vous êtes trop rigide, sans souplesse, vous vous embrouillez dans vos mouvements de crawl.

Mais qu'importent vos capacités sportives, on sait bien que ce n'est pas votre ambition. Ce qui m'interroge, chez vous, c'est votre totale duplicité. Parce qu'à la différence de la plupart des leaders populistes, vous n'êtes tout de même pas complétement idiot. Marine le Pen, par exemple, c'est l'inculture et la bêtise satisfaites d'elles-mêmes. Ou bien l'épais Mélechon, c'est le radotage hystérique des colères fait de complotisme, d'admiration des tyrans, de violence et d'esprit munichois. Mais vous, vous avez fait quelques études sérieuses et vous êtes capable d'être pertinent (en matière littéraire par exemple, lorsque vous étiez en compagnie d'Eric Naulleau). J'observe quand même que ce qui lie votre triplette d'"affreux", c'est votre inculture économique et votre admiration pour Poutine (Otan méchant, Etats-Unis impérialistes, Russie humiliée).

Vos propos politiques sont complétement stupides et je ne veux même pas en discuter. Mais je suis convaincue que vous ne croyez pas vous-même à un traître mot de vos monstrueuses âneries. Votre drame, je crois, c'est que vous vous êtes convaincu que vous ne pourriez accéder à une reconnaissance sociale qu'en endossant le rôle d'un "affreux".


D'une certaine manière, je vous comprends. Il y a, en effet, une immense hypocrisie sociale. On nous raconte qu'on vit dans des sociétés cools et tolérantes, cela pour dissimuler, sans doute, la féroce violence symbolique qui s'y exerce.

La compétition économique est aujourd'hui redoublée par la compétition sexuelle. Il ne suffit plus d'avoir du fric, il faut aussi être attirant, séduisant, cool et à l'aise. Et le "marché sexuel" se trouve accaparé par quelques-uns au détriment de l'immense cohorte des pas beaux, pas séduisants, moches. Ces derniers, ils sont impitoyablement éjectés, marginalisés, relégués dans les arrière-cours de la société avec pour seul loisir de ruminer, en solitaires, leur infortune. Là-dessus, Michel Houellebecq a tout dit.

Je vais peut-être apparaître odieuse et tant pis si ça peut sembler de la psychologie de bistrot mais je pense que vous faisiez partie de ces exclus, le type qu'on se plaisait à brimer, harceler, dans les cours d'école. Comment conquérir estime de soi dans ces conditions, comment accéder à une reconnaissance sociale ?


Vous avez choisi une voie qui, vous semblait-il, vous singularisait : celle de la surenchère et de la provocation. Qu'importe le contenu de vos propos pourvu que ça dérange le consensus, que ça réveille les bas instincts refoulés par la police des mœurs. Ça vous pare d'une aura transgressive, le Maître qui ne craint pas d'affronter la vulgate, qui la domine.

Mais vous voulez vous-même apparaître un pur, un incorruptible. Et ça se retourne parfois contre vous. Pour preuve, votre refus d'accueillir l'immigration ukrainienne. Vous voulez vous montrer juste et sévère (la règle, c'est la règle, sans exception) à la différence d'une Marine qui la joue, pour cette élection, maternante, compatissante. Mais cette intransigeance vous vaut, aujourd'hui, une belle dégringolade dans les sondages.

Je crois, en effet, que vous vous êtes complétement planté et j'en rigole bien. Que vous ne vouliez pas de réfugiés, ça ne heurte peut-être pas beaucoup les consciences populistes, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur jardin. Mais comme vous le savez, il s'agit surtout, en l'occurrence, d'Ukrainiennes. Et les Ukrainiennes, elles ont eu l'occasion de faire pas mal rêver les Français, ces derniers temps: toutes ces Tanya, Liudmilla, Larissa, Olena, des filles affolantes comme on n'en voit vraiment pas beaucoup et qui, en plus, ne sont pas des chieuses comme les Françaises; elles foutent la paix aux hommes pourvu qu'on leur foutent la paix à elles-mêmes.

Alors, avec votre refus d'accueillir des Ukrainiennes, les Français ont vraiment compris qu'ils n'allaient pas beaucoup rigoler avec vous. Pas de distractions, rien que du Père la Rigueur et de l'austérité. Votre stupide misogynie vous égare en l'occurrence. Parce que les Ukrainiennes, elles contribueraient  beaucoup à égayer toutes ces villes et banlieues françaises souvent sinistres. Et ce ne sont sûrement pas elles qui s'adonneraient à la délinquance.


Vouloir priver les Français de la venue d'Ukrainiennes, quelle idée stupide ! Leur interdire un peu de réconfort, un peu de beauté. Finalement, si vous voulez remonter dans les sondages (ce que je ne souhaite, bien sûr, surtout pas), un conseil: dépêchez vous de déclarer que vous allez accueillir massivement des Ukrainiennes.


 Je vous souhaite bien cordialement, M. Zemmour, une cuisante défaite ainsi qu'à vos compères poutiniens (Mélenchon, Le Pen).

Carmilla

Tableaux du peintre ukrainien Arkhip KUINDJI (1841-1910). Né à Marioupol (Ukraine) d'ascendance gréco-pontique. Il est très célèbre. Peut-être pas un très grand peintre mais ses paysages (la Crimée notamment) restituent une juste ambiance. Je l'évoque aujourd'hui parce que le Musée d'Art Arkhip Kuindji à Marioupol, installé dans un bâtiment Art Nouveau récemment rénové, vient d'être détruit par les frappes russes. Photo ci-dessous de ce défunt musée, de ce nouveau "crime".

Un post que l'on pourra juger de mauvais goût. Mais mon but est, avant tout, d'écrire des choses différentes (sinon, à quoi bon ?). Et puis, je suis terrifiée par l'ascension des partis totalitaires en France. Comment contrer cela ?

En ce contexte électoral, j'ai lu un peu de littérature française contemporaine. Ça en dit souvent plus sur l'état des esprits d'une société que des "programmes électoraux" démagogiques et d'un ennui à périr.

J'ai retenu quelques pépites :

- Vanessa SCHNEIDER : "La fille de Deauville". J'aime beaucoup les bouquins de Vanessa Schneider. Après sa famille puis l'actrice Maria Schneider, voici le portrait de Joëlle Aubron, une fille issue des beaux quartiers qui deviendra l'une des meurtrières d'Action Directe. La colère, la destruction, la folie politique, les rêves d'absolu, c'est de tout cela que parle ce bouquin.

- Eva IONESCO : "Les enfants de la nuit". Une grande qualité d'écriture. Le récit d'apprentissage d'une jeune parisienne dans les années 70. Qu'est-ce que c'est devenir une femme ?
 
- Constance DEBRE : "Nom". Parfois irritant et même déplaisant mais vraiment percutant, dérangeant. D'une radicalité sans doute puérile mais absolue.

- Régis JAUFFRET : "Microfictions 2022". C'est la 3ème livraison de "Microfictions" (depuis 2007). Ca effraie de prime abord : 1 024 pages. Mais en fait, ce sont 500 petites histoires d'une page et demie. Ca se picore donc au hasard de l'humeur ou de la disponibilité. Ce sont, à mes yeux, les meilleures microfictions de Régis Jauffret. Une vertigineuse dénonciation de l'identité sociale sans cesse fracturée par nos rêves, fantasmes, impulsions destructrices. Le lien social, c'est ce que notre méchanceté brute cherche de plus en plus à rompre.


24 commentaires:

Paul a dit…

Hello Carmilla !
Cool. J'aurais dit plus de mal encore, au plan littéraire surtout. C'est le cœur ça. Je l'aurais associé à Houellebecq que je ne goûte guère sinon ses vrais débuts. J'aurais fait plus méchant encore pour son souverainisme, son laïcisme, son nationalisme. Mais vous faites l'essentiel : Mélenchon traîne avec Le Pen, et Houellebecq est avec lui dans la cour d'école. Bravo pour cette entame, la "dégaine exotique", la piscine, la silhouette, et l'adresse ! C'est tragi-comique aussi. C'est moins drôle ou plutôt c'est une triste chute à votre texte, ce musée effacé. Ah, tenez, j'ai horreur de conseils de lecture, mais je me lance : "Après la littérature" Johann Faerber, né comme vous, dans les seventies. J'ai plein de choses à ajouter mais ne le ferai pas (fausses manip. précédentes, frustrations blogguiennes, attirance maniaque pour trois mois dans Google, vampire lviv carmilla).

Paul a dit…

Trois mots

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Paul,

Je partage votre avis : les premiers livres de Houellebecq (Extension du domaine de la lutte et particules élémentaires) sont probablement ses meilleurs. J'ajouterai "La carte et le territoire". Mais de là à en faire le grand écrivain national voire international... Son trop grand ancrage dans l'actualité politique risque de le démoder rapidement.

Quant à Zemmour, je ne crois pas qu'il ait un quelconque talent littéraire mais il est vrai que je n'ai jamais ouvert un de ses livres. Je ne le connais que d'après l'ancienne émission de Laurent Ruquier. Il est un peu une énigme pour moi parce que je pense qu'il n'est, malgré tout, pas complétement stupide. Il s'adonne peut-être au cynisme pour pouvoir exister. Je précise enfin qu'il ne fréquente plus ma piscine (sans doute pour des raisons de sécurité).

Le souverainisme, le nationalisme, c'est le retour des vieilles lunes sinistres. L'hostilité à l'Europe est aujourd'hui partagée à gauche et à droite. C'est inquiétant et ça associe étrangement Mélenchon et Zemmour et Le Pen.

Merci pour votre conseil de lecture.

Bien à vous,

Carmilla

julie a dit…

Bonjour Camilla,
Puisque Zemmour vous relooke, cela prouve qu'il a ou moins du goût :)
Bon dimanche à vous.

Paul a dit…

Bonjour Carmilla,
J'ai omis de vous dire, parce que c'est assez trivial, qu'un maillot rouge, une silhouette élancée, une piscine publique fasse penser à des films, deux pour ma part.

Le Maître nageur, de Trintignant, 1979 son second film, (Eh oui, Jean-Louis, et c'est bien ici dans le sens de second ; son dernier film). Entre Kubrick et Welles, c'est un bide commercial. Mais un comble d'humour noir. Noir au sens de la cruauté. Comment voir un film impossible à trouver ? Vk bien sûr, avec Guy Marchand en maître. Trintignant en jardinier, et une fatale femme mante.

Les Jeux de la Comtesse Dolingen de Gratz (Catherine Binet, 1981 film unique et scandaleux aujourd'hui). Un type se fait draguer à la piscine. Même esprit de piscine post-moderne et glissement dans le scandale et la folie. Accent danois de l'héroïne très mélodieux mais déchirant et qui fait penser à celui de l'héroïne de La nuit du Carrefour de Renoir dans les années 30.

Enfin, pour ce qui est de la post-littérature cela va avec tout, le moderne, le colonialisme et l'impérialisme. Et même et j'ose le croire, le peuple ukrainien et le peuple russe nous mettent-ils en demeure d'accélérer la transition énergétique. Faut aller vite désormais. Et pourquoi donc marcher sur les boulevards Victor Hugo, ces noms des grands hommes, ces poilus en bronze à la gloire des gâchis humains délirants et qui toujours, toujours renvoient à un impérialisme colonisateur. Même Rimbaud s'est barré en chapeau colonial, mais il s'est barré au moins. Ce 19e s. qui ne termine jamais est pourtant toujours soutenu par littérature. Et,au milieu du 19e s. quelque part en Europe Central il y avait Masoch un prémice à la psychanalyse. On s'étonne que Poutine veuille tout brûler de ce qu'il aime tant.. Classique pourtant au sens de la jalousie, c'est le vieux monde qui passe. Enfin j'espère.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Mais je ne crois vraiment pas que ça puisse "matcher" avec Zemmour.

J'ai au moins 10 cms de plus que lui et j'ai, en plus, souvent des talons hauts.

Et puis, je n'ai aucune appétence pour la vie de famille, un foyer avec son chef et des enfants, ce qui semble être, pour lui, le modèle de l'accomplissement social.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Paul,

Il y a en effet, dans les piscines, une ambiance érotique diffuse mais absolument niée par les nageurs. C'est renforcé par l'anonymat, la quasi indifférenciation des tenues et, tout de même, un certain exhibitionnisme corporel(on se mate, se note, se jauge, pas mal).

A ma grande honte, j'avoue que je ne connaissais absolument pas les deux films que vous évoquez. Mais ils semblent très alléchants notamment celui de Catherine Binet qui fut compagne de Georges Perec et amie de Marina Vlady.

La fin du 19ème siècle a, en effet, été une période extraordinaire en Europe avec une profusion de "génies" dans tous les domaines : scientifiques, littéraires, artistiques. Les sociétés n'ont jamais été, à ce point, bouleversées, probablement même plus qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Mais la modernité révolutionnaire du 19ème siècle a débouché sur les guerres mondiales et les replis nationalistes.

Aujourd'hui aussi, on assiste à des replis identitaires, on a du mal à accepter les bouleversements en cours. Le conservatisme, le conformisme, les bonnes mœurs, ont le vent en poupe. Mais cela a-t-il partie liée avec l'impérialisme, le colonialisme ? Je crois quand même que, du côté européen, ces prétentions redoutables ont été abandonnées. On est immunisés. Ailleurs, c'est bien sûr autre chose.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Paul,

J'ai pu trouver et voir aujourd'hui le film de Catherine Binet.
Effectivement puissant et troublant.
Mais absolument inconcevable aujourd'hui.
Il illustre bien l'évolution, dans un sens probablement négatif, des mentalités. Le plus curieux, c'est qu'on est généralement convaincus d'être aujourd'hui infiniment plus libérés en matière de mœurs, qu'il y a 40 ans.

Merci pour cette découverte,

Carmilla

Paul a dit…

"Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ?"
Charles Perrault, dit par l'héroïne, dans le bureau à la toute fin. C'est l'actualité. Mieux vaut s'orienter vers l'excellent film de Breillat (la clef, le donjon, le texte) que dans la chanson de Chedid qui a le mérite de parler du déni d'extrême-droitisation, et, si vous me le demandiez à moi, Carmilla je vous dirai naturellement
"Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie"

Richard a dit…

« Monsieur le président Macron, combien de fois avez-vous négocié avec Poutine, qu’avez-vous obtenu? On ne débat pas, on ne négocie pas avec les criminels, les criminels doivent être combattus. »
— Une citation de  Mateusz Morawiecki, premier ministre de la Pologne

Bonjour Carmilla!
Comte tenu des dernières horreurs, nous n’avons plus de choix, on vient de se faire forcer la main, à force de marcher continuellement sur des œufs on les casse tous. C’est difficile de cacher des massacres, qui plus est, des massacres de civils. Le Premier ministre de la Pologne ne s’en cache pas dans son message directe à Macron.
Le Président de la France aura essayé. Ses intentions étaient bonnes. Mais tout cela est derrière lui. Paradoxalement cela pourrait lui assurer sa réélection. Vu les circonstances où les oppositions se sont peinturés dans le coin, en s’inclinant devant le Paranoïaque de Moscou, dans des tentatives de séductions malhabiles, je ne vois pas comment ils pourraient réduire l’écart qui ne cesse de se creuser. Macron tourne autour du 30% au premier tour selon les sondages. Et, comment les Zemmour, LePen, et Mélenchon, pourraient justifier un rapprochement avec Moscou après ce qui vient de se passer?
Maintenant, se sera à l’Europe de jouer, à cette fameuse Communauté Européenne de s’impliquer entièrement. Il faudra peut-être rationner l’énergie et pas seulement le pétrole. C’est étrange, nous allons peut-être faire de l’écologie négative, ce qu’on était incapable de faire en temps de paix, une guerre va nous obliger à réduire nos consommations d’énergie. Remarquez que nous n’en sommes pas à une contradiction près!
Bonne fin de journée Carmilla!
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Paul,

Je vois quand même bien arriver au pouvoir, à plus ou moins proche échéance, un parti anti-démocratique en France. Il suffit d'additionner les intentions de vote actuelles avec une ambiance générale de dégagisme. Au pays des Lumières, c'est terrifiant !

Catherine Breillat, j'aime beaucoup. Surtout, "Une vraie jeune fille", "Romance", "Une vieille maîtresse". Ses films ont un peu fait mon éducation, si j'ose dire. Elle aussi est devenue, hélas, complétement "inactuelle". Mais je ne vois pas auquel de ses films vous faites allusion.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Les élections en France ne sont nullement jouées. On peut craindre de mauvaises surprises avec la montée en puissance de partis anti-démocratiques.

S'agissant de la Russie, vous posez en effet une question importante. Je ne comprends pas que nombre de dirigeants continuent de dialoguer avec Poutine. Imagine-t-on que Churchill ait continué de dialoguer, d'échanger par téléphone, avec Hitler ou Mussolini pour trouver un compromis, une porte de sortie, une solution leur permettant d'éviter de perdre la face ?

On est vraiment des somnambules. Tant pis si je suis vulgaire, mais, pour moi, la seule porte de sortie de Poutine c'est celle conduisant à des locaux, réservés à des besoins naturels, jusque dans les quels il envisageait de buter les combattants tchétchènes.

Vous dites que c'est difficile de cacher des massacres. Mais soyez assuré que les Russes les nieront jusqu'au bout. Et leurs mensonges, aussi énormes soient-ils, "marchent". Selon une enquête récente, à peu près un Français sur deux pense, en effet, que les crimes sont partagés et que les Américains ont une responsabilité dans le conflit.

Bien à vous,

Carmilla

Paul a dit…

Bonjour Carmilla,
Barbe Bleue - 2009.
Il est un peu modelé comme un téléfilm mais les visages y sont très beaux. Cette fois ça n'est pas trash vu l'époque récente, ça vaut aussi le détour, elle marquera autant. Avec Breillat finalement on ne sait plus comment désirer, d'un point de vue masculin, c'est tout le mérite de l'œuvre. Je pense à l'un de ses films de 1989 situé à Biarritz et, si je n'ai plus son nom en tête je peux le trouver ici sur internet - mais je vous passe le détail, tout ce que j'ai tapé sera perdu. Ce film vaut par l'âge de l'héroïne au tournage en 1988, j'avais son âge à ce moment là. Bref. Oui, tout Breillat.

Richard a dit…

Comment savoir? Le sérieux avait perdu son sens, si jamais il en avait eu un. On était comme des enfants qui réalisent leurs caprices, un premier, un deuxième, un troisième, jusqu’à ce que le monde bascule comme un ivrogne au milieu des cris, soumis à des règles qui changent selon l’envie ou le hasard, selon ce qui se passe par la tête de l’un ou l’autre. Que pouvais-je répondre? Que j’étais en état d’apesanteur, que seuls la fatigue et le froid étaient réels pour moi, que tout le reste m’était devenu indifférent comme de savoir où et avec qui nous partirions?
Andrzej Stasiuk
Le Corbeau blanc
Page 175
Bonjour Carmilla!
Ce livre de Stasiuk intitulé : Le Corbeau blanc aurait pu porter le titre : Les désœuvrés. L’histoire de cette bande de jeunes hommes sont dans l’inanité de leur vie, à l’aube de la trentaine nulle horizon. Alors, ils s’enfonceront dans une randonnée pédestre en plein hiver, qui tournera au cauchemar.

Maintenant que le nom de ce village est connu de tous, Boutcha est devenu tristement célèbre avec ses corps abandonnés dans ses rues, on peut se demander : à quoi ont pensé ces jeunes conscrits lorsqu’ils ont abattu ces gens, à quoi ils pensaient lorsqu’ils pillaient les magasins à la recherche de cigarettes et de vodka? De quoi sont-ils inspirés lorsqu’ils erraient dans les ruines? Étaient-ils si désœuvrés pour satisfaire leurs caprices? C’est bien connu, les pillards changent les règles selon l’envie et le hasard. Je pensais que l’armée russe était plus professionnelle que cela. Les russes viennent de commettre une grave erreur. Nous en sommes tous témoins, donc comme nous faisons partie de cette humanité, tous responsables. Responsable, parce que nous avons laissé faire, responsable, parce que nous avons mal évaluer la situation, responsable, parce qu’on se disait que cela ne nous regardait pas, responsable, parce qu’on ne veut pas s’occuper de politique.

L’abstention ne sera pas une solution dans cette France en élection. J’ai bien hâte de voir le taux de participation. Laisser le pouvoir aux aventuriers politiques est une chose dangereuse, ce qui ressemble à une abdication. Est-ce que la France serait à la recherche d’un nouveau Pétain? Alors vous pourriez reprendre en cœur la chanson de Reggiani : Les loups sont entrés dans Paris.

Les images ne manquent pas, mais maintenant les témoignages abondent et se superposent aux images. Les gens sortent de leurs caves, ils peuvent témoigner, et ils vont témoigner. C’est étrange, ces événements se sont produits alors que je lisais ce livre de Stasiuk, ce qui ne manque pas de puiser dans cette zone ténébreuse de l’humain dans ce qu’il y a de plus abjecte, comme si dans cette partie du monde on ignorait le mot espérance. Le désœuvrement serait-il un trait caractéristique des slaves confortablement assis dans leurs malheurs?

Bonne fin de journée Carmilla!

Richard St-Laurent

KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla

Vous avez oublié de rajouter jojo après affreux...

N'étant pas de première jeunesse j'ai vu défiler bon nombre de présidents depuis De Gaulle(la fin), et je dois dire que la campagne électorale actuelle est assez gratinée dans sa platitude et mièvrerie.

Chacun essaie de trouver la phrase qui fera tilt, c'est à croire que l'élection se joue sur les mots, j'allais dire les maux...

J'espère également que cet affreux, qu'on n'entend pas tellement parler d'économie? se prendra un râteau pour son déterminisme mal placé, tout comme sa concurrente directe...mais nous risquons d'avoir en ces temps peu joyeux, un troisième tour très risqué celui-là, dans la rue, sous entendu que le Président actuel soit réélu...ou sa concurrente.

Je viens de recevoir ma nouvelle carte d'électeur, il faudra pourtant bien voter, c'est un devoir qui devrait être obligatoire.

Bien à vous

Jeff


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Paul,

J'étais passée complétement à côté de "Barbe bleue". Je suppose que c'est parce qu'il n'est, en fait, pas sorti en salles.

Je vais maintenant essayer de trouver ce film. Merci.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Pas facile de répondre en quelques mots à une question aussi complexe que la vôtre qui est, en fait, celle de la banalité du Mal.

Je préciserai donc rapidement que la société russe (et anciennement soviétique) est une société "disciplinaire", voire militaire. L'école, l'armée, l'administration, ça ne rigole vraiment pas et on est soumis à un régime répressif très dur. L'armée en particulier (2 à 3 ans de service) est, paraît-il, absolument épouvantable. Ca laisse des traces. Si vous vous rendez, un jour, en Russie, vous vous en rendrez vite compte en étant confronté à une multitude de petits chefs odieux (gardiens, employés administratifs, etc...) qui prennent plaisir à être désagréables et terroriser les autres. Les contacts, dans la rue, dans une ville, sont rudes.

Ce qui est bizarre, c'est que cette discipline affichée va de pair avec un grand foutoir.

Et puis, il y a une propagande insensée qui n'arrête pas de dénigrer les autres (les occidentaux, les Ukrainiens), de les déshumaniser. Dans un tel cadre, le meurtre est plus facile car il est déculpabilisé.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Je partage votre point de vue: cette campagne présidentielle est vraiment très étrange. La platitude, la mièvrerie, oui sans doute... mais aussi la démagogie.

Y a-t-il des candidats sensés, raisonnables ? J'ai l'impression que tout le monde a évacué le réel et que personne n'est prêt à s'attaquer aux véritables problèmes, notamment économiques.

Mais j'avoue que j'ai très peur. Si après le Covid puis la guerre en Ukraine, je dois aujourd'hui affronter l'élection de Marine Le Pen, je ne sais vraiment pas comment je réagirai.

Dans ce contexte très inquiétant, je ne comprends évidemment pas les gens qui ne votent pas. L'indifférence à la politique, très forte en Russie, permet l'ascension d'un Poutine.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

A l'inverse de vous je dois dire que je n'ai pas peur.

Arrivé aux 3/4 de ma vie avec une santé convenable pour le moment, j'ai toujours su m'adapter aux vicissitudes de la vie, quoi qu'il arrive, mais je dois avouer que le moment actuel soit propice à donner des sueurs froides... et la doudoune en goretex n'y suffira pas.

Bien à vous.

Jeff

Richard a dit…

« Aujourd’hui, la Charte est bafouée. [...] Le droit de veto devient un droit de tuer. »
   Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine
« Je pense que des mesures sur le pétrole et même le gaz seront nécessaires tôt ou tard. »

Charles Michel, président du Conseil européen

Bonjour Carmilla !

En plus de mener une guerre, de recevoir quotidiennement des mauvaises nouvelles, il vient nous dire nos vérités en pleine face, surtout avec ce droit de veto qui paralyse toute prise de décision. C’est peut-être désagréable de se faire dire ses vérités ainsi, qui plus est, ça vient d’un type qui se promènent entre les cadavres et qui pourraient mourir dans la seconde. Il exige rien de moins que des réformes institutionnelles. En pleine crise il faut le faire ! Je pense que c’est un homme qui n’a pas peur de ses sentiments, il n’a pas honte d’essuyer ses larmes en public, il ne se cache pas. Je pense que nous sommes devant un être humain exceptionnel.

Tant qu’à Charles Michel, il affirme ce que je pense depuis longtemps. Il va falloir faire des sacrifices, couper le gaz et le pétrole en provenant de Russie, ce qui va mettre la solidarité européenne à rude épreuve.

Vous avez raison Carmilla, la question du mal est une question difficile qui vient tous nous chercher dans notre entière humanité. Je suis un être compliqué avec des questions compliquées. Ma vie est ainsi et je ne vois pas comment elle pourrait être autrement.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Certes Jeff,

Mais votre "dernier quart", il peut durer plus longtemps que vous ne pensez.

Et puis, je pense qu'on a quand même besoin de s'identifier, au moins en partie, à ses dirigeants.

Moi je suis fière d'avoir un passeport français. Il est associé, pour moi, à la pensée des Lumières et aux droits de l'Homme.

Mais je me vois mal présenter bientôt aux frontières un passeport qui serait associé à Marine Le Pen. Ce serait carrément la Honte.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

En effet, Zelensky révèle une dimension de grand chef d'Etat, dimension qui n'était pas soupçonnée jusqu'alors. Sa juste attitude permet aux Ukrainiens de tenir et résister contre les Russes.

Le pire semble aujourd'hui avoir été évité: l'anéantissement complet du pays (ce qui était le véritable objectif de Poutine).

Mais il n'empêche que les Russes sont toujours là et que leur lâche tactique de bombardement continu des villes épuise et démoralise les populations. Le risque est que, bientôt, les gens n'en puissent plus (de faim, de froid, de fatigue) et acceptent une paix à n'importe quelles conditions.

C'est pour cela qu'il faut absolument fournir des armes à l'Ukraine, et même des armes offensives, sans avoir peur de froisser Poutine.

Au-delà, ce qui est terrible c'est qu'il y aura une haine folle entre Russes et Ukrainiens. Moi-même, je ne sais pas si je serai, un jour, capable de me rendre en Russie. Il y faudra beaucoup d'évolutions pour que ce soit envisageable.

Quant aux sanctions, on constate hélas que la solidarité a des limites et que les Européens ne sont pas forcément disposés à payer plus cher leur essence et leur chauffage pour soutenir l'Ukraine.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

Le dernier "quart" peut aussi s'arrêter brutalement, en avançant dans le temps, on y pense plus qu'à 20 ans.

Quant à mon passeport français(parents français), il m'est arrivé une anecdote dont je ris encore, au moment d'en faire le dernier renouvellement.

La préposée de la mairie, mon nouveau passeport en main et me dévisageant, me demanda si j'étais français car né à l'étranger?
elle n'avait pas, à première vue eu connaissance de la pensée des lumières...

En espérant que les français ne s'identifient pas ce dimanche, au mauvais ou à la mauvaise candidate.

Bien à vous

Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Effectivement Jeff,

On ignore généralement comment on devient Français. Parce que ça semble aller de soi pour la plupart des résidents.

Il faut avoir été confronté à la question pour le savoir.

J'ai personnellement retenu que ce n'étaient ni le Droit du sol (USA), ni le Droit du sang (Allemagne) qui établissaient la nationalité française mais la libre adhésion. C'est un principe issu de la révolution française. Je trouve ça très beau.

Evidemment, c'est, dans la pratique, beaucoup plus compliqué que ça.

Mais ça m'intéresse beaucoup de savoir comment on acquiert une nationalité particulière. Je me renseigne toujours à ce sujet. Ca en dit généralement beaucoup sur un pays. Bizarrement, le droit du sang, pourtant archaïque, demeure prépondérant.

Bien à vous,

Carmilla